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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
28.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION

Requête no 20214/02
présentée par Constantin AMZUTA
contre la Roumanie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 28 septembre 2006 en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
J. Casadevall

V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. E. Myjer,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 29 avril 2002,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Constantin Amzuţă, est un ressortissant roumain, né en 1920 et résidant à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Beatrice Ramaşcanu, directrice au ministère des Affaires étrangères.

A. Genèse de l’affaire

Le requérant est avocat au barreau de Bucarest. En 1993, âgé de 73 ans, il déposa une demande de mise à la retraite et tendant au versement de la pension auprès de la caisse d’assurance des avocats de Bucarest. Le requérant informa la caisse de son intention de continuer son activité d’avocat.

Par une décision du 16 août 1993, cette dernière fixa le montant de la pension, mais notifia au requérant son refus de la lui verser au motif que le cumul de la pension de retraite et des revenus obtenus suite à l’exercice de la profession d’avocat n’était pas permis par la loi. Elle fonda sa décision sur un arrêté du conseil de l’Union des avocats de Roumanie rendu en application de l’article 5 du décret no 251/1978 du 10 juillet 1978 sur la pension et les autres droits de sécurité sociale des avocats, selon lequel un avocat à la retraite peut continuer à exercer son activité à condition que le versement de sa pension soit suspendu.

B. Première procédure en contentieux administratif concernant le versement de la pension de retraite

Le 17 août 1993, le requérant introduisit une action contre l’Union des avocats, la caisse d’assurance des avocats et le barreau de Bucarest, demandant l’annulation de la décision de la caisse d’assurance des avocats du 16 août 1993 et le versement de la pension de retraite.

Par un arrêt du 27 décembre 1993, la cour d’appel de Bucarest fit droit aux prétentions du requérant. Elle annula la décision de la caisse d’assurance des avocats du 16 août 1993 et ordonna à cette dernière le paiement de la pension de retraite du requérant à partir du 1er octobre 1993. La cour jugea que l’article 5 du décret no 251/1978 avait été abrogé de manière implicite par la loi no 2/1991 sur le cumul des fonctions, qui stipulait que l’exercice d’une activité rémunérée et l’obtention d’une pension de retraite n’étaient pas incompatibles, et par la Constitution, qui consacrait le droit au travail (l’article 38) et le droit à la retraite (article 43).

Par un arrêt du 29 mars 1994, la Cour suprême de justice, sur recours de l’Union des avocats et de la caisse d’assurance des avocats, confirma l’arrêt de la cour d’appel.

C. Deuxième procédure concernant le montant de la pension de retraite

Par une décision du 8 décembre 1994, la caisse d’assurance des avocats fixa le montant de la pension du requérant à 1 112 466 lei roumains, [environ 518 EUR]. Mécontent de ce montant, le requérant forma une action devant la cour d’appel de Bucarest pour un nouveau calcul du montant de sa pension de retraite.

Par un arrêt du 31 juillet 1995, la cour d’appel fixa, suite à une expertise judiciaire, le montant de la pension de retraite à 1 995 910 lei roumains, [environ 740 EUR]. Par une décision avant dire droit du 5 mars 1996, la cour d’appel de Bucarest constata que la caisse d’assurance des avocats devait payer cette somme au requérant à partir du 1er décembre 1994.

La caisse d’assurance des avocats forma un recours contre cet arrêt qui fut rejeté par la Cour suprême de justice le 1er février 1996.

Le 14 août 1997, le requérant adressa une demande à la caisse d’assurance des avocats pour le versement de sa pension. Le 4 septembre 1997, cette dernière lui communiqua son refus de lui verser la pension. La caisse invoqua à cette fin l’article 23 de la loi no 51/1995 du 7 juin 1995 relative à l’organisation et l’exercice de la profession d’avocat, qui prévoit que la qualité d’avocat cesse au moment où l’intéressé acquiert la qualité de retraité. Sur la base de cet article, la caisse fit valoir que le requérant ne pouvait toucher la pension qu’au moment où il aurait cessé son activité d’avocat.

D. Troisième procédure en contentieux administratif tendant au versement de la pension de retraite

Le 27 novembre 1997, le requérant introduisit une action en contentieux administratif, demandant le versement de la pension et des intérêts à partir du 1er décembre 1994.

