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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
28.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 22922/03
présentée par Halil KAYA
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 28 septembre 2006 en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
Mme A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 4 février 2003,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Halil Kaya, est un ressortissant turc, né en 1983 et résidant à Adana. Il est représenté devant la Cour par Me K. Derin, avocat à Adana.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 31 décembre 2000, le requérant, alors âgé de 17 ans, fut arrêté et placé en garde à vue par des policiers près la section de lutte contre le terrorisme d’Adana. Il lui était reproché d’avoir participé à une manifestation de soutien au PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), d’avoir scandé des slogans de soutien à Abdullah Öcalan et d’avoir allumé des feux.

Le jour même, les policiers recueillirent la déposition du requérant, lequel reconnut soutenir le PKK, avoir participé à la manifestation litigieuse, avoir scandé des slogans de soutien à Abdullah Öcalan et allumé des feux à cette occasion.

Toujours à la même date, le requérant fut déféré devant le procureur de la République d’Adana. A cette occasion, il reconnut avoir été présent sur les lieux de la manifestation, où il déclara avoir scandé des slogans à l’encontre des prisons de type F mais aucunement en faveur du PKK ou d’Abdullah Öcalan. Il précisa regretter ses agissements.

D’après les déclarations de son père, telles que contenues dans le dossier, le requérant aurait été libéré deux jours après son placement en garde à vue.

Le 10 janvier 2001, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’État d’Adana inculpa le requérant ainsi que trois autres personnes pour aide au PKK et requit sa condamnation en vertu de l’article 169 du code pénal et de l’article 5 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme. Eu égard au fait que le requérant était mineur au moment des faits, il requit l’application de l’article 55 § 3 du code pénal.

Du 10 janvier au 13 août 2001, la cour de sûreté de l’État tint quatre audiences au cours desquelles le requérant n’apparaît pas avoir été assisté par un avocat. Les procès-verbaux de ces audiences précisent que l’intéressé a comparu libre. Au cours de l’audience du 12 mars 2001, il nia le contenu de sa déposition de garde à vue qu’il déclara avoir signé sans la lire. Il reconnut toutefois avoir pris part à la manifestation litigieuse et avoir brûlé des pneus ; toutefois, il nia avoir scandé des slogans de soutien à Abdullah Öcalan ou au PKK.

Le 3 décembre 2001, la cour de sûreté de l’État reconnut le requérant coupable des faits reprochés et le condamna à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement en vertu des articles 169 et 55 § 3 du code pénal et de l’article 5 de la loi no 3713.

Le 8 juillet 2002, la Cour de cassation confirma l’arrêt de première instance. Son arrêt stipule que l’avocat des accusés avait demandé la tenue d’une audience mais, sans fournir d’explication, ne s’y était pas présenté.

Le 21 août 2002, l’arrêt de la Cour de cassation fut inscrit au dossier de l’affaire devant le greffe de la juridiction de première instance.

Le 11 septembre 2002, le requérant fut incarcéré.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 5 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir été présenté devant un juge aussitôt après son arrestation et allègue un défaut d’information de ses proches quant à son arrestation. Il se plaint également de ne pas avoir été assisté par un avocat lors de sa garde à vue et d’avoir subi une atteinte à sa liberté en raison de la durée de la procédure.

2. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint du manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’État eu égard à la dépendance des magistrats y siégeant à l’égard du Conseil supérieur de la magistrature. Il allègue également un défaut d’équité de la procédure et une atteinte à ses droits de la défense dans la mesure où il n’aurait pas été assisté par un avocat durant la procédure pénale diligentée à son encontre, ce, alors qu’étant mineur, il aurait dû se voir commettre un avocat d’office.

3. Invoquant l’article 14 de la Convention, le requérant prétend avoir été poursuivi devant une juridiction d’exception et soutient à cet égard avoir été soumis à des règles de procédure devant la cour de sûreté de l’État moins favorables que celles des juridictions de droit commun.

EN DROIT

1. Invoquant les articles 5 et 6 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue et durant la procédure pénale diligentée à son encontre.

La Cour examinera ce grief sous l’angle de l’article 6 de la Convention.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Invoquant l’article 5 de la Convention, le requérant allègue ne pas avoir comparu devant un juge aussitôt après son arrestation et que ses proches n’ont pas été informés de son arrestation. Il soutient par ailleurs que la durée de la procédure a porté atteinte à son droit à la liberté et à la sûreté.

La Cour relève que la garde à vue litigieuse a débuté le 31 décembre 2000 et pris fin, aux dires du père du requérant, deux jours après. A la lecture des pièces du dossier, cette période apparaît en tous cas être terminée à la date d’ouverture du procès diligenté contre l’intéressé, à savoir le 10 janvier 2001, celui-ci ayant comparu libre. Or, la présente requête a été introduite le 4 février 2003.

Il s’ensuit que les griefs du requérant relatif au déroulement de sa garde à vue apparaissent tardifs et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Quant au grief tiré de l’atteinte au droit à la liberté résultant de la durée de la procédure, la Cour souligne que le requérant n’était pas détenu lors de la procédure litigieuse.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint du manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’État. Se fondant sur l’article 14 de la Convention, il allègue en outre avoir été soumis à des règles de procédure devant la cour de sûreté de l’État moins favorables que celles des juridictions de droit commun.

La Cour rappelle avoir déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question soulevée par le requérant dans le cadre de l’affaire Imrek c. Turquie ((déc.), no 57175/00, 28 janvier 2003). Elle y a rejeté le grief au vu des garanties constitutionnelles et légales dont jouissent les juges siégeant dans les cours de sûreté de l’État, et étant donné l’absence d’une argumentation pertinente qui rendrait sujettes à caution leur indépendance et leur impartialité (voir aussi Falakaoğlu c. Turquie (déc.), no 77365/01, 5 juin 2003). Tel étant également le cas en l’espèce, il convient de rejeter cette partie de la requête pour défaut manifeste de fondement, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Quant au grief du requérant concernant une prétendue discrimination du fait qu’il a été jugé devant une cour de sûreté de l’État, la Cour constate que, d’après la législation pertinente, toute infraction prévue par la loi no 3713 relève de la compétence des cours de sûreté de l’État et non des tribunaux répressifs de droit commun. Elle en déduit que la distinction litigieuse n’était pas faite entre différents groupes de personnes mais entre types d’infractions.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant tiré du défaut d’assistance par un avocat lors de la procédure pénale diligentée à son encontre ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président