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Rozhodnutí
CINQUIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 15197/02
présentée par Ivan Iovchev PETROV
contre la Bulgarie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 2 octobre 2006 en une chambre composée de :
M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
MM. K. Jungwiert,
V. Butkevych,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM. R. Maruste,
M. Villiger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 29 mars 2002,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Ivan Iovchev Petrov, est un ressortissant bulgare, né en 1969 et résidant à Gabrovo. Il est représenté devant la Cour par Me Z. Kalaydjieva, avocate à Sofia.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
1. Les procédures pénales à l’encontre du requérant
Le 2 novembre 1990, le requérant et un complice présumé, S.V., furent arrêtés à Sofia en relation avec le vol d’une voiture. Ils furent mis en examen par un enquêteur des services de l’instruction militaire, compétent en raison de la qualité de S.V. qui effectuait à cette époque son service militaire, et placés en détention provisoire.
Au début de l’année 1991, S.V. parvint à s’échapper au cours d’un transfert. En mai 1991, le requérant fut libéré sous caution.
Le 24 juillet 1991, le requérant fut placé en détention à Gabrovo dans le cadre d’une autre affaire de vol. Une confrontation avec S.V. fut effectuée. Le dossier fut ensuite transféré au parquet militaire de Pleven en raison de la qualité de militaire de S.V., où il fut joint avec d’autres procédures pendantes à l’encontre de S.V., dont certaines concernaient également le requérant. Le 5 février 1993, la procédure fut suspendue, S.V. étant introuvable. Le requérant soutient toutefois que pendant cette période S.V., qui s’était établi à l’étranger, était plusieurs fois revenu en Bulgarie sans être inquiété, alors que le requérant en avait informé les autorités.
Par ailleurs, le requérant fut condamné pour d’autres vols et purgea une peine de trois ans et demi d’emprisonnement jusqu’au mois de septembre 1996. Suite à de nouvelles condamnations, il fut de nouveau incarcéré en avril 2001 en exécution d’une peine cumulée de trois ans et demi.
En avril 2001, le requérant s’enquit des développements de la procédure engagée en 1990 auprès du parquet militaire de Pleven et fut informé que S.V. n’ayant toujours pas été localisé par les autorités, la procédure demeurait suspendue. Il adressa plusieurs autres lettres qui reçurent des réponses formelles.
Le 27 juillet 2002, l’instruction pénale fut reprise par le parquet militaire de Pleven. Ayant constaté que S.V. n’effectuait plus son service militaire au moment des faits, par une ordonnance du 10 août 2001 le procureur militaire se considéra incompétent et disjoignit l’instruction en plusieurs procédures concernant les différentes infractions. Les onze procédures pénales qui concernaient le requérant furent réparties entre cinq parquets régionaux en fonction du lieu de commission du délit.
Suite à une demande de renseignements de la part du requérant, le parquet de district de Sofia l’informa que les affaires qui y étaient pendantes avaient été transférées au parquet militaire de Pleven, puis au parquet régional de Gabrovo.
En janvier 2001, le requérant fut entendu par le parquet de district de Gabrovo au sujet des procédures qui relevaient de sa compétence. Par une ordonnance du 5 mars 2002, le procureur de district abandonna certaines charges pour absence de preuve suffisantes ou en raison de leur prescription et renvoya le requérant en jugement pour les autres accusations.
Par une ordonnance du 19 février 2002, le parquet de district de Plovdiv suspendit les procédures qui relevaient de sa compétence au motif que les victimes ne pouvaient être retrouvées.
2. La correspondance et les communications du requérant pendant sa détention
Le requérant expose par ailleurs que pendant sa détention à la prison de Lovetch après le mois d’avril 2001, sa correspondance, comme celle des autres détenus, était systématiquement ouverte et souvent non acheminée. Il expose en particulier que sa correspondance avec son avocate était ouverte et lue et qu’il s’était vu refuser la possibilité de communiquer avec celle-ci par téléphone. Il se plaignit de cette situation, de même que son avocate, auprès de l’administration de la prison, qui en réponse leur indiqua qu’en vertu de la loi, la correspondance avec l’avocat était également soumise à vérification.