Par un arrêt du 2 décembre 1999, la cour d’appel de Bucarest débouta le requérant de ses prétentions pour non-respect de la procédure prévue par la loi no 51/1995 relative à l’organisation et l’exercice de la profession d’avocat. Elle constata qu’afin que le requérant puisse bénéficier de la pension établie, il devait prouver sa qualité de retraité conformément à l’article 23 lettre c) de la loi précitée. Dans ce cas, il n’avait plus la qualité d’avocat et ce fait serait constaté par une décision du Conseil du barreau, conformément à l’article 78 du Statut de la profession d’avocat, ayant comme conséquence la radiation du requérant du tableau des avocats. Néanmoins, selon l’article 81 du Statut de la profession d’avocat, l’avocat retraité pouvait demander à continuer l’exercice de la profession, le Conseil du barreau prenant acte de cette demande et décidant conformément à cette disposition légale. Dès lors, aussi longtemps que le requérant exerçait la profession d’avocat et qu’il acquittait la cotisation vieillesse à la caisse d’assurance des avocats, le versement de la pension était impossible.

Par un arrêt 25 janvier 2001, la Cour suprême de justice cassa l’arrêt du 2 décembre 1999 de la cour d’appel de Bucarest. Elle constata que le requérant avait acquis la qualité de retraité et que la caisse d’assurance d’avocats devait procéder au versement de la pension. Elle renvoya l’affaire devant la cour d’appel afin qu’elle décide du montant de la pension de retraite sur la base d’une expertise comptable.

L’extrait pertinent de cet arrêt est ainsi rédigé :

« Il est incontestable que par l’arrêt définitif no 509 du 31 juillet 1995, le jugement avant dire droit de la cour d’appel de Bucarest (section administrative), l’arrêt no 182 du 1er février 1996 de la Cour suprême de justice (section administrative), l’arrêt no 242 du 29 mars 1994 et l’arrêt no 680 du 21 septembre 1994, le requérant a acquis avec autorité de chose jugée la qualité de retraité pour avoir atteint l’âge légal pour le départ à la retraite.

Tous les arrêts susmentionnés sont devenus définitifs avant l’entrée en vigueur de la loi no 51/1991 et le défaut de versement de la pension n’est pas imputable au requérant.

La dérogation du cumul de la pension pour les avocats n’a pas de base légale.

La juridiction qui a jugé le fond de l’affaire a fondé son arrêt sur les dispositions de l’article 23 lettre c) de la loi no 51/1995 bien que cet article ait été déclaré inconstitutionnel par la décision no 45 du 12 mai 1995 [de la Cour constitutionnelle].

Comme décidé par la décision susmentionnée, la pension est octroyée pour le travail antérieur, de sorte qu’elle ne puisse pas entraver à la continuation de l’exercice de la profession d’avocat ; la décision de la Cour constitutionnelle no 32 du 13 avril 1994 (...) a tranché dans le même sens.

Dans la dernière partie de la décision no 45 du 12 mai 1995 de la Cour constitutionnelle, il a été argué qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre l’exercice de la profession d’avocat et la qualité de retraité pour limite d’âge puisque dans le cas contraire il y aurait discrimination par rapport aux autres retraités qui peuvent cumuler la pension avec le salaire au sens de la loi no 2/1991.

Eu égard au fait que l’avocat exerce une profession libérale, la condition de la cessation de l’exercice de la profession assortie de la radiation du tableau des avocats représente un ajout à la loi, sans parler du fait que le requérant a acquis le droit de se voir verser la pension pour une période commençant le 1er décembre 1994 par des décisions définitives. »

Après renvoi, par un arrêt du 11 septembre 2001, la cour d’appel de Bucarest débouta le requérant de ses prétentions au motif qu’il n’avait pas acquis la qualité de retraité.

L’extrait pertinent de cet arrêt est ainsi rédigé :

« Premièrement, bien que le requérant invoque les dispositions de l’article 3 de la loi no 2/1991 sur le cumul de fonctions qui statue que le cumul de la pension et du salaire est possible, compte tenu du fait qu’en la cause étaient prises en considération les dispositions spéciales de la loi no 51/1995, le versement de la pension se réalise au moment de la cession de l’exercice de la profession.

En l’espèce, au moment de l’introduction de l’action, le 27 novembre 1997, [le requérant] sollicite une pension établie par voie juridictionnelle, réactualisée, et non une pension en vertu d’une décision de départ à la retraite à la fin de l’exercice de la profession d’avocat.

Par conséquent, la cour conclut que le requérant n’a pas le droit au versement de la pension aussi longtemps qu’il ne cesse pas son activité.

Deuxièmement, en l’espèce, conformément à la décision no 45 du 12 mai 1995 de la Cour constitutionnelle, il a été considéré que les dispositions de l’article 23 lettre c) de la loi no 51/1995 sont inconstitutionnelles en ce qu’elles interdisent le cumul de la pension et du revenu réalisé [par le requérant] en tant qu’avocat.

