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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
21.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIERE SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

des requêtes nos 29787/03 et 29810/03
présentées par Mohamad RIAD et autres et Abdelhadi IDIAB et autres
contre la Belgique

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 21 septembre 2006 en une chambre composée de :

MM. C.L. Rozakis, président,
L. Loucaides,
Mme E. Steiner,
MM. K. Hajiyev,
D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
P. Martens, juge ad hoc,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,

Vu les requêtes susmentionnées introduites le 6 août 2003,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le premier requérant de la requête no 29787/03 (ci-après « le premier requérant ») est un ressortissant palestinien, né en 1980 au Liban où il a toujours vécu. Les quatre autres requérantes sont des associations belges d’aide aux réfugiés, personnes déplacées et demandeurs d’asile ou de promotion des droits des étrangers et minorités. Le premier requérant de la requête no 29810/03 (ci-après « le deuxième requérant ») est un ressortissant palestinien, né en 1981 au Liban où il a toujours vécu. Les quatre autres requérantes sont les associations qui sont également requérantes dans la requête no 29787/03. Les requérants sont représentés par Me S. Sarolea, avocat au barreau de Nivelles, et Me C. Warlop, avocat au barreau de Bruxelles.

Le gouvernement défendeur était représenté par M. C. Debrulle, Directeur du Service Public Fédéral de la Justice.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

A. Les demandes d’asile et de séjour et leurs issues

a. Le premier requérant

α. Ce requérant entra en Belgique, à l’aéroport de BruxellesNational, par le vol SN 211 en provenance de Freetown (Sierra Leone) le 27 décembre 2002, porteur d’un titre de voyage libanais qui indiquait sa qualité de réfugié palestinien. N’étant pas en ordre de visa, il se vit refuser l’entrée en Belgique. Le transporteur aérien qui avait assuré le vol fut informé qu’il était, conformément à l’article 74, alinéa 4, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers, responsable du paiement des frais de retour dans son pays d’origine.

Le même jour, le premier requérant demanda la reconnaissance de la qualité de réfugié arguant craindre pour sa vie au Liban.

Lors de son audition qui eut lieu le 27 décembre 2002 au matin, le requérant expliqua qu’il vivait avec sa famille au Liban, au camp de W., qu’il avait quitté pour se rendre au Royaume-Uni. Il s’était d’abord rendu à Beyrouth où il était demeuré quelques jours chez un oncle maternel. Cinq à six jours plus tard, il avait quitté cette ville à destination d’Abidjan où il avait embarqué à bord d’un vol pour Conakry. Après y avoir séjourné un jour, il s’était rendu en Sierra Leone où il était resté jusqu’à son embarquement sur le vol SN 211.

Le but de son voyage, comme des sept personnes qui avaient quitté le Liban dans les mêmes conditions, était de demander l’asile politique au Royaume-Uni.

L’organisateur de ce voyage, A., vivait au Liban au camp de X., et plusieurs intermédiaires étaient intervenus, dont KS. au départ du Liban et KN. à Conakry.

Le requérant était en possession d’un « Document de voyage pour les réfugiés palestiniens » émis par la République Libanaise, revêtu d’un visa émis par le Consulat général honoraire de Guinée au Liban le 12 décembre 2002, d’un cachet de sortie du Liban du 22 décembre 2002, d’un cachet d’entrée en Sierra Leone du 23 décembre 2002 et d’un cachet de sortie de Sierra Leone du 26 décembre 2002.

Il fut mis en possession d’un document attestant de l’introduction de sa demande d’asile.

Toujours à la même date du 27 décembre 2002, une décision de maintien du requérant dans un lieu déterminé situé à la frontière fut prise sur base de l’article 74/5, § 1er, 2o de la loi du 15 décembre 1980. En exécution de cette décision, le requérant fut conduit dans le centre de transit « 127 » situé dans l’enceinte de l’aéroport de Bruxelles-National.

Une décision de refus d’asile fut prise le 31 décembre 2002 par l’Office des étrangers et notifiée le même jour au requérant. Celui-ci introduisit un recours auprès du Commissariat général aux réfugiés et apatrides.

Le 21 janvier 2003, le Commissariat général confirma la décision de refus d’asile, relevant des contradictions entre les divers récits du requérant en cause et estimant que les éléments ne faisaient pas craindre un risque pour sa personne au Liban. Il releva qu’il ne pouvait être accordé foi aux allégations de ce requérant selon lesquelles le groupement chargé de la sécurité au camp Y., où il se serait trouvé depuis 2000, n’aurait entrepris aucune action contre les actions menées par le groupe U. qui menaçait, selon ses dires, sa sécurité dans le camp Y. Il considéra aussi que ce requérant aurait pu trouver refuge dans un autre camp où le groupe U. n’exerçait pas ses actions, comme le camp W. (Rashidie) où se trouvaient ses parents.

β. Le 28 janvier 2003, le conseil du premier requérant, Me Warlop, déposa devant le bourgmestre de Bruges, où ce requérant séjournait à cette date (voir infra), une demande de titre de séjour pour des motifs humanitaires, arguant l’impossibilité d’un retour dans son pays d’origine. Cette demande, faite sur base de l’article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers, fut transmise au ministre de l’Intérieur. Les parties n’ont pas fourni plus d’informations à propos de cette procédure.

γ. Un recours en annulation et une demande de suspension furent introduits devant le Conseil d’Etat le 19 février 2003 contre la décision du Commissariat général du 21 janvier 2003. Les parties n’ont pas fourni d’informations à propos de cette procédure.

b. Le deuxième requérant

α. Ce requérant entra en Belgique, à Bruxelles-National, par un vol en provenance de Freetown le 24 décembre 2002 à 5 h 12. Le requérant était en possession d’une somme d’argent équivalant à quarante-cinq euros et d’un « Document de voyage pour les réfugiés palestiniens » émis par la République Libanaise le 11 novembre 2000 et d’une durée de validité de cinq ans. Ce document était revêtu d’un visa ordinaire de la République de la Côte d’Ivoire du 13 août 2002, d’un cachet d’entrée en Côte d’Ivoire dont la date était illisible et de deux autres cachets illisibles.

N’étant pas en possession d’un visa de transit lui permettant d’embarquer vers Londres, des dispositions furent prises en vue de lui refuser l’entrée sur le territoire belge et le transporteur aérien qui avait assuré le vol fut invité à le transporter ou le faire transporter dans le pays d’origine ou un autre Etat où il pouvait être admis. Un « re-routing » fut organisé en direction de Beyrouth, via Budapest.

Contrôlé en zone de transit le même jour, ce requérant déclara ne pas vouloir se rendre à Beyrouth et demanda la reconnaissance de la qualité de réfugié arguant craindre pour sa vie au Liban. Il fut mis en possession d’un document attestant de l’introduction de sa demande d’asile.

Toujours à la même date du 24 décembre 2002, une décision de maintien du requérant dans un lieu déterminé situé à la frontière fut prise sur base de l’article 74/5, § 1er, 2o de la loi du 15 décembre 1980. En exécution de cette décision, le requérant fut conduit dans le centre de transit « 127 ».

Lors de son audition qui eut lieu le 3 janvier 2003, le requérant expliqua qu’il avait quitté le Liban le 15 décembre 2002 à destination de la Côte d’Ivoire. Le 23 décembre 2002, il avait quitté ce pays pour se rendre en Sierra Leone, puis en Belgique qu’il avait rejoint le 24 décembre 2002.

Une décision de refus de la demande d’asile a été prise le 6 janvier 2003 par l’Office des étrangers. Cette décision fut notifiée le même jour au requérant qui introduisit un recours auprès du Commissariat général aux réfugiés et apatrides.

Le 21 janvier 2003, le Commissariat général confirma la décision de refus, relevant sa méconnaissance de l’organisation palestinienne à laquelle il prétendait appartenir, ce qui avait été la source des périls qui le menaçaient au Liban selon ses dires et des contradictions entre les divers récits qu’il avait faits. Un recours en annulation et une demande de suspension furent également introduits devant le Conseil d’Etat le 19 février 2003. Les parties n’ont pas fourni plus d’informations à propos de cette procédure.

β. Le 28 janvier 2003, le conseil du deuxième requérant, Me Warlop, déposa également devant le bourgmestre de Bruges une demande de séjour pour des motifs humanitaires sur le fondement d’une impossibilité d’un retour dans le pays d’origine. Les parties n’ont pas fourni d’autres informations à propos de cette procédure.

B. La détention au « Centre 127 » et en centre fermé à Bruges

Le premier requérant séjourna à partir du 27 décembre 2002 au « Centre 127 » en exécution de la décision de maintien en un lieu déterminé situé à la frontière (voir supra). Le deuxième requérant y séjourna, sur le même fondement, à partir du 24 décembre 2002.

