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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
19.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 9043/03
présentée par Tayfun YAYAN
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 19 septembre 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 24 décembre 2002,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Tayfun Yayan, est un ressortissant turc, né en 1979. Lors de l’introduction de la requête, il était détenu à la maison d’arrêt de Bergama. Il est représenté devant la Cour par Me M.N. Terzi, avocat à İzmir.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 28 mai 2001, le requérant et un co-accusé furent arrêtés et placés en garde à vue pour vol avec arme blanche. Aux termes du procès-verbal d’arrestation dressé le jour même, le requérant fut arrêté en possession de l’objet volé et d’un couteau.

Le même jour, la victime du vol déposa plainte et soutint que le requérant avait porté un couteau à sa gorge, alors que son complice lui arrachait la chaîne en or qu’elle portait au cou.

Le 29 mai 2001 fut dressé un procès-verbal d’identification aux termes duquel la victime identifia avec certitude le requérant et son acolyte comme étant les auteurs de l’agression dont elle a fait l’objet.

Le même jour fut recueillie la déposition de garde à vue du requérant, lequel nia les faits reprochés et soutint que le vol litigieux avait été commis par son co-accusé, lui-même ayant fui les lieux uniquement par crainte.

Au cours de la même journée fut recueillie la déposition du co-accusé, lequel soutint avoir agi de façon non préméditée et que le requérant n’avait pas pris part au vol mais s’était contenté de fuir les lieux.

Sur ce, le requérant et son co-accusé furent déférés devant le juge assesseur près le tribunal correctionnel d’Izmir, lequel procéda à leur audition. A cette occasion, le juge rappela les droits des accusés, lesquels précisèrent ne pas vouloir être assistés par un avocat mais assurer seuls leur défense. Le requérant nia à nouveau les faits reprochés et confirma sa déposition de garde à vue. Le co-accusé déclara que le requérant n’avait pas fait usage de son couteau contre la victime.

Après avoir entendu les accusés, le juge prononça leur placement en détention provisoire. Il ressort du procès-verbal d’audition que les familles des accusés furent informées des faits.

Le 6 juin 2001, le procureur de la République d’Izmir inculpa les accusés pour usurpation et requit leur condamnation en vertu des articles 497 § 1 et 522 du code pénal. Dans son acte d’accusation, il se référa aux déclarations de la victime qui mettait en cause le requérant et estima que les déclarations du co-accusé étaient destinées à protéger le requérant.

Au cours de l’audience du 18 juillet 2001 devant la cour d’assises d’Izmir, les accusés assistés par leurs avocats déclarèrent ne pas vouloir être représentés et assurer eux-mêmes leur défense. Le requérant nia avoir pris une part active à la commission de l’infraction et réitéra ses dépositions faites au cours de sa garde à vue et devant le juge assesseur. De même, son co-accusé réitéra que le requérant n’était pas impliqué. La cour procéda également à l’audition de la victime, laquelle déclara avoir fait sa déposition initiale sous le choc et que le requérant n’avait pas porté son couteau à sa gorge mais avait tenu celui-ci à la main. Aux termes du procès-verbal d’audience, le requérant ou son avocat n’apparaissent pas avoir interrogé la victime. L’avocat du requérant demanda sa libération provisoire et l’élargissement de l’enquête préliminaire, notamment pour procéder à une expertise et à un relevé d’empreintes sur le couteau en question. Ces demandes furent rejetées.

Le 29 août 2001, la cour d’assises procéda à l’audition des policiers ayant arrêté le requérant et d’un témoin de la défense. Ce dernier déclara avoir assisté au vol et que celui-ci avait été commis par le co-accusé du requérant.

A une date non précisée, le requérant soumit un mémoire en défense dans lequel il nia avoir pris une part active à la commission de l’infraction. Il contesta ainsi les déclarations de la victime, soulignant leur caractère contradictoire.

Le 10 octobre 2001, dans sa plaidoirie en défense, l’avocat du requérant soutint que les faits litigieux ne pouvaient être qualifiés d’usurpation mais constituaient, tout au plus, un vol à l’arraché dont le requérant ne pouvait par ailleurs être tenu responsable puisqu’il n’y avait pas activement pris part. Le requérant quant à lui souligna le caractère contradictoire des déclarations de la victime.

