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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
19.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de deux requêtes présentées contre la Turquie

no 27740/03 - Murat ŞEVK
no 27746/03 - Muammer VELİLER
et Güngör BAYKURT

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 19 septembre 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu les requêtes susmentionnées introduites le 10 juillet 2003,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants, MM. Murat Şevk (no 27740/03), Muammer Veliler et Güngör Baykurt (no 27746/03), sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1951, 1962 et 1959, et résidant à Bodrum. Ils sont représentés devant la Cour par Me O.K. Cengiz, avocat à Izmir.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Le 28 juin 2001, les requérants furent arrêtés et placés en garde à vue pour association de malfaiteurs.

Le 5 juillet 2001, ils furent placés en détention provisoire.

Le 6 juillet 2001, le juge assesseur près le tribunal correctionnel de Bodrum ordonna le secret de l’instruction.

Le 9 juillet 2001, M. Şevk forma opposition contre cette décision. Il souligna pour ce faire qu’un grand nombre de documents qui auraient dû demeurer secrets avaient été publiés dans les journaux et qu’aucune justification suffisante n’avait été donnée pour limiter le droit de ses avocats d’avoir accès à son dossier d’instruction. Il allégua que cette mesure portait atteinte à ses droits de la défense.

Le jour même, l’opposition ainsi formée fut rejetée.

Le 23 août 2001, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’État d’Izmir inculpa les requérants pour atteinte à la loi no 4422 relative à la lutte contre les associations de malfaiteurs et requit leur condamnation en vertu de l’article 1 de cette loi. L’acte d’accusation comporte la description des faits reprochés.

Le 13 décembre 2001, M. Şevk fut libéré.

Le 2 mai 2002, la cour de sûreté de l’État d’Izmir prit connaissance des témoignages des victimes, recueillis sur commission rogatoire, et entendit les requérants en leur défense, lesquels nièrent les faits reprochés. Au terme de cette audience, la cour reconnut M. Şevk coupable d’aide à une association de malfaiteurs et le condamna à une peine de cinq mois d’emprisonnement en vertu de l’article 314 du code pénal. Cette peine fut assortie d’un sursis en vertu de la loi no 647. La cour reconnut également M. Veliler et G. Baykurt coupables d’appartenance à une association de malfaiteurs et les condamna à une peine de deux ans et vingt jours d’emprisonnement en vertu de l’article 1 de la loi no 4422. Elle ordonna en outre la libération de ces requérants.

Le 3 mai 2002, les requérants se pourvurent en cassation.

Dans leur mémoire en cassation du 28 juin 2002, ils sollicitèrent la tenue d’une audience et alléguèrent une atteinte à l’équité de la procédure et au principe d’égalité des armes tel que défini dans l’article 6 de la Convention. M. Şevk se plaignit de ne pas avoir été confronté avec un témoin à charge, ce alors même que les déclarations de celui-ci avaient servi de fondement à sa condamnation. De même, M. Veliler et G. Baykurt soutinrent avoir été condamnés pour avoir contraint un tiers à signer un billet à ordre. Or, non seulement ce billet à ordre ne fut aucunement versé au dossier mais la personne prétendument contrainte de le signer ne comparut pas au cours de la procédure.

Le 20 septembre 2002, dans son avis sur le pourvoi, le procureur général près la Cour de cassation demanda à cette cour d’acquitter les requérants.

Le 25 novembre 2002, la Cour de cassation rejeta la demande de tenue d’une audience. Eu égard aux éléments du dossier et notamment aux éléments de preuve ayant fondé la décision de première instance, elle débouta les requérants de leur pourvoi et confirma la décision de première instance.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, les requérants se plaignent du défaut d’équité de la procédure et de l’atteinte au principe de l’égalité des armes et à leurs droits de la défense. A cet égard, ils soutiennent ne pas avoir été informés des faits à l’origine des poursuites diligentées à leur encontre. Ils se plaignent également de ne pas avoir eu accès à certains éléments de preuve en raison du secret de l’instruction et allèguent ne pas avoir été confrontés à leurs accusateurs, témoins à charge.

