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Rozhodnutí
TROISIÈME SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 75608/01
présentée par Mirčeta BOZOVIĆ
contre la Slovénie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 28 septembre 2006 en une chambre composée de :
MM. J. Hedigan, président,
B.M. Zupančič,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. E. Myjer,
Mmes I. Ziemele,
I. Berro-Lefevre, juges
et de M. V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 8 avril 2000,
Vu la décision partielle du 20 mars 2003,
Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1. Le requérant, M. Mirčeta Božović, est un ressortissant slovène, né en 1936 et résidant à Ljubljana. Le gouvernement slovène (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. L. Bembič, procureur général de l’Etat.
2. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
3. Pendant les années 80, quand la Slovénie faisant encore partie intégrante de la Yougoslavie, le requérant travaillait pour le secrétariat de l’Intérieur (le service secret).
4. En 1987, le directeur d’une banque lui offrit un emploi dans celle-ci, étant donné qu’il était économiste de profession. Le requérant accepta la proposition et commença à travailler le 23 juin 1987. Toutefois, au bout des trois mois de sa période probatoire, il fut licencié. Il contesta cette décision devant l’organe d’instance dans le cadre de la banque, mais sa contestation fut rejetée.
1. Procédure relative au licenciement
5. Le 21 décembre 1987, le requérant entama un litige de travail contre la banque. Le 8 avril 1988, après plusieurs audiences, le tribunal du travail associé (Sodišče združenega dela - appellation de l’époque socialiste) de Ljubljana donna gain de cause au requérant. La banque interjeta appel. Le 14 juillet 1988, le tribunal du travail associé de la République de Slovénie infirma le jugement et renvoya l’affaire.
6. Le 18 avril 1990, après avoir demandé un rapport d’expertise, le tribunal du travail associé de Ljubljana donna de nouveau gain de cause au requérant. La banque interjeta appel. Le 24 juillet 1990, le tribunal du travail associé de la République de Slovénie de nouveau infirma le jugement et renvoya l’affaire.
7. Le 7 septembre 1990, une audience fut tenue. Le 25 septembre 1990, la banque informa le tribunal qu’elle était en instance de liquidation.
Par la suite, la banque proposa un règlement au requérant et, lors d’une audience tenue le 7 décembre 1990, le tribunal du travail associé décida de demander à l’administrateur judiciaire de conclure un règlement avec le requérant.
8. Lors d’une audience du 12 décembre 1990, le tribunal du travail associé de Ljubljana confirma le règlement auquel avaient été parvenus les parties, stipulant que le requérant travaillait du 23 juin 1987 jusqu’au commencement de la procédure de liquidation, le 18 octobre 1990.
2. Procédure relative au paiement des salaires dus
9. Le 25 octobre 1991, le requérant entama une autre procédure contre la banque devant le tribunal de base (Temeljno sodišče - appellation de l’époque socialiste) de Ljubljana afin de se voir attribuer le reste des salaires dus pour la période allant de son licenciement injustifié jusqu’au commencement de la procédure de liquidation, c’est-à-dire le montant s’élevant à 497 243.15 tolars slovènes (SIT).
10. Le 6 décembre 1991, le tribunal de base se déclara incompétent pour examiner l’affaire et la transféra au tribunal du travail associé de Ljubljana. Le 17 juin 1992, après deux audiences, ce dernier rejeta la demande du requérant. Il interjeta appel.
11. Le 5 novembre 1992, le tribunal du travail associé de la République de Slovénie infirma le jugement du 17 juin 1992, en estimant que les juridictions du travail n’étaient pas compétentes. Ultérieurement, il demanda à la Cour suprême de décider quelle juridiction devrait connaître de l’affaire. Le 6 janvier 1993, la Cour suprême décida que l’affaire relevait de la compétence du tribunal de base de Ljubljana.
12. Le 30 mars 1993, le tribunal de base de Ljubljana rejeta la demande du requérant, qui interjeta appel. Le 24 novembre 1993, le tribunal supérieur de Ljubljana infirma la décision et renvoya l’affaire.
13. Enfin, le 8 avril 1994, le tribunal de base de Ljubljana donna partiellement gain de cause au requérant, en ordonnant à l’administrateur judiciaire de régler la créance privilégiée au titre des salaires dus s’élevant à 461 240,00 SIT (le restant des salaires garantis – voir paragraphe 8), avec les intérêts moratoires à partir du 1er janvier 1991 et les frais de procédure s’élevant à 87 603 SIT. Enfin, le tribunal décida que le restant de l’indemnisation demandée serait traité en tant que créance ordinaire dans le cadre de la procédure de liquidation. Ce jugement devint définitif et exécutoire le 27 juin 1994.