Mais en l’espèce, le requérant avait rempli les conditions afin de pouvoir bénéficier d’une pension établie par voie juridictionnelle. En revanche, il n’a pas acquis la qualité de retraité conformément à la loi no 51/1995 car il ne s’est pas conformé à la procédure spéciale prévue par l’article 81 du Statut de la profession d’avocat.

Troisièmement, par une décision du 21 février 2001, la caisse d’assurance d’avocats a admis la demande du requérant visant la réactualisation du montant de la pension pour limite d’âge établie par la décision no 72 du 8 décembre 1994 à partir du 1er novembre 2000, à hauteur de 10 770 704 lei. La décision de 1994 est valide, la pension étant modifiée uniquement pour ce qui est de son montant. Le requérant a la possibilité de voir exécuter cette décision.

(...)

Compte tenu des considérations ci-dessus, l’action du requérant ne remplit pas les conditions prévues par la loi no 29/1990 [sur le contentieux administratif], car il n’a pas démontré la violation d’un de ses droits reconnus par la loi et elle sera rejetée comme mal fondée ».

Le requérant se pourvut en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel. Il fit valoir au principal que le litige portait sur le versement de la pension de retraite conformément aux arrêts définitifs de la cour d’appel du 31 juillet 1995 et de la Cour suprême de justice du 25 janvier 2001, dont l’autorité de chose jugée n’avait pas été respectée dans la procédure engagée le 27 novembre 1997.

Par un arrêt du 6 novembre 2001, la Cour suprême de justice rejeta le recours du requérant. Elle jugea d’abord que les arrêts invoqués par le requérant n’ordonnaient pas à la caisse d’assurance des avocats le versement de la pension établie. Elle considéra ensuite qu’en dépit de sa qualité de retraité, le requérant ne pouvait pas encaisser la pension parce qu’il n’avait pas cessé l’exercice de la profession d’avocat conformément à l’article 23 lettre c de la loi no 51/1995. Elle constata également que, malgré le fait que les décisions no 45 du 12 mai 1995 et no 51 du 7 juin 1995 de la Cour constitutionnelle avaient déclaré inconstitutionnel l’article 23 de la loi no 51/1995, ces décisions avaient été rendues avant la promulgation de ladite loi. Or, les deux chambres du Parlement avaient adopté la loi dans sa version initiale à une majorité des deux tiers, ce qui avait écarté l’objection d’inconstitutionnalité conformément à l’article 145 de la Constitution.

E. La transaction conclue entre le requérant et la caisse d’assurance des avocats le 11 juin 2003

Le 11 juin 2003, le requérant conclut une transaction (Tranzacţie) avec la caisse d’assurance des avocats afin de mettre fin au litige qui les opposait au sujet du versement de la pension. L’extrait pertinent de cette transaction est ainsi rédigé :

« Eu égard à l’activité professionnelle continue de Me Constantin Amzuţă pendant 60 ans et à son âge (83 ans) ;

Eu égard au fait que, regrettablement, un litige est né entre les deux parties, qui dure depuis environ neuf ans, portant sur la pension de retraite de Me Constantin Amzuţă à partir du 1er décembre 1994 ; qu’à partir de cette date ce dernier n’a rien touché de ce qui lui était dû, ce qui a manifestement porté préjudice à ses intérêts ; qu’à présent les deux parties entendent mettre une fin à ce litige, d’une manière légale, équitable et morale, compte tenu également de la modification du Statut de la profession d’avocat, établissant par le présent règlement amiable également le montant de la pension de retraite qui sera versée à Me Constantin Amzuţă à partir du 1er juin 2003 (...) ;

I. Les parties s’accordent à dire que la décision no 72 du 8 décembre 1994 du conseil de la caisse d’assurance des avocats a établi de manière expresse que Me Constantin Amzuţă devait recevoir à partir du 1er décembre 1994 une pension de retraite « majorée selon les dispositions légales ».

Par le jugement no 509 du 31 juillet 1995 de la cour d’appel Bucarest (section administrative) et par la décision avant dire droit du 5 mars 1996 de la même juridiction, le montant de la pension de Me Constantin Amzuţă a été établi à 1 995 910 lei [environ 740 EUR] par mois.

Le jugement no 509 du 31 juillet 1995 précité est passé en force de chose jugée suite au rejet du recours introduit par la caisse d’assurance des avocats par l’arrêt no 182 du 1er février 1996 de la Cour suprême de justice (section administrative).