Suite à une tentative d’évasion collective du Centre 127 dans la nuit du 21 au 22 janvier 2003, les deux premiers requérants et trois de leurs compatriotes furent transférés, le 22 janvier 2003, au Centre fermé pour illégaux de Bruges (le Gouvernement explique que cette institution est, par une fiction juridique, assimilé à un centre situé à la frontière).

En janvier 2003, leur avocat déposa, pour chacun d’eux, une demande de mise en liberté devant la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles, par pli recommandé déposé aux services postaux le 14 janvier 2003. Cette juridiction y fit droit par ordonnance du 20 janvier 2003, estimant que les motifs allégués par l’administration pour justifier les privations de liberté n’étaient pas suffisants.

Le jour même du prononcé de cette ordonnance, le parquet avisa, par formulaire, l’Office des étrangers de sa décision d’interjeter appel, ce qu’il fit le lendemain. Du fait de ce recours, les requérants restèrent écroués et une éventuelle procédure de rapatriement était suspendue jusqu’à l’arrêt de la chambre des mises en accusation.

Le 24 janvier 2003, les autorités firent, au nom de ces deux requérants, une demande de réservation sur un vol du 6 février 2003 en direction de Freetown.

Par arrêt du 30 janvier 2003, la chambre des mises en accusation de Bruxelles confirma l’ordonnance de mise en liberté rendue le 20 janvier 2003 en faveur du premier requérant, étant d’avis que la mesure de détention n’étaient pas « suffisamment motivée in concreto ».

Le procureur général près la cour d’appel de Bruxelles émit, suite à cet arrêt, un ordre de libération immédiate de celui-ci. Du fait de cette décision, l’Office des étrangers procéda à son transfert en zone de transit de l’aéroport de Bruxelles-National (voir infra).

Suite à un arrêt rendu dans le même sens le 3 février 2003 au profit du deuxième requérant, des décisions dans le même sens furent prises ce même jour à son égard et il fut transféré en zone de transit de l’aéroport de BruxellesNational le 3 février 2003.

C. Le séjour en zone de transit de l’aéroport de Bruxelles-National

Le 30 janvier 2003, le premier requérant fut, suite à l’ordre de libération immédiate émis par le procureur général près la cour d’appel de Bruxelles, transféré à l’initiative de l’Office des étrangers en zone de transit de l’aéroport de Bruxelles-National. Il y fut conduit à 18 h 45, en compagnie de Ab., un autre ressortissant palestinien arrivé en Belgique le 25 décembre 2002, dans les mêmes circonstances que le premier requérant.

Ces deux personnes furent informées de leur remise en liberté, mises en possession de leurs bagages et d’une enveloppe contenant leurs objets personnels – à l’exception de leur passeport resté en possession de la police fédérale – et autorisées à avoir un entretien téléphonique avec une personne de leur choix. Ils indiquèrent vouloir téléphoner à leur avocat.

Le 1er février 2003 à 13 h 30, ils se présentèrent au « poste d’inspection frontière » de la police fédérale et déclarèrent ne pas avoir d’argent ou de nourriture. Ils furent informés de la possibilité de se rendre sur une base volontaire au « Centre INAD » de l’aéroport et d’y demeurer dans l’attente de leur refoulement. Le premier requérant signa, après que le contenu de ce document lui ait été traduit, une déclaration par laquelle il marquait son accord pour demeurer volontairement dans ce centre et en respecter le règlement. Selon un document dudit centre, il y est arrivé le 1er février 2003 et l’a quitté le 3 février 2003. En effet, une tentative de refoulement vers Freetown fut effectuée en vain le 3 février 2003, le premier requérant refusant d’embarquer dans l’avion.

Le 3 février 2003 toujours, l’avocat du premier requérant et de Ab., adressa un courrier au ministre de l’Intérieur, alléguant que ses clients avaient subi un traitement dégradant en ayant dû passer trois jours en zone de transit sans boire et manger. Elle expliquait que quelques heures après leur arrivée au Centre INAD, ils avaient été reconduits en zone de transit avec pour instruction de se débrouiller seuls pour boire, manger et se procurer un billet de retour.

A cette même date du 3 février 2003 à 18 h 40, le premier requérant et Ab. furent rejoints, en zone de transit par le deuxième requérant. Ayant reçu lors de ce transfert les mêmes explications que les deux premiers, il déclara « ne plus être aussi content avec cette décision » et vouloir contacter son avocat. Il signala aussi ne pas avoir d’argent et disposer seulement d’une carte de téléphone. Il demanda encore où étaient les « autres hommes ».

Le 4 février 2003, le conseil de ces requérants entama une procédure en extrême urgence devant le président du tribunal de première instance de Bruxelles qui la rejeta le 9 février 2003, au motif que les requérants ne bénéficiaient pas d’un droit subjectif à l’accès sur le territoire, un tel droit n’étant conféré ni par l’introduction d’une demande d’asile, ni par les ordonnances de mise en liberté.

Entre-temps, une nouvelle tentative de refoulement des trois personnes à destination de Freetown avait été effectuée le 6 février 2003. Une tentative supplémentaire eut lieu le 8 février 2003 pour deux d’entre eux. Le premier requérant refusa d’embarquer dans l’aéronef, au contraire de Ab., qui embarqua.

Le 9 février 2003, le conseil des premiers requérants déposa une requête en abréviation de citer, arguant que leur maintien en zone de transit constituait une voie de fait portant atteinte à leur droit à la liberté, un droit confirmé par les décisions rendues quant à leur détention en centre de transit. Il ajoutait que leur maintien en zone de transit contrevenait en outre aux articles 3 et 8 de la Convention. Par ordonnance du 10 février 2003, le président du tribunal de première instance de Bruxelles lui reconnut le droit de citer l’Etat belge pour l’audience du 12 février 2003.

Le 11 février 2003, les requérants citèrent l’Etat belge, représenté par Monsieur le ministre de l’Intérieur, à comparaître devant le président du tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en référé, aux fins d’enjoindre à l’Etat d’autoriser leur accès au territoire belge sous peine d’une astreinte de 1 000 euros (EUR) par heure de manquement à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir.

Le 12 février 2003, les autorités firent, au nom des deux premiers requérants, une demande de réservation sur un vol du 15 février 2003 en direction de Beyrouth.

Dans les conclusions déposées devant le président du tribunal de première instance, le conseil de l’Etat souleva notamment que les premiers requérants n’avaient pas introduit de recours en annulation des décisions du Commissariat général, ni demandé leur suspension.

Par ordonnance du 14 février 2003, le président du tribunal de première instance de Bruxelles enjoignit à l’Etat de laisser les premiers requérants quitter librement et sans restriction la zone de transit, sous peine d’une astreinte de 1 000 EUR par heure de manquement à dater de la signification. La décision rendue dans le cadre de la requête no 29787/03 est en ces termes :

« Il est constant que le demandeur se trouve aujourd’hui sous le coup d’une décision de refoulement du territoire national du 3 janvier 2003 confirmée le 21 janvier 2003.

Le délai de recours en suspension et en annulation n’a pas d’effet suspensif, pas plus que la demande de régularisation fondée sur l’article 9 al. 3 de la loi du 15 décembre 1980, introduite par le demandeur en date du 28 janvier 2003.

Le statut administratif du demandeur s’imposant au Tribunal, il nous appartient de prendre acte de ce que le demandeur n’a, dès lors, pas le droit de se maintenir sur le territoire belge.

Néanmoins, la décision de la chambre des mises en accusation s’impose également au Tribunal et, en l’espèce, cette juridiction a ordonné la remise en liberté immédiate du demandeur.

Il n’est, par ailleurs pas contesté que la chambre des mises en accusation a eu connaissance du statut administratif du demandeur et notamment de la décision du CGRA et l’a dès lors libéré en connaissance de cause.

Il n’appartient pas au Tribunal de s’arrêter à ce statut mais bien, sur la manière dont cette décision de libération est exécutée par l’Etat belge, toutes choses étant restées égales par ailleurs.

Le défendeur considère que compte tenu du fait que le demandeur n’a pas été autorisé à pénétrer sur le territoire national proprement dit, c’est à juste titre qu’il a considéré que la libération du demandeur devait se faire en zone de transit dans la mesure où cette zone n’est nullement une zone de non droit mais est en fait une partie du Royaume belge où se trouvent des personnes en transit en Belgique ou qui n’ont pas encore été autorisées à pénétrer sur le territoire national en tant que tel.

Conformément à l’enseignement de la Cour de cassation « en ce qui concerne l’accès, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, il ne résulte pas de la distinction légale entre la zone portuaire et le reste du territoire du Royaume, que la zone de transit ne fait pas partie du Royaume et que la loi mentionnée n’y est pas applicable » (Cass., 22 juin 1999, Pas. 1999, 957) ;

Les centres fermés ne sont en réalité rien d’autre que des prolongements de la zone de transit, des antichambres du territoire du Royaume, à la seule différence qu’ils sont, contrairement à la zone de transit, conçus pour pouvoir accueillir des personnes durant une période plus ou moins longue dans des conditions supposées décentes.

