Přehled
Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 9482/03
présentée par Erdal KAPSUK
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 19 septembre 2006 en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 6 mars 2003,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Erdal Kapsuk, est un ressortissant turc, né en 1967 et résidant à Zonguldak.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le 16 décembre 1999, le tribunal correctionnel de Çaycuma condamna le requérant à une peine d’un an d’emprisonnement pour avoir émis un chèque sans provision. Selon l’intéressé, ce chèque avait été remis à un policier agissant pour le compte de son créancier. Il précisa avoir par la suite payé en espèces le montant du chèque mais n’avoir pu obtenir restitution de ce dernier.
Le 1er mars 2000, le requérant fut incarcéré.
Le 14 avril 2000, il fut transféré à l’hôpital psychiatrique de Zonguldak.
Les 10 et 16 mai 2000, il fut soigné à l’hôpital public de Çaycuma pour anxiété.
Les 1er et 25 juin 2000, il fut soigné respectivement pour colique rénale et myalgie.
Le 30 mai 2000, sur demande de l’épouse du requérant, leur divorce fut prononcé.
Le 25 juillet 2000, le requérant bénéficia d’une libération conditionnelle.
Le 15 janvier 2001, le requérant porta plainte contre deux policiers, dont celui auquel il avait remis le chèque litigieux, pour avoir dissimulé une infraction et détruit les preuves de celle-ci.
Le 23 février 2001, saisie sur injonction du ministère de la Justice, la Cour de cassation infirma l’arrêt de première instance et estima qu’il n’y avait pas lieu de remplacer la peine infirmée.
Le 6 août 2001, le procureur de la République adopta une décision de non-lieu quant à la plainte du requérant dirigée contre les policiers.
Le 24 septembre 2001, le requérant forma opposition contre cette décision.
Le 24 décembre 2001, la cour d’assises de Bartin rejeta l’opposition ainsi formée.
1. Plainte du requérant pour mauvais traitements
Le requérant soutient avoir été soumis à des mauvais traitements lors de son incarcération. Ces traitements lui auraient été infligés par le procureur de la République de Çaycuma.
Le 20 mars 2001, le requérant saisit la cour d’assises de Zonguldak d’une plainte pour mauvais traitements dirigée contre le procureur de la République de Çaycuma.
Le 21 mars 2001, la cour d’assises transmit la plainte du requérant au procureur de la République de Zonguldak.
Le 27 septembre 2002, le requérant saisit le procureur de la République de Zonguldak d’une demande d’information quant aux suites données à cette plainte.
Le requérant précise avoir été informé oralement du transfert de sa plainte à un inspecteur près le ministère de la Justice.
Le 14 octobre 2002, le Conseil supérieur de la magistrature adopta une sanction disciplinaire portant mutation à l’encontre du procureur de la République de Çaycuma, ce en vertu de l’article 68 § a) de la loi sur les magistrats et les procureurs.
Le 3 mars 2003, cette décision devint définitive.
Le 21 mars 2005, le requérant saisit le Conseil supérieur de la magistrature d’une demande tendant à obtenir communication d’une copie de cette sanction disciplinaire.
Le 4 mai 2005, le ministère de la Justice rejeta cette demande.
2. Action en indemnisation pour détention illégale
Le 15 mai 2001, le requérant saisit le tribunal correctionnel de Çaycuma d’une demande d’indemnisation du préjudice résultant de sa détention de quatre mois et vingt-quatre jours, estimant à deux milliards de livres turques le préjudice matériel et moral subi.
Le 6 mars 2002, le tribunal correctionnel fit partiellement droit à la demande du requérant et lui accorda 280 219 500 livres turques (TRL) au titre du préjudice matériel et 500 000 000 TRL à celui de préjudice moral.
Sur ce, le requérant se pourvut en cassation estimant insuffisante l’indemnité octroyée.
Le 20 mai 2002, dans son avis sur le pourvoi, le procureur général près la Cour de cassation demanda à cette cour de confirmer la décision de première instance.
Le 17 juin 2002, statuant à la lumière de l’avis du procureur général qui n’aurait pas été communiqué au requérant, la Cour de cassation confirma la décision de première instance.
Le 16 septembre 2002, l’arrêt de cassation fut notifié au requérant.
GRIEFS
1. Invoquant les articles 3 et 13 de la Convention, le requérant se plaint d’avoir été soumis à des mauvais traitements infligés par le procureur de la République lors de son incarcération et de ne pas avoir bénéficié d’une voie de recours efficace pour faire valoir ses allégations.
2. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant allègue un défaut d’équité de la procédure en indemnisation eu égard à l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation. A cet égard, il se plaint également de l’insuffisance de l’indemnisation qui lui a été octroyée.
3. Invoquant l’article 8 de la Convention, il soutient que les poursuites pénales diligentées à son encontre sont à l’origine de son divorce.
4. Se fondant sur les mêmes faits, le requérant allègue une violation des articles 1, 2, 5, 7, 10, 13, 14 et 17 de la Convention.
EN DROIT
1. Invoquant l’article 6 de la Convention, le requérant se plaint du défaut d’équité de la procédure en indemnisation eu égard à l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation.
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. Invoquant les articles 3 et 13 de la Convention, le requérant se plaint d’avoir été victime de mauvais traitements et de ne pas avoir bénéficié d’une voie de recours efficace pour faire valoir ses allégations.
Quant aux mauvais traitements allégués, au vu des éléments du dossier, la Cour constate que le requérant a porté plainte devant les autorités internes, lesquelles ont diligenté une procédure disciplinaire au terme de laquelle le procureur mis en cause a fait l’objet d’une sanction disciplinaire. Cela étant, la Cour souligne que le requérant ne soumet aucun élément de preuve, tel qu’un rapport médical, à même d’étayer qu’il a subi des mauvais traitements. Les éléments dont elle dispose ne lui permettent ainsi pas d’établir que le requérant a été soumis à des traitements suffisamment graves pour entrer dans le champ d’application de l’article 3.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Eu égard à ses conclusions précédentes, la Cour estime que le grief énoncé par l’intéressé n’est dès lors pas « défendable » aux fins de l’article 13. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
3. Se fondant sur l’article 6 de la Convention, le requérant dénonce l’insuffisance de l’indemnisation octroyée en réparation de sa détention.
La Cour constate que l’intéressé se plaint en substance de la solution adoptée par les juridictions nationales. Or, elle rappelle qu’il ne lui appartient pas de contrôler les éléments de faits ayant conduit une juridiction nationale à adopter telle décision plutôt que telle autre, sinon elle s’érigerait en juge de troisième ou quatrième instance et dépasserait ainsi les limites de sa mission (Kemmache c. France (no 3), arrêt du 24 novembre 1994, série A no 296‑C, § 44).
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
4. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant soutient que les poursuites pénales diligentées à son encontre sont à l’origine de son divorce. Se fondant sur les évènements litigieux, il invoque également les articles 1, 2, 5, 7, 10, 14 et 17 de la Convention
La Cour constate que le requérant n’apporte aucune précision quant aux griefs invoqués et son argumentation n’apparaît à cet égard aucunement étayée. Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention ;
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief du requérant tiré du défaut d’équité de la procédure eu égard à l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président