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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
3.10.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 40333/02
présentée par Ginette RAYNAUD veuve BRUNET et Christelle BRUNET
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 3 octobre 2006 en une chambre composée de :

MM. A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
I. Cabral Barreto,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
D. Jočienė,
M. D. Popović, juges,

et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 31 octobre 2002,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur,

Vu la lettre des requérantes, parvenue au greffe de la Cour le 16 juin 2006, précisant qu’elles ne souhaitaient pas présenter de nouvelles observations en réponse à celles du Gouvernement mais entendaient néanmoins maintenir les termes de leur requête initiale,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérantes, Mmes Ginette Raynaud veuve Brunet et Christelle Brunet, sont des ressortissantes françaises, nées respectivement en 1937 et 1970 et résidant aux Roches Prémaries. Elles sont représentées devant la Cour par Me M. Mouhou, avocat à Rouen. Le gouvernement défendeur était représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

En mai 1997, la première requérante fit la connaissance de D., né en 1915, par le biais d’une agence matrimoniale. Quelques mois plus tard, elle s’installa avec sa fille, la seconde requérante, au domicile de D.

Le 13 janvier 1998, D. remit au notaire dépositaire de son testament un acte rédigé de sa main consentant diverses libéralités à la première requérante.

Le 20 mai 1998, D. fut placé sous tutelle.

Le 26 novembre 1998, les requérantes furent toutes deux mises en examen du chef d’abus de faiblesse sur personne vulnérable (sur la personne de D.).

Ce même jour, le juge d’instruction chargé de l’enquête rendit deux ordonnances de placement sous contrôle judiciaire visant les requérantes, interdisant notamment à la première d’établir la moindre relation avec la victime et interdisant à la seconde d’établir la moindre relation avec la première.

Le 18 décembre 1998, la première requérante sollicita du juge d’instruction qu’il organise une confrontation entre elle-même et D.

Par une première ordonnance du 13 janvier 1999, le juge d’instruction saisi de l’affaire commit le docteur M. aux fins de procéder à une expertise médicale et psychiatrique de Monsieur D.

Par une deuxième ordonnance du 15 janvier 1999, le juge d’instruction, statuant cette fois-ci sur la demande de confrontation formulée le 18 décembre 1998 par la première requérante, rejeta celle-ci pour les motifs suivants :

« Attendu (...) que (...) cette demande, à la supposer fondée, apparaît en l’état pour le moins inopportune ; qu’en effet, un examen médical de [D.], âgé de quatrevingttrois ans, faut-il le rappeler, hospitalisé de surcroît, est en cours, afin de décrire son état de santé véritable et sa vulnérabilité ; que cet examen a aussi pour but de déterminer si [D.] peut être entendu ou confronté ;

Qu’enfin ce dernier a fait l’objet d’une mesure de protection judiciaire décidée par le juge des tutelles de Poitiers ; que cette décision frappée d’appel a été évoquée le 14 décembre 1998 par la juridiction d’appel qui doit se prononcer le 18 janvier 1999 (...). »

Le 20 janvier 1999, l’avocat de la première requérante interjeta appel de cette ordonnance.

Le 26 février 1999, l’expert commis le 13 janvier 1999 déposa ses conclusions, lesquelles furent notifiées aux parties et à leurs conseils le 4 mars 1999.

Le 12 mars 1999, la première requérante, estimant l’expertise imprécise, sollicita un complément d’expertise ou, à défaut, une contre-expertise.

Par un arrêt du 30 mars 1999, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Poitiers, statuant sur l’appel interjeté contre l’ordonnance du 15 janvier 1999, infirma cette ordonnance et accepta la demande de confrontation formée par la première requérante, aux motifs suivants :

« (...) selon le notaire dépositaire de son testament, le jour de la remise de cet acte rédigé de sa main, à savoir le 13 janvier 1998, [D.] était en bonne forme physique générale, tout à fait lucide, plaisantait, tenait des propos cohérents, semblait heureux de sa condition matérielle et satisfait de sa cohabitation avec Madame Raynaud (...).

Sa voisine avait constaté qu’il cherchait une épouse pour vivre avec lui.