Si le raisonnement du défendeur peut dès lors être suivi en ce qu’il considère qu’en se trouvant en zone de transit le demandeur se trouve actuellement sur le territoire belge il ne peut être suivi lorsqu’il considère qu’il s’agit d’une « libération ».

L’on ne pourrait en effet admettre que le législateur, en créant des centres situés aux frontières, aménagés spécialement pour accueillir des personnes qui seraient maintenues d’autorité dans l’attente de recevoir l’autorisation d’entrer dans le Royaume ou dans l’attente de leur refoulement, et en assortissant une mesure de maintien dans ces lieux d’un recours devant la chambre du conseil, ait considéré qu’en cas de libération par la chambre du conseil et ensuite par la chambre des mises en accusation, ces personnes pourraient être renvoyées dans la zone de transit, nullement aménagée pour les accueillir, ce qui les mettrait dans une situation encore plus précaire et préjudiciable.

Si la libération limitée au centre de transit devait être admise, cela reviendrait à permettre à l’Etat belge de mettre unilatéralement en échec la décision de libération d’une instance judiciaire, sur base du statut administratif d’une personne alors même que ce statut administratif a été pris en considération par cette instance judiciaire et a dû motiver sa décision de libération.

Depuis le 21 janvier 2003, les parties savent l’une et l’autre que l’ordre de refoulement est exécutoire vu le rejet du recours du demandeur devant le CGRA et l’absence de recours en suspension d’extrême urgence.

Depuis lors, le demandeur ne manifeste aucune intention de s’y conformer volontairement.

Depuis lors, l’Etat belge ne procède pas non plus à son éloignement forcé.

Or, dès lors que l’Etat est à présent tenu de se conformer à la décision de remise en liberté du demandeur, de deux choses l’une, soit le défendeur préfère attendre que le demandeur se décide de partir volontairement mais dans ce cas, en attendant le départ du demandeur, il doit lui permettre de circuler librement sur le territoire (respect de l’autorité de la chose jugée), soit le défendeur prend ses responsabilités et se donne les moyens de mettre à exécution l’ordre de refoulement afin de forcer le respect de ses propres décisions administratives.

A cet égard, la loi permet à l’Etat belge d’enjoindre à cet étranger de résider en un lieu déterminé, jusqu’à l’exécution de la mesure d’éloignement (art. 73 loi du 15 décembre 1980).

Ce qui est inadmissible et est contraire à l’état de droit, en l’espèce, c’est que l’Etat belge place le demandeur dans un autre lieu fermé (la zone de transit) dans lequel les conditions de vie sont inhumaines et dégradantes en espérant que le demandeur se décidera alors à exécuter « volontairement » l’ordre de refoulement.

En transférant le demandeur du centre fermé de Melsbroek à la zone de transit, l’Etat belge a commis une voie de fait.

Sur base du dossier actuel la libération ordonnée par la chambre des mises en accusation implique nécessairement que le demandeur tant qu’il n’est pas refoulé, puisse quitter librement la zone de transit sans préjudice au droit du Ministère d’enjoindre au demandeur de résider en un lieu déterminé (art. 73).

Cette solution à une situation totalement contradictoire est la seule possible si l’on ne veut pas réduire la procédure fondée sur l’article 71 de la loi du 15 décembre 1980 à une mascarade.

Eu égard à ce qui précède il convient de faire droit à la demande conformément au dispositif de la présente ordonnance. »

La décision rendue dans le cadre de la requête no 29810/03 est motivée de la même manière.

L’avocat des premiers requérants communiqua cette décision par télécopie le 14 février 2003 à l’Office des étrangers qui annula la réservation pour le vol du 15 février 2003. Le 15 février 2003, l’Office reçut instruction de laisser, sans restriction, les premiers requérants quitter la zone de transit. Le même jour, ces derniers quittèrent la zone de transit.

Les ordonnances du 14 février 2003 furent signifiées à l’Etat belge, par voie d’huissier, une première fois, le 17 février 2003 au cabinet du ministre de la Justice ; celle, rendue en faveur du premier requérant le fut, une seconde fois, le 28 février 2003 au « poste d’inspection frontière » de la police fédérale de l’aéroport de BruxellesNational.

Les deux premiers requérants ont quitté la zone de transit le 15 février 2003 à une heure non précisée.

Les parties ne s’accordent pas sur la situation à laquelle les deux premiers requérants ont été confrontés en zone de transit.

Les requérants expliquent que la zone de transit ne comporte aucune chambre et, a fortiori, aucun lit et qu’ils furent logés dans la mosquée qui s’y trouve. Ils seraient restés plusieurs jours sans boire ni manger, ne recevant de la nourriture que de la part du personnel de nettoyage des lieux, de la société gérant l’aéroport ou du conseiller laïc de l’aéroport. Ils n’avaient pas la possibilité de se laver ou de nettoyer leur linge. Il furent souvent contrôlés par la police de l’aéroport, furent à plusieurs reprises placés en cellule et laissés plusieurs heures sans boire ni manger pour les contraindre à accepter un départ volontaire, puis remis en zone de transit. Ils auraient aussi été violemment frappés et battus à l’intérieur de la mosquée par certains membres de la police fédérale.

Le Gouvernement expose que, suites aux critiques contenues dans un rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après CPT) de 1993, il a été remédié à la situation dans la zone de transit de l’aéroport de BruxellesNational, par la création, entre autres, du Centre INAD, situé dans l’enceinte de l’aéroport. Ce centre peut accueillir, sur base volontaire, les personnes séjournant en zone de transit et leur fournir le logement et le couvert. Le CPT, dans son rapport de 1997 relatif à sa visite en Belgique, relève que les conditions matérielles et les activités proposées au Centre INAD peuvent généralement être décrites comme satisfaisantes pour un séjour ne dépassant pas quelques jours, à une exception près (absence d’aménagement permettant aux personnes maintenues au centre de prendre de l’air frais). En outre, les personnes qui se trouvent en zone de transit dans l’attente de la réservation d’un vol en vue d’un éloignement ont également la possibilité de se faire distribuer des repas via les services de contrôle. Une circulaire de la police fédérale du 31 octobre 2003 a confirmé cette pratique et rappelé aux différents services leurs obligations à cet égard. Il ressort de cette circulaire que le team qui traite le dossier de l’étranger concerné est responsable de la distribution des repas et qu’au moment de son arrivée en zone de transit, l’étranger est informé qu’il peut se présenter trois fois par jour au niveau « arrivée » en vue de recevoir un repas. Le team responsable commande, par personne, trois repas par jour au Centre INAD. Si cette procédure n’a effectivement été confirmée que par la circulaire du 31 octobre 2003, il n’en demeure pas moins que, dès le 1er février 2003, le requérant a été informé de la possibilité d’être logé et nourri sur base volontaire dans le Centre INAD.

D. La détention au centre fermé de Merksplas

Le 15 février 2003 à 11 h 30, les requérants firent l’objet d’un contrôle d’identité par des fonctionnaires de la police fédérale chargés du contrôle des frontières après avoir quitté la zone de transit. Ayant constaté qu’ils n’étaient pas en possession d’un titre de séjour régulier, les policiers établirent un rapport administratif visant chacun d’eux. Les rapports mentionnent qu’ils se déplaçaient ensemble et qu’ils parlaient l’anglais comme autre langue que leur langue maternelle. Les policiers prirent contact avec l’Office des étrangers à 12 h 30. Il leur fut donné instruction de retenir les requérants afin de pouvoir leur notifier un ordre de quitter le territoire avec décision de remise à la frontière et décision privative de liberté à cette fin. Une telle décision fut notifiée le même jour à une heure indéterminée par un agent de l’Office des étrangers. Les deux requérants refusèrent de signer.

Le premier requérant fut informé de ces mesures et du fait qu’en exécution, il était conduit au centre pour illégaux de Merksplas. Il déclara s’y opposer, sur instruction de son conseil. Au cours du trajet vers Merksplas, ce requérant se plaignit du fait que les menottes qui lui avaient été mises étaient trop serrées au poignet. Le trajet fut interrompu de ce fait à 14 h 45 pour permettre de desserrer les menottes.

Informé de ces mesures et de son transfert au centre pour illégaux, le deuxième requérant déclara également s’y opposer, sur instruction de son conseil, et résista aux forces de police qui le conduisaient dans le fourgon prévu pour le transfert de ces deux requérants. Quelques minutes après la fermeture du fourgon, il fut constaté que, bien qu’il ait été menotté, ce requérant s’était volontairement infligé des blessures en frappant sa tête contre la vitre du fourgon, protégée par un grillage. Il fut alors décidé de procéder à son transfert à Merksplas dans un véhicule de police et des liens en velcro lui furent placés autour des bras et des jambes pour éviter toute mutilation. Selon le procès-verbal établi à cette occasion, il aurait déclaré aux membres de l’escorte qu’il utiliserait les blessures qu’il s’était infligées à l’appui d’un dépôt de plainte contre la police. A son arrivée à Merksplas, il fut examiné par le médecin du centre qui constata la présence de lésions extérieures, à savoir un hématome et une petite blessure (« klein wondje ») au front.

