Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
5.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
2
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 71251/01
présentée par PARTI NATIONALISTE BASQUE - ORGANISATION REGIONALE D’IPARRALDE
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 5 octobre 2006 en une chambre composée de :

MM. C.L. Rozakis, président,
L. Loucaides,
J.-P. Costa,
Mmes F. Tulkens,
N. Vajić,
M. A. Kovler,
Mme E. Steiner, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 25 avril 2001,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Vu l’avis adopté par la Commission européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise) lors de sa 66ème session plénière (17-18 mars 2006 ; CDL-AD(2006)014), produit sur l’invitation de la Cour (article A 1 § 2 du Règlement),

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le parti requérant est une personne morale de droit français. Il est constitué en association déclarée sur le fondement de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Son nom est Euzko Alberdi Jeltzalea – Iparraldeko Erakundea en langue basque, soit, en français, « Parti Nationaliste Basque Organisation Régionale d’Iparralde », et son siège social est à Bayonne (France) ; le mot Iparralde désigne, en langue basque, une partie du Sud-Ouest de la France. Il est représenté devant la Cour par Mes Javier Chalbaud, Iňigo Quintana et Alejandro Carballo, avocats à Bilbao. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agente, Mme E. Belliard, Directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties peuvent se résumer comme suit.

Datés du 19 août 1996, les statuts du parti requérant indiquent que celui-ci « se constitue comme organisation régionale d’EAJ-PNB dans les provinces de Laburdi (Labourd), Benafarroa (Basse-Navarre) et Zuberoa (Soule) » et adopte « l’idéologie nationale d’EAJ-PNB » et « les principes et modes de fonctionnement traditionnels d’EAJ-PNB dans la mesure de leur compatibilité avec les présents statuts ». L’EAJ-PNB (Eusko Alderdi Jeltzalea – Partido Nacionalista Vasco) est un parti politique de droit espagnol, dont l’objet est de défendre et promouvoir le nationalisme basque.

Le parti requérant indique que son activité est celle de tout parti politique : il développe des programmes politiques, présente des candidats aux élections et participe aux campagnes électorales.

Afin de pouvoir percevoir des fonds, en particulier des contributions financières de l’EAJ-PNB, le parti requérant constitua une association de financement, conformément à l’article 11 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. Le 16 septembre 1998, en application de l’article 11-1 de cette même loi, il déposa une demande d’agrément de cette association devant la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques (« CCFP »).

Le 22 janvier 1999, La CCFP rejeta cette demande par une décision ainsi motivée :

« (...)

Considérant qu’il est demandé à la [CCFP] d’agréer l’association de financement du Parti Nationaliste Basque, en qualité d’association de financement de cette organisation politique au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 11 mars 1988.

Considérant qu’il a été constaté par l’avis de la commission publié au journal officiel du 18 novembre 1998 (...) et qu’il est admis par le président du parti [requérant] dans sa lettre du 20 janvier 1999, que ce parti reçoit des fonds du parti nationaliste basque espagnol.

Considérant que l’article 11-4 de la loi no 88-227 du 1 mars 1988, modifié par la loi no 95-65 du 19 janvier 1995 article 16-1, prohibe le financement d’un parti politique par toute personne morale de droit étranger.

Considérant que le parti nationaliste basque reçoit des subventions du parti nationaliste basque espagnol, auquel la reconnaissance officielle par la loi espagnole ne retire rien de sa nature de personne morale étrangère.

Considérant en conséquence que ce financement irrégulier, qui constitue l’essentiel des ressources du parti nationaliste basque ne lui permet pas de disposer d’une association de financement agréée conformément à la loi.

(...) »

Le 22 juin 1999, le parti requérant saisit le CCFP d’un recours gracieux, lequel fut rejeté le 2 juillet 1999 par une décision ainsi rédigée :

« (...)

Sur [le moyen tiré de] la non interdiction du financement d’un parti politique français par un parti politique de droit étranger.

Considérant qu’après avoir comparé les dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral applicable aux campagnes électorales et l’article 16-1 de la loi du 19 janvier 1995, le requérant soutient que l’article 16-1 (...) se contente de préciser que seul un parti politique peut financer un autre parti politique et que, contrairement aux campagnes électorales, aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit expressément le financement d’un parti politique par un autre parti politique de droit étranger.

Considérant que ce moyen fait abstraction du 5ème alinéa de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 modifié par les lois des 15 janvier 1990 et 19 janvier 1995, selon lequel « aucune association de financement ou aucun mandataire financier ne peut recevoir directement ou indirectement des contributions ou aides matérielles d’un Etat étranger ou d’un personne morale de droit étranger ».

Considérant qu’en application de l’article 11 de la loi du 11 mars 1988 l’intervention d’une association de financement ou d’un mandataire financier est obligatoire pour recevoir des fonds.

Qu’ainsi il résulte de la combinaison de ces deux textes qu’un parti ne peut recevoir des fonds d’un parti politique, personne morale de droit étranger.

Sur [les moyens tirés de] l’atteinte au principe communautaire de libre circulation des capitaux et [de] la non compatibilité avec l’évolution du droit électoral national.

Considérant que ces deux principes se heurtent aux dispositions expresses de la loi française.

Considérant d’abord que la libre circulation des capitaux n’empêche pas la loi locale d’en réglementer certains aspects ;

Considérant ensuite que la représentativité transnationale des partis n’implique pas obligatoirement un soutien financier venant de l’étranger et que, contrairement à ce qui est avancé par le requérant, l’interdiction d’un tel soutien ne nuit aucunement à l’exercice complet du droit de vote et d’éligibilité. (...) »

Le 3 septembre 1999, il saisit le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de cette dernière décision, demande que la haute juridiction administrative rejeta le 8 décembre 2000 par un arrêt rédigé comme il suit :

« (...)

Considérant que l’article 11 de la loi no 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique énonce, dans sa rédaction issue de la loi no 90-55 du 15 janvier 1990, que les partis politiques et leurs organisations territoriales et spécialisées « recueillent des fonds par l’intermédiaire [d’un mandataire] nommément désigné par eux, qui est soit une association de financement, soit une personne physique ; que, selon l’article 11-1 ajouté à la loi du 11 mars 1988 par celle du 15 janvier 1990, l’« agrément en qualité d’association de financement d’un parti politique est donné par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques » ; qu’il découle des dispositions du premier alinéa de l’article 11-6 ajouté à la loi du 11 mars 1988 par celle du 15 janvier 1990 que la délivrance de l’agrément est subordonnée au respect par l’association de financement des prescriptions des articles 11-1 et 11-4 de la loi ; qu’au nombre des prescriptions ainsi visées, figurent celles de l’avant-dernier alinéa de l’article 11-4 aux termes desquelles : « Aucune association de financement ou aucun mandataire financier d’un parti politique ne peut recevoir, directement ou indirectement, des contributions ou aides matérielles d’un Etat étranger ou d’une personne morale de droit étranger » ;

(...)

