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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
19.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION FINALE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 5544/02
présentée par Nabil MOGRABI
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 19 septembre 2006 en une chambre composée de :

MM. A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes E. Fura-Sandström,
D. Jočienė,
MM. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 3 décembre 2001,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu la décision partielle du 7 décembre 2004,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Nabil Mograbi, est un ressortissant français, né en 1948 et résidant à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par Mme Edwige Belliard, directrice des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant était le gérant de la SARL Moharer, entreprise de presse publiant notamment un journal satirique en langue arabe destiné principalement aux lecteurs du Proche Orient et en particulier l’Irak, crée en novembre 1987.

Le requérant affirme qu’en décembre 1991, en raison de la guerre du Golfe, la société a dû suspendre toute activité. Il explique qu’à cette époque, le gouvernement irakien qui détenait le monopole de diffusion des journaux était redevable à l’égard de la société Moharer de sommes très importantes (2 millions de francs), devenues subitement irrécupérables du fait de la guerre et de l’embargo qui a suivi.

Le requérant régla, à titre personnel, toutes les dettes de la société Moharer, y compris les salaires et les indemnités de licenciement des salariés, à l’exception des pénalités de majoration de retard de paiement dues aux caisses sociales de l’Etat (URSSAF, caisse de retraite CRICA). Ces dettes s’élevaient à 235.000 francs.

Le 4 novembre 1991, le tribunal de commerce de Paris chargea Me Pavec, mandataire de justice, de procéder à une enquête sur la situation financière de la société Moharer.

Le 1er décembre 1992, le tribunal de commerce de Paris prononça la liquidation judiciaire de la société. La date de cessation des paiements fut fixée au 1er juin 1991. L’insuffisance d’actif ressortait à environ 1.150.000 francs.

S’étant saisi d’office, le président du tribunal de commerce de Paris fit citer, le 26 octobre 1994, le requérant et Me Pavec, suivant un acte extra-judiciaire délivré selon les modalités prescrites par l’article 659 du nouveau code de procédure civile (voir droit interne pertinent) à comparaître en chambre du conseil le 30 novembre 1994 « pour être entendu et faire toutes observations sur l’application à son encontre des dispositions des articles 185 et suivants de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 ». Il était reproché au requérant d’avoir « tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité conforme aux règles légales » et d’avoir « omis de faire, dans le délai de quinze jours, la déclaration de l’état de cessation de paiement ».

Par un procès verbal de recherches infructueuses dressé le 26 octobre 1994, l’huissier de justice constata ce qui suit :

« Me suis présenté ce jour [le 20 octobre 1994] à cette adresse. Aucune personne répondant à l’identification du destinataire de cet acte, j’ai en conséquence procédé aux démarches indiquées en fin d’acte.

Malgré mes recherches et perquisitions tant auprès des voisins et commerçants du quartier qu’aux bureaux de la police et de la mairie je n’ai pu découvrir l’adresse actuelle de l’intéressé. Lors de ces investigations il n’a pu être découvert le lieu de travail de l’intéressé.

Ces diligences effectuées ne m’ont pas permis de retrouver le destinataire de cet acte. J’ai en conséquence constaté que celui-ci se trouvait actuellement sans domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus de moi comme de mon requérant [le tribunal de commerce de Paris].

(...)

J’ai rencontré : la gardienne qui me déclare que monsieur Mograbi est parti sans laisser d’adresse

L’employeur : n’a pu être découvert

Un employé du service municipal (listes électorales) qui m’a déclaré : ne pas détenir d’informations concernant monsieur Mograbi Nabil

Un fonctionnaire du poste de police : qui m’a déclaré : que monsieur Mograbi Nabil n’a jamais fait l’objet de recherches

Les services postaux (minitel) indiquent : néant »

Le requérant ne se présenta pas à l’audience car il dit ne pas avoir été touché par la citation.

Par un jugement réputé contradictoire, le tribunal prononça, le 14 décembre 1994, la faillite personnelle du requérant pour une durée de dix ans et ordonna l’exécution provisoire du jugement. Le tribunal considéra en effet, que le requérant « s’est désintéressé du sort de son entreprise, que les griefs sont caractérisés et qu’en ne se présentant pas, ni personne pour lui, [il] n’apporte aucun élément pour sa défense ».

Un deuxième jugement du 14 décembre 1994 condamna le requérant à supporter personnellement les dettes de la société Moharer à concurrence de 200.000 francs. Le requérant prétend avoir appris par la presse l’existence de ces jugements.

