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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
16.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 1456/03
présentée par Mikhail Mikhaylovich GORYUSHKIN
contre l’Ukraine

La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 16 octobre 2006 en une chambre composée de :

M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
M. V. Butkevych,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM R. Maruste,
J. Borrego Borrego,
Mme R. Jaeger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 30 octobre 2002,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Mikhail Mikhaylovich Goryushkin, est un ressortissant ukrainien, né en 1932 et résidant à Makeevka. Le gouvernement ukrainien (« le Gouvernement ») est représenté par ses agents, Mme Valeria Lutkovska et M. Yuriy Zaytsev, du Ministère de la Justice.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

En octobre 1996, le requérant assigna son ancien employeur (une mine) en recouvrement des sommes au titre, notamment, de la revalorisation d’une allocation d’incapacité partielle de travail, d’une allocation ponctuelle et de la réparation du dommage moral prétendument causé par le comportement de la défenderesse.

Par un jugement du 25 avril 1997, le tribunal de première instance d’arrondissement Tchernogvardeyskiy à Makeevka (ci-après « le tribunal de première instance») accueillit partiellement la demande. Par un arrêt du 19 juin 1997, la Cour de la région de Donetsk infirma le jugement précité et renvoya l’affaire au tribunal de première instance.

Par un jugement du 9 février 1998, le tribunal de première instance accueillit partiellement la demande du requérant. Le jugement n’ayant pas été contesté, acquit la force de chose jugée peu après.

Par un arrêt du 16 septembre 1998, le Présidium de la Cour de la région de Donetsk, infirma, suite au protest enclenché par le parquet à la demande de la défenderesse, le jugement définitif du 9 février 1998 et renvoya l’affaire au tribunal de première instance pour un nouvel examen.

Par une décision du 16 février 1999, le tribunal de première instance infligea une amende aux parties pour non-comparution sans raisons valables.

Par un jugement du 26 février 1999, le tribunal de première instance accueillit partiellement la demande du requérant. Par un arrêt du 22 avril 1999, la Cour de la région de Donetsk maintint la partie du jugement précité pour autant qu’il portait sur le refus de paiement d’une somme au titre du dommage moral et renvoya le reste de la demande au tribunal de première instance en vue d’un nouvel examen.

Par un jugement du 10 août 1999, le tribunal de première instance fit partiellement droit au requérant.

Par un arrêt du 1er mars 2000, la Cour de la région de Donetsk infirma, suite au protest introduit par le parquet, le jugement du 10 août 1999, devenu à ce jour définitif, et renvoya l’affaire pour réexamen.

Des cinq audiences fixées entre le 4 avril et le 19 mai 2000, trois étaient reportées tantôt pour non-comparution du requérant tantôt pour comparution de son représentant sans procuration valable. Par une décision du 23 août 2000, le tribunal de première instance clôtura la procédure pour non-comparution systématique du requérant en audience. Par un arrêt du 28 mars 2001, la Cour de la région Donetsk, suite au protest du parquet, infirma la décision du 23 août 2000 et renvoya l’affaire pour un nouvel examen.

Par une décision du 30 juillet 2001, le tribunal de première instance débouta le requérant. Le requérant interjeta appel.

Par un arrêt du 19 novembre 2001, la Cour d’appel de la région de Donetsk confirma le jugement précité.

Par une décision du 29 mars 2002, la Cour Suprême de l’Ukraine écarta le pourvoi du requérant, n’ayant décelé aucune application erronée de la législation interne lors de l’examen de la demande. Cette décision fut notifiée au requérant le 15 mai 2002.

GRIEFS

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint d’une violation de son droit à un procès équitable, de l’issue de la procédure et de sa durée déraisonnable, et, du non-respect du délai légal d’examen des litiges relevant du droit de travail.