Sur la légalité interne

Considérant que le groupement requérant fait valoir que la commission a procédé à une fausse application des dispositions de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 et que, pour le cas où l’interprétation qu’elle a donnée viendrait à prévaloir, les dispositions législatives invoquées au soutien de sa décision devraient alors être écartées au motif qu’elles sont contraires à la Constitution et incompatibles avec les engagements internationaux de la France ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la fausse application de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 :

Considérant que (...) l’avant-dernier alinéa de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 interdit aux associations de financement de recevoir des contributions financières « d’un Etat étranger ou d’une personne de droit étranger » ; que les partis politiques étrangers, qui sont au nombre des personnes morales de droit étranger, entrent dans le champ des prévisions de cette prohibition ; que les modifications apportées par la loi du 19 janvier 1995 au deuxième alinéa de l’article 11-4 à l’effet, d’une part, d’interdire à une personne morale de financer un parti ou un groupement politique et, d’autre part, d’exclure de cette interdiction les « partis et groupement politiques » en raison du rôle qui leur est dévolu par l’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; n’ont eu ni pour objet ni pour effet de soustraire les partis politiques étrangers à l’interdiction faite à l’ensemble des personnes morales de droit étranger de financer un parti politique français ; que, par suite, le groupement requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée reposerait sur une fausse application des dispositions de l’avant-dernier alinéa de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 rapprochées de celles de son deuxième alinéa ;


En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen :

Considérant qu’il n’appartient pas au Conseil d’Etat statuant au contentieux d’apprécier la conformité de la loi à la Constitution ; qu’ainsi est inopérant le moyen tiré de ce que l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 serait contraire à l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen à laquelle renvoie de le Préambule de la Constitution ;

En ce qui concerne les moyens tirés de ce que la loi serait incompatible avec les engagements internationaux de la France :

Quant à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

Considérant que le groupement requérant se prévaut de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui reconnaît en son article 10, paragraphe 1, à toute personne le droit à la liberté d’expression « sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considérations de frontières » et dont l’article 14 dénonce que la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention doit être assurée « sans restriction aucune fondée notamment sur ... l’origine nationale » ;

Considérant qu’en admettant même, comme le soutient le groupement requérant, que la réglementation des conditions de financement des partis politiques ait une incidence sur le droit à la liberté d’expression au sens du paragraphe 1 de l’article 10 de la Convention, lequel comprend outre la liberté d’opinion, « la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées », le paragraphe 2 du même article prévoit cependant que « l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités », il peut être soumis à des « restrictions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique », dès lors qu’elles répondent à l’une ou l’autre des exigences énoncées audit paragraphe ; qu’au nombre de celles-ci figure « la défense de l’ordre » ;

Considérant que les groupements et partis politiques entrant dans le champ des prévisions de l’article 4 de la Constitution de la République française ont pour vocation de concourir à l’expression du suffrage dans le cadre de la mise en œuvre de la souveraineté nationale ; que le législateur en interdisant à des Etats étrangers et à des personnes morales de droit étranger de financer les partis politiques nationaux a entendu éviter que ne puisse ainsi s’instaurer un lien de dépendance qui serait préjudiciable à l’expression de la souveraineté nationale ; que l’objectif ainsi poursuivi se rattache à la « défense de l’ordre » au sens des stipulations du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention ; qu’en raison tant de la justification de cette mesure que du fait que le droit à la liberté d’expression ne se trouve affecté que de façon indirecte par les modalités de financement des partis politiques et compte tenu de la marge d’appréciation que l’article 10, paragraphe 2, réserve au législateur national, les dispositions de l’article 11-4 de la loi du 11 ars 1988, ne sont incompatibles ni avec les stipulations de l’article 10 de la Convention, ni davantage avec celles de son article 14 ;

Quant au droit communautaire :

Considérant que le groupement requérant fait valoir que dans la mesure où les ressources procurées à l’association de financement dont la demande d’agrément a été écartée proviennent d’un parti politique ayant son siège dans un Etat membre de la communauté européenne, les dispositions de l’avant-dernier alinéa de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988, en tant qu’elles s’appliquent à une situation régie par le droit communautaire sont incompatibles avec plusieurs stipulations du traité instituant la communauté européenne ;

(...)

Considérant, en troisième lieu, qu’en admettant même que, par certains de ses aspects, le régime de financement des partis politiques puisse avoir une incidence sur la liberté de circulation des capitaux entre les Etats membres garantie par l’article 56 du traité CE, cet article, comme l’indique clairement l’article 58, ne porte pas atteinte au droit qu’ont les Etats membres de prendre « des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public » ; qu’eu égard tout à la fois à l’objectif qu’elle poursuit et aux incidences limitées qu’elle comporte sur la libre circulation des capitaux, la prohibition édictée par l’avant-dernier alinéa de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 est au nombre des mesures susceptibles d’être prises par un Etat membre au titre de l’article 58 du traité ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’incompatibilité de la loi avec l’article 56 doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 qui, comme il a été dit ci-dessus ont pour objet de soustraire les partis politiques dans l’exercice de leur mission à tout lien de dépendance vis-à-vis d’un Etat étranger ou d’une personne morale de droit étranger, ne sont pas non plus incompatible avec les dispositions de l’article 191 du traité, qui figurent dans une partie de ce dernier relative aux institutions de la communauté et plus spécialement au Parlement européen, et aux termes desquelles « les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union ; ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à l’expression politique des citoyens de l’Union » ; qu’ainsi, et à supposer même que l’article 191 engendre des droits à l’égard des particuliers, le moyen invoqué ne peut qu’être écarté ; (...).

B. Le droit interne pertinent

Le premier alinéa de l’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 est libellé comme il suit :

« Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. »

L’article 7 de la loi no 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique réaffirme que « les partis et groupements politiques se forment et exercent leur activité librement », et précise qu’ils jouissent de la personnalité morale, ont le droit d’ester en justice, d’acquérir à titre gratuit ou à titre onéreux des biens meubles ou immeubles ; ils « peuvent effectuer tous les actes conformes à leur mission et notamment créer et administrer des journaux et des instituts de formation conformément aux dispositions des lois en vigueur ».