Par arrêt du 27 mai 1997, la cour d’appel de Paris, statuant par un seul arrêt en raison de la connexité des deux jugements, confirma la faillite personnelle et infirma le jugement ayant condamné le requérant à payer 200.000 francs à Me Pavec. Sur le moyen de nullité tiré de ce que les assignations avaient été délivrées à une adresse qu’il avait quittée depuis 1987 sans que l’huissier ait effectué les diligences prévues par l’article 659 du NCPC, l’empêchant de prendre connaissance de la procédure dirigée contre lui, la cour d’appel considéra ce qui suit :

« Considérant que le moyen de nullité sera rejeté ; qu’en effet l’appelant ne justifie pas avoir communiqué sa dernière adresse à Maître Pavec à la suite du courrier adressé par celui-ci à son conseil le 17 septembre 1992, dans lequel il indiquait qu’il ne détenait pas l’adresse de son client ; que par ailleurs le procès verbal dressé en application de l’article 659 du NCPC répond aux exigences de ce texte. »

Le requérant forma un pourvoi en cassation. Il fit valoir que la décision de la cour d’appel s’est bornée à constater que le procès verbal litigieux répondait aux exigences de l’article 659 du NCPC, sans relever les diligences concrètes et précises effectuées par l’huissier de justice aux fins de délivrer l’acte à la personne concernée, en violation de l’article 659 du nouveau code de procédure civile et de l’article 6 de la Convention. Il ajouta que la cour d’appel avait privé sa décision de base légale en déclarant valable le procès verbal de recherches, duquel il résultait que, ni les services fiscaux de la ville de Saint-Cloud, ni un commerçant, ni son conseil n’avaient été interrogés. Il fit également grief à la juridiction d’appel de ne pas avoir tenu compte de ce qu’aucune diligence n’avait été effectuée pour rechercher son lieu de travail, ou le joindre, ainsi qu’il l’avait été lors de la procédure en liquidation judiciaire, au siège de la société Moharer.

Par arrêt du 26 juin 2001, la Cour de cassation rejeta le pourvoi en ces termes :

« Mais attendu que la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement pour irrégularité de l’acte introductif d’instance et lorsque l’appelant a conclu sur le fond devant la cour d’appel ; que [le requérant] ayant demandé à la cour d’appel de déclarer nulle l’assignation introductive d’instance, de mettre à néant le jugement et, statuant à nouveau, de dire les griefs infondés, la cour d’appel, qui se trouvait saisie de l’entier litige, était tenue de statuer sur le fond ; que le moyen, inopérant en toutes ses branches, est irrecevable ».

B. Le droit et la pratique internes pertinents

Nouveau code de procédure civile

Article 473

« Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.

Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur. »

Article 562

« L’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

La dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel n’est pas limité à certains chefs, lorsqu’il tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »

Article 659

« Lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.

Le même jour ou, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.

Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.

Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d’un acte concernant une personne morale qui n’a plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés. »

Jurisprudence

« La loi oblige l’huissier à mentionner le détail de ses investigations. Dès lors il est possible de déclarer nulle une signification effectuée alors que l’huissier de justice n’a pas fait toutes les recherches nécessaires. C’est le cas lorsque l’huissier, qui connaît la profession du destinataire, omet de se renseigner auprès de l’organisme professionnel » (Cass. 3e civ, 12 mai 1993)

« L’appréciation de la réalité et du caractère sérieux des recherches effectuées par l’huissier de justice relève du pouvoir souverain des juges du fond » (Cass. com., 4 octobre 1976)

Néanmoins, « comme le procès verbal de recherches est un acte authentique, les mentions indiquées par l’huissier relatives aux recherches effectuées font foi jusqu’à inscription de faux : la demande incidente d’inscription de faux est recevable si le demandeur démontre l’insuffisance des diligences effectuées, en justifiant avoir notifié son changement d’adresse auprès des différents services administratifs et communiqué sa nouvelle adresse à son ancienne mairie et à la gendarmerie d’une commune voisine, alors que le procès verbal indique qu’il est parti sans laisser d’adresse » (CA Douai, 3 novembre 1994).

GRIEF

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint d’une violation de son droit à un procès équitable et des droits de la défense. Il explique qu’il n’a pu faire valoir sa cause devant le tribunal de première instance en raison de la mauvaise appréciation, par les autorités nationales, de l’article 659 du nouveau code de procédure civile. Il fait valoir que l’huissier chargé de l’assignation n’a pas accompli les recherches nécessaires pour retrouver son adresse alors qu’il aurait pu trouver ces renseignements à la mairie, auprès des commerçants, de son avocat ou du syndicat de la presse et que son nouveau domicile se situait « précisément à cinq mètres de son ancienne adresse, dans un même complexe immobilier ». Il considère qu’en répondant de manière vague, elliptique et générale à son moyen tiré de la nullité de l’assignation, les juridictions nationales n’ont pas entendu sa cause et l’ont privé d’un examen au fond de ses allégations.

