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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
16.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 69248/01
présentée par Hussein MEHMEDALI
contre la Bulgarie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 16 octobre 2006 en une chambre composée de :

M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
M. V. Butkevych,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM. R. Maruste,
J. Borrego Borrego,
Mme R. Jaeger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 5 avril 2001,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Hussein Mehmedali, est un ressortissant bulgare, né en 1977 et résidant à Momtchilgrad. Il est représenté devant la Cour par Me M. Ekimdjiev, avocat à Plovdiv.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

1. La procédure pénale à l’encontre du requérant

Le 6 février 2001, le domicile du requérant fut perquisitionné et une certaine quantité d’une substance fut saisie. L’essai effectué sur place démontra que la substance saisie était de l’héroïne.

Le 7 février 2001, le requérant fut arrêté et mis en examen pour détention de stupéfiants. On lui reprochait notamment d’avoir acheté une certaine quantité d’héroïne le 24 janvier 2001 et d’avoir été en possession d’une partie de cette substance (0,49 gramme) le 6 février 2001.

Le 16 février 2001, une expertise chimique de la substance fut ordonnée. L’expert déposa son rapport le 28 mars 2001. Il conclut que la substance saisie était de l’héroïne contenant 32 % de diacétylmorphine ; l’expert indiqua inter alia que la totalité de la substance avait été utilisée aux fins de l’expertise.

A une date non communiquée, une expertise psychiatrique du prévenu fut ordonnée dans le but d’établir si au moment de son arrestation le requérant était en état d’abstinence et si la quantité d’héroïne trouvée sur lui constituait une dose unitaire eu égard au niveau de dépendance de l’intéressé. L’expert établit son rapport le 25 avril 2001. Selon lui, le requérant était en état de dépendance de l’héroïne. Cependant, rien n’indiquait qu’il était en état d’abstinence au moment de son arrestation. Par ailleurs, la quantité de drogue dont il était en possession correspondait à sa dose journalière.

Le 4 mai 2001, le requérant prit connaissance des pièces à conviction.

Le 10 mai 2001, l’acte d’accusation fut établi et l’affaire fut renvoyée en jugement.

A l’audience du 26 juin 2001, le tribunal versa au dossier les rapports des experts et l’expert médical fut interrogé. Les parties déclarèrent ne pas vouloir interroger l’expert chimiste.

Par un jugement rendu le même jour, le tribunal régional de Kardjali reconnut le requérant coupable mais ne lui imposa pas de peine, estimant qu’il était dépendant de la drogue et que la quantité d’héroïne trouvée sur lui constituait une dose unitaire destinée à l’usage personnel.

Le parquet interjeta appel. Une nouvelle expertise fut ordonnée afin d’établir si le requérant pouvait consommer sa dose journalière en une fois. Par ailleurs, l’intéressé et des témoins furent interrogés à cet effet.

Le 25 mars 2002, la cour d’appel de Plovdiv infirma le jugement attaqué et reconnut le requérant coupable, ayant constaté que les conclusions du tribunal régional qu’il s’agissait d’une dose unitaire ne pouvaient être accueillies à la lumière des preuves recueillies.

La cour d’appel se référa aux conclusions des experts psychiatres selon lesquelles le requérant absorbait entre quatre et douze doses en une journée et qu’aucune des doses n’atteignait la quantité trouvée sur lui. Elle observa :

« Au vu des éléments disponibles, notamment les conclusions de l’expert D., les déclarations du prévenu, selon lesquelles il n’a jamais pris la totalité de la substance normalement achetée – 0,5 gramme, et les témoignages allant dans le même sens, force est de constater que nous ne sommes pas en présence de l’hypothèse prévue à l’article 354a alinéa 3 CP car la quantité d’héroïne trouvée sur l’accusé ne pouvait pas être consommée en une seule fois (...). L’interprétation linguistique et grammaticale de l’expression « consommés en une seule fois » démontre qu’elle ne peut pas être confondue avec des expressions, telle « dose journalière » (...). La prise de drogue présuppose la commission d’un acte de la part du prévenu et se termine une fois cet acte accompli. Tout acte nouveau constitue une nouvelle prise de drogue et doit être qualifié autrement ; il s’agit de « deux » prises, « trois » prises, « plusieurs prises » [de drogue] et non plus d’une seule prise. La thèse de la défense relève donc d’une interprétation extensive qui ne correspond pas à la volonté du législateur (...). »