Le 19 février 2003, l’avocat des deux requérants écrivit au ministre de l’Intérieur, s’insurgeant du placement de ses clients dans un centre fermé malgré les ordonnances rendues le 14 février 2003. Le même jour, il avait introduit devant le Conseil d’Etat un recours en annulation et une demande de suspension ordinaire de la décision du 21 janvier 2003 du Commissaire général (voir supra).

E. L’éloignement des deux premiers requérants

a. Le premier requérant

Le 20 février 2003, des mesures furent prises en vue de procéder à son éloignement à destination de Beyrouth, mais cette mesure de rapatriement fut annulée ultérieurement. Le 24 février 2003, l’Office des étrangers donna instruction au « Service inspection frontières » d’organiser dans les plus brefs délais son éloignement. Un nouveau rapatriement fut organisé pour la date du 8 mars 2003.

Le 8 mars 2003, le premier requérant se vit remettre, à son départ de Merksplas, ses effets personnels, ses bagages et les sommes de 45 EUR, 250 dollars américains (USD) et 1 000 livres libanaises dont il était porteur à son arrivée. Il avait préalablement été informé de la procédure de rapatriement qui serait suivie et des mesures de contraintes qui pourraient éventuellement être prises. Après discussion, il déclara qu’il ne s’opposait plus à cette mesure, mais souhaita que certaines conditions soient respectées. Il demanda notamment qu’il ne lui soit pas passé de menottes et qu’il ait son passeport entre ses mains. Il lui fut indiqué qu’il ne pouvait être satisfait à ces conditions, compte tenu des circonstances.

Le rapatriement fut effectué par un vol à destination de Beyrouth, via Moscou, sous l’escorte de trois policiers. Le premier requérant fut menotté avec des menottes en tissu pour être conduit à bord. Ces menottes furent retirées après le décollage. Pendant les vols et durant l’attente dans la zone de transit de l’aéroport de Moscou, il reçut nourriture et boissons. Les membres de l’escorte ne signalèrent aucun incident.

b. Le deuxième requérant

Le 21 février 2003, des mesures furent prises en vue de procéder à son éloignement à destination de Beyrouth, mais cette mesure de rapatriement fut annulée ultérieurement.

Le rapatriement eut lieu le 5 mars 2003. A son départ de Merksplas, ce requérant se vit remettre, ses effets personnels, ses bagages, ainsi qu’une somme de 150 EUR. Selon le procès-verbal établi dans le cadre de son éloignement, il arriva à l’aéroport à 16 h 45. Il y fut soumis à une fouille et placé en cellule. A 20 h 35, les fonctionnaires en charge de son rapatriement l’entendirent afin de déterminer son degré de coopération à la mesure d’éloignement. Lors de cet entretien, il signala qu’il avait compris qu’il devait retourner à Beyrouth. Il aurait ajouté qu’il n’était pas heureux de sa situation depuis deux mois et qu’il avait le sentiment d’avoir été l’objet d’un jeu entre son avocat et les responsables du ministère. Il fut autorisé à téléphoner à sa famille et eut un contact avec sa sœur qui fut informée des coordonnées précises du vol et de l’heure d’arrivée prévue. Afin d’éviter toute tentative de rébellion, les membres de l’escorte décidèrent, compte tenu des informations en leur possession et des circonstances du transfert du 15 février 2003, d’utiliser des moyens de contrainte. C’est porteur de menottes en tissu et attaché par un velcro à la hauteur des chevilles qu’il embarqua dans le vol à destination de Beyrouth, via Moscou. L’embarquement, le vol et le transit se déroulèrent sans incident. Le requérant fut libéré de ses liens dès que l’avion atteignit son altitude de vol et il reçut nourriture, boissons, ainsi que des cigarettes durant le voyage. A son arrivée à Beyrouth, il fut remis en possession de son passeport. Il y était attendu par les membres de sa famille. Le consul de Belgique à Beyrouth était aussi présent à l’aéroport.

B. Le droit interne pertinent

Les dispositions pertinentes de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers se lisent comme suit :

Article 7

« Sans préjudice des dispositions plus favorables contenues dans un traité international, le Ministre ou son délégué peut donner l’ordre de quitter le territoire avant une date déterminée, à l’étranger qui n’est ni autorisé ni admis à séjourner plus de trois mois ou à s’établir dans le Royaume :

1o s’il demeure dans le Royaume sans être porteur des documents requis par l’article 2 ;

2o (...)

Dans les mêmes cas, si le Ministre ou son délégué l’estime nécessaire, il peut faire ramener sans délai l’étranger à la frontière.

L’étranger peut être détenu à cette fin pendant le temps strictement nécessaire à l’exécution de la mesure sans que la durée de la détention puisse dépasser deux mois. (...) »

Article 9

« Pour pouvoir séjourner dans le Royaume au-delà du terme fixé à l’article 6, l’étranger qui ne se trouve pas dans un des cas prévus à l’article 10 doit y être autorisé par le Ministre ou son délégué.

Sauf dérogations prévues par un traité international, par une loi ou par un arrêté royal, cette autorisation doit être demandée par l’étranger auprès du poste diplomatique ou consulaire belge compétent pour le lieu de sa résidence ou de son séjour à l’étranger.

Lors de circonstances exceptionnelles, cette autorisation peut être demandée par l’étranger auprès du bourgmestre de la localité où il séjourne, qui la transmettra au Ministre qui a l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers dans ses compétences ou à son délégué. Elle sera dans ce cas délivrée en Belgique ».

Article 57/6

« Le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides est compétent :

1o pour reconnaître ou refuser de reconnaître la qualité de réfugié, au sens des conventions internationales liant la Belgique, à l’étranger visé à l’article 53 ;

2o pour retirer la qualité de réfugié au sens des conventions internationales liant la Belgique ;

2obis pour retirer la qualité de réfugié à l’étranger auquel le statut a été reconnu sur la base de fausses déclarations ou de documents faux ou falsifiés, ainsi qu’à l’étranger dont le comportement personnel démontre ultérieurement l’absence de crainte de persécution ;

3o pour confirmer ou refuser de confirmer la qualité de réfugié de l’étranger qui remplit les conditions prévues à l’article 49, deuxième alinéa ;

4o pour délivrer aux réfugiés et aux apatrides les documents visés à l’article 25 de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, signée à Genève, le 28 juillet 1951, et à l’article 25 de la Convention relative au statut des apatrides, signée à New York, le 28 septembre 1954.

Les décisions refusant de reconnaître ou de confirmer la qualité de réfugié ainsi que celles retirant cette qualité sont motivées, en indiquant les circonstances de la cause. »

Article 63/5

« Le recours urgent suspend la décision contestée du Ministre. Pendant le délai ouvert pour l’introduction d’un recours urgent ainsi que pendant la durée de l’examen de ce recours, toutes les mesures d’éloignement du territoire à l’égard de l’étranger en raison des faits qui ont donné lieu à la décision contestée sont suspendues.

Dans le cas où la demande est introduite contre un refus de séjour ou d’établissement, le Ministre ou son délégué peut enjoindre à l’étranger de résider en un lieu déterminé ou, si des circonstances exceptionnellement graves le justifient, ordonner sa détention pendant la durée de l’examen de la demande.

En cas de confirmation de la décision contestée, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou un de ses adjoints donne également un avis formel sur la remise éventuelle de l’intéressé à la frontière du pays qu’il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté serait menacée. »

Article 69

« Un recours en annulation, régi par l’article 14 des lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, peut être introduit contre une décision refusant le bénéfice d’un droit prévu par la présente loi.

L’introduction d’une demande en révision n’empêche pas l’introduction directe d’un recours en annulation contre la décision dont la révision est demandée.
Dans ce cas, l’examen du recours en annulation est suspendu jusqu’à ce que le Ministre ou son délégué ait statué sur la recevabilité de la demande. »

Article 71

« L’étranger qui fait l’objet d’une mesure privative de liberté prise en application des articles 7, (8bis, § 4,) 25, 27, 29, alinéa 2, 51/5, § 3, alinéa 4, 52bis, alinéa 4, 54, 63/5, alinéa 3, 67, 74/6 et (57/32, § 2, alinéa 2) peut introduire un recours contre cette mesure en déposant une requête auprès de la chambre du conseil du tribunal correctionnel du lieu de sa résidence dans le Royaume ou du lieu où il a été trouvé.

