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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
28.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 1467/03
présentée par Fikret YILDIZ
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 28 septembre 2006 en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. David Thór Björgvinsson, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 9 décembre 2002,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Fikret Yıldız, est un ressortissant turc, né en 1965. Lors de l’introduction de la requête, il était détenu au sein de la maison d’arrêt de Gebze. Il est représenté devant la Cour par Me N. Kayaoğlu, avocat à Istanbul.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 14 novembre 1996, le requérant fut arrêté et placé en garde à vue pour appartenance à l’organisation illégale armée Komünist Parti İnşa Örgütü (Organisation de fondation du parti communiste). Il lui était notamment reproché d’avoir participé à diverses opérations de braquage pour le compte de cette organisation.

Le 25 novembre 1996 fut recueillie la déposition de garde à vue du requérant, lequel déclara être en fuite depuis 1991 car recherché pour le meurtre d’un parent. Il dit avoir intégré d’abord l’organisation illégale qu’il suspectait d’être responsable de ce meurtre, puis l’Organisation de fondation du parti communiste pour le compte de laquelle il reconnut avoir participé à des braquages.

Le 27 novembre 1996, le requérant fut déféré devant le procureur de la République près la cour de sûreté de l’État d’Istanbul, lequel recueillit sa déposition. A cette occasion, il nia les faits reprochés et soutint avoir intégré l’organisation litigieuse uniquement pour élucider le meurtre d’un parent.

Le même jour, le requérant fut placé en détention provisoire.

Le 7 décembre 1996, le procureur de la République inculpa le requérant pour vol en qualité de membre de l’organisation litigieuse et requit sa condamnation en vertu de l’article 168 § 2 du code pénale et de l’article 5 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme.

Le 7 décembre 2001, le procureur de la République déposa ses réquisitions sur le fond, aux termes desquelles il requit la condamnation du requérant en vertu de l’article 168 § 2 du code pénal et de l’article 5 de la loi no 3713.

Dans son mémoire en défense du 25 janvier 2002, le requérant nia les faits reprochés ainsi que le contenu de sa déposition de garde à vue, qu’il aurait été contraint de signer par suite de pressions policières et mauvais traitements. Soulignant l’absence d’éléments de preuve l’incriminant, il demanda son acquittement ainsi que sa libération provisoire.

Le 4 février 2002, après avoir entendu le requérant en sa défense et son avocat en sa plaidoirie, la cour de sûreté de l’État condamna le requérant à la peine de mort, commuée en une peine de réclusion criminelle à perpétuité en vertu de l’article 146 § 1 du code pénal. Elle souligna pour ce faire que l’intéressé avait participé à des braquages armés aux fins de procurer des fonds à l’organisation litigieuse dans le but de porter atteinte à la loi fondamentale de la République de Turquie et entraver l’action de l’Assemblée nationale. La cour se fonda sur les éléments de preuves du dossier et notamment les déclarations des victimes des braquages ainsi que des témoins et coaccusés.

Le 26 mars 2002, le requérant se pourvut en cassation soutenant qu’il n’existait aucun élément de preuve à son encontre si ce n’est sa déposition de garde à vue obtenue par suite de mauvais traitements. Il souligna le caractère contradictoire des dépositions des témoins et soutint que les faits reprochés n’auraient pas dû tomber sous le coup de l’article 146 § 1 mais de l’article 168 § 2 du code pénal.

Par un arrêt du 24 juin 2002, prononcé le 3 juillet 2002, la Cour de cassation confirma la condamnation du requérant. Elle estima qu’aucune erreur n’apparaissait dans la condamnation prononcée eu égard aux éléments de preuves recueillis, aux conclusions de l’enquête préliminaire, à la prise en compte des circonstances réductrices de peine et au rejet motivé des arguments en défense.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant allègue avoir fait l’objet de mauvais traitement au cours de sa garde à vue.

2. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir été jugé dans un délai raisonnable. Il allègue également ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable eu égard à l’absence de preuve de sa culpabilité, à la carence des juridictions nationales dans l’examen des preuves, au défaut d’assistance par un avocat au cours de sa garde à vue et au prononcé d’une peine supérieure à celle requise par le procureur de la République. Enfin, il soutient que sa condamnation repose sur sa déposition de garde à vue qu’il a été contraint de signer par suite de mauvais traitements.

EN DROIT

1. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir été jugé dans un délai raisonnable.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant soutient avoir fait l’objet de mauvais traitement au cours de sa garde à vue.

Au vu des éléments du dossier, la Cour constate que le requérant n’a pas porté plainte auprès du parquet mais s’est contenté de soulever ce grief devant les juridictions nationales pour contester le contenu de sa déposition de garde à vue. En outre, le requérant ne fournit aucun renseignement quant aux sévices qu’il aurait subis durant sa garde à vue et ne soumet aucun rapport médical susceptible d’étayer ses allégations. Dans ces conditions, la Cour constate que l’intéressé ne fournit aucun élément de preuve susceptible d’engendrer un soupçon raisonnable qu’il aurait subi des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant allègue qu’il n’a pas bénéficié d’un procès équitable eu égard à l’absence de preuve de sa culpabilité, à la carence des juridictions nationales dans l’examen des preuves, au défaut d’assistance par un avocat lors de sa garde à vue et au prononcé d’une peine supérieure à celle requise par le procureur de la République. Enfin, il soutient que sa condamnation repose sur sa déposition de garde à vue qu’il a été contraint de signer par suite de mauvais traitements.

Quant au défaut d’assistance par un avocat, la Cour rappelle qu’il convient d’apprécier si, à la lumière de l’ensemble de la procédure, la restriction litigieuse a privé l’accusé d’un procès équitable (John Murray c. Royaume-Uni, arrêt du 8 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996I, § 63). En l’occurrence, le requérant était représenté par un avocat aussi bien devant la cour de sûreté de l’État que devant la Cour de cassation, et il a eu l’occasion de contester les preuves produites devant ces juridictions ainsi que sa déposition de garde à vue.

Quant à l’examen contesté des preuves, la Cour observe que la cour de sûreté de l’État s’est fondée, pour établir la culpabilité du requérant, entre autres sur les témoignages des victimes, des témoins et co-accusés à la procédure. Au regard des éléments en sa possession, elle estime donc que la notion d’équité, consacrée par l’article 6, n’a pas été atteinte dans sa substance et que les droits de la défense n’ont pas subi une atteinte irréparable (voir Mamaç et autres c. Turquie, nos 29486/95, 29487/95 et 29853/96, §§ 48-49, 20 avril 2004).

Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Enfin, quant au grief tiré de la peine prononcée, la Cour constate que le requérant se plaint en substance de la solution adoptée par les juridictions nationales. Or, il ne lui appartient pas de contrôler les éléments de fait ayant conduit une juridiction à adopter telle décision plutôt que telle autre (Kemmache c. France (no 3), arrêt du 24 novembre 1994, série A no 296C, § 44). La peine encourue en l’espèce était par ailleurs prévue par la loi.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant tiré de la durée de la procédure pénale ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président