Ayant constaté la présence de plusieurs circonstances atténuantes exceptionnelles, en particulier le fait que le requérant consommait de la drogue et la quantité de la substance trouvée sur lui, la cour prononça une peine de deux ans d’emprisonnement. La juridiction estima toutefois qu’elle ne pouvait pas ordonner un sursis de la peine eu égard aux condamnations antérieures de l’intéressé, qui avait déjà été condamné pour vol et pour deux infractions aux règles de la circulation routière.

Suite au pourvoi en cassation formé par le requérant, la Cour suprême de cassation cassa le jugement d’appel, ayant constaté certaines irrégularités procédurales, et renvoya l’affaire à une autre formation de la cour d’appel de Plovdiv.

Une nouvelle expertise psychiatrique du requérant fut ordonnée. Le rapport des experts fut rédigé le 26 juin 2003. Suite à un nouvel examen de l’intéressé et des éléments du dossier, ils conclurent que le requérant n’était pas dépendant de l’héroïne au moment de son arrestation, il avait d’ailleurs cessé d’en consommer après son placement en détention provisoire. Ils n’exclurent toutefois pas la possibilité d’« usage nocif » (злоупотреба) de cette substance de la part de l’intéressé. Les experts constatèrent également que la quantité trouvée sur l’accusé ne pouvait pas être consommée en une fois, en raison notamment de sa teneur en diacétylmorphine. Les parties ne contestèrent pas les conclusions des médecins.

Par un jugement du 2 octobre 2003, la cour d’appel de Plovdiv reconnut le requérant coupable et, ayant constaté la présence de plusieurs circonstances atténuantes, notamment l’âge du requérant, la quantité et la valeur de la substance saisie, le fait que l’intéressé avait cessé de consommer de la drogue et avait fondé une famille, lui imposa une peine d’un an d’emprisonnement. Elle réfuta l’argument principal de la défense, selon lequel la procédure était entachée de graves irrégularités procédurales dans la mesure où les autorités de poursuite avaient omis d’effectuer un prélèvement représentatif (представителна проба) de la substance illicite, au motif que la loi sur le contrôle des stupéfiants et des précurseurs de drogues prévoyait le prélèvement d’un échantillon lorsque la substance en question dépassait 1 kilogramme.

L’intéressé se pourvut en cassation. Selon lui, la procédure était entachée de graves irrégularités procédurales dans la mesure où les autorités de poursuite avaient omis d’effectuer un prélèvement représentatif de la substance saisie. Or, celle-ci avait été entièrement utilisée aux fins de l’expertise et il était privé de la possibilité de contester les conclusions de l’expert relatives à la composition du produit. A titre subsidiaire, le requérant soutint que la peine imposée était manifestement injuste au vu notamment de l’absence de définition légale des termes « usage unitaire » (еднократна употреба) et « dose unitaire » (еднократна доза) et le manque de précision de l’expression « quantité indiquant que le stupéfiant est destiné à être consommé en une seule fois ». Selon le requérant, cette expression prêtait à équivoque, ce qui était contraire à l’article 6 § 1 de la Convention.

Par un arrêt du 21 avril 2004, la Cour suprême de cassation confirma le jugement attaqué, ayant constaté que les autorités de poursuite n’avaient pas enfreint les consignes de prélèvement. Les droits de la défense avaient été respectés, le requérant ayant pris connaissance du procès-verbal d’expertise au stade de l’enquête et à l’audience du tribunal régional. L’intéressé n’avait d’ailleurs pas contesté les conclusions de l’expert.