Par ailleurs, pendant l’été 2001, une cabine téléphonique fut installée dans la prison à l’usage des détenus, qui étaient autorisés à appeler leurs proches deux fois par mois. Il leur fut indiqué que cela concernait les parents, frères et sœurs, enfants et épouses, mais à la demande de plusieurs détenus le directeur de la prison aurait accepté de manière informelle à étendre cette possibilité à leurs compagnes sans qu’ils ne soient mariés.
Le requérant, qui avait vécu en concubinage avec une jeune femme pendant quelque temps avant son incarcération et avec laquelle il avait un enfant, âgé de six mois à cette époque, bénéficia dans un premier temps de cette possibilité. Toutefois, par la suite le directeur lui refusa l’accès au téléphone. Suite aux protestations du requérant, le directeur lui répondit que la loi ne prévoyait un droit à des appels téléphoniques que pour les conjoints mariés et que s’il tenait tellement à cette personne, il n’avait qu’à l’épouser. Les conversations téléphoniques du requérant avec sa compagne furent de nouveau autorisées suite à l’intervention, au début de l’année 2002, de l’Agence de protection de l’enfance dont l’intéressé avait sollicité l’aide.
3. L’incident du 2 juillet 2001
Le 2 juillet 2001, au cours de la promenade, le requérant ramassa dans la cour de la prison un paquet de cigarettes qui avait été jeté par un autre détenu par une fenêtre, mais un gardien le remarqua et voulut confisquer les cigarettes. Selon le requérant, celui-ci l’aurait brutalisé et battu en le ramenant vers le bâtiment et aurait continué de lui donner des coups à l’intérieur, à l’abri des regards des autres détenus.
Le requérant fut examiné par un médecin qui constata une rougeur au niveau du cou et plusieurs égratignures sur la peau.
Le requérant porta plainte auprès de l’administration de la prison et du parquet. Par une ordonnance du 8 août 2001, le procureur militaire de Pleven refusa l’ouverture de poursuites à l’encontre du gardien concerné. Sur recours du requérant, cette décision fut annulée le 10 septembre 2001 par le parquet d’appel qui considéra que l’enquête effectuée, qui avait été confiée à l’administration de la prison, n’était pas objective et complète et donna des instructions concrètes quant aux mesures d’instructions à effectuer par un procureur ou un enquêteur.
Le 20 décembre 2001, après avoir exécuté les mesures ordonnées par le parquet d’appel, le procureur militaire de Pleven rendit une nouvelle ordonnance de non-lieu. Il considéra comme établi que suite à l’intervention du gardien le requérant avait émis des protestations et refusé de lui remettre le paquet de cigarettes. Le gardien avait dès lors décidé de mettre fin à la promenade et de confisquer le paquet transmis en infraction au règlement. Le requérant ayant refusé de s’exécuter volontairement, celui-ci avait, en conformité avec le règlement, fait usage de force physique pour l’amener dans le bâtiment, en faisant une clé de bras et en le tirant par le revers de la veste. Les traces sur le cou du requérant résultaient de cette action.
Quant à la question de savoir si le gardien avait continué à donner des coups au requérant à l’intérieur du bâtiment, elle demeurait incertaine car les allégations de l’intéressé n’avaient pas été corroborées par des témoins directs ou par des lésions sur son corps.
Au vu de ces éléments, le procureur considéra que l’intensité et les effets de la force utilisée par le gardien n’avaient pas dépassé ce qui était nécessaire à l’accomplissement de ses fonctions. Il ajouta que le gardien n’avait pas établi de rapport au sujet de la confiscation du paquet de cigarettes, qu’il avait distribuées à d’autres détenus, mais que cette infraction au règlement était d’ordre disciplinaire et ne justifiait pas l’engagement de poursuites pénales.
Le requérant soumet avoir introduit un recours contre cette ordonnance auprès du parquet d’appel mais n’a pas indiqué quelle a été l’issue de celui‑ci.
Il expose par ailleurs que suite à cet incident il fut transféré dans un autre secteur de la prison, au sujet duquel il dénonce la surpopulation et les mauvaises conditions sanitaires.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1. La loi sur l’exécution des peines (Закон за изпълнение на наказанията)
Les dispositions pertinentes de cette loi, telles qu’applicables au moment des faits, se lisent comme suit :
Article 33
« 1) Les personnes exécutant une peine d’emprisonnement ont le droit : (...)
b) A la correspondance et à des colis de nourriture, qui sont soumis à un contrôle par l’administration [pénitentiaire] ; »
Article 37
« 1) Les personnes exécutant une peine d’emprisonnement ont le droit d’introduire des requêtes et des recours (...).