3. Procédure de liquidation de la banque dans le cadre de laquelle le requérant s’est vu verser le montant attribue dans la deuxième procédure
14. Entre-temps, le 18 octobre 1990, le processus de liquidation de la banque commença devant le tribunal de base (Temeljno sodišče - appellation de l’époque).
15. Le 11 décembre 1990, le requérant fit valoir sa créance au titre des salaires dus, s’élevant à 685 404,70 SIT avec les intérêts. Suite à la demande du tribunal, le 14 janvier 1991, le requérant compléta son mémoire.
16. Le 21 mai 1991, après deux audiences, le tribunal ordonna au liquidateur de régler la créance prioritaire, à savoir 58 101,25 SIT. Le 5 juin 1991, cette somme fut versée sur le compte du requérant. Le restant de la créance devrait être réglée selon l’ordre défini par la loi.
17. Le 23 août 1993, suite à une décision divisant la masse à liquider, la somme de 302 404,69 SIT fut versée au requérant.
18. Le 17 août 1994, sur le fondement du jugement du tribunal de base du 4 avril 1994 (voir paragraphe 13), le principal avec les intérêts moratoires et les frais de procédure s’élevant au montant de 2 146 723,50 SIT furent versés au requérant.
19. Par la suite, le requérant demanda à la banque de lui verser encore 7 915 578 SIT au titre des intérêts revalorisés en tenant compte de la hausse du coût de la vie. Les 14 septembre 1994 et 9 novembre 1995, l’administrateur judiciaire lui répondit qu’il n’y avait pas de fondement juridique pour le versement des montants réclamés.
4. Procédure relative à la demande de revalorisation
20. Le 7 octobre 1994, le requérant demanda au tribunal de base de Ljubljana l’exécution du jugement du 8 avril 1994 en ce qui concerne le paiement des sommes revalorisées s’élevant à 7 915 578 SIT avec les intérêts moratoires à partir du 17 août 1994.
21. Le 29 mai 1995, le tribunal d’arrondissement (Okrajno sodišče - nouvelle appellation suite à la réforme de 1995) rejeta la demande du requérant, en l’informant qu’il ne pouvait faire valoir sa créance que dans le cadre de la liquidation de la banque. Le requérant interjeta appel.
22. Le 7 septembre 1995, le tribunal supérieur infirma la partie de la décision concernant le paiement des frais de procédure et confirma le reste.
23. Le 23 octobre 1995, le tribunal autorisa l’exécution en ce qui concerne les frais de procédure.
24. Le 8 janvier 1996, sur demande du requérant, le procureur forma un pourvoi de légalité (zahteva za varstvo zakonitosti) auprès de la Cour suprême afin d’attaquer les décisions des 29 mai et 7 septembre 1995.
25. Le 28 novembre 1996, la Cour suprême rejeta le pourvoi de légalité formé par le procureur.
5. Procédure relative à la demande de revalorisation dans le cadre de la liquidation de la banque
26. Le 11 janvier 1996, le requérant demanda le paiement de la somme de 7 915 578 SIT majorée d’intérêts moratoires, en exécution du jugement du 8 avril 1994, à la chambre du tribunal de district de Ljubljana, chargée de la liquidation de la banque.
27. Le 17 janvier 1997, le requérant soumit au tribunal une copie de la décision de la Cour suprême du 28 novembre 1996. Le 12 mai 1997, il demanda un traitement prioritaire de sa demande.
28. Le 9 février 1998, la chambre du tribunal de district chargée de la liquidation rejeta la demande du requérant. Le requérant interjeta appel. Le 19 mars 1998, le tribunal supérieur infirma la décision et renvoya l’affaire.
29. Le 12 octobre 1998, la chambre du tribunal de district chargée de la liquidation rejeta de nouveau sa demande. Le requérant interjeta appel, mais son recours fut rejeté le 3 décembre 1998 par le tribunal supérieur.
30. Le 13 janvier 1999, le requérant présenta un recours constitutionnel, en contestant le taux d’intérêts moratoires attribué par le tribunal supérieur. Le 18 avril 1999, il élargit son recours. Le 6 janvier 2000, son recours fut rejeté, au motif qu’il s’agissait d’un cas de « quatrième instance ». Cette décision lui fut notifiée le 29 janvier 2000.