La haute juridiction observa également que le requérant n’avait pas contesté les conclusions des experts médicaux qui étaient dûment motivées et corroborées par les autres éléments de preuve. Enfin, la cour estima qu’une atténuation de la peine n’était pas appropriée eu égard aux antécédents criminels du requérant.

2. Les recours contre la détention provisoire

Le requérant fut arrêté et placé en détention provisoire le 7 février 2001. Le 9 février 2001, l’intéressé fut traduit devant le tribunal régional de Kardjali qui par une ordonnance rendue le même jour confirma la mesure, estimant que les preuves disponibles à ce stade de la procédure, à savoir les aveux du requérant, les témoignages recueillis et le procès-verbal de la perquisition, étaient suffisantes pour justifier les soupçons à l’encontre de l’intéressé.

A une date non communiquée, le conseil du requérant introduisit un recours contre cette ordonnance. Il soutint qu’il n’existait pas de rasions plausibles de soupçonner que le requérant avait commis une infraction et demanda l’audition de deux témoins qui devaient établir que le requérant prenait régulièrement de stupéfiants et qu’il était en état de dépendance. L’intéressé n’a pas produit de copie de son recours.

Il ressort des éléments du dossier qu’à l’audience de la cour d’appel de Plovdiv du 15 février 2001, l’avocat du requérant indiqua que les témoins en question devaient témoigner du fait que la substance trouvée sur l’intéressé était destinée à l’usage personnel, ainsi que de la quantité de la substance trouvée sur lui et apporter des précisions concernant l’état de santé du prévenu.

Le même jour, après en avoir délibéré, la cour d’appel de Plovdiv rejeta la demande relative à l’interrogatoire des témoins, estimant qu’il ne lui incombait pas de recueillir des preuves relatives au bien-fondé de l’accusation. Elle observa :

« Il n’appartient pas à la cour de réunir des preuves relatives au bien-fondé des accusations soulevées sinon cette procédure [concernant la légalité de la détention provisoire] risque de doubler la procédure pénale. Par ailleurs, les preuves recueillies dans le cadre de la présente procédure ne sont pas des moyens de preuve valables dans la procédure pénale contre le détenu. La présente procédure présuppose une appréciation de l’admissibilité et de la pertinence des preuves disponibles afin de juger de la légalité de la mesure visant à garantir la comparution du prévenu. Rien ne s’oppose à ce que les éléments de preuve proposés soient communiqués dans le cadre de la procédure pénale (...), après quoi la défense a (...) la possibilité de saisir le tribunal régional d’une nouvelle demande de mise en liberté. »

Par ailleurs, la cour rejeta le recours estimant que les éléments de preuve disponibles ne permettaient pas de conclure que le requérant était dépendant de l’héroïne, et qu’il existait un danger réel de fuite eu égard à la situation financière instable du prévenu et au fait qu’il était accusé d’avoir commis une infraction pendant la période du sursis ordonné pour une condamnation antérieure.

A une date non précisée, le requérant forma une demande de mise en liberté ; le 12 mars 2001, elle fut rejetée par le tribunal régional de Kardjali. L’intéressé ne fournit pas de copie de cette ordonnance.

Le requérant interjeta appel devant la cour d’appel de Plovdiv. A l’audience du 20 mars 2001, son conseil demanda une nouvelle fois l’audition d’un témoin qui pouvait établir que les accusations n’étaient pas fondées et que la drogue était destinée à l’usage personnel. Cette demande resta sans suite pour des rasions identiques à celles ayant motivée le rejet de la première demande d’audition de témoins.