Une ordonnance de mise sous tutelle a été prise le 20 mai 1998.

Le rapport psychiatrique du 11 juillet 1998 est imprécis.

En l’état de ces informations, il importe que la confrontation sollicitée soit réalisée et ce de toute urgence eu égard à la dégradation récente de l’état de santé de [D.] (...). »

Par une troisième ordonnance du 9 avril 1999, le juge d’instruction rejeta la demande de contre-expertise médicale formée par la requérante le 12 mars 1999, aux motifs qu’une lecture attentive des conclusions de l’expertise répondait aux interrogations de la prévenue, et que, dès lors, aucun complément ne s’imposait.

Par la suite, dans plusieurs courriers destinés au juge d’instruction en charge de l’affaire et datés des 22 juin, 1er octobre et 16 novembre 1999 ainsi que du 4 mai 2000, l’avocat de la première requérante demanda la tenue de la confrontation ordonnée le 30 mars 1999. Dans le courrier daté du 16 novembre 1999, il fit notamment valoir que la première requérante et Monsieur D. souhaitaient que la procédure s’accélère afin de pouvoir se rencontrer à nouveau.

Par un courrier daté du 31 août 1999, la juge d’instruction l’informa de ce qu’elle n’avait pas encore pu faire le nécessaire afin que cette confrontation ait lieu.

Par un dernier courrier daté du 4 juillet 2000, l’avocat de la requérante adressa au juge d’instruction la lettre suivante :

« (...) Dans la mesure où vous vous opposez à toute confrontation, il me semble que cette affaire peut être clôturée. (...) »

Par un jugement du 10 avril 2001, le tribunal correctionnel de Poitiers prononça la relaxe des deux requérantes, notamment aux motifs suivants :

« (...) s’il peut être considéré que Monsieur [D.] est devenu une personne particulièrement vulnérable à partir de mars 1998, il n’est pas établi qu’il en ait été ainsi avant cette date.

(...) Il doit être observé que le montant initial de la fortune de Monsieur [D.] n’a pas été précisé mais qu’il est établi par les éléments du dossier qu’elle était considérable.

Compte tenu des biens et des valeurs dont Monsieur [D.] reste propriétaire, il n’est pas établi que les actes, dont ont bénéficié Mesdames Ginette et Christelle Brunet en abusant de la faiblesse de Monsieur [D.] à compter de mars 1998, aient gravement préjudicié à celui-ci. (...). »

Le 13 avril 2001, le procureur de la République ainsi que la mutualité agricole de la Vienne, partie civile, interjetèrent appel de ce jugement.

Par un arrêt du 6 décembre 2001, la cour d’appel de Poitiers infirma le jugement du 10 avril 2001 et condamna la première requérante à 18 mois d’emprisonnement dont 12 avec sursis et la seconde à 18 mois d’emprisonnement dont 16 avec sursis, notamment aux motifs suivants :

« (...) Sur les abus frauduleux :

(...) attendu qu’il apparaît (...) que Mme Brunet avait parfaitement mis au point sa stratégie, attachant grande importance aux revenus du futur compagnon lors de ses déclarations à l’agence de rencontres, et écartant 29 candidats avant (...) de choisir M. [D.]

Attendu qu’il est établi par les déclarations des voisins, notamment M. et Mme [L.], et Mme [P.], et les parents, notamment M. [B.] et Mme [D.], respectivement neveu et nièce, de M. [D.], que Mme et Mlle Brunet ont élaboré et mis en place une subtile manœuvre d’isolement de leur « proie », assistant aux entretiens, puis finalement empêchant toute rencontre, et même tout contact téléphonique dès février 1998.

Attendu que, de plus, même la Mutualité Sociale Agricole, après le premier mandat qui lui a été confié à titre provisoire avant la déclaration de tutelle, a rencontré les plus grandes difficultés pour approcher M. [D.], résidant à cette époque chez Mme Brunet, entre deux séjours à l’hôpital.