Se fondant sur l’article 6 § 1 de la Convention, M. Şevk se plaint en outre de l’absence de tenue d’une audience devant la Cour de cassation.

2. Les requérants soutiennent que leur condamnation, prononcée en dehors de toute preuve de leur culpabilité, porte atteinte au principe de la présomption d’innocence tel qu’énoncé à l’article 6 § 2 de la Convention.

3. Invoquant l’article 7 de la Convention, M. Şevk se plaint que la durée de sa détention provisoire a été supérieure à la durée de la peine qu’il encourait.

EN DROIT

1. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, les requérants se plaignent du défaut d’équité de la procédure et de l’atteinte au principe d’égalité des armes et aux droits de la défense, eu égard au secret de l’instruction et à l’absence de confrontation avec les témoins à charge.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants soutiennent ne pas avoir été informés des faits reprochés. M. Şevk se plaint de l’absence de tenue d’une audience devant la Cour de cassation.

Quant à l’allégation de défaut d’information, la Cour observe, à la lecture des pièces du dossier, que les requérants ont été informés des motifs de leur arrestation et du fondement des poursuites diligentées à leur encontre, l’acte d’accusation établi par le procureur de la République comportant un descriptif des faits reprochés.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Quant à l’absence de tenue d’une audience, la Cour a relevé à plusieurs reprises que l’absence de débats publics en deuxième ou troisième degrés peut se justifier par les caractéristiques de la procédure dont il s’agit, pourvu qu’il y ait eu audience publique en première instance. Ainsi, les procédures consacrées exclusivement à des points de droit peuvent remplir les exigences de l’article 6, même si la Cour de cassation n’a pas donné à l’accusé la faculté de s’exprimer devant elle (voir, entre autres, Ekbatani c. Suède, arrêt du 26 mai 1988, série A no 134, p. 14, § 31).

En l’espèce, la Cour constate que, dans son arrêt du 25 novembre 2002, la Cour de cassation a examiné les moyens qui lui étaient soumis par les parties, débattu en audience publique en première instance, et estimé, eu égard aux motifs retenus par les premiers juges et au contenu du dossier, que la juridiction inférieure avait donné une appréciation souveraine des différents éléments de preuve pour évaluer le bien-fondé des arguments des requérants.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Se fondant sur l’article 6 § 2 de la Convention, les requérants allèguent une atteinte à la présomption d’innocence.

Or, la Cour observe que les intéressés n’apportent aucune précision quant à la violation alléguée et que leur argumentation n’apparaît en ce sens nullement étayée.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

4. Invoquant l’article 7 de la Convention, M. Şevk se plaint de la durée de sa détention provisoire, laquelle a été selon lui, supérieure à la peine d’emprisonnement qu’il encourait.

La Cour constate que le requérant se plaint en substance de la durée de sa détention provisoire, grief à examiner sous l’angle de l’article 5 § 3 de la Convention. A cet égard, elle souligne que ce grief a déjà fait l’objet d’un examen par la Cour et a été déclaré irrecevable (Şevk c. Turquie, no 4528/02, § 28, 11 avril 2006). Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 § 2 b) de la Convention

Au surplus, à la lecture des dispositions législatives ayant fondé les poursuites pénales et de celles ayant fondé la condamnation du requérant, force est de constater que la durée de la détention litigieuse ne dépasse pas celle de la peine encourue. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de joindre les requêtes ;

Ajourne l’examen des griefs des requérants tirés du défaut d’équité de la procédure et de l’atteinte aux droits de la défense et à l’égalité des armes, eu égard au secret de l’instruction et à l’impossibilité d’interroger les témoins à charge ;

Déclare les requêtes irrecevables pour le surplus.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président