Le financement de la vie politique en général et des partis politiques en particulier, est régi par la loi (source principale : fiches techniques du Sénat ; www.senat.fr).

1. Le financement des partis politiques

En sus des frais de fonctionnement auxquels ils doivent faire face à l’instar de toute association, les partis politiques engagent des sommes importantes au moment des campagnes électorales. Ils disposent de deux sources principales : un financement privé, généralement modeste, et l’aide publique de l’Etat, dont la part est devenue déterminante.

a) Le financement privé

Comme toute association, les partis politiques peuvent percevoir des cotisations de leurs adhérents. En pratique, cela ne représente cependant qu’une très faible part de leurs ressources.

La loi du 11 mars 1988 (modifiée) leur donne en sus la possibilité de recueillir des dons de personnes physiques (les dons de personnes morales étant quant à elle en principe prohibés) ; les contributions volontaires des personnes physiques sont toutefois traditionnellement faibles.

Les dispositions pertinentes de la loi du 11 mars 1988 (modifiée) sont les suivantes :

Article 11

« Les partis politiques et leurs organisations territoriales ou spécialisées qu’ils désignent à cet effet recueillent des fonds par l’intermédiaire d’un mandataire nommément désigné par eux, qui est soit une association de financement, soit une personne physique. »

Article 11-1

« L’agrément en qualité d’association de financement d’un parti politique est donné par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques mentionnée à l’article L. 52-14 du code électoral, sous réserve de la limitation de l’objet social de l’association au seul financement d’un parti politique et de la conformité de ses statuts aux dispositions des alinéas suivants du présent article. L’agrément est publié au Journal officiel.

Les statuts d’une association agréée en qualité d’association de financement d’un parti politique doivent comporter :

1o La définition de la circonscription territoriale à l’intérieur de laquelle l’association exerce ses activités ;

2o L’engagement d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique pour y déposer tous les dons reçus en vue du financement d’un parti politique. »

Article 11-2

« Le parti politique déclare par écrit à la préfecture de son siège le nom de la personne physique, dénommée mandataire financier, qu’il choisit. La déclaration doit être accompagnée de l’accord exprès de la personne désignée et doit préciser la circonscription territoriale à l’intérieur de laquelle le mandataire financier exerce ses activités.

Le mandataire financier est tenu d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique pour y déposer tous les dons reçus en vue du financement du parti politique. »

Article 11-4

« Les dons consentis par des personnes physiques dûment identifiées à une ou plusieurs associations agréées en qualité d’association de financement ou à un ou plusieurs mandataires financiers d’un même parti politique ne peuvent annuellement excéder 7 500 euros.

Les personnes morales à l’exception des partis ou groupements politiques ne peuvent contribuer au financement des partis ou groupements politiques, ni en consentant des dons, sous quelque forme que ce soit, à leurs associations de financement ou à leurs mandataires financiers, ni en leur fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.

L’association de financement ou le mandataire financier délivre au donateur un reçu dont un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’établissement et d’utilisation. Ce décret détermine également les modalités selon lesquelles les reçus délivrés pour les dons d’un montant égal ou inférieur à 3 000 Euros consentis par les personnes physiques ne mentionnent pas la dénomination du parti ou groupement bénéficiaire.

Tout don de plus de 150 Euros consenti à une association de financement ou à un mandataire financier d’un parti politique doit être versé par chèque.

Aucune association de financement ou aucun mandataire financier d’un parti politique ne peut recevoir, directement ou indirectement, des contributions ou aides matérielles d’un Etat étranger ou d’une personne morale de droit étranger.

Les actes et documents émanant de l’association de financement ou du mandataire financier, destinés aux tiers, et qui ont pour objet de provoquer le versement de dons doivent indiquer, selon le cas, la dénomination de l’association et la date de l’agrément ou le nom du mandataire et la date de la déclaration à la préfecture, ainsi que le parti ou groupement politique destinataire des sommes collectées. »

Article 11-5

« Ceux qui auront versé ou accepté des dons en violation des dispositions de l’article précédent seront punis d’une amende de 360 F à 15 000 F et d’un emprisonnement d’un mois à un an ou de l’une de ces deux peines seulement ».

Article 11-6

« L’agrément est retiré à toute association qui n’a pas respecté les prescriptions prévues par les articles 11-1 et 11-4 de la présente loi.

Dans ce cas, ou lorsqu’il est constaté que l’état récapitulatif mentionné à l’article 11-1 n’a pas été transmis, les suffrages recueillis dans le ressort territorial de l’association par le parti ou groupement politique qui a demandé son agrément sont retirés, pour l’année suivante, du décompte prévu au premier alinéa de l’article 9. »

Article 11-8

« Tout parti ou groupement politique qui a obtenu l’agrément d’une association de financement ou qui a désigné un mandataire financier ne peut recevoir des dons de personnes identifiées que par l’intermédiaire de cette association ou de ce mandataire. Il est fait application, en cas de manquement, des dispositions du dernier alinéa de l’article 11-7. »

b) le financement public

Chaque année, des crédits sont inscrits dans le projet de loi de finances pour être affectés aux partis et groupements politiques ; ils sont répartis entre les partis et groupements, pour moitié à raison de leurs résultats aux dernière élections à l’Assemblée nationale et, pour l’autre moitié, en fonction de leur représentation au Parlement (article 8 de la loi du 11 mars 1988, modifié). La première fraction de ces aides est attribuée à ceux qui, lors du plus récent renouvellement de l’Assemblée nationale, ont présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions, ou n’ont présenté des candidats que dans un ou plusieurs départements d’outre-mer, ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou dans les îles Wallis et Futuna et dont les candidats ont obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans l’ensemble des circonscriptions dans lesquelles ils se sont présentés. La seconde est attribuée à ceux qui sont bénéficiaires de la première fraction, proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui y sont inscrits ou rattachés (article 9 de la loi du 11 mars 1988, modifié).

L’aide de l’Etat est aujourd’hui la première source de financement des partis politiques (80 264 408 EUR répartis entre plus de quarante partis ou groupements en 2002).