Au terme de cette audience, la cour d’assises reconnut le requérant coupable d’usurpation et le condamna à une peine de douze ans et six mois d’emprisonnement en vertu de l’article 497 § 1 du code pénal. Pour ce faire, elle se fonda notamment sur les dépositions des accusés, de la victime et des témoins, ainsi que sur les rapports légaux et médico-légaux, et le procès-verbal d’identification, éléments de preuve qu’elle qualifia de concordants. Elle estima en outre que le recours à une arme faisait que l’infraction avait dépassé le seuil du simple vol et constituait une usurpation avec arme.

Le requérant se pourvut en cassation.

Le 21 janvier 2002, le procureur général près la Cour de cassation adopta un avis sur le pourvoi aux termes duquel il demanda à cette cour de confirmer l’arrêt de première instance.

Au cours de l’audience du 11 février 2002, cet avis fut versé au dossier de l’affaire et il fut procédé à sa lecture en cours d’audience.

Le 26 juin 2002, la Cour de cassation, statuant en audience publique, confirma la décision de première instance. Cette audience se déroula hors la présence de l’avocat du requérant.

Le 23 août 2002, l’arrêt de la Cour de cassation fut versé au dossier de la juridiction de première instance.

GRIEFS

1. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention, le requérant soutient ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable et allègue une atteinte à ses droits de la défense ainsi qu’au principe de l’égalité des armes. A cet égard, il se plaint de ne pas avoir bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue et que ses contacts avec sa famille et son avocat ont été entravés lors de l’instruction, de sorte qu’il a été empêché de rassembler des preuves à décharge.

Il allègue également ne pas avoir eu la possibilité d’interroger la victime dans les mêmes conditions que l’accusation, l’absence de prise en compte d’un témoignage à décharge et la restriction de son droit de présenter des témoins à décharge. Il se plaint également du mode d’administration des preuves et notamment du rejet de sa demande d’expertise.

Enfin, il se plaint de l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation.

2. Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant allègue avoir été condamné pour des faits dont il est innocent.

3. Se fondant sur l’article 7 de la Convention, le requérant se plaint de la qualification faite par les juridictions nationales quant à la nature de l’infraction, laquelle, selon lui, constituait tout au plus un vol.

EN DROIT

1. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention, le requérant se plaint de l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation et de l’impossibilité de procéder dans des conditions satisfaisantes à l’interrogatoire de la victime.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue, du mode d’administration des preuves et de l’entrave et la restriction à ses droits de la défense ainsi qu’à ses contacts avec sa famille.

Quant au grief tiré de l’absence d’un avocat lors de la garde à vue, la Cour relève d’emblée que cette période a débuté le 28 mai 2001 pour prendre fin le lendemain. Or, la présente requête a été introduite le 24 décembre 2002. En outre, le requérant n’apparaît pas avoir soumis son grief au cours de la procédure devant les juridictions nationales mais avoir, au contraire, déclaré refuser d’être assisté par un avocat tant lors de sa comparution devant le juge de la détention provisoire qu’au cours de son procès, pendant lequel il fut tout de même représenté.

Il s’ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

Quant au mode d’administration des preuves et à la possibilité de faire auditionner des témoins à décharge, la Cour rappelle que si l’article 6 § 1 garantit à toute personne le droit à un procès équitable, cette disposition ne réglemente pas l’administration des preuves en tant que telle, et notamment leur admissibilité et leur force probante, questions relevant essentiellement du droit interne (voir Schenk c. Suisse, arrêt du 12 juillet 1988, série A no 140, p. 29, §§ 46 et suivants). En outre, la mission confiée à la Cour ne consiste pas à se prononcer sur le point de savoir si des dépositions de témoins ont été à bon droit admises comme preuves mais à rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (voir, entre autres, Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-III, p. 711, § 50). En l’occurrence, la Cour constate que le requérant n’apporte aucune précision quant à la restriction de son droit de convoquer des témoins et que son argumentation apparaît en ce sens nullement étayée. Elle relève en outre que les motifs sur lesquels les juridictions nationales ont fondé la condamnation du requérant ne révèlent aucune apparence d’arbitraire.

Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Enfin, la Cour observe que les allégations du requérant quant à la restriction de ses contacts avec sa famille et son avocat sont formulées de manière générale et n’apparaissent aucunement étayées.

Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Invoquant les articles 6 § 2 et 7 de la Convention, le requérant se plaint d’une atteinte au principe de la présomption d’innocence ainsi que de la qualification faite de la nature de l’infraction reprochée.

La Cour constate que ces griefs sont formulés de manière générale et n’apparaissent aucunement étayés. Il s’ensuit qu’ils sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs du requérant tirés de l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation et de la restriction de sa possibilité d’interroger la victime entendue comme témoin à charge ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président