L’étranger maintenu dans un lieu déterminé situé aux frontières, en application de l’article 74/5, peut introduire un recours contre cette mesure, en déposant une requête auprès de la chambre du conseil du tribunal correctionnel du lieu où il est maintenu.
L’intéressé peut réintroduire le recours visé aux alinéas précédents de mois en mois.
Toutefois, lorsque, conformément à l’article 74, le Ministre a saisi la chambre du conseil, l’étranger ne peut introduire le recours visé aux alinéas précédents contre la décision de prolongation du délai de la détention ou du maintien qu’à partir du trentième jour qui suit la prolongation. »

L’article 17 des lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 dispose :

« § 1. Lorsqu’un acte ou un règlement d’une autorité administrative est susceptible d’être annulé en vertu de l’article 14, § 1er), le Conseil d’Etat est seul compétent pour ordonner la suspension de son exécution.

Sans préjudice de l’article 90, §§ 2 et 3, la suspension est ordonnée, les parties entendues ou dûment appelées, par arrêt motivé du président de la chambre saisie ou du conseiller d’Etat qu’il désigne à cette fin.

Dans les cas d’extrême urgence, la suspension peut être ordonnée à titre provisoire sans que les parties ou certaines d’entre elles aient été entendues. Dans ce cas, l’arrêt qui ordonne la suspension provisoire convoque les parties dans les trois jours devant la chambre qui statue sur la confirmation de la suspension. Le président de la chambre ou le conseiller d’Etat par lui désigné qui a ordonné la suspension provisoire ne peut siéger dans la chambre qui statuera sur la confirmation de la suspension.

§ 2. La suspension de l’exécution ne peut être ordonnée que si des moyens sérieux susceptibles de justifier l’annulation de l’acte ou du règlement attaqué sont invoqués et à condition que l’exécution immédiate de l’acte ou du règlement risque de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Les arrêts prononcés en vertu des §§ 1er et 2 ne sont susceptibles ni d’opposition ni de tierce opposition.

Les arrêts par lesquels la suspension a été ordonnée sont susceptibles d’être rapportés ou modifiés à la demande des parties.

§ 3. La demande de suspension est introduite par un acte distinct de la requête en annulation et au plus tard avec celle-ci.

Elle contient un exposé des moyens et des faits qui, selon son auteur, justifient que la suspension ou, le cas échéant, des mesures provisoires soient ordonnées.
La suspension et les autres mesures provisoires qui auraient été ordonnées avant l’introduction de la requête en annulation de l’acte ou du règlement seront immédiatement levées par le président de la chambre ou par le conseiller d’Etat qu’il désigne qui les a prononcées s’il constate qu’aucune requête en annulation invoquant les moyens qui les avaient justifiées n’a été introduite dans le délai prévu par le règlement de procédure.

§ 4. Le président de la chambre ou le conseiller d’Etat qu’il désigne statue dans les quarante-cinq jours sur la demande de suspension. Si la suspension a été ordonnée, il est statué sur la requête en annulation dans les six mois du prononcé de l’arrêt.

§ 4bis. La section d’administration peut, suivant une procédure accélérée déterminée par le Roi, annuler l’acte ou le règlement dont la suspension est demandée si, dans les trente jours à compter de la notification de l’arrêt qui ordonne la suspension ou confirme la suspension provisoire, la partie adverse ou celui qui a intérêt à la solution de l’affaire n’a pas introduit une demande de poursuite de la procédure.

§ 4ter. Il existe dans le chef de la partie requérante une présomption de désistement d’instance lorsque, la demande de suspension d’un acte ou d’un règlement ayant été rejetée, la partie requérante n’introduit aucune demande de poursuite de la procédure dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’arrêt.

§ 5. L’arrêt qui ordonne la suspension ou la suspension provisoire de l’exécution d’un acte ou d’un règlement peut, à la demande de la partie requérante, imposer une astreinte à l’autorité concernée. Dans ce cas, l’article 36, §§ 1 à 4, est d’application.
Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, la procédure applicable à la fixation de l’astreinte.

§ 6. Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, la procédure relative aux demandes prévues par le présent article. Des règles spécifiques peuvent être fixées concernant l’examen des demandes de suspension de l’exécution qui sont manifestement irrecevables et non fondées. Une procédure spécifique pour l’examen
au fond, dans le cas où la suspension de l’exécution est ordonnée, peut également être fixée.
Au cas où la suspension de l’exécution est ordonnée pour détournement de pouvoir, l’affaire est renvoyée à l’assemblée générale de la section d’administration. Elle l’est, à la demande du requérant, si la suspension est ordonnée pour violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution.

Si l’assemblée générale de la section d’administration n’annule pas l’acte ou le règlement attaqué, la suspension cesse immédiatement ses effets. Dans ce cas, l’affaire est renvoyée, pour examen d’autres moyens éventuels, à la chambre qui en était initialement saisie.

§ 7. Si la chambre compétente pour statuer au fond n’annule pas l’acte ou le règlement qui fait l’objet du recours, elle peut lever ou rapporter la suspension ordonnée. »

Le Conseil d’Etat a déjà accueilli, dans un arrêt 126.891 du 6 janvier 2004, une demande de suspension, formée selon la procédure d’extrême urgence, de l’exécution d’une décision de refus d’accès au territoire.

GRIEFS

1. Les requérants soutiennent que les premiers requérants de chacune des requêtes ont subi de la part des autorités belges des traitements inhumains et dégradants au mépris de l’article 3 de la Convention. Ils exposent d’une part qu’ils ont été battus à plusieurs reprises et insultés. D’autre part, ils ont été laissés pendant plus de dix jours en zone de transit sans aucun accompagnement juridique et social, sans aucun moyen de subsistance, sans hébergement ou commodités pour dormir ou se laver et aucun lieu où mener une vie privée, sans accès à des moyens de communication, sans possibilité de recevoir une visite et sans aucune possibilité de contrôle des conditions de détention par des organismes extérieurs et indépendants. Ces circonstances ont aussi porté atteinte à l’article 8 de la Convention.

Ils expliquent qu’il « en va de même de [leur] rapatriement vers le Liban, pays où les Palestiniens sont victimes de violations graves de leurs droits fondamentaux ».

2. Les requérants soutiennent également que le placement des deux premiers requérants en zone de transit suite aux arrêts des 30 janvier 2003 et 3 février 2003 et leur placement à Merksplas suite à l’ordonnance du 14 février 2003 ont porté atteinte à l’article 5 de la Convention puisque ces mesures ont été appliquées en violation de décisions de justice ordonnant leur libération qui n’ont donc pas été exécutées avec la diligence, la célérité et la bonne foi requises qu’exige cette disposition en garantissant un strict contrôle judiciaire de toute mesure de privation de liberté. Ce non-respect des décisions judiciaires a aussi porté atteinte à l’article 6 de la Convention en ce qu’il garantit le droit à voir les décisions de justice exécutées et à son article 13.

3. Les requérants voient aussi une autre violation de l’article 13 de la Convention dans la mesure où les premiers requérants de chacune des requêtes ont été éloignés du territoire belge alors qu’étaient toujours pendants le recours devant le Conseil d’Etat et la demande fondée sur l’article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, les seules procédures leur permettant de faire valoir un risque de mauvais traitement au sens de l’article 3 de la Convention.

EN DROIT

Les requérants font valoir que les faits de l’espèce et, en particulier, leurs transferts en zone de transit à Merksplas, malgré les décisions judiciaires rendues respectivement les 30 janvier, 3 février et 14 février 2003, ont violé les articles 3, 5, 6, 8 et 13 de la Convention.

I. Sur la qualité de « victime » des associations requérantes de chacune des requêtes

Le Gouvernement défendeur fait d’abord valoir que les associations requérantes, personnes morales, ne sauraient se prétendre « victime » au sens de l’article 34 de la Convention, faute d’avoir été « directement » touchées par les atteintes alléguées à la Convention. En effet, les griefs résultent d’actes qui ne concernent directement que les requérants personnes physiques. Le fait que les intérêts collectifs que les associations en cause se sont donnés pour mission de défendre auraient éventuellement pu être lésés, ne saurait suffire à leur conférer la qualité de victime.

Les personnes morales qui sont requérantes reconnaissent ne pas avoir subi personnellement d’atteintes aux droits protégés par la Convention. Il s’agit cependant d’atteintes aux droits qu’elles se sont données pour mission de défendre quotidiennement, à l’égard de personnes extrêmement fragilisées pour défendre leurs intérêts, du fait de leur détention puis de leur éloignement. Dans l’hypothèse où la Cour devrait conclure à l’irrecevabilité des requêtes à leur égard, elles demandent à être autorisées à représenter les requérants, comme ce fut le cas dans l’affaire Čonka (Čonka c. Belgique, no 51564/99, CEDH 2002-I), vu la difficulté de maintenir des contacts avec les deux premiers requérants.