Attendu que, contrairement à ce que Mme et Mlle Brunet ont déclaré à la Cour, les libéralités dont elles ont bénéficié de la part de M. [D.] dès novembre 1997, ont considérablement augmenté dès janvier-février 1998, c’est-à-dire dès que M. [D.] a commencé à décliner intellectuellement, ainsi par exemple :

- le compte de M. [D.] au Crédit Agricole, régulièrement approvisionné en janvier 1998, présente des opérations de débit supérieures à 200.000 F après le 2 février 1998, pour être débité entre autres au bénéfice du compte AXA de Mme Brunet, de 2,7 millions le 6 février 1998 ;

- le relevé AXA/UAP de M. [D.] montre quelques modifications de contrat au profit de Mme Brunet dès novembre 1997, mais les montants en restent modiques (aucun n’est supérieur à 10.000 F), alors que de février à avril 1998, les opérations se multiplient, tout comme les montants concernés, de 9.000 F à 826.000 F.

Attendu que l’on peut évaluer comme suit l’essentiel des sommes détournées indûment par Mme Brunet et ses proches au préjudice de M. [D.], pour la seule période où l’état de vulnérabilité de celui-ci est établi, à savoir à partir du 30 janvier 1998 :

- Débit du compte Crédit Mutuel : 3.605.000 F

- Transfert au nom de Mme Brunet de comptes « Vie » UPA/AXA : 1.744.000 F

- Débit du compte Crédit Agricole : 6.706.000 F

- Compte auprès des compagnies d’assurances Groupama ou CNP : 342.731 F

- Soit un total de : 12.397.731 F.

Attendu que d’autres importants mouvements de fond ont pu être relevés sur les comptes de M. [D.], mais que la destination des sommes correspondantes n’a pu être établie.

Attendu qu’en février 1998, Mlle Brunet a, dans des circonstances particulièrement révélatrices, conduit M. [D.] à l’agence du Trésor Public pour qu’il y signe une procuration, ce qu’il fit sans d’ailleurs pouvoir s’extraire du taxi l’ayant véhiculé, que cette procuration était en effet particulièrement urgente, M. [D.] devant être hospitalisé dans les jours qui suivaient, que cette précipitation démontre à la fois l’appât du gain des dames Brunet et la faiblesse de M. [D.].

Attendu que malgré la rédaction et la signature par M. [D.] en février 1998 d’un testament en faveur de Mme Brunet, Mlle Brunet a rédigé de sa main un nouveau projet de testament, encore plus favorable, qu’elle a fait compléter par M. [D.], mais qui est resté lettre morte, et dont le brouillon a été remis par [le notaire] au Juge d’Instruction.

Attendu qu’en septembre 1998, après la mise sous tutelle, et alors qu’une instruction était en cours, Mme Brunet a néanmoins encaissé la somme de 475.000 F qui lui a été remise par chèque par UAP suite à la négociation de bons au porteur qui lui avaient été remis par M. [D.], révélant ainsi sa mauvaise foi et sa précipitation à tenter de faire disparaître le produit de ses manœuvres.

Attendu qu’il est ainsi suffisamment établi que Mme et Mlle Brunet ont profité abusivement de l’état de faiblesse suffisamment connu d’elles, qui résidaient chez lui, de M. [D.] en le dépouillant de l’essentiel de sa fortune. (...) »

Concernant le volet civil de l’affaire, la cour d’appel sursit à statuer et ordonna une expertise aux fins d’évaluer le préjudice de Monsieur D.

Les requérantes se pourvurent en cassation contre cet arrêt. Elles firent notamment valoir à l’appui de ce pourvoi que la confrontation avec D. n’avait jamais été organisée.

Par une décision du 19 juin 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation, se fondant sur l’article L. 131-6 du code de l’organisation judiciaire, déclara non admis le pourvoi formé par les requérantes.

B. Le droit interne pertinent

Code de procédure pénale

Article 140

« La mainlevée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par le juge d’instruction, soit d’office, soit sur les réquisitions du procureur de la République, soit sur la demande de la personne après avis du procureur de la République.

Le juge d’instruction statue sur la demande de la personne dans un délai de cinq jours, par ordonnance motivée.