EN DROIT

Le requérant se plaint de la durée de la procédure civile, de son caractère non-équitable et du non-respect du délai d’examen de sa demande imparti par le droit interne sur le fondement de l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

1. Sur la durée de la procédure

Le Gouvernement soutient que la compétence de la Cour dans le cas d’espèce ne peut être étendue qu’aux faits ayant eu lieu après le 11 septembre 1997, date d’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de l’Ukraine et de la prise d’effet de la déclaration ukrainienne d’acceptation du droit de recours individuel. Par ailleurs, envisagée dans sa globalité, la durée de cette procédure, au cours de laquelle trois instances eurent à se prononcer, ne peut pas, selon le Gouvernement, être considérée comme déraisonnable, au sens de l’article 6 de la Convention eu égard à la complexité de l’affaire liée au calcul des allocations, la non-comparution systématique des parties en l’audience et à la contestation par le requérant des décisions devant les instances supérieures.

Le requérant s’oppose à cette thèse. Il soutient que l’affaire, qui a débuté en octobre 1996, a duré plus de six ans, ce qui, selon lui, ne répond ni aux délais fixés par la législation nationale, ni à l’exigence du « délai raisonnable » de l’article 6 § 1 de la Convention.

A. Période à prendre en considération

La Cour observe que la procédure a débuté en octobre 1996 de sorte qu’une partie de cette procédure échappe à sa compétence ratione temporis. Toutefois, lors de l’examen des griefs du requérant, la Cour pourrait tenir compte du stade de la procédure au 11 septembre 1997 (voir, mutatis mutandis, Bagetta c. Italie, arrêt du 25 juin 1987, série A no 119, p. 35, § 20).

Par ailleurs, la Cour note que les périodes entre les décisions des 9 février 1998, 10 août 1999 et 23 août 2000, et les arrêts de la Cour de la région de Donetsk les annulant, rendus, respectivement, le 16 septembre 1998, le 1er mars 2000 et le 28 mars 2001, ne peuvent pas être prises en compte dans le calcul de la durée globale de la procédure, car il s’agit de l’utilisation d’une voie de recours extraordinaire, tel qu’est le protest, enclenché par le parquet (voir, Markin c. Russie (dec.), no 59502/00, 16 septembre 2004, Pavlyulynets c. Ukraine, no 70767/01, § 41, 6 septembre 2005).

Partant, la Cour constate que la durée globale de la procédure était de deux ans et onze mois pour trois degrés des juridictions.

B. Caractère raisonnable de la durée de la procédure

La Cour rappelle que selon sa jurisprudence constante, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et à l’aide des critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement des parties et le comportement des autorités saisies de l’affaire (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Pélissier et Sassi c. France [G.C.], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II) et que « seules les lenteurs imputables à l’Etat peuvent amener à conclure à l’inobservation du délai raisonnable » (voir, entre autres, arrêt H. c. France du 24 octobre 1989, série A no 162, p. 21, § 55). Par ailleurs, la Cour souligne qu’une diligence particulière s’impose pour le contentieux du travail.

En l’espèce, la Cour constate que l’affaire ne revêtait aucune complexité particulière. Quant au comportement des autorités judiciaires compétentes, la Cour ne remarque aucune longue période d’inactivité substantielle, les audiences ayant été fixées régulièrement. La Cour relève, en l’occurrence, que tout au long de la procédure, les audiences ont été reportées à maintes reprises pour non-comparution des parties et que le comportement du requérant a contribué, en partie, à allonger la procédure.

Dans ces circonstances, la Cour estime que la durée globale de la procédure ne se révèle pas suffisamment importante pour que l’on puisse conclure à une violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir, Foley c. Royaume-Uni, no 39197/98, § 38, 22 octobre 2002). En outre, le non-respect des délais impartis par le droit interne est sans incidence en l’espèce (voir, Wiesinger c. Autriche, arrêt du 30 octobre 1991, série A no 213, p. 22, § 60).

Il s’ensuit que le grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. Sur l’équité de la procédure

La Cour rappelle qu’elle a pour seule tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. En particulier, elle n’est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, ou pour substituer sa propre appréciation à celle des juridictions nationales, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d’avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (voir par exemple, García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, §§ 28-29, CEDH 1999-I). Dans la présente affaire, il ressort du dossier que les demandes du requérant furent examinées par tous les degrés de juridictions ukrainiennes au cours d’une procédure contradictoire; que le requérant a pu présenter ses éléments de preuve et débattre librement ceux apportés par la partie adverse; enfin, que le litige a été tranché par des décisions suffisamment motivées.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit également être rejetée comme étant manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention ;

Déclare la requête irrecevable.

Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président