La Cour rappelle que dans sa décision rendue le 13 mars 2001 dans l’affaire Čonka, elle s’est prononcée comme suit :

« La Cour rappelle que pour satisfaire aux conditions posées par l’article 34 de la Convention, tout requérant doit notamment être en mesure de démontrer qu’il est concerné directement par la ou les violations de la Convention qu’il allègue. Aussi la Ligue des droits de l’homme ne saurait-elle se prétendre elle-même victime de mesures qui auraient porté atteinte aux droits que la Convention reconnaît aux membres de la famille Conka (voir, mutatis mutandis, Association des amis de SaintRaphaël et de Fréjus et autres c. France (déc.), no 45053/98). Il s’ensuit qu’en tant qu’elle a été introduite par la Ligue des droits de l’homme, cette partie de la requête est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention, sans préjudice toutefois du droit de la Ligue de représenter les requérants devant la Cour ».

Elle considère que, dans le cas présent, il n’y a pas lieu d’arriver à une conclusion différente, que ce soit sur la qualité de victime des associations ou sur la possibilité pour elles de représenter les premiers requérants aux côtés de Mes Sarolea et Warlop.

Il s’ensuit qu’en tant qu’elles ont été introduites par les associations, les requêtes sont incompatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention et doivent être rejetées conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

II. Sur les griefs tirés de l’article 3 de la Convention

Les requérants soutiennent qu’ils ont subi de la part des autorités belges des traitements inhumains et dégradants au mépris de l’article 3 de la Convention, qui se lit comme suit :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

1. Sur l’exception soulevée par le Gouvernement

Le Gouvernement note que les requérants n’ont pas déposé plainte avec constitution de partie civile, tant en ce qui concerne les coups et brutalités qu’ils allèguent avoir subis en zone de transit et lors de leur éloignement –des faits réprimés par les articles 398 et suivants et 417 et 418 et suivants du code pénal–, que contre les conditions auxquelles ils ont été confrontés lors de leur séjour en zone de transit. L’enquête judiciaire qui devait être ouverte suite à pareille plainte aurait pu aboutir à la saisine des juridictions répressives devant lesquelles les requérants auraient pu obtenir une « adéquate réparation » (arrêt Slimani c. France, no 57671/00, 27 juillet 2004) de leurs dommages matériel et moral. Le Gouvernement insiste sur le fait que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2002, les actes de torture, de traitement inhumain et de traitement dégradant sont punis expressément en droit belge et que des peines aggravées sont prévues pour les infractions commises par un officier, un fonctionnaire public, un dépositaire ou un agent de la force publique agissant à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

Le Gouvernement constate aussi que les requérants ne se sont jamais plaints, devant les autorités – et notamment le « Comité P », un organe spécialisé de contrôle des forces de police, indépendant et externe des services de police, placé sous le contrôle du Parlement – ou devant les juridictions internes, des coups et brutalités qu’ils allèguent avoir subis de la part de la police. Il n’y a eu, concernant les divers faits allégués, qu’un courrier du 3 février 2003 du premier requérant adressé au ministre de l’Intérieur exposant qu’il était resté trois jours sans boire et manger dans la zone de transit.

Les requérants sont d’avis que la plainte avec constitution de partie civile ne pouvait constituer un remède adéquat car elle n’aurait pu conduire qu’a posteriori à la condamnation des agents de l’Etat mis en cause, mais n’aurait pas permis de faire cesser la violation de l’article 3 en mettant fin à la détention illégale et aux mauvais traitements consécutifs à celle-ci. Ils mettent aussi en cause l’accessibilité de cette voie de recours, rappelant qu’ils vivaient reclus dans une zone de nondroit, tentant d’échapper, dans la zone de transit, aux autorités qui les ont soumis aux mauvais traitements et faisaient pression pour qu’ils quittent le territoire. Dans la présente affaire, les personnes en cause étaient clairement dissuadées d’utiliser les voies de recours prévus par la loi et l’introduction d’une plainte était nettement découragée, puisque chaque contact avec les autorités augmentait le risque d’un éloignement forcé.

a. En ce qui concerne la situation générale des requérants en zone de transit, la Cour constate que les requérants ont dénoncé ces faits dans leurs recours du 11 février 2003 déposés devant le président du tribunal de première instance de Bruxelles, siégeant en référé, y arguant que leur maintien en zone de transit contrevenait aux articles 3 et 8 de la Convention du fait de l’absence de prise en charge. Le président du tribunal y a fait droit, constatant le caractère inhumain et dégradant des conditions de vie dans la zone de transit. La Cour note aussi que, selon le Gouvernement, les autorités compétentes se sont pleinement conformées à cette décision.

La Cour rappelle qu’un requérant doit avoir fait un usage normal des recours internes vraisemblablement efficaces et suffisants. Lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (Wójcik c. Pologne, no 26757/95, décision de la Commission du 7 juillet 1997, Décisions et rapports (DR) 90, p. 24 ; Günaydin c. Turquie (déc.), no 27526/95, 25 avril 2002 ; Moreira Barbosa c. Portugal (déc.), no 65681/01, 29 avril 2004).

La Cour estime, eu égard aux circonstances de la cause, qu’il serait excessif de demander aux requérants d’introduire les voies de recours mentionnées par le Gouvernement, alors qu’ils ont dénoncé les violations alléguées au cours de procédures en référé, où il a été fait droit à leur demande. Ce faisant, ils ont fait usage d’une voie de recours vraisemblablement efficace et suffisante et le seul fait que les requérants soulèvent, dans leur grief relatif aux articles 6 et 13 de la Convention, que l’Etat ne s’est pas réellement conformé à cette décision de référé ne saurait avoir pour conséquence de les obliger à dénoncer à nouveau les faits litigieux en utilisant une autre voie de recours.

La Cour rejette ainsi cet aspect de l’exception du Gouvernement.

b. Les requérants dénoncent l’attitude des forces de police à leur égard. La Cour relève que ces faits sont, particulièrement en ce qui concerne les brutalités et vexations qu’ils auraient subies en zone de transit, indissociablement liés avec leur situation générale dans ce lieu, aussi dénoncée au titre de l’article 3. Elle joint donc au fond ce point de l’exception.

2. Sur la recevabilité et le bien-fondé du grief

Le Gouvernement note d’abord que le séjour des requérants en zone de transit, d’une durée limitée à quinze jours pour le premier requérant et à onze jours pour le deuxième requérant, leur est totalement imputable.

Ces requérants ont à plusieurs reprises refusé d’embarquer à bord d’aéronefs sur lesquels une place leur avait été réservée. Arrivé en même temps que le premier requérant, A. a, pour sa part, quitté la Belgique le 8 février 2003. En refusant de se conformer aux décisions de refoulement confirmées par le Commissaire général, les requérants sont à la seule origine de la durée de leur séjour en zone de transit et de la prétendue incertitude liée à leur situation (Mogos c. Roumanie, no 20420/02, 13 octobre 2005 ; M. G. c. Allemagne (déc.), no 20420/02, 16 septembre 2004 ; Matencio c. France, 58749/00, 15 janvier 2004).

Le Gouvernement soutient aussi que les requérants n’étaient pas sans ressource en zone de transit puisque leurs bagages et affaires personnelles leur avaient été remis à leur sortie du Centre fermé de Bruges. S’agissant du premier requérant, un rapport du Centre de Bruges relatif aux sommes d’argent déposées par l’intéressé précisait qu’à sa sortie, il avait été mis en possession d’une somme d’argent de 250 USD et de 1 000 livres libanaises. Pour sa part, le deuxième requérant a été mis en possession d’une somme de 15 EUR et 20 centimes, selon le rapport du Centre de Bruges relatif aux sommes d’argent déposées. Les mouvements d’argent mentionnés dans les différents rapports figurant au dossier de ce requérant montrent qu’il disposait certainement de davantage de moyens : à son arrivée en Belgique, il mentionnait être en possession de 45 EUR ; à son entrée au Centre de Bruges, il déposait 81 EUR et 94 centimes et lorsqu’il quittait le territoire belge, il était en possession de 150 EUR. Ce requérant n’était, en outre, pas seul en zone de transit puisqu’il y a rejoint les deux autres ressortissants palestiniens qui y avaient été transférés le 30 janvier 2003 (le premier requérant et Ab.), dont il s’est immédiatement inquiété.

Ce montant doit être considéré comme étant le montant minimum en possession des intéressés. Aucune obligation n’est, en effet, imposée aux résidents de remettre la totalité de l’argent en leur possession en dépôt. Il leur est conseillé de procéder de la sorte afin de se protéger d’éventuels vols.

En outre, les personnes qui se trouvent en zone de transit en vue d’un éloignement ont également la possibilité de se faire distribuer des repas via les services de contrôle.

Dès le 1er février 2003, le premier requérant a été informé de la possibilité d’être logé et nourri sur base volontaire dans le Centre INAD et y a séjourné du 1er février au 3 février 2003 selon un rapport de ce centre (le gouvernement rappelle aussi que, pour sa part, Ab. a séjourné au centre INAD depuis son arrivée en zone de transit, en même temps que le premier requérant, jusqu’à son départ volontaire le 8 février 2003).