Ni la décision de mise à la retraite no 72 du 8 décembre 1994 ni le jugement définitif no 509 du 31 juillet 1995, tel que complété par la décision avant dire droit du 5 mars 1996 de la cour d’appel de Bucarest (section administrative) n’ont été mis en exécution jusqu’à présent en raison du fait que plusieurs décisions de justice contradictoires portant sur la modalité de mise en paiement (décision d’arrêt et ultérieurement de continuation de l’activité) ont été rendues.

Le rapport du service de comptabilité de la caisse d’assurance des avocats a établi que, en appliquant les majorations à la somme de 1 995 910 [lei] pour la période du 1er décembre 1994 au 31 mai 2003, le requérant a subi un dommage de 979 833 443 lei [25 657 EUR].

Les parties décident que, afin de réparer le préjudice causé, Me Constantin Amzuţă recevra à titre de dommages moraux 930 000 000 lei [24 353 EUR], donc une somme inférieure à celle prévue dans le rapport du service de comptabilité (...).

Ainsi, les parties déclarent de manière expresse et définitive qu’elles n’auront plus aucune prétention réciproque, que Me Constantin Amzuţă s’engage à retirer la requête qu’il a déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, à laquelle il enverra une copie de la présente transaction, et qu’il s’engage à n’effectuer aucune autre démarche afin de se voir réparer le préjudice causé par le non-paiement des sommes qui lui avaient été dues pour la période du 1er décembre 1994 au 1er juin 2003, la présente transaction étant définitive et irrévocable.

(...)

II. A partir du 1er juin 2003, la caisse d’assurance des avocats, en conformité avec le rapport du service de comptabilité, s’engage à verser mensuellement au Me Constantin Amzuţă une pension de retraité à hauteur de 17 216 592 lei [450 EUR], majorée périodiquement selon les dispositions du Statut de la caisse d’assurance des avocats. »

Le 20 juin 2003, la somme de 930 000 000 lei fut payée au requérant.

Le requérant n’a pas produit au dossier de la requête une copie de la transaction. La Cour fut informée de l’existence de cette transaction par une lettre du Gouvernement du 25 novembre 2005, après la communication de la requête à ce dernier.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant soutient qu’il n’a pas bénéficié d’un procès équitable, étant donné que par l’arrêt du 6 novembre 2001, la Cour suprême de justice a méconnu l’autorité de chose jugée de son arrêt du 29 mars 1994.

2. Le requérant se plaint en substance, sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1, d’une violation de son droit de se voir verser la pension de retraite.

EN DROIT

La Cour prend note, d’une part, de la transaction du 11 juin 2003 conclue entre le requérant et la caisse d’assurance des avocats par laquelle le requérant s’engage à retirer la présente requête et, d’autre part, de la déclaration du requérant, présentée dans ses observations écrites, tendant à voir la Cour continuer l’examen de la requête.

A. Arguments des parties

1. Le Gouvernement

En premier lieu, le Gouvernement estime que le requérant ne peut plus se prétendre victime d’une violation de la Convention, compte tenu de la transaction qu’il a conclue avec la caisse d’assurance des avocats le 11 juin 2003. Ainsi, il considère que les prétendues violations de l’article 6 et de l’article 1 du Protocole no 1 ont été reconnues en substance et réparées par cet acte. Dès lors, le requérant a déjà obtenu réparation dans le cadre des procédures internes en perdant la qualité de victime au sens de l’article 34 de la Convention.

En deuxième lieu, invoquant la jurisprudence Pfeifer et Plankl c. Autriche, le Gouvernement estime que le requérant a renoncé à ses droits garantis par la Convention par le biais de la transaction du 11 juin 2003. Bien qu’il se soit engagé à informer la Cour de cet acte et de retirer la présente requête, le requérant ne s’y est pas conformé. Partant, le requérant a commis, à son avis, un abus manifeste et caractérisé de son droit de recours individuel.

2. Le requérant

Le requérant allègue qu’il a été forcé par son âge avancé de conclure la transaction du 11 juin 2003 et qu’il a dû accepter ainsi une somme inférieure à celle établie par le rapport du service de comptabilité de la caisse d’assurance des avocats et par les différentes expertises judiciaires réalisées au cours des procédures devant les tribunaux nationaux.

En ce qui concerne son refus de se conformer aux obligations lui incombant en vertu de la transaction (informer la Cour de la transaction et lui en envoyer une copie afin de retirer la présente requête), le requérant argue que ladite transaction ne pourrait influencer sur l’issue de la présente requête puisque la caisse d’assurance des avocats, bien que partie à la transaction, n’est pas partie dans la présente requête qui est introduite contre l’État roumain.