L’Etat accorde en sus aux partis des moyens pouvant être considérés comme un financement indirect : les formations politiques représentées par des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale ou au Sénat, en dehors des campagnes électorales, disposent d’un « droit d’antenne » leur permettant de s’exprimer sur les chaînes publiques de radio et de télévision ; ils bénéficient de quelques allégement fiscaux (impôt sur les sociétés à taux réduit) sur certains de leurs revenus propres (location de leurs immeubles bâtis et non bâtis par exemple).

2. Le financement des campagnes électorales

Sauf pour l’élection des conseillers généraux dans des cantons de moins de 9 000 habitants ou des conseillers municipaux dans les communes de moins de 9 000 habitants, tout candidat qui entend recueillir des dons pour l’organisation de sa campagne est tenu de passer par un mandataire financier, lequel est seul habilité à recueillir les fonds servant à couvrir les frais de campagne et assurer le paiement des dépenses (à l’exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique). Les dons consentis par des personnes physiques par candidat et par campagne sont plafonnés à 4 600 EUR ; les contributions des personnes morales, à l’exception des partis et groupements politiques, d’Etats étranger ou de personnes morales de droit étranger sont prohibées (articles L. 52-4 et L. 52-8 du code électoral). Le montant des dépenses électorales est plafonné en fonction du nombre d’habitants dans la circonscription considéré (article L. 52-11 du code électoral). Le mandataire financier doit établir un compte de campagne récapitulant l’ensemble des ressources et des dépenses imputables à la campagne électorale ; certifié par un expert comptable, il est transmis aux fins de contrôle à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, qui l’approuve ou le rejette. Si le compte est approuvé, l’Etat accorde aux candidats ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour, un remboursement forfaitaire pouvant atteindre 50 % du montant du plafond des dépenses dans la circonscription considéré, dans la limite des sommes effectivement dépensées (voir notamment l’article L. 52-11-1 du code électoral).

L’Etat prend en charge les frais afférant à la « propagande officielle », définie comme le coût du papier, l’impression des bulletins de vote, les circulaires, les affiches et les frais d’affichage réglementaires (ces frais sont remboursés sur la base d’un barème officiel aux candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés).

C. Les travaux de la Commission européenne pour la Démocratie par le Droit (Commission de Venise), et de l’Assemblée parlementaire et du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe

Lors de sa 46ème réunion plénières (9-10 mars 2001), la Commission de Venise a adopté des « lignes directrices » « sur le financement des partis politiques » (document CDL-INF (2001) 8), dont les extraits pertinents sont les suivants :

« La Commission de Venise :

S’étant engagée à promouvoir les principes fondamentaux de la démocratie, de l’Etat de droit et de la protection des droits de l’Homme et dans un contexte d’amélioration de la sécurité démocratique pour tous;

Constatant avec inquiétude les problèmes de financement illicite des partis politiques rencontrés récemment dans un nombre de pays membres du Conseil de l’Europe;

Prenant en considération le rô1e essentiel des partis politiques dans toute démocratie et considérant que la liberté d’association, y compris la liberté d’association politique, est une liberté fondamentale protégée par la Convention européenne des Droits de I’Homme et un des é1éments primordiaux pour toute démocratie véritable telle qu’envisagée par le Statut du Conseil de I’Europe ;

Attachant une attention particulière à la pratique des Etats dans le domaine, de financement des partis politiques;

Reconnaissant le besoin de promouvoir davantage les normes futures dans ce domaine, s’appuyant sur les valeurs du patrimoine juridique européen ;

A adopté les lignes directrices suivantes :

1. Aux fins des présentes lignes directrices est considéré parti politique une association de personnes dont l’un des buts est de participer à la gestion des affaires publiques par la présentation des candidats aux élections libres et démocratiques

2. Les partis politiques ainsi désignés peuvent rechercher et recevoir des fonds d’origine publique, ou privée.

A. Financement régulier

financement public

3. Le financement public doit viser tous les partis représentés au Parlement.

4. Cependant, afin d’assurer l’égalité des chances des différentes forces politiques, le financement public pourrait être également étendu à des formations politiques représentant une partie significative du corps électoral et présentant des candidats aux élections. Le financement pourra être fixé périodiquement par le 1égislateur sur la base de critères objectifs.

Des [exemptions] fiscales peuvent être accordées pour les opérations strictement liées à l’activité politique des partis.

5. Le financement des partis par les fonds publics doit être conditionné par un contrô1e de la comptabilité des partis politiques par les organismes publics spécifiques (par exemple, les Cours des Comptes). Les Etats favorisent une politique de transparence financière des partis politiques bénéficiant d’un financement public.

- financement privé

6. Les partis politiques peuvent recevoir des concours financiers privés. Toutefois, les concours venant des Etats ou entreprises étrangères doivent être prohibés. Cette interdiction ne doit pas empêcher le concours financier de la part de nationaux se trouvant à l’étranger.

D’autres limitations pourraient être envisagées, elles peuvent notamment consister en :

a. un plafonnement de chaque contribution;

b. une interdiction de contributions de la part d’entreprises ayant une activité industrielle ou commerciale ou de la part d’organisations d’ordre religieux;

c. un contrôle a priori par les organismes publics spécialisés en la matière des contributions des membres des partis qui souhaitent se présenter aux élections.

7. La transparence du financement privé de chaque parti doit être garantie. A cette fin, le parti devrait rendre publiques chaque année les comptes annuels de l’année précédente, qui comprendront la liste des donations, à l’exception des cotisations. Les donations d’une somme supérieure à un montant fixé par le législateur doivent être enregistrées et rendues public.

(...) »

Le 22 mai 2001, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté la Recommandation suivante (1516 (2001)), relative au financement des partis politique :

« (...)

7. L’Assemblée estime que les règles de financement des partis politiques et des campagnes électorales doivent reposer sur les principes suivants: un équilibre raisonnable entre financements publics et privés, des critères équitables de répartition des contributions de l’État aux partis, des règles strictes régissant les dons privés, un seuil imposé aux dépenses des partis liées aux campagnes électorales, une transparence totale de la comptabilité, la mise en place d’un organisme indépendant de vérification des comptes et des sanctions significatives en cas de violation des règles.