De l’avis du Gouvernement, les requérants se trouvent donc à l’origine de la situation dont ils se plaignent et ils ne peuvent faire grief à l’Etat belge de ne pas avoir usé des possibilités qui leur étaient offertes.

Le Gouvernement relève encore qu’en ce qui concerne les contrôles effectués par les forces de police dans la zone de transit, les requérants n’apportent aucun élément qui conduirait à considérer que ces contrôles auraient été excessifs, voire qu’ils auraient eux-même été plus particulièrement visés par ces contrôles. La zone de transit de l’aéroport de Bruxelles-National est indéniablement une zone à risque, particulièrement en raison de l’augmentation ces dernières années des risques d’attentat, qui suppose que des contrôles réguliers y soient effectués et que des garanties soient prises quant à l’accès au territoire belge, conformément aux engagements de la Belgique à l’égard des Etats Schengen et des Etats membres de l’Union européenne. Rien ne montre une systématisation particulière des contrôles à l’égard des requérants ou que des violences auraient été commises à l’occasion de ces contrôles. Le premier requérant n’a d’ailleurs déposé aucune plainte entre les mains des autorités compétentes et n’a transmis aucun certificat médical attestant des éventuels coups et blessures qu’il aurait subis.

S’agissant du deuxième requérant, le Gouvernement constate aussi que la lettre du 19 février 2003 de l’avocat des deux requérants ne fait nullement état des coups et blessures qui lui auraient prétendument été portés lors du transit du 15 février 2003.

En ce qui concerne l’éloignement, le Gouvernement constate d’abord que le premier requérant n’étaye en aucune manière ses allégations de coups et blessures subis durant l’éloignement. Il est, d’autre part, d’avis que les modalités d’éloignement n’ont pas atteint le seuil de gravité requis pour l’application de cet article. La seule mesure de contrainte dont a fait l’objet ce requérant est d’avoir été menotté à l’aide de menottes en tissu pour être conduit à bord. Le deuxième requérant a été, pour sa part, menotté avec des menottes en tissu et attaché aux chevilles. Ces entraves ont été retirées après le décollage et aucun incident n’a été signalé par les membres de l’escorte. Pendant les vols et durant l’attente dans la zone de transit de l’aéroport de Moscou, ces requérants ont reçu nourriture et boissons.

Les requérants font valoir qu’en zone de transit, ils ont été victimes de mauvais traitements physiques et psychologiques, y étant restés sans aucun accompagnement juridique et social, sans aucun moyen de subsistance (nourriture ou boisson), sans hébergement, commodité ou lieu pour dormir. Ils n’avaient pas d’autres lieux que les sanitaires publics de l’aéroport pour se laver, n’avaient ni vêtements pour se changer, ni produits d’hygiène et n’avaient aucun lieu où mener une vie privée. Ils n’avaient pas non plus accès à des moyens de communication ni aucun moyen pour contacter l’extérieur et notamment leur avocat, une O.N.G., une organisation internationale ou un médecin. Ils étaient aussi sans possibilité de recevoir une visite ou de faire contrôler les conditions de détention par des organismes extérieurs et indépendants.

La Cour a procédé à un examen préliminaire des arguments des parties. Elle estime que ce grief pose des questions de droit et de fait complexes qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen, mais nécessitent un examen au fond. Il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

III. Sur le grief tiré de l’article 8 de la Convention

Les requérants soutiennent que leurs séjours de plus de dix jours en zone de transit sans aucun moyen de subsistance, hébergement ou commodités a également violé l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

La Cour constate que ce grief est intimement lié à celui formulé sous l’article 3 de la Convention, de sorte qu’il doit en suivre le même sort. Il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.

IV. Sur le grief tiré de l’article 5 de la Convention

Les requérants soutiennent également que leur placement en zone de transit suite aux arrêts des 30 janvier 2003 et 3 février 2003 et leur placement à Merksplas suite à l’ordonnance du 14 février 2003 ont porté atteinte à l’article 5 de la Convention puisque ces mesures ont été appliquées en violation de décisions de justice ordonnant leur libération.

Les dispositions pertinentes de l’article 5 de la Convention se lisent ainsi :

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

(...)

4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

1. Sur l’exception soulevée par le Gouvernement

Le Gouvernement constate que les requérants n’ont introduit aucun recours contre la décision du 15 février 2003 leur ordonnant de quitter le territoire avec décision de remise à la frontière et privation de liberté à cette fin. Deux recours étaient cependant ouverts contre cette décision : l’un devant la chambre du conseil du tribunal de première instance contre la décision de privation de liberté aux fins de remise à la frontière conformément à l’article 71 de la loi du 15 décembre 1980, l’autre devant le Conseil d’Etat contre la décision ordonnant de quitter le territoire avec décision de remise à la frontière sur le fondement de l’article 69 de la même loi.

Les requérants estiment qu’on ne saurait leur reprocher de ne pas avoir introduit de recours contre les décisions de privation de liberté, dans la mesure où de telles décisions avaient déjà été rendues antérieurement tant par la chambre du conseil que par la chambre des mises en accusation et que l’Etat avait refusé de mettre ces décisions à exécution ou estimé les avoir exécutées en les plaçant en zone de transit. L’Etat les a placés dans un cercle vicieux et cette attitude leur a donné un sentiment de vulnérabilité, d’impuissance et d’appréhension face aux représentants de l’Etat qui justifie de les exonérer de l’obligation d’épuiser une fois encore les voies de recours internes.

La Cour estime qu’à l’appui de leur thèse selon laquelle ils auraient été dispensés de saisir la chambre du conseil d’un recours contre leur privation de liberté suite à leur transfert à Merksplas, les requérants invoquent des circonstances directement liées à la régularité de cette détention, qu’ils estiment en contradiction avec les décisions judiciaires antérieures rendues en leur faveur. Il convient dès lors de joindre au fond cette exception préliminaire soulevée par le Gouvernement.

2. Sur la recevabilité et le bien-fondé du grief

Le Gouvernement rappelle que, suite aux ordonnances du 14 février 2003, les requérants ont été autorisés à quitter la zone de transit le 15 février 2003 et à accéder sur le territoire belge. Ils n’étaient cependant en possession d’aucune autorisation de séjour. Lors de contrôles effectués le 15 février 2003 à 11 h 30, il a été constaté qu’ils étaient sur le territoire sans être porteur des documents requis et des ordres de quitter le territoire avec décision de remise à la frontière et décision de privation de liberté à cette fin leur furent notifiés, sur le fondement de l’article 7 de la loi du 15 décembre 1980. Rappelant que les termes « selon les voies légales » se réfèrent essentiellement à la législation nationale (Winterwerp c. Pays-Bas, arrêt du 24 octobre 1979, série A no 33 ; Steel et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VII ; Shamsa c. Pologne, nos 45355/99 et 45357/99, 27 novembre 2003), le Gouvernement expose que la privation de liberté en cause était régie par la disposition précitée, extrêmement précise à cet égard. Répondant aux critères fixés par la Cour d’arbitrage en la matière, les privations de liberté intervenues le 15 février 2003 étaient absolument nécessaires et proportionnelles et n’avaient rien d’arbitraire. En effet, comme les décisions litigieuses l’indiquaient, les requérants avaient déjà précédemment fait l’objet de différentes tentatives d’éloignement auxquelles ils avaient chaque fois refusé de donner suite. Les autorités compétentes étaient donc fondées à considérer qu’il y avait peu de chances que les personnes concernées exécutent volontairement les nouvelles décisions prises à leur encontre. Le Gouvernement relève encore qu’alors qu’ils avaient la possibilité de saisir la chambre du conseil d’un recours contre ces décisions, les requérants, bien qu’ils en aient été informés, ont négligé de le faire alors que la détention a commencé le 15 février 2003 et s’est achevée le 8 mars 2003. Une telle durée de détention ne saurait par ailleurs être considérée comme excessive selon la jurisprudence (Singh c. République tchèque, no 60538/00, 25 janvier 2005 ; Chahal c. RoyaumeUni, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996V) et l’éloignement a eu lieu dans le délai de deux mois prévu à l’article 7 de la loi du 15 décembre 1980.

S’agissant de leur transfert en zone de transit, les requérants estiment que le Gouvernement joue sur les mots en considérant ce transfert comme une remise en liberté. En utilisant un tel stratagème, l’Etat ne s’est pas conformé aux décisions rendues par les juridictions d’instruction de manière concrète et effective, mais s’est livré à une parodie qui réduit à néant la garantie qu’il a mis en place. Il en va de même des circonstances qui ont conduit à leur détention à Merksplas. Les requérants, qui relèvent que leur « contrôle » est concomitant à leur sortie de la zone de transit, rappellent que l’usage de ruses, par les autorités, a été fermement dénoncé par la Cour (Čonka, précité, §§ 42 à 44). Ils soulèvent aussi que la privation de liberté n’est qu’une faculté en droit belge et non une mesure automatique, comme le montrent les décisions prises par la chambre du conseil, la chambre des mises en accusation et le Président du tribunal de première instance de Bruxelles. Toutefois, la position de l’Office des étrangers consiste à en faire la règle pour tout étranger non autorisé à rentrer sur le territoire, sans réflexion quant à l’adéquation de cette mesure ou son caractère proportionnel.