B. Appréciation de la Cour

La Cour note que, en vertu de la transaction du 11 juin 2003 conclue avec la caisse d’assurance des avocats, le requérant s’était engagé à retirer la présente requête. Le requérant n’invoque aucun motif de nullité de ladite transaction, ce qui permet à la Cour de ne pas douter de sa validité au regard du droit interne. Néanmoins, en contradiction avec ses obligations, le requérant n’a pas informé la Cour de l’existence de la transaction et a entendu maintenir la présente requête. Dès lors, la conduite du requérant devant la Cour contredit sa position adoptée dans le cadre national (Zu Leiningen c. Allemagne (déc.), no 59624/00, CEDH, 17 novembre 2005).

En ce qui concerne l’allégation du requérant selon laquelle la transaction du 11 juin 2003 ne pourrait étendre ses effets sur la présente requête, la Cour constate ce qui suit.

La Cour a déjà statué dans une affaire où le requérant et le Gouvernement avaient conclu un accord en vertu duquel le premier renonçait à ses droits garantis par l’article 6 de la Convention. D’après la jurisprudence de la Cour, la renonciation à un droit garanti par la Convention - pour autant qu’elle soit licite - doit se trouver établie de manière non équivoque et s’entourer d’un minimum de garanties correspondant à sa gravité (Pfeifer et Plankl c. Autriche, arrêt du 25 février 1992, série A no 227, p. 16, § 37).

La Commission a décidé que ces critères s’appliquaient dans une autre affaire où le requérant avait conclu un accord avec le Gouvernement en s’obligeant à ne pas introduire d’autres requêtes devant la Cour qui seraient alors irrecevables (Melynek c. Autriche, no 22634/93, décision de la Commission du 31 août 1994, Décisions et rapports (DR) 79-A, p. 106).

Dans l’affaire Zu Leiningen c. Allemagne, la Cour a également appliqué les critères de la renonciation à un droit garanti par la Convention, prenant en compte un règlement amiable par lequel le requérant s’était engagé, envers la personne physique à laquelle il s’opposait dans la procédure civile interne, à retirer la requête introduite devant la Cour.

Dans la présente affaire, le requérant a conclu la transaction du 11 juin 2003 avec la caisse d’assurance des avocats, organisme qui avait refusé de lui verser la pension de retraite. Partant, les critères établis dans l’affaire Zu Leiningen c. Allemagne peuvent être appliqués mutatis mutandis en l’espèce.

En premier lieu, la Cour constate que le requérant a renoncé à ses droits garantis par la Convention par la transaction du 11 juin 2003 de manière non équivoque.

Ensuite, en ce qui concerne l’allégation du requérant selon laquelle il a conclu la transaction avec la caisse d’assurance des avocats à cause de son âge, il faut noter que le requérant a reçu des dommages et intérêts considérables et qu’il touche à présent une pension dont le montant a été établi par la même transaction. Qui plus est, le requérant pouvait à tout moment demander l’annulation de la transaction s’il l’avait contractée par erreur, violence ou dol, ce qu’il n’a pas fait. Enfin, il n’y a pas de raison de penser que le Gouvernement a exercé des pressions sur le requérant afin de le contraindre à conclure la transaction.

Dès lors, la Cour estime que la transaction du 11 juin 2003 a été valide non seulement au regard du droit interne, mais également au regard de la présente requête. En outre, il faut noter que le requérant n’a pas contesté la validité de la transaction devant la Cour, mais a préféré ne pas l’en informer.

A la lumière de ce qui précède, et en particulier de la déclaration valide du requérant de ne plus poursuivre la présente requête, la Cour considère que le requérant ne peut plus se prétendre victime au sens de l’article 34 de la Convention. De surcroît, son comportement contraire aux engagements pris en vertu de la transaction du 11 juin 2003, à savoir d’informer la Cour de la transaction et lui en envoyer une copie afin de retirer la présente requête, peut être qualifié d’abusif au sens de la jurisprudence de la Cour (Jian c. Roumanie (déc.), no 46640/99, 30 mars 2004, et Keretchachvili c. Géorgie (déc.), no 5667/02, 2 mai 2006).

Dès lors, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c) de la Convention). En outre, aucun motif tiré du respect des droits de l’homme garantis par la Convention ou ses Protocoles n’exige de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c) in fine de la Convention).

Partant, il convient de rayer l’affaire du rôle.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de rayer la requête du rôle.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président