1. En conséquence, l’Assemblée considère que:

A. Concernant les sources de financement

i. Les États devraient encourager la participation des citoyens aux activités des partis politiques, y compris sous la forme d’un soutien financier. Il convient d’accepter le fait que les cotisations des adhérents, qui sont des sources traditionnelles et non controversées de financement, ne suffisent pas pour faire face à des dépenses en augmentation constante dans un contexte de concurrence politique.

ii. Les partis politiques devraient recevoir des contributions financières de l’État pour empêcher la dépendance par rapport à des donateurs privés et pour garantir l’égalité des chances entre les partis politiques. Les contributions financières de l’État devraient, d’une part, être calculées au prorata du soutien politique dont jouissent les partis, évalué selon des critères objectifs tels que le nombre de voix ou de sièges parlementaires, et, d’autre part, permettre à de nouveaux partis d’entrer dans l’arène politique et d’affronter dans des conditions équitables les partis constitués de longue date.

iii. Le soutien de l’État ne doit pas dépasser le niveau strictement nécessaire pour remplir les objectifs ci-dessus, car une dépendance excessive vis-à-vis du financement public peut entraîner un affaiblissement des liens entre les partis et leur électorat.

iv. En dehors de leurs contributions financières, les États peuvent participer indirectement au financement des partis politiques basé sur la loi, par exemple en prenant en charge les frais d’affranchissement postal ou de location des salles de réunion, en aidant les organes de presse, les associations de jeunesse et les instituts de recherche du parti, et en leur accordant des facilités fiscales.

v. Parallèlement au financement public, les contributions privées sont une source essentielle de financement pour les partis politiques. Dans la mesure où le financement privé, en particulier les donations, peut ouvrir la voie à des jeux d’influence ou à des formes de corruption, les règles suivantes devraient s’appliquer:

a. interdiction des donations émanant d’entreprises publiques, d’entreprises sous contrôle public, ou d’entreprises fournissant des biens ou des services au secteur public;

b. interdiction des donations provenant de sociétés domiciliées dans des zones offshore;

c. limitation stricte des donations émanant d’entités juridiques;

d. fixation d’une limite légale sur le montant maximal des donations;

e. interdiction de donations provenant des institutions religieuses.

(...) »

Dans sa Recommandation du 8 avril 2003 (Rec (2003)4), sur les règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe recommande aux gouvernements des Etats membres de « limiter, interdire ou réglementer d’une manière spécifique les dons de sources étrangères » (article 7).

GRIEF

Invoquant les articles 10 et 11 de la Convention combinés, ainsi que l’article 3 du Protocole no 1, le parti requérant se plaint du rejet de sa demande d’agrément de l’association de financement qu’il avait constituée en application de l’article 11 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, au motif que l’essentiel de ses ressources était constitué de subventions du parti nationaliste basque espagnol, personne morale étrangère. La conséquence en serait une grave mise en cause de ses finances et de sa capacité à poursuivre son activité politique – en particulier dans le domaine électoral. Il conteste la conclusion du Conseil d’Etat selon laquelle l’interdiction du financement des partis politiques par des personnes morales de droit étranger est « nécessaire dans une société démocratique » à la « défense de l’ordre publique », et estime qu’il a été fait application de ce principe en sa cause en raison des idées qu’il défend.

EN DROIT

Le parti requérant se plaint du rejet, au motif que l’essentiel de ses ressources était constitué de subventions du parti nationaliste basque espagnol, personne morale étrangère, de sa demande d’agrément de l’association de financement qu’il avait constituée en application de l’article 11 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. La conséquence en serait une grave mise en cause de ses finances et de sa capacité à poursuivre son activité politique – en particulier dans le domaine électoral. Il conteste la conclusion du Conseil d’Etat selon laquelle l’interdiction du financement des partis politiques par des personnes morales de droit étranger est « nécessaire dans une société démocratique » à la « défense de l’ordre publique », et estime qu’il a été fait application de ce principe en sa cause en raison des idées qu’il défend. Il invoque les articles 10 et 11 de la Convention combinés, ainsi que l’article 3 du Protocole no 1, lesquels sont ainsi libellés :

Article 10

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

Article 11

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat. »

Article 3 du Protocole no 1

« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »

1. Thèses des parties

Le Gouvernement soutient principalement que le parti requérant n’a développé devant les juridictions internes aucun moyen tiré de l’article 11 de la Convention ou d’une méconnaissance de son droit à la liberté d’association. Ainsi, nonobstant les liens entre l’article 10 – dûment évoqué au plan interne – et l’article 11, la requête serait irrecevable sur ce point, pour non épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention.

Subsidiairement, sur le fond, le Gouvernement considère que la requête est manifestement mal fondée, que l’on examine les faits dénoncés à la lumière de l’article 11 pris isolément, ou combiné avec l’article 10.

Il expose que la décision prise par la commission nationale des comptes de campagne et de financement politiques (« CCFP ») en la cause du parti requérant a pour seule conséquence de le priver de la possibilité de prétendre à des financements publics ainsi qu’aux avantages financiers prévus par la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique : il ne pourra prétendre, s’il présente des candidats à des élections politiques, à un quelconque remboursement de ses frais de campagne. Cette décision n’a pas pour effet d’interdire au parti requérant de mener ses activités et de recourir à d’autres sources de financement. Le Gouvernement en déduit qu’il n’y a pas en l’espèce « ingérence » dans l’exercice des droits garantis par les articles 10 et 11.

Ensuite, selon le Gouvernement, à supposer une telle ingérence avérée, elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime et est nécessaire dans une société démocratique.

Sur le premier point, le Gouvernement souligne que la décision litigieuse trouve son fondement dans les articles 11-4 et 11-6 de la loi du 11 mars 1988, lequel interdit aux associations de financement des partis politiques de recevoir des contributions financières d’une « personne morale étrangère » – tel qu’un parti politique étranger – sous peine, le cas échéant, de perte de l’agrément leur donnant la possibilité de prétendre au versement de financement publics. Il considère qu’il était prévisible que l’agrément soit refusé au parti requérant sur le fondement de ces dispositions, même si elles ne prévoient expressément que le « retrait » de l’agrément : elles doivent s’entendre comme donnant à la CCFP – qui a une compétence liée –

la possibilité de refuser un agrément, sauf à donner un agrément qui devra être retiré par la suite ; ensuite, il n’est pas contesté que le parti requérant ne remplissait pas les conditions de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 et recevait des dons d’une personne morale de droit étranger ; enfin, une jurisprudence constante reconnaît la possibilité d’opposer les motifs de retrait d’un titre ou d’une autorisation pour refuser l’octroi d’un tel titre ou d’une telle autorisation, dès lors que cette circonstance aboutit au même résultat (le Gouvernement se réfère à un arrêt du conseil d’Etat du 8 janvier 1982, Aldana Barrena, dont il ressortirait que les motifs de déchéance de la qualité de réfugié sont de nature également à justifier le refus de reconnaissance de cette qualité).