Le même jour, après en avoir délibéré, la cour rejeta le recours du requérant estimant qu’aucun élément nouveau ne justifiait sa mise en liberté. Il ne ressortait pas des preuves disponibles à ce stade de la procédure que le prévenu était dépendant de l’héroïne. Par ailleurs, il existait un risque réel de fuite et d’entrave à la justice, le requérant étant accusé d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans et commise pendant la période de sursis d’une peine antérieure.

Estimant que l’examen des recours contre la mesure provisoire de l’intéressé ralentissait l’enquête, la cour imposa au requérant une interdiction de former des demandes de mise en liberté dans les deux mois suivants.

Le requérant fut libéré le 26 juin 2001, suite au prononcé du jugement du tribunal régional de Kardjali.

B. Le droit interne pertinent

1. La Constitution

Aux termes de l’article 32 alinéa 1 :

« Le respect de la vie privée est un droit inaliénable de chacun des concitoyens. Chaque personne a le droit d’être protégée des ingérences illégales dans sa vie privée et familiale, ainsi que des atteintes à son honneur, à sa dignité et à sa réputation. »

2. Contrôle judiciaire de la détention provisoire

L’article 152b du Code de procédure pénale de 1974 (CPP), tel qu’en vigueur à l’époque des faits, prévoyait le droit pour toute personne placée en détention provisoire d’introduire un recours judiciaire contre sa détention. Le tribunal examinait la demande en audience publique avec citation des parties, dans un délai de trois jours à compter de la réception de la demande au greffe (alinéa 4). Les décisions du tribunal de première instance sur les recours étaient susceptibles d’appel (alinéa 8).

Aux termes de l’alinéa 7 de cet article, lorsque la demande de mise en liberté introduite par le détenu ou son conseil était rejetée, le tribunal était habilité d’interdire l’introduction d’un nouveau recours contre la détention pour une période pouvant aller jusqu’à deux mois. Cette mesure ne s’appliquait pas lorsque la nouvelle demande était motivée par des rasions médicales.

3. Dispositions relatives à la conservation des éléments de preuve matériels

L’article 90 de la loi sur le contrôle des stupéfiants et des précurseurs de drogues, prévoit que lorsque la quantité de la substance saisie par la police dépasse un kilogramme, les autorités compétentes doivent en prélever un échantillon représentatif. La marche à suivre à cet égard est régie par un décret ministériel du 14 mars 2000.

4. Autres dispositions pertinentes

Aux termes de l’article 354a alinéa 1 du Code pénal (CP), le fait de « fabriquer, transformer, acquérir, distribuer, garder, posséder, transporter ou porter des stupéfiants ou des produits assimilés aux stupéfiants » est passible d’une peine d’emprisonnement allant de trois à quinze ans.

L’article 354a alinéa 3 CP, tel que modifié par un amendement du 17 mars 2000, énonçait que :

« N’est pas punie une personne en état de dépendance aux stupéfiants qui acquiert, garde, possède ou porte des stupéfiants ou autres produits analogues lorsque leur quantité indique qu’ils sont destinés à être consommés en une seule fois. »

Avant l’entrée en vigueur de l’amendement du 17 mars 2000, le fait « de produire, acquérir, être en possession, transporter ou porter » des stupéfiants n’étant pas destinés à la vente était passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans ou d’une peine de travail.

Le troisième alinéa de l’article 354a CP fut abrogé en mars 2004. Il ressort des procès-verbaux des délibérations au sein de l’Assemblée nationale que cet amendement a été motivé principalement par l’augmentation du nombre des personnes dépendantes de la drogue, mais également par des exemples fragrants d’interprétation inexacte de cette disposition par les tribunaux internes.

Suite à l’entrée en vigueur, le 13 octobre 2006, d’un nouvel amendement du code, le cinquième alinéa de l’article 354a prévoit que la détention de stupéfiants est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 000 levs (environ 495 euros) en cas d’insignifiance de la faute imputée au prévenu.