31. Le 5 février 2000, le requérant contesta la décision de la Cour constitutionnelle. Par une lettre du 16 février 2000, il fut informé que la décision du 6 janvier 2000 était définitive.
GRIEF
32. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant alléguait que les procédures internes auxquelles il était partie avaient connu une durée excessive.
EN DROIT
33. Le grief restant du requérant porte sur la durée des procédures qui ont débuté avant l’entrée en vigueur de la Convention pour la Slovénie, le 28 juin 1994. La dernière procédure s’est terminée le 29 janvier 2000 par la notification de la décision de la Cour constitutionnelle au requérant.
34. Premièrement, le requérant allègue que les recours internes disponibles afin de se plaindre de la durée des procédures manquaient d’effectivité. En revanche, le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes.
35. La Cour relève que la présente requête est similaire aux affaires Belinger et Lukenda (Belinger c. Slovénie (déc.), no 42320/98, 2 octobre 2001, et Lukenda c. Slovénie, no 23032/02, 6 octobre 2005). Dans ces affaires, la Cour a rejeté l’exception de non-épuisement des voies de recours internes formulée par le Gouvernement car elle a jugé que les recours dont le requérant pouvait se prévaloir n’étaient pas effectifs. La Cour rappelle qu’elle a constaté dans son arrêt Lukenda c. Slovénie que la violation du droit à un jugement dans un délai raisonnable est un problème systémique qui résulte d’une législation inadéquate et d’un manque d’efficacité dans l’administration de la justice.
36. En ce qui concerne la présente espèce, la Cour estime que le Gouvernement n’a fourni aucun argument convaincant susceptible de l’amener à établir une distinction entre l’affaire à l’étude et les affaires antérieures et donc à s’écarter de sa jurisprudence constante. L’exception de non-épuisement doit donc être écartée.
37. Deuxièmement, selon le requérant, la durée des procédures ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
38. La Cour constate en premier lieu que la procédure relative au licenciement du requérant commencée le 21 décembre 1987 et terminée le 12 décembre 1990 échappe à sa compétence ratione temporis, étant donné qu’elle s’est terminée bien avant la date d’entrée en vigueur de la Convention pour le Slovénie, le 28 juin 1994.
39. Deuxièmement, la Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle l’exécution d’un jugement ou d’un arrêt doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès au sens de l’article 6 (voir les arrêts Di Pede c. Italie et Zappia c. Italie du 26 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, pp. 1383‑1384, §§ 20-24, et pp. 1410-1411, §§ 16-20, respectivement).
40. Elle note donc que la procédure relative au paiement des salaires dus, entamée le 25 octobre 1991 et terminée le 8 avril 1994, ainsi que l’exécution du jugement dans le cadre de la procédure de liquidation de la banque forment un ensemble. En ce qui concerne le requérant, cette dernière phase de la procédure s’est terminée le 17 août 1994, c’est-à-dire un mois et dix-neuf jours après l’entrée en vigueur de la Convention pour la Slovénie mais bien plus de six mois avant l’introduction de la requête par le requérant. C’est pourquoi, cette partie de la requête a été introduite tardivement.
41. Quant à la procédure relative à la demande de revalorisation débutée le 7 octobre 1994 et terminée le 28 novembre 1996 par la décision de la Cour suprême, la Cour note qu’elle s’est également terminée plus de six mois avant l’introduction de la requête.
42. Enfin, à supposer même que le grief du requérant relatif à la revalorisation des montants accordés au titre des salaires dus soit défendable, la Cour considère que la seule procédure qui relève de sa compétence est celle commencée le 11 janvier 1996. Cette procédure a pris fin le 29 janvier 2000, date à laquelle la décision de la Cour constitutionnelle a été notifiée au requérant. Elle a donc duré environ quatre ans pour trois degrés de juridiction et cinq instances.
43. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
44. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée totale de la procédure litigieuse ne saurait passer pour déraisonnable (voir, Messeni Nemagna c. Italie (déc.), nº 46736/99, 22 mars 2001, et Spada c. Italie (déc.), no 47028/99, 16 décembre 1999).
45. La Cour constate que le grief est donc manifestement mal fondé et doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour,
Déclare le restant de la requête irrecevable.
Vincent Berger John Hedigan Greffier Président