Sur le deuxième point, il soutient que cette interdiction prend en compte un « intérêt national de sécurité » : elle vise à protéger « l’expression de la souveraineté nationale » à laquelle, aux termes de la Constitutions française, concourent les partis politiques. Le principe de souveraineté nationale serait indissociable de celui de l’indépendance nationale, lequel interdit des ingérences étrangères dans le fonctionnement de la vie politique nationale. L’objectif poursuivi se rattacherait ainsi non seulement à la « défense de l’ordre » – comme l’a souligné le Conseil d’Etat en l’espèce – mais aussi à la « prévention du crime », dès lors qu’il serait plus difficile de contrôler l’origine et la licéité de fonds en provenance de l’étranger.

Sur le troisième point, le Gouvernement affirme que la mesure litigieuse est raisonnable et proportionnée aux buts poursuivis. Il souligne qu’elle ne met en cause ni l’existence légale du parti requérant, ni sa liberté d’expression, ni sa participation à la vie politique ; elle a pour seule conséquence de le priver de la possibilité de prétendre par le biais de son association de financement à des financements publics ainsi qu’aux avantages financiers prévus par la loi du 11 mars 1988 (remboursement des frais de campagne dans l’hypothèse de candidatures à des élections politiques) et de faire obstacle à ce qu’il reçoive ainsi des contributions dans les conditions de défiscalisation prévues par la loi. Il précise qu’en contrepartie de l’interdiction de certaines sources de financement, les articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 ouvrent aux partis nationaux l’accès à un financement public distribué à tous selon des critères objectifs et transparents, proportionnellement à leur représentation ou forfaitairement dès lors qu’ils ont reçu des dons de personnes physiques ayant atteint un certain montant. La loi compenserait ainsi par des financements publics l’acceptation de certaines restrictions, et contribuerait à favoriser la libre expression politique en apportant une réponse équilibrée et raisonnable aux impératifs d’indépendance nationale et de transparence de la vie politique.

Par ailleurs, si la loi fait obstacle à ce qu’il perçoive des fonds du parti nationaliste basque espagnol comme de toute personne morale étrangère, le parti requérant conserverait la possibilité de recevoir des financements de la part de personnes physiques étrangères.

Au demeurant, le refus d’agréer l’association de financement constituée par le parti requérant, fondé sur le fait non contestée qu’il recourrait à des financement en provenance d’un parti étranger, ne serait pas irrévocable : rien ne l’empêcherait de présenter un nouveau dossier d’agrément pour une association agissant dans le cadre de la réglementation nationale et recevant des dons conformes aux conditions fixées par la loi. Rien ne l’empêcherait non plus de désigner à cette fin une personne physique comme « mandataire financier ». Il aurait alors ainsi la possibilité de recueillir des fonds tant de partis ou de groupements politiques français que de personnes physiques.

En réponse à l’exception de non épuisement des voies de recours internes soulevée par la Gouvernement, le parti requérant met l’accent sur la jurisprudence de la Cour, dont il ressortirait que liberté d’expression (article 10 de la Convention) et liberté d’association (article 11 de la Convention) sont étroitement liées. Il souligne qu’il y a lieu en l’espèce d’examiner les faits qu’il dénonce sous l’angle de ces deux dispositions combinées.

Quant au fond, le parti requérant insiste sur le fait que l’interdiction de recevoir un soutien matériel du parti nationaliste basque espagnol le prive de l’essentiel de ses ressources, de sorte que, concrètement, faute de moyens, il n’a pas la possibilité de poursuivre son activité politique. Se référant à une étude réalisée par l’institut Marx-Planck à la demande du Conseil de l’Europe, il soutient que l’intégration des minorités passe par leur participation à la vie politique, ceci par le biais notamment de la constitution de partis politiques ; or la prohibition de tout financement étranger affecte tout particulièrement ce type de partis. Il ajoute que le refus d’agrément de l’association de financement qu’il a constitué a un effet direct sur sa capacité à recueillir des fonds pour le financement de son activité politique, dont sa participation à des élections.

Il soutient que cette ingérence dans l’exercice de ses droits n’était pas « prévue par la loi » au sens que la Cour donne à cette notion, dès lors que le rejet de sa demande d’agrément sur le fondement de l’avant-dernier alinéa de l’article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 n’était pas prévisible, le premier alinéa de l’article 11-6 de cette même loi n’envisageant pas le « rejet » d’une demande d’agrément mais le « retrait » d’un agrément déjà obtenu. Par ailleurs, le deuxième alinéa de l’article L. 52 du code électoral prévoit expressément que « (...) les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale (...) », et l’article 11-4 (dans sa version amendée par la loi du 19 janvier 1995) de la loi du 11 mars 1998, que « (...) les personnes morales, à l’exception des partis et groupements politiques, ne peuvent contribuer au financement des partis ou regroupements politiques (...) », et aucune disposition légale n’exclut les partis politiques étrangers. En outre, l’avant-dernier alinéa de l’article 11-4 se réfère aux « personnes morales de droit étranger » sans préciser que cela englobe les partis politiques étrangers.

Il conteste que, dans le cas où elle couvre des fonds en provenance de partis politiques inscrits dans un autre Etat membre de l’Union européenne, une telle interdiction puisse légitimement avoir pour but la « défense de l’ordre ». Il estime que la thèse défendue par le Gouvernement à cet égard contredit l’objectif du Règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des « partis politiques au niveau européen », à savoir le renforcement des liens entre les partis et les citoyens de l’Union européenne. Quoi qu’il en soit, le principe de souveraineté nationale auquel se réfère le Gouvernement ne serait de toutes façons pas affecté s’agissant d’un parti politique qui participe exclusivement à des élections locales. Il ajoute que ni les lignes directrices de la Commission de Venise sur le financement des partis politiques ni la Recommandation no 1516(2001) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur le financement des partis politique (ci-dessus), ne retiennent la nécessité de prohiber les contributions de partis politiques étrangers. Ce constat le conduit en sus à rejeter la thèse du Gouvernement selon laquelle cette prohibition est nécessaire à la « prévention du crime » au sens des articles 10 et 11 ; au demeurant, souligne-t-il, en l’espèce, le parti nationaliste basque espagnol est soumis aux mécanismes de transparence et de contrôle financier mis en œuvre par la loi espagnole.