Par ailleurs, aux termes de l’article 55 du Code pénal, en cas de circonstances atténuantes exceptionnelles ou nombreuses, lorsque la peine prévue par le code s’avère démesurée par rapport à la gravité des faits, la juridiction peut fixer une peine en dessous du minimum prévu ou encore imposer une amende.

GRIEFS

1. Le requérant allègue une violation de l’article 5 § 1 c) de la Convention, estimant qu’au moment de son arrestation il n’y avait pas de raisons plausibles de soupçonner qu’il avait commis une infraction.

2. Invoquant l’article 5 §§ 3 et 4 de la Convention, le requérant se plaint de la limitation de son droit de recourir contre la détention provisoire imposée par la cour d’appel de Plovdiv. Par ailleurs, il se plaint des refus des tribunaux saisis de ses demandes de mise en liberté d’entendre les témoins proposés par lui.

3. Le requérant invoque en outre l’article 5 § 5 en ce qu’il n’aurait pas disposé de droit à obtenir réparation pour sa détention, qu’il estime contraire à l’article 5 §§ 1 et 4.

4. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant allègue que du fait même de l’incrimination de l’usage de stupéfiants il a été privé d’accès à un tribunal indépendant. Par ailleurs, il dénonce certaines irrégularités ayant marqué la procédure pénale à son encontre, notamment l’omission des autorités de poursuite d’effectuer un prélèvement représentatif sur la substance trouvée sur lui. Enfin, le requérant se plaint de la qualité de la loi pénale.

5. Invoquant les articles 6 § 2 et 8 de la Convention, le requérant se plaint du fait que sa condamnation aurait interféré avec sa vie privée, mettant en cause son choix de faire usage de stupéfiants et dénonce la loi pénale aux termes de laquelle tout usager de stupéfiants en possession d’une quantité dépassant la dose unitaire serait assimilé à un producteur ou trafiquant de stupéfiants.

6. Par ailleurs, invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant maintient qu’il n’existe pas en droit interne de recours susceptible à remédier aux violations alléguées des articles 6 et 8 de la Convention.

EN DROIT

1. L’intéressé considère que son arrestation était irrégulière dans la mesure où il n’y avait pas de raisons plausibles de le soupçonner de la commission d’une infraction. Il invoque l’article 5 § 1, qui dispose comme suit dans ses parties pertinentes :

« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ; (...) »

La Cour constate que le requérant a été arrêté pour détention illicite de stupéfiants suite à la perquisition effectuée à son domicile et à la saisie d’une certaine quantité d’une substance qui s’est avérée être de l’héroïne, circonstance établie suite à l’essai effectué sur le terrain et confirmée par les déclarations de l’intéressé à l’audience du tribunal régional de Kardjali, devant lequel il a été traduit conformément à l’article 5 § 3 de la Convention.

Dès lors, la Cour considère que les éléments dont disposaient les autorités étaient suffisants pour justifier les soupçons à l’encontre du requérant. Le grief est donc manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. Invoquant l’article 5 §§ 3 et 4 de la Convention, le requérant se plaint de l’étendue limitée du contrôle judiciaire sur la détention provisoire et de l’interdiction d’introduire de nouvelles demandes de mise en liberté, imposée le 20 mars 2001.

La Cour estime que les griefs relèvent de l’article 5 § 4 de la Convention, qui se lit comme suit :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

2.1. Pour ce qui est du refus des tribunaux d’entendre les témoins proposés par le requérant, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 5 § 4 de la Convention, les personnes arrêtées ou détenues ont droit à un examen du respect des exigences de procédure et de fond nécessaires à la « régularité » et à la « légalité », au sens de l’article 5 § 1, de leur privation de liberté. Cette disposition n’oblige pas le magistrat à étudier en profondeur chacun des arguments avancés par le prévenu. Toutefois, les garanties qu’elle consacre seraient vidées de leur sens si le juge, en s’appuyant sur le droit et la pratique interne, pouvait considérer comme dénuées de pertinence, ou omettre de prendre en compte, des faits concrets invoqués par le détenu et susceptibles de jeter un doute sur la « légalité » de la privation de liberté au sens de l’article 5 § 1(voir Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 61, CEDH 1999II, et Svipsta c. Lettonie, no 66820/01, § 129, 9 mars 2006.