EN DROIT

Le requérant se plaint d’une violation de l’équité de la procédure et invoque l’article 6 § 1 de la Convention, aux termes duquel :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Concernant l’éventuelle irrégularité de l’acte introductif d’instance devant le tribunal de commerce, le Gouvernement, se référant à l’arrêt Helle c. Finlande (arrêt du 19 décembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997VIII), estime qu’une violation de l’article 6 § 1 de la Convention ne peut pas être fondée sur le manquement par un organe juridictionnel à une garantie procédurale essentielle si la décision rendue était soumise au contrôle subséquent d’un organe judiciaire doté de la plénitude de juridiction et offrant les garanties de l’article 6 § 1. Il rappelle qu’en l’espèce, le requérant n’était certes pas présent à l’audience du tribunal de commerce, mais qu’il a pu interjeter appel des jugements réputés contradictoires du tribunal de commerce devant la cour d’appel où il était représenté par un avoué et assisté d’un avocat. Il précise que l’appel du requérant tendant à l’annulation du jugement pour irrégularité de l’acte introductif d’instance était d’ailleurs accompagné de conclusions sur le fond. Il constate également que l’éventuelle irrégularité procédurale n’a eu aucune influence sur l’issue du litige dès lors que la cour d’appel, dont il rappelle qu’elle a partiellement donné raison au requérant, a examiné l’intégralité de l’affaire, du fait de l’effet dévolutif de l’appel, et que les garanties de l’article 6 § 1 de la Convention ont été respectées à ce stade. Le Gouvernement affirme par conséquent que la cour d’appel, si elle avait déclaré nul l’acte introductif d’instance comme le lui demandait le requérant, aurait statué de la même façon sur le fond du litige. Le Gouvernement, se référant notamment à l’arrêt Stepinska c. France (no 1814/02, § 18, 15 juin 2004), conclut par conséquent à l’irrecevabilité du grief, considérant que l’irrégularité prétendue de la citation devant le tribunal de commerce en première instance n’a en rien privé le requérant de l’examen de son litige par une juridiction lui offrant toutes les garanties de l’article 6 de la Convention.

Le Gouvernement, dans ses observations complémentaires et après avoir pris connaissance du procès verbal de l’huissier produit par le requérant, précise que celui-ci est conforme aux prescriptions de l’article 659 du nouveau code de procédure civile. Il considère que l’huissier, qui s’est présenté à l’adresse du domicile du requérant qui lui avait été communiqué par le greffe du tribunal de commerce, a interrogé la gardienne de l’immeuble, les services de la mairie ainsi que le commissariat de police et a consulté l’annuaire téléphonique par minitel et qui n’a pu contacter le requérant malgré ces démarches, était fondé à dresser un procès verbal de recherches infructueuses. Répondant aux arguments du requérant selon lequel l’article 659 du nouveau code de procédure civile devrait être prochainement réformé, le Gouvernement affirme qu’aucune modification substantielle de cet article n’est envisagée.

Le requérant se plaint de l’absence de réponse aux moyens de défense qu’il avait soulevé et plus généralement de la motivation des arrêts de la cour d’appel et de la Cour de cassation. Il se réfère notamment à l’arrêt Van de Hurk c. Pays-Bas (arrêt du 19 avril 1994, série A no 288).

Il considère que l’irrégularité de la signification de l’acte a eu une incidence directe sur l’issue du litige. Il se plaint de ce que le procès verbal dressé par l’huissier ne contenait que des mentions « pré imprimées, stéréotypées et [qu’il avait été] établi à l’avance », pratique dont il rappelle qu’elle est condamnée par la Cour de cassation. Il évoque une éventuelle réforme de l’article 659 du nouveau code de procédure civile par la chancellerie.

Le requérant considère également que la dévolution a porté atteinte au principe du contradictoire puisqu’il a été privé du double degré de juridiction et qu’il n’a pas été entendu par le juge commissaire, siégeant uniquement au tribunal de commerce. Il aurait ainsi été privé de la possibilité d’être entendu, de se défendre et d’être jugé par ses pairs, du seul fait de la négligence de l’huissier de justice. Il estime que la motivation du tribunal de commerce atteste bien que son absence à l’audience a été le principal élément de sa condamnation à la faillite personnelle.

Concernant le double degré de juridiction, le requérant considère que la dévolution ne peut permettre à la cour d’appel d’examiner l’affaire dans tous ses éléments de droit ou de fait qu’à la condition que le litige ait été examiné contradictoirement en première instance, ce qui n’aurait pas été possible en raison de son absence. Il conteste le caractère contradictoire du jugement, considère qu’il a été rendu par défaut et que l’affaire aurait du être renvoyée devant le tribunal de commerce. Il estime que les appelants sont contraints, par sécurité juridique, de conclure au fond en raison d’une mauvaise application, par les juridictions, de l’article 562 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile.