Sur le terrain de la proportionnalité, le parti requérant rappelle que, comme l’a retenu le CCFP, l’essentiel de ses ressources provient du parti nationaliste basque espagnol, de sorte que l’impossibilité pour lui d’en bénéficier affecte grandement ses capacités financières. Il souligne que le financement public serait négligeable en son cas, dès lors qu’il dépend du résultat aux élections nationales et est, de fait, partagé entre les quatre plus grands partis nationaux ; quant au remboursement des dépenses électorales, il suppose une avance de fonds dont il ne peut disposer sans la contribution du parti nationaliste basque espagnol. Par ailleurs, il voit une contradiction entre l’interdiction du financement par des partis européens et la possibilité du financement par des personnes physiques étrangères, dès lors que le contrôle des fonds en provenance des premiers est aisé, à l’inverse de ceux issus des secondes. Selon lui, l’interdiction litigieuse ne repose sur aucun « besoin social impérieux » dès lors qu’il s’agit de contributions d’un parti inscrit dans un Etat membre de l’Union européenne, d’autant moins qu’elle contredit le principe de libre circulation des capitaux au sein de celle-ci.

Enfin, si le parti requérant conserve la possibilité de désigner un mandataire financier et de recueillir ainsi des fonds, il ne pourrait s’agir que de dons de personnes physiques ou de partis politiques français ; or, de par son objet, son domaine géographique d’intervention est limité à une partie très restreinte de la République française, de sorte qu’il ne pourrait espérer aucune aide financière de partis français. En fait, souligne-t-il, dans l’état actuel des choses, soit il voit ses ressources limitées à des contributions de personnes physiques, dans quel cas il n’aurait plus les moyens de financer son activité politique, soit il continue à percevoir des contributions du parti nationaliste basque espagnol, dans quel cas il s’interdit toute intervention dans le domaine électoral.

2. Avis de la Commission de Venise

Les recherches effectuées par la Commission de Venise montrent que le financement des partis politiques par des fonds étrangers est prohibé ou substantiellement restreint dans 28 Etats membres du Conseil de l’Europe ; à l’inverse, 16 autres Etats membres ne connaissent pas de telles limitations. La Commission de Venise souligne que les réglementations nationales relatives aux partis politiques sont le fruit de l’histoire, des traditions politiques et de la pratique, de sorte qu’elles varient grandement d’un Etat à un autre. Dans le domaine du financement, cela va de l’absence totale de réglementation (en Suisse par exemple) ou de la non prohibition des financements étrangers (Chypre, Bosnie-Herzégovine, République Tchèque et Hongrie, notamment), au principe affirmé de l’interdiction des contributions et donations étrangères (comme en France et dans la Fédération de Russie), en passant par des limitations strictes (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie et Moldavie, notamment) ou des exceptions plus ou moins larges à ce principe s’agissant de fonds en provenance d’Etat membres de l’Union européenne (Espagne, Allemagne, Royaume-Uni – sauf Irlande du Nord – et Lituanie, par exemple). Elle en déduit que chaque cas de prohibition de financement des partis politiques par des fonds étrangers doit être considéré séparément, à la lumière du système politique de l’Etat concerné, de ses relations avec ses voisins, de son droit constitutionnel et du système général de financement des partis politique pour lequel il a opté.

La Commission de Venise rappelle ensuite que ses lignes directrices sur le financement des partis politiques retiennent la nécessité de prohiber les dons d’Etats et entreprises étrangers, et que la Recommandation Rec(2003)4 du Comité des Ministres invite les Etats membres à « limiter, interdire ou réglementer d’une manière spécifique les dons de sources étrangères » (ci-dessus). S’agissant en particulier de la nécessité « dans une société démocratique » d’inclure dans cette interdiction les fonds des partis politiques étrangers, la Commission de Venise renvoie aux principes dégagés par la jurisprudence de la Cour, tels qu’ils sont exposés dans l’arrêt The United Macedonian Organisation Ilinden and others v. Bulgaria du 19 janvier 2006 (no 59491/01, §§ 57-62). L’analyse des dispositions internes qui consacrent une telle prohibition montre qu’elle repose sur des raisons qui varient d’un Etat à un autre, du fait notamment de l’histoire et des expériences politique et constitutionnelle propres à chacun. L’une de ces raisons tient de la politique internationaliste de partis politiques extrémiste entre les deux guerres mondiales ; une deuxième, de circonstances similaires durant la guerre froide et de la polarisation du monde qu’elles ont entraîné ; une troisième, de la crainte des mouvements séparatistes ; une quatrième, du fait qu’un système de financement public des partis est mis en œuvre et de la volonté corollaire de maintenir dans le pays les fonds ainsi alloués. Les raisons pour lesquelles de nombreux Etats ne mettent pas en œuvre une telle prohibition (Autriche, Belgique, Danemark et Finlande, par exemple) sont, indique la Commission de Venise, plus difficiles à identifier. Pour certains Etats, cela tient possiblement au fait que la nécessité d’y recourir ne s’y est jamais faite sentir ; d’autres, vraisemblablement, entendent ainsi faciliter politiquement leur propre soutien à des mouvements politiques dans le tiers monde ; d’autres encore semblent ne pas vouloir risquer d’entraver la légitime co-opération entre partis politiques dans le cadre des Assemblées parlementaires du Conseil de l’Europe et de l’OSCE, du Parlement de l’Union européenne et des Organisation de co-opération telles que le Conseil nordique.

Vu la nature particulière de l’Union européenne et le « nouvel ordre juridique » qu’elle constitue, la Commission de Venise juge « raisonnable et approprié » que les Etats membres de l’Union adoptent une approche spécifique de cette question s’agissant du financement de partis politiques par des partis politiques constitués dans d’autres Etats membres de l’Union. Elle rappelle notamment qu’aux termes de l’article 191 du Traité de Rome, « les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union [ ;] ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union ». Elle ajoute dans ce contexte, que le Règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des « partis politiques au niveau européen » (susmentionné), ouvre la possibilité pour de tels partis de recevoir des dons des partis politiques qui en sont membres (article 6) ; son article 7 précise que leur financement « par le budget général de l’Union européenne ainsi que par toute autres source ne peut être utilisé pour le financement direct ou indirect d’autres partis politiques et notamment des partis politiques nationaux, ceux-ci demeurant soumis à l’application de leurs réglementations nationales ». Selon la Commission de Venise, ce Règlement, par son existence même, montre que la co-opération et, dans une certaine mesure, l’intégration des systèmes de financement est nécessaire au fonctionnement des partis politiques tant au niveau national qu’au niveau de l’Union. La Commission de Venise rappelle en outre l’article 57 du Traité qui consacre le libre mouvement des capitaux, soulignant que cette notion couvre en principe tous les transferts de fonds d’un Etat membre vers un autre Etat membre, y compris vraisemblablement entre partis politiques. Dès lors qu’il s’agit d’une liberté fondamentale consacrée par le Traité, son respect s’impose aux Etats membres. La Commission de Venise en déduit que les modalités de financement des partis politiques qu’ils adoptent doivent respecter ce principe, même si le champ de compétence de l’Union européenne dans le domaine des partis politiques se limite à la réglementation des « partis politiques au niveau européen » ; les seules exceptions admises à cet égard en droit communautaires sont celles énumérées par le Traité lui-même (dont l’article 58, qui préserve le droit des Etats membres « de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique ») ou identifiés par la Cour de justice des Communautés européennes.