En l’espèce, la Cour constate que les tribunaux internes ont examiné les arguments avancés par l’intéressé relatifs à l’existence de raisons plausibles de le soupçonner de la commission de l’infraction. Ils ont estimé notamment que les éléments de preuve disponibles ne permettaient pas de conclure que le requérant était dépendant de l’héroïne.

Quant au risque de fuite ou d’entrave à l’enquête, les juridictions internes ont considéré qu’il ne pouvait être écarté, le requérant étant accusé d’une infraction passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans et commise pendant la période de sursis d’une peine antérieure.

Eu égard à la motivation des décisions rendues, la Cour estime que les tribunaux bulgares ont dûment recherché si les conditions indispensables à la régularité de la détention étaient réunies en l’espèce. Le grief est donc manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2.2. Pour ce qui est du grief relatif à l’interdiction d’introduire de nouvelles demandes de mise en liberté, imposée le 20 mars 2001, en l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de le communiquer au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

3. Par ailleurs, l’intéressé indique ne pas disposer de moyen d’obtenir une indemnisation pour sa détention, qu’il estime contraire à l’article 5 §§ 1 et 4. Il invoque l’article 5 § 5, ainsi libellé :

« Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

4. Invoquant l’article 6 § 1 et 13 de la Convention, le requérant soutient que le libellé de l’article 354a alinéa 3 du Code pénal était très imprécis et laissait place à une interprétation arbitraire de la part des tribunaux. L’intéressé allègue qu’il ne disposait pas de recours effectif contre la violation alléguée de son droit à un procès équitable.

Le requérant fait valoir en particulier que les experts médicaux auraient reconnu qu’il n’y avait pas de définition précise du terme « dose destinée à être consommée en une seule fois » employée par la loi pénale, de même que des termes « dose unitaire », « dose journalière ».

La Cour considère qu’il convient d’examiner ce grief sur le terrain de l’article 7 de la Convention dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. (...) »

La Cour rappelle que l’article 7 de la Convention consacre le principe de la légalité des délits et des peines et qu’on doit l’interpréter et l’appliquer de manière à assurer une protection effective contre les poursuites, les condamnations et les sanctions arbitraires (voir S.W. c. Royaume-Uni, arrêt du 22 novembre 1995, série A no 335B, § 34). Il s’ensuit que la loi doit définir clairement les infractions et les sanctions qui les répriment, condition qui se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (voir, parmi d’autres références, Kokkinakis c. Grèce, arrêt du 25 mai 1993, série A no 260A, § 52).

La Cour relève que dans le cas d’espèce, le requérant se plaint du manque de précision de la formule « quantité [indiquant] qu’ils sont destinés à être consommés en une seule fois » employée à l’article 354a alinéa 3 CP. Elle constate que cette disposition ne trouvait à s’appliquer que lorsque deux conditions étaient réunies : l’auteur de l’infraction devait être une personne dépendante à la drogue et la quantité de la substance devait indiquer que la drogue était destinée à être utilisée en une seule fois.

Or, le requérant ne conteste pas les conclusions des instances nationales, selon lesquelles la première de ces deux conditions n’était pas remplie car il n’était pas en état de dépendance à l’héroïne au moment de la commission de l’infraction. Dès lors, la Cour considère que les doutes allégués concernant l’interprétation de la seconde condition étaient, en définitive, sans incidence sur la question de savoir si l’intéressé avait commis un acte réprimé comme infraction par la loi bulgare.

Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

5. Le requérant soulève des griefs relatifs à la partialité alléguée des tribunaux internes et aux irrégularités procédurales, ayant marqué la procédure pénale, notamment l’omission des autorités de poursuite d’effectuer un prélèvement représentatif de la substance saisie, ce qui l’aurait privé de la possibilité de contester les conclusions de l’expert chimiste. Il invoque l’article 6 § 1, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

La Cour estime opportun d’examiner séparément les différentes doléances du requérant.

5.1. S’agissant du grief tiré de la partialité alléguée des tribunaux ayant examiné la cause, la Cour relève que le requérant ne démontre pas avoir invoqué ce grief dans le cadre de la procédure interne. Il convient donc de le rejeter pour non-épuisement des voies de recours internes, conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

5.2. En ce qui concerne la branche du grief relative à l’omission des autorités de poursuite d’effectuer un prélèvement sur la substance saisie, la Cour relève que le requérant allègue en premier lieu que les autorités compétentes ont enfreint les consignes de prélèvement et préservation d’éléments de preuve matériels, prévues par le décret ministériel du 14 mars 2000. Par ailleurs, l’intéressé soutient que la destruction de la substance l’a privé de la possibilité de contester les conclusions de l’expert chimiste quant à sa composition, notamment sa teneur en diacétylmorphine, et son poids, contrairement au principe de l’égalité des armes.

La Cour rappelle qu’il revient en principe aux juridictions internes d’apprécier les éléments recueillis par elles et la pertinence de ceux dont l’accusé souhaite la production. Elle doit cependant rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve à charge et à décharge, a revêtu le caractère équitable voulu par l’article 6 § 1 (voir Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne, arrêt du 6 décembre 1988, série A no 146, p. 31, § 67).

La Cour relève que dans la présente affaire, il n’est pas question de dissimulation (voir, a contrario, l’affaire Fitt c. Royaume-Uni [GC], no 29777/96, CEDH 2000II) et de destruction délibérée (voir, a contrario, Georgios Papageorgiou c. Grèce, no 59506/00, CEDH 2003VI) de preuves.

Elle constate que le fait que la totalité de la substance saisie a été utilisée aux fins de l’expertise chimique a été reflété dans le rapport de l’expert dont le requérant a pris connaissance avant la clôture de l’enquête. Par ailleurs, à l’audience du tribunal régional en date du 26 juin 2001, l’intéressé avait la possibilité de demander l’interrogatoire de l’expert chimiste et de contester les résultats obtenus dont il n’a cependant pas fait usage. Force est également de constater que si le requérant se plaint de manière globale de l’impossibilité de demander une contre-expertise, ni lui, ni ses trois conseils n’ont contesté en temps utile les conclusions de l’expert et sa compétence en la matière.

La Cour attache également une importance particulière au fait que les juridictions internes ont fondé leur constat de culpabilité non seulement sur le rapport litigieux mais également sur d’autres éléments de preuve décisifs, tels les aveux du requérant, les dépositions d’autres témoins et le rapport des experts médicaux (voir, a contrario, l’affaire Georgios Papageorgiou précitée).

Enfin, contrairement à ce que laisse entendre l’intéressé, il n’a jamais disputé le fait que la substance trouvée dans son appartement était de l’héroïne, ni la quantité de la substance. Qui plus est, à aucun stade de la procédure pénale il n’a contesté les conclusions des experts médicaux, selon lesquelles il n’était pas en état de dépendance aux stupéfiants au moment de la commission de l’infraction. Or, uniquement une personne dépendante pouvait bénéficier de l’application de l’article 354a alinéa 3. Tel n’était pas le cas d’espèce.

Au vu de ce qui vient d’être exposé, la Cour estime que la procédure en cause n’a pas porté atteinte au droit de l’intéressé à un procès équitable. Le grief est donc manifestement mal fondé et doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 et 4.

