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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
21.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE DALIDIS c. GRÈCE

(Requête no 26763/04)

ARRÊT

STRASBOURG

21 septembre 2006

DÉFINITIF

21/12/2006

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Dalidis c. Grèce,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

MM. L. Loucaides, président,
C.L. Rozakis,
Mmes F. Tulkens,
N. Vajić,
M. A. Kovler,
Mme E. Steiner,
M. D. Spielmann, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 31 août 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 26763/04) dirigée contre la République hellénique par un ressortissant chypriote, M. Andreas Dalidis (« le requérant ») qui a saisi la Cour le 19 juillet 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me D. Kotylias, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, M. S. Spyropoulos, assesseur auprès du Conseil juridique de l’Etat et Mme O. Patsopoulou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’Etat.

3. Le 29 juin 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé qu’elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond. Le 30 juin 2005, le gouvernement chypriote a été invité à présenter, s’il le désirait, des observations écrites sur l’affaire (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du règlement). Le 25 juillet 2005, celui-ci a informé la Cour qu’il n’entendait pas se prévaloir de son droit d’intervenir dans la procédure.

EN FAIT

4. Le requérant, M. Andreas Dalidis, est né en 1956. Il purge actuellement une peine de réclusion dans la prison de Tripoli.

5. Le 22 janvier 2001, les parents d’un mineur déposèrent plainte contre le requérant pour viol et détournement de mineur. Le 23 janvier 2001, des poursuites pénales furent engagées à son encontre.

6. Le 14 mars 2002, la cour d’assises d’Amfissa condamna le requérant à vingt-deux ans de réclusion (arrêt no 13-18/2002).

7. Le même jour, le requérant interjeta appel.

8. La date de l’audience devant la cour d’appel de Lamia fut fixée au 8 mars 2006. Le requérant sollicita, le 7 juillet 2004, près le greffe de la cour d’appel de Lamia la fixation de l’audience à une date plus courte. Le 12 juillet 2004, sa demande fut rejetée par le greffe de la cour d’appel de Lamia. Les parties n’ont pas informé la Cour de l’issue de cette procédure.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

9. Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

10. Le Gouvernement affirme que la durée de la procédure litigieuse, menée avec célérité dans son ensemble, ne prête pas à critique.

A. Sur la recevabilité

11. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Période à prendre en considération

12. La période à considérer a débuté le 23 janvier 2001, avec l’engagement des poursuites pénales contre le requérant. Les parties n’ont pas informé la Cour si la procédure en appel, pendante lors de l’introduction de la requête, s’est achevée entre-temps. La Cour considère donc qu’à ce jour, la procédure litigieuse s’étend sur cinq ans et cinq mois pour deux instances.

2. Caractère raisonnable de la durée de la procédure

13. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II).

14. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Pélissier et Sassi précité).

15. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. S’agissant notamment du comportement du requérant, la Cour ne relève aucun délai qui aurait pu lui être imputé. Au contraire, elle constate que le requérant tenta d’obtenir la fixation de l’audience devant la cour d’appel à une date plus courte que celle prévue, mais qu’il a été débouté de sa demande.

16. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

17. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

18. Le requérant réclame 150 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu’il aurait subi en raison de son incarcération. En outre, il réclame 150 000 EUR au titre du dommage moral.

19. Le Gouvernement conteste ces prétentions. Il affirme notamment qu’il n’existe aucun lien de causalité entre les préjudices allégués et la violation constatée et invite la Cour à rejeter ces demandes. Pour le Gouvernement, un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante.

20. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, la Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle lui accorde 6 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

B. Frais et dépens

21. La Cour note que le requérant n’a présenté aucune demande au titre des frais et dépens. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

C. Intérêts moratoires

22. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3. Dit

a) que lEtat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 6 000 EUR (six mille euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 septembre 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren Nielsen Loukis Loucaides
Greffier Président