En conclusion, la Commission de Venise souligne qu’au vu de la variété des approches de la question d’un Etats membres du Conseil de l’Europe à un autre, il ne peut y avoir une réponse unique à la question de la nécessité « dans une société démocratique » de la prohibition du financement des partis politiques par des partis politiques étrangers. Elle estime cependant que l’expérience de la coopération des partis politiques au sein d’Organisations et Institutions supranationales européennes plaide en faveur d’une approche moins restrictive ; une telle coopération est en effet elle-même nécessaire « dans une société démocratique », alors qu’il n’est pas évident qu’il en aille de même de la mise en place d’obstacles à cette coopération par le biais de la prohibition de toutes relations financières entre partis politiques constitués dans des Etats différents. Diverses circonstances peuvent néanmoins être de nature à justifier l’interdiction de contributions de partis politiques : lorsque (notamment) les contributions sont utilisées pour atteindre des objectifs illégaux (par exemple lorsque le parti étranger en question se fait l’avocat de discriminations ou de violations des droits de l’Homme), mettent en cause l’équité ou l’intégrité de la compétition politique, déséquilibrent le processus électoral, menacent l’intégrité territoriale de l’Etat concerné ou font obstacle à son développement démocratique, ou lorsqu’il s’agit d’une obligation internationale pesant sur l’Etat. Ainsi selon la Commission de Venise, pour décider si la prohibition du financement de partis politiques par des partis politiques étrangers est compatible avec les exigences de l’article 11 de la Convention, il faut examiner chaque cas individuellement, en prenant en compte la législation générale sur le financement des partis politiques en vigueur dans l’Etat en cause ainsi que ses obligations internationales – dont, le cas échéant, celles résultant de sa qualité d’Etat membre de l’Union européenne.

3. Appréciation de la Cour

La Cour rappelle en premier lieu qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes ; tout requérant doit avoir préalablement donné aux juridictions internes l’occasion que cette disposition a pour finalité de ménager en principe aux Etats contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre eux. Le grief dont on entend saisir la Cour doit avoir été soulevé, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les juridictions nationales appropriées (voir, parmi d’autres, l’arrêt Selmouni c. France [GC] 28 juillet 1999, no 25803/94, ECHR 1999-V, § 74), étant entendu que l’article 35 doit cependant s’appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif (voir, notamment, l’arrêt Selmouni précité, § 77).

Elle constate que, si le parti requérant a effectivement omis de mentionner l’article 11 de la Convention au plan interne, il a expressément invoqué l’article 10. Or il existe un lien étroit entre ces deux dispositions, en particulier dans le cas des partis politiques, la protection des opinions et de la liberté de les exprimer au sens de l’article 10 de la Convention constituant l’un des objectifs de la liberté de réunion et d’association consacrée par l’article 11 (voir, par exemple, mutatis mutandis, les arrêts Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie, du 30 janvier 1998, Recueil des arrêtes et décisions 1998-I, §§ 42-43, Parti socialiste et autres c. Turquie, 25 mai 1998, Recueil 1998-III, § 41, Refah Partisi (Parti de la prospérité) et autres c. Turkey [GC], du 13 février 2003, nos 41340/98, 41342/98, 41343/98 et 41344/98, CEDH 2003-II, §§ 88-89, et The United Macedonian Organisation Ilinden and others, précité, §§ 59-61). Au demeurant, le test (légalité, légitimité du but poursuivi et nécessité) auquel le Conseil d’Etat a procédé sous l’angle de l’article 10 § 2 pour rejeter le moyen formulé par le parti requérant sur ce fondement est similaire à celui qui s’impose sous l’angle de l’article 11 § 2.

Elle relève ensuite que le parti requérant a en particulier plaidé devant le Conseil d’Etat que l’interdiction du financement d’un parti politique de droit français par un parti politique ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne constitue une grave entrave au développement d’une société démocratique. Il a en outre très clairement mis en exergue le fait que la contribution financière du parti nationaliste basque espagnol était nécessaire à son fonctionnement, et soutenu que la prohibition litigieuse se heurtait au droit communautaire, en particulier en ce qu’il tend à promouvoir les liens entre partis politiques constitués dans différents Etats membres qui, comme en l’espèce, sont proches et défendent la même cause.

Enfin, elle retient plus généralement que la question du financement des activités politiques du parti requérant était au cœur même des débats au plan interne.

La Cour en déduit, que le respect de droits garantis par l’article 11 était en cause devant le juge interne – fût-ce de façon sous-jacente –, que les arguments juridiques avancés par le requérant à ce stade contenaient une doléance liée à de tels droits et que ce dernier a invoqué devant le juge, au moins en substance, le grief dont il saisit la Cour (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Fressoz et Roire c. France [GC] du 21 janvier 1999, no 29183/95, CEDH 1999-I, § 39). L’Etat défendeur ayant eu de la sorte l’occasion de redresser la violation alléguée contre lui devant la Cour, l’exception de non épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement ne saurait être retenue. En conséquence, l’article 35 § 1 de la Convention ne fait pas obstacle à ce que la Cour examine la requête tant sous l’angle de l’article 10 que de l’article 11, combinés ou pris isolément.

Ceci étant, la Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que la requête pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de son examen, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit qu’elle ne saurait être déclarée manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

Aucun autre motif d’irrecevabilité n’ayant été relevé, il y a lieu de déclarer la requête recevable.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête recevable, tous moyens de fond réservés.

Søren Nielsen Christos Rozakis
Greffier Président