Faute par le juge d’instruction d’avoir statué dans ce délai, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre de l’instruction qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine. A défaut, la mainlevée du contrôle judiciaire est acquise de plein droit, sauf si des vérifications concernant la demande de la personne ont été ordonnées. »

Article 186 alinéa 1er

« Le droit d’appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions prévues par [l’article] (...) 140 (...). »

GRIEFS

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérantes se plaignent de l’inexécution de l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Poitiers le 30 mars 1999 ordonnant de procéder à une confrontation entre les requérantes et D.

Invoquant l’article 8 de la Convention, les requérantes contestent les modalités du contrôle judiciaire auxquelles elles sont soumises et qui les auraient empêchées de se rencontrer pendant près de quatre années.

EN DROIT

1. Les requérantes contestent en premier lieu l’inexécution de l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Poitiers le 30 mars 1999. Elles allèguent à cet égard une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Le Gouvernement soulève d’emblée une exception préliminaire tirée de ce que les requérantes n’auraient pas épuisé les voies de recours internes. Selon le Gouvernement, elles disposaient de divers recours auprès du président de la chambre de l’instruction (au moment des faits « la chambre d’accusation »), auprès de la chambre elle-même, auprès du juge d’instruction saisi et enfin auprès du procureur de la République.

Le Gouvernement estime par ailleurs que ce grief est manifestement mal fondé, les requérantes ayant bénéficié de substantielles possibilités de contester les divers fondements de l’accusation portée contre elles.

Les requérantes n’ont pas souhaité produire d’observations en réponse à celles du Gouvernement et ont maintenu leur grief initial.

La Cour n’estime pas nécessaire d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement et tirée du non-épuisement des voies de recours internes, ni d’ailleurs d’évoquer la question de la qualité de victime de la seconde requérante relativement à ce grief – celle-ci n’était en effet pas partie à l’instance ayant abouti à l’arrêt du 30 mars 1999 – dès lors qu’elle estime la requête irrecevable pour les motifs suivants.

En effet, la Cour a maintes fois eu l’opportunité de rappeler que l’article 6 de la Convention protège la mise en œuvre des décisions judiciaires définitives et obligatoires qui, dans un Etat respectueux de la prééminence du droit, ne peuvent rester inopérantes au détriment d’une partie et qu’en conséquence l’exécution d’une décision judiciaire ne peut être empêchée, invalidée ou retardée de manière excessive (voir, entre autres, Hornsby c. Grèce, arrêt du 19 mars 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-II, pp. 510 et suiv., § 40 ; Bourdov c. Russie, no 59498/00, § 34, CEDH 2002-III ; Jasiūnienė c. Lituanie, no 41510/98, § 27, 6 mars 2003 ; Ruianu c. Roumanie, no 34647/97, § 65, 17 juin 2003 ; Pini et autres c. Roumanie, nos 78028/01 et 78030/01, § 176, CEDH 2004V (extraits) ou encore Bianchi c. Suisse, no 7548/04, § 110, 22 juin 2006).

Toutefois, la Cour observe en premier lieu que la chambre de l’instruction est une juridiction d’instruction et non de jugement. En admettant que l’arrêt de cette chambre du 30 mars 1999, de l’inexécution duquel se plaignent les requérantes, puisse être considérée comme une « décision judiciaire définitive » au sens de la jurisprudence citée ci-dessus, la Cour note en second lieu que la juge d’instruction les avaient informées, le 31 août 1999, qu’elle n’avait pu encore faire le nécessaire pour que la confrontation décidée par la chambre de l’instruction ait lieu, et que la phase de l’instruction s’est achevée quelques mois plus tard.

Enfin et surtout, la Cour estime qu’en l’espèce le grief des requérantes, sous couvert de contester un défaut d’exécution d’un acte d’instruction ordonné par une juridiction compétente, revient en réalité à contester l’équité globale de la procédure. Les requérantes insistent à cet égard fortement sur le fait que l’absence de confrontation avec la victime les a empêchées de contester, conformément aux garanties de l’article 6 § 1 de la Convention, le fondement de leur condamnation.