La technique de placement en zone de transit mise en œuvre pour contourner les décisions de mise en liberté a été stigmatisée par un avis du médiateur fédéral du 14 septembre 2004 et ses conséquences ont été mises en exergue dans les observations finales du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies du 30 juillet 2004 concernant la Belgique. Les requérants rappellent aussi les critiques faites en 2003 et 2004 par le réseau des experts indépendants en matière de droits fondamentaux de l’Union européenne et les conclusions sur ces questions dans le rapport du 25 mai 2003 du Comité contre la torture concernant la Belgique et se réfèrent à d’autres textes récents émanant d’institutions du Conseil de l’Europe – le Comité des ministres, la Commissaire des droits de l’Homme et l’Assemblée parlementaire – qui confortent leur analyse.

La Cour a procédé à un examen préliminaire des arguments des parties. Elle estime que ce grief pose également des questions de droit et de fait complexes qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond. Il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.

V. Sur le grief tiré de l’article 6 de la Convention, combiné avec son article 13

Les requérants soutiennent également qu’appliqués en violation de décisions de justice ordonnant leur libération, le placement en zone de transit et le placement à Merksplas ont également porté atteinte aux articles 6 et 13 de la Convention.

Les dispositions pertinentes de l’article 6 de la Convention se lisent ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Pour sa part, l’article 13 de la Convention est ainsi rédigé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

Le Gouvernement soutient que l’article 6 de la Convention ne saurait trouver application en matière d’exécution des décisions des 30 janvier, 3 février et 14 février 2003 dans la mesure où ces décisions sont intervenues dans le cadre du contentieux sur l’entrée, le séjour et l’éloignement des étrangers, des matières qui échappent à l’emprise de cette disposition (Maaouia c. France [GC], no 39652/98, § 40, CEDH 2000X). En effet, les deux premières décisions visent le maintien dans un lieu déterminé en exécution d’un refus d’entrée avec refoulement et les juridictions d’instruction tirent leur compétence de l’article 71 de la loi du 15 décembre 1980. Les dernières faisaient injonction à l’Etat belge d’autoriser l’entrée des deux personnes sous peine d’astreinte. Le gouvernement fait aussi remarquer que le transfert des requérants à Merksplas a eu lieu en exécution d’un ordre de quitter le territoire du 15 février 2003 et non des décisions du 14 février 2003.

Les requérants invitent la Cour à ne pas suivre la jurisprudence consacrée par l’arrêt Maaouia.

Ils font d’abord valoir qu’il y a lieu de distinguer, en matière d’entrée et de séjour sur le territoire, entre les personnes dont le souhait d’accéder sur le territoire d’un Etat membre ne se fonderait pas sur un droit fondamental et celles qui fondent leur demande sur un tel droit. Tel est le cas des étrangers fondant leurs demandes sur les articles 3, 5 et 8 de la Convention. En effet, l’immigration n’est, pour ces derniers, que le contexte de leurs demandes et ne doit pas dénaturer les droits en cause et leur faire perdre leur caractère civil. D’ailleurs, ils sont d’avis qu’il ne peut y avoir de pouvoir discrétionnaire de l’Etat en matière de privation de liberté, de protection de la vie familiale ou de protection face aux mauvais traitements.

Les requérants relèvent en outre que leurs griefs dénoncent notamment l’arbitraire de leur détention – une matière ayant indéniablement un caractère civil (Aerts c. Belgique, arrêt du 30 juillet 1998, Recueil 1998-V) – et l’atteinte à l’article 8 du fait des conditions de détention. Sur ce dernier point, les requérants rappellent que l’article 6 trouve application dans des contentieux portant sur la limitation de contacts avec la famille (Ganci c. Italie, no 41576/98, 30 octobre 2003).

Constatant que l’un des aspects des requêtes porte sur le droit d’entrée et de séjour en Belgique, la Cour rappelle d’abord que les décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers n’emportent pas contestation sur des droits ou obligations de caractère civil de l’intéressé, ni n’ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale dirigée contre lui (Mamatkulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, § 82, CEDH 2005..., Maaouia, précité, § 40, Samir Said Al Khadumi c. Roumanie (déc.), no 35380/03, 18 octobre 2005 ; M. G. c. Allemagne (déc.), no 11103/03, 16 septembre 2004) et se situent donc en dehors du champ d’application de l’article 6 de la Convention. Elle relève par ailleurs que les faits de l’espèce sont totalement étrangers à ceux de l’affaire Ganci c. Italie, dont se prévalent les requérants.

Par ailleurs, la Cour relève que les requérants soulèvent la question des placements en zone de transit puis à Merksplas en violation de décisions de justice ordonnant leur libération, tant au titre des articles 6 et 13 de la Convention, que de son article 5, dont le quatrième paragraphe prévoit l’existence d’une voie de recours aux fins de contrôler la légalité de toute détention.

Se référant à la décision qu’elle vient de prendre en ce qui concerne les griefs tirés de l’article 5 de la Convention, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, dans des procédures visant à obtenir une décision sur la régularité de la privation de liberté de l’intéressée et à y mettre fin le cas échéant, l’article 5 § 4 constitue une lex specialis en matière de détention par rapport aux exigences plus générales de l’article 13 de la Convention et de l’article 6 (I.P. c. France (déc.), no 12025/05, 6 juillet 2006 ; Fodale c. Italie, no 70148/01, § 27, 1er juin 2006 ; Reinprecht c. Autriche, no 67175/01, §§ 48 et 53-55, 15 novembre 2005, et Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 69, CEDH 1999-II).

La Cour est d’avis qu’il y a donc lieu d’examiner la situation mise en cause exclusivement sous l’angle de l’article 5 § 4 et que les articles 6 et 13 ne trouvent donc pas à s’appliquer.

Partant, le présent grief, fondé sur les articles 6 et 13, doit être rejeté comme étant incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4.

VI. Sur l’article 13 de la Convention, combiné avec son article 3

Les requérants sont aussi d’avis que le fait de procéder à leur éloignement, alors qu’étaient toujours pendants le recours devant le Conseil d’Etat et la demande fondée sur l’article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980, a violé l’article 13 de la Convention, lu en combinaison avec son article 3.

La Cour rappelle que l’article 13 de la Convention exige un recours interne, « effectif » en pratique comme en droit, permettant de connaître du contenu d’un « grief défendable » fondé sur la Convention et d’offrir le redressement approprié. De la sorte, elle constitue un aspect important du principe voulant que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revête un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme (Akdivar et autres c. Turquie, arrêt du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1210, § 65).

La Cour note que les décisions de refus des demandes d’asile politique des requérants, qui y allégaient l’existence de risques pour leur personne au Liban, ont fait l’objet de recours devant le Commissaire général aux réfugiés et apatrides. Ce dernier a effectivement examiné les recours dans le cadre d’une procédure contradictoire et a apprécié leurs arguments et leurs moyens. Ses décisions, prises avant le rapatriement, sont suffisamment motivées par des considérations tant de fait que de droit. La Cour constate, qu’en droit belge, le Commissariat général constitue incontestablement un organe dont les pouvoirs, ainsi que les garanties qu’il présente, confèrent un caractère efficace aux recours fondés sur l’article 3 de la Convention par des demandeurs d’asile. Les requérants ne mettent d’ailleurs pas en cause le caractère effectif de ce recours. Dans ces conditions, les requérants ne sauraient se plaindre d’une atteinte à l’article 13 de la Convention.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de joindre les requêtes ;

Déclare irrecevables les requêtes en tant qu’elles émanent des associations requérantes ;

Joint au fond l’exception du Gouvernement tirée du nonépuisement des voies de recours internes en ce qui concerne les brutalités et vexations que les requérants auraient subies de la part des policiers et l’exception de nonépuisement des voies de recours internes tirée de l’absence de saisine de la chambre du Conseil d’un recours contre leur mise en liberté suite à leur transfert à Merksplas ;

Déclare recevables, tous moyens de fond réservés, les requêtes introduites par les deux autres requérants, en ce qu’ils dénoncent, au titre des articles 3 et 8 de la Convention, le sort qui leur fut réservé en zone de transit et au cours de leur éloignement et en ce qu’ils mettent en cause, au regard de l’article 5 de la Convention, leur placement en zone de transit suite aux arrêts des 30 janvier 2003 et 3 février 2003 et leur placement à Merksplas suite à l’ordonnance du 14 février 2003 ;

Déclare les requêtes irrecevables pour le surplus.

Søren Nielsen Christos Rozakis
Greffier Président