6. Le requérant allègue que le fait que le Code pénal bulgare incriminait la détention de stupéfiants portait atteinte à son droit au respect de la vie privée, tel que protégé par l’article 8 de la Convention. Par ailleurs, il se plaint d’une violation de l’article 6 § 2 au motif que tout usager de stupéfiants est pratiquement assimilé à un trafiquant de drogue. Enfin, l’intéressé invoque l’article 13 de la Convention à l’effet qu’il ne dispose pas de recours interne susceptible à remédier aux violations alléguées.

La Cour estime que son grief relève de l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle la notion de « vie privée » est large et ne se prête pas à une définition exhaustive (voir K.A. et A.D. c. Belgique, nos 42758/98 et 45558/99, § 79, 17 février 2005). Elle considère néanmoins qu’aucun « droit » de consommer de stupéfiants illicites ne découle de l’article 8 de la Convention.

Par ailleurs, même à supposer qu’en principe l’ouverture d’une procédure pénale et la condamnation pour détention de stupéfiants puissent constituer une ingérence au sens de l’article 8, le grief s’avère manifestement mal fondé pour les raisons exposées ci-après.

La Cour rappelle que pour se concilier avec le paragraphe 2 de l’article 8, une ingérence dans l’exercice d’un droit garanti par celui-ci doit être « prévue par la loi », inspirée par un ou des buts légitimes d’après ce paragraphe et « nécessaire, dans une société démocratique », à la poursuite de ce ou ces buts (Dudgeon c. Royaume-Uni, arrêt du 22 octobre 1981, série A no 45, p. 19, § 43).

La Cour constate que l’ingérence était prévue par la législation interne, à savoir l’article 354a CP. Par ailleurs, elle ne doute pas qu’elle poursuivait les buts légitimes qui sont la protection de la santé publique et la diminution du taux de la criminalité liée à l’usage de drogue.

Quant à savoir si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique », la Cour observe que les politiques de prévention, de même que les sanctions applicables aux usagers et aux trafiquants de drogue, sont inévitablement hétérogènes parmi les États contractants en raison de la diversité des problèmes spécifiques propres à chaque État, liés notamment au nombre des usagers, au taux de la criminalité liée à la drogue, ou encore à l’ampleur du trafic des stupéfiants. Eu égard à l’importance des intérêts en jeu et aux risques pour la sécurité et la santé publiques inhérents à l’usage de drogue, la Cour considère que les États disposent d’une large marge d’appréciation quand il s’agit de l’approche à adopter en matière de prévention de la toxicomanie et de la lutte contre le trafic de stupéfiants (voir, mutatis mutandis, Laskey, Jaggard et Brown c. Royaume-Uni, arrêt du 19 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997I, pp. 132 et 133, § 43).

S’agissant de la législation en vigueur à l’époque des faits, la Cour note la fourchette de peine prévue par la loi bulgare qui permettait au juge d’infliger des peines moins sévères là où il l’estimait approprié. La législation pertinente prévoyait donc un régime d’application et d’appréciation par les tribunaux qui permettait de prendre en compte dans chaque cas concret tant l’intérêt public à entamer des poursuites que les exigences de la rétribution et de la dissuasion.

Quant à l’application concrète de la loi pénale en l’espèce, la Cour note que les experts psychiatres ont conclu que l’intéressé n’était pas dépendant de la drogue. La Cour observe également que les tribunaux internes ont tenu compte de la quantité de drogue trouvée au domicile de l’intéressé, ainsi que du fait qu’il en consommer pour lui imposer une peine d’un an d’emprisonnement, soit en deçà de la peine minimale prévue par la loi. Du reste, leur décision de lui infliger une peine privative de liberté ferme était en grande partie motivée par les antécédents criminels du requérant, ainsi que par le fait qu’il avait commis l’infraction dans la période de sursis d’une condamnation antérieure.

Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que l’ingérence alléguée est justifiée comme « nécessaire, dans une société démocratique ». Partant, le grief est également manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief tiré de l’article 5 § 4 relatif à l’interdiction d’introduire de nouveaux recours contre la détention, ainsi que du grief tiré de l’article 5 § 5 ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président