Dès lors, la Cour se doit de rappeler que la conformité d’un procès aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention doit être examinée sur la base de la procédure pénale dans son ensemble, à savoir une fois celle-ci terminée (voir, par exemple, Bernard c. France, arrêt du 23 avril 1998, Recueil 1998-II, p. 879, § 37 ; également Horomidis c. Grèce, no 9874/04, 27 avril 2006, § 35). En outre, les garanties de cette disposition s’appliquent aux phases de l’information préliminaire et de l’instruction judiciaire seulement dans la mesure où leur inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès (voir, par exemple, Imbrioscia c. Suisse, arrêt du 24 novembre 1993, série A no 275, p. 13, § 36, ou plus récemment Horomidis, précité, § 34).

Par ailleurs, la Cour réaffirme le principe en vertu duquel la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles du droit interne, et qu’en principe il revient aux juridictions nationales d’apprécier les éléments recueillis par elles, la tâche de la Cour en vertu de la Convention consistant à rechercher si la procédure envisagée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (voir, entre autres, Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil 1997-III, § 50).

En l’espèce, la Cour observe tout d’abord que les informations émanant de déclarations de la victime elle-même n’apparaissent pas dans l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 6 décembre 2001. Au contraire, la Cour note que cette juridiction a fondé la condamnation des requérantes sur une série d’éléments objectifs et de témoignages de tiers non contestés par ces dernières. La cour d’appel de Poitiers a notamment relevé successivement les déclarations de témoins, l’examen des comptes bancaires des parties et l’attitude des requérantes, lesquelles ont notamment fait signer des procurations à la victime alors qu’elle était déjà dans un état de santé précaire. Elles ont également crédité l’un de leurs comptes bancaires, après la mise sous tutelle de la victime, d’un chèque de 475 000 francs français (FRF) remis par l’Union des Assurances de Paris (UAP) lequel faisait suite à une négociation de bons au porteur remis par D. à la première requérante.

La Cour observe ensuite que les éléments fondant ainsi le constat de culpabilité ont tous pu être contestés par les plaignantes au cours des instances décidant du bien-fondé de l’accusation pénale portée contre elles.

Eu égard aux considérations qui précèdent, la Cour estime que la confrontation des requérantes avec D., dont les expertises médicales ordonnées par les juges d’instruction nuançaient fortement l’intérêt et la faisabilité tant l’état de santé de celui-ci était critique, ne constituait pas un événement à même d’influer sur l’équité de la procédure litigieuse et in fine sur la condamnation des requérantes. Ces dernières ont, au contraire, bénéficié d’opportunités adéquates et suffisantes pour contester la matérialité des faits qui leur étaient reprochés. La Cour note en outre que la cour d’appel de Poitiers a particulièrement motivé l’arrêt litigieux.

A supposer enfin que le grief des requérantes soulève une question sous l’angle de l’article 6 § 3 d) de la Convention, la Cour considère, au vu des éléments relevés ci-dessus, que la condamnation des requérantes n’est aucunement fondée sur le témoignage de D. mais sur une série d’éléments objectifs ainsi que sur les témoignages de tiers, non contestés par les plaignantes.

Partant, ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. Les requérantes contestent en second lieu les conditions du contrôle judiciaire auquel elles furent soumises. Elles allèguent à cet égard une violation de l’article 8 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent comme suit :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la prévention des infractions pénales, (...) ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Le Gouvernement excipe d’emblée du non-épuisement des voies de recours internes. Il relève notamment que les requérantes n’ont pas interjeté appel des ordonnances de placement ou de maintien sous contrôle judiciaire leur interdisant de se rencontrer, ni même demandé la mainlevée de cette mesure.

Les requérantes n’ont pas souhaité produire d’observations en réponse à celles du Gouvernement et ont maintenu leur grief initial.

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes.

La Cour relève que l’acte litigieux, relativement à ce grief, est essentiellement l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire émise le 26 novembre 1998 à l’encontre de la seconde requérante. La Cour relève qu’il n’a pas été interjeté appel de cette ordonnance comme le permet pourtant l’article 186 alinéa 1er du code de procédure pénale. Elle note également que la seconde requérante ne conteste pas les observations du Gouvernement affirmant qu’elle n’a formulé aucune demande de mainlevée de cette mesure de contrôle judiciaire sur le fondement de l’article 140 du code de procédure pénale.

Partant, ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

A la lumière de ce qui précède, il convient de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

S. Dollé A.B. Baka
Greffière Président