Le requérant affirme ne pas nier que « son affaire a été soumise au contrôle subséquent de la cour d’appel dotée de la plénitude de juridiction et offrant les garanties de l’article 6 § 1 » mais souhaite que la Cour examine l’équité de la procédure prise dans son ensemble. Sur ce point, il estime que le manque de motivation des décisions a porté atteinte à l’équité de la procédure et considère que ni la cour d’appel ni la Cour de cassation n’ont examiné ni réparé la violation de l’article 659 du nouveau code de procédure civile. A ce titre, le requérant estime que l’arrêt Stepinska, cité par le Gouvernement, est inapplicable à l’espèce, car, le pourvoi de la requérante dans cette affaire « relevait manifestement des pourvois immédiats interdits par les article 607 et 608 du nouveau code de procédure civile ».

Quant à l’appréciation par les juridictions des exigences de l’article 659 du nouveau code de procédure civile, la Cour rappelle tout d’abord qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes et que c’est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 290, § 33). Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation.

En l’espèce, la Cour se doit de vérifier si l’interprétation qui a été faite par les juridictions françaises de l’article 659 du nouveau code de procédure civile a porté atteinte au droit du requérant de bénéficier d’une procédure équitable. En particulier, la Cour doit examiner si le requérant, qui n’a pas eu connaissance de la citation et donc de la tenue d’une audience devant le tribunal de commerce, a pu être entendu par les juridictions et a pu bénéficier d’une procédure contradictoire.

La Cour constate tout d’abord que ni l’arrêt de la cour d’appel ni celui de la Cour de cassation ne rappellent les diligences accomplies par l’huissier de justice en vue de retrouver le requérant. Pourtant, au vu du procès verbal dressé par l’huissier de justice et fourni par le requérant lui même, il est clair que l’huissier a accompli les formalités exigées par l’article 659 du nouveau code de procédure civile puisqu’il a effectué les recherches prescrites par la loi en vue de retrouver le requérant pour le citer devant le tribunal de commerce. Par conséquent, la Cour ne voit pas de raison de s’écarter de l’analyse des juridictions qui ont considéré que le jugement était non pas « contradictoire » ou « rendu par défaut » mais « réputé contradictoire ». Elle admet dès lors que, selon le droit national, le requérant devait interjeter appel du jugement. Par ailleurs, elle observe que le requérant, assisté par un avocat, a effectivement interjeté appel du jugement du tribunal de commerce et a présenté des conclusions sur le fond de l’affaire. La cour d’appel a examiné la totalité du litige et a même donné partiellement gain de cause au requérant. La Cour estime donc que le requérant a pu faire valoir ses arguments en appel, alors d’ailleurs que le double degré de juridiction n’est pas exigé par la Convention en matière civile. Elle constate du reste que le requérant ne conteste pas ce point puisqu’il admet que son affaire a été soumise au contrôle subséquent de la cour d’appel, dotée de la plénitude de juridiction et offrant les garanties de l’article 6 § 1 de la Convention.

Quant au grief du requérant selon lequel les juridictions nationales, « en répondant de manière vague, elliptique et générale à son moyen tiré de la nullité de l’assignation, n’ont pas entendu sa cause et l’ont privé d’un examen au fond de ses allégations », la Cour rappelle que s’agissant de l’article 6 § 1, l’obligation de motiver les décisions internes ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument (voir, notamment, García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 26, CEDH 1999-I). En particulier, la Cour a déjà jugé « qu’en ne répondant pas à un simple argument, au demeurant dénué d’influence sur la question en litige, [une] cour d’appel n’avait commis aucun défaut de motivation » (Jahnke et Lenoble c. France (déc.), no 40490/98, CEDH 2000IX). Elle avait alors conclu à l’absence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention. La Cour estime qu’un tel raisonnement doit être suivi en l’espèce. En effet, si elle reconnaît que la motivation de la Cour de cassation pourrait être analysée comme manquant de clarté, elle estime toutefois et en tout état de cause que cela n’a pas porté atteinte à l’équité de la procédure prise dans son ensemble puisque l’argument soulevé par le requérant devant la Cour de cassation, à savoir la nullité de l’assignation délivrée par l’huissier en méconnaissance des exigences de l’article 659 du nouveau code de procédure civile, n’était pas déterminant pour l’issue du litige. Il ressort en effet du dossier, comme cela a été dit plus haut, que les règles de droit interne, et notamment les prescriptions de l’article 659 du nouveau code de procédure civile, ont bien été respectées et que c’est pour des raisons procédurales que la Cour de cassation a considéré que le moyen tiré de la nullité de l’assignation devait être déclaré irrecevable.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour estime que la procédure, prise dans son ensemble, a été équitable (voir, par exemple, Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne, arrêt du 6 décembre 1988, série A no 146, p. 31, § 68).

Partant, la Cour conclut que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention, après avoir mis fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare le restant de la requête irrecevable.

S. Dollé A.B. Baka
Greffière Président