2) Les requêtes et les recours sont immédiatement transmis aux autorités correspondantes. Ceux d’entre eux qui sont déposés sous pli cacheté et sont adressés à l’Assemblée nationale, au Président de la République, au Conseil des ministres, au ministère de la Justice, au ministère de l’Intérieur, au parquet, au tribunal, aux autorités de l’instruction ou aux organes de défense des droits de l’homme auprès de l’ONU ou du Conseil de l’Europe, ne sont pas soumis à un contrôle par l’administration [pénitentiaire].
2. Le décret d’application de la loi sur l’exécution des peines
Article 37
« 1) Les personnes exécutant une peine d’emprisonnement ont le droit à la correspondance sans limitation du nombre de lettres envoyées ou reçues.
2) Lorsqu’au vu du contenu de la lettre il est nécessaire qu’elle ne soit pas transmise ou envoyée pour des considérations liées à la sécurité, au régime [pénitentiaire] ou à l’éducation, l’administrateur responsable de la section (отряден началник) informe le détenu et joint la lettre au dossier de celui-ci. »
Article 37a (introduit le 8 juin 2001)
« 1) Les personnes exécutant une peine d’emprisonnement peuvent utiliser un appareil téléphonique (...).
2) Elles peuvent effectuer des conversations téléphoniques uniquement avec leurs descendants et ascendants, frères, sœurs et époux. »
3. La loi sur la profession d’avocat du 25 juin 2004 (Закон за адвокатурата)
L’article 33 alinéa 2 de cette loi, qui a été adoptée postérieurement aux faits de la présente espèce, dispose que la correspondance entre un avocat et son client ne peut être contrôlée, copiée ou saisie et ne peut servir de moyen de preuve.
GRIEFS
1. Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, le requérant se plaint de la durée excessive des procédures pénales et de l’absence de recours à cet égard.
2. Il considère que du fait de cette durée excessive il a été privé de la possibilité de cumuler la peine de prison qui lui sera infligée avec d’autres peines, en violation de l’article 5 de la Convention.
3. Sous l’angle des articles 8, 10 et 13, il dénonce l’ouverture systématique et le contrôle du contenu de sa correspondance, ainsi que du non-acheminement de certains courriers, notamment avec son avocate et avec différentes institutions internes.
4. Toujours au regard de l’article 8, il se plaint des limitations à son droit à des conversations téléphoniques avec sa compagne au motif qu’ils n’étaient pas formellement mariés.
5. Le requérant déclare enfin avoir été brutalisé par un garde le 21 juillet 2001. Il relève à cet égard que la loi pertinente prévoit la possibilité de recourir à la force physique en cas d’insubordination à un ordre, sans avertissement, et ne contient aucune exigence de proportionnalité de la force utilisée par rapport au comportement du détenu. Il considère que ces faits sont constitutifs d’une violation de l’article 3 de la Convention et invoque l’article 13 concernant le caractère ineffectif de l’enquête menée et, plus généralement, l’absence de recours effectif.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint de la durée excessive des procédures pénales menées à son encontre et invoque l’article 6 § 1 de la Convention.
Au regard de l’article 8, il se plaint du contrôle de sa correspondance et des limitations de ses appels téléphoniques pendant sa détention.
Il invoque en outre l’article 13 pour dénoncer l’absence de voies de recours internes susceptibles de remédier aux griefs susmentionnés.
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. Le requérant se plaint par ailleurs d’avoir été soumis à des mauvais traitements de la part d’un gardien de la prison et du caractère ineffectif de l’enquête menée à ce sujet. Il invoque à cet égard les articles 3 et 13 de la Convention. Au regard de l’article 5 de la Convention, il se plaint de ne pas avoir été condamné suffisamment tôt dans les procédures pénales objet de la présente requête pour pouvoir bénéficier d’un cumul de plusieurs peines d’emprisonnement.
Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen des griefs du requérant relatifs à la durée de la procédure pénale, au contrôle de sa correspondance et à la limitation de ses conversations téléphoniques, ainsi qu’à l’absence de recours effectifs en ce qui concerne ces griefs ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président