Přehled
Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 18242/02
présentée par Ali DEĞERLİ et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 12 septembre 2006 en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,
A.B. Baka,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes E. Fura-Sandström,
D. Jočienė,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 26 décembre 2001,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, MM. Ali Değerli, né en 1972, Erdal Yıldız, né en 1967, Yaşar Yağan, né en 1971, et Nurettin Işık, né en 1976, sont des ressortissants turcs, résidant actuellement à Istanbul. Ils sont représentés devant la Cour par Mes Mehmet Ali Kırdök et Mihriban Kırdök, avocats à Istanbul.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
1. La genèse de l’affaire
A l’époque des faits, condamnés chacun à des peines d’emprisonnement de 3 ans et 9 mois pour assistance à une organisation illégale au sens de l’article 169 du code pénal, les requérants purgeaient leurs peines dans la maison d’arrêt de type E d’Ümraniye.
Entre-temps, dans le cadre d’une réforme du système pénitentiaire en Turquie, un projet de prisons de type F fut réalisé visant la création d’unités de vie d’un à trois détenus au lieu des dortoirs. Il était prévu que notamment les personnes condamnées pour des infractions à caractère politique, tels que les requérants, soient transférées dans ces nouveaux établissements, en application de l’article 16 de la loi relative à la lutte contre le terrorisme.
Un mouvement de grèves de la faim débuta en octobre 2000 parmi les détenus concernés pour protester contre ce projet. Lors des interventions policières et les émeutes qui s’ensuivirent il y a eu trente-deux morts et un grand nombre de blessés.
2. Les évènements ultérieurs concernant les requérants
Alors que nombre d’établissements pénitentiaires continuaient à être la scène de violences, la loi no 4616, dite loi d’amnistie, fut promulguée le 22 décembre 2000.
Le jour même, la cour d’assises d’Üsküdar (« la cour d’assises »), décida la libération conditionnelle des requérants. Cependant, ils ne furent pas relaxés sur-le-champ : ils furent transférés puis maintenus dans la maison d’arrêt de Kandıra de type F, sans aucune décision judiciaire à cet effet.
Le 25 décembre 2000, la cour d’assises émit, par contumace, un mandat de mise en détention provisoire contre 405 personnes, dont les requérants. Le 26 décembre 2000, ceux-ci furent traduits devant le juge de paix de Kandıra, qui leur donna lecture du mandat délivré à leur encontre. De fait, ils étaient accusés de participation aux actions d’émeutes survenues dans la prison de type E d’Ümraniye.
Le 3 janvier 2001, le conseil des requérants forma opposition contre ledit mandat et demanda l’élargissement de ses clients. Le jour même, la cour d’assises écarta ce recours, compte tenu de l’état du dossier, la nature des délits reprochés et le fait que toutes les preuves n’étaient pas réunies. Cette décision n’était pas susceptible d’appel.
Le 19 janvier 2001, les requérants furent interrogés par le procureur de la République de Kandıra au sujet des faits à leur charge.
Le 23 mars 2001, le parquet d’Üsküdar mit les requérants en accusation devant la cour d’assises, pour chef d’homicide, destruction de biens publics et d’émeute.
Par la suite, la cour d’assises déclina sa compétence ratione materiae en faveur de la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul. Le 30 avril 2001, cette juridiction, après avoir rejeté les demandes d’élargissement des requérants, se déclara à son tour incompétent. Le dossier fut ainsi renvoyé à la Cour de cassation, appelée à trancher le conflit de compétence. La haute juridiction décida que l’affaire relevait de la cour d’assises.
Le 28 juin 2001, le conseil des requérants redemanda la mise en liberté des intéressés.
Par une décision du 3 juillet 2001, la cour d’assises fit droit à cette demande et ordonna la relaxe des requérants.
Le 4 juillet 2001, l’on fit sortir les requérants Değerli et Yağan de la prison de Kandıra vers 15 heures, mais seulement pour les conduire au commandement local de la gendarmerie. Ils ne recouvrirent effectivement la liberté que le lendemain, vers 16 h 45.
Les requérants Yıldız et Işık furent directement libérés de la prison de Kandıra, le 4 juillet 2001, respectivement vers 12 heures et 16 h 30.
GRIEFS
1. Invoquant l’article 5 § 1 c) de la Convention, les requérants affirment avoir subi des détentions illégales, les premières pendant trois jours, entre les 22 et 25 décembre 2000 (premier volet), les secondes, à partir de 3 juillet 2001, date de la décision ordonnant leur libération. Les requérants Değerli et Yağan se plaignent d’avoir été irrégulièrement maintenu deux jours, M. Yıldız, dix-huit heures, et M. Işık, un jour de plus, à compter de cette date (deuxième volet).
2. Les requérants soutiennent encore que leur remise en détention provisoire en vertu du mandat délivré le 25 décembre 2000, ne reposait sur aucune raison plausible, au sens de l’article 5 § 1 c) de la Convention.
3. Les requérants estiment en outre que les rejets opposés les 3 janvier et 30 avril 2001 à leurs demandes d’élargissement emportent violation de l’article 5 § 3. A cet égard, ils expliquent que ces rejets, prononcés sans aucun examen digne de ce nom à partir de motifs stéréotypés, contrevenait à leur droit d’être « libéré pendant la procédure ».
4. Les requérants se plaignent enfin d’une violation d’article 5 § 2, en ce qu’ils n’auraient dûment pris connaissance des accusations à l’origine du mandat susmentionné que le 19 janvier 2001, pendant leur interrogatoire au parquet de Kandıra.
EN DROIT
La Cour rappelle sa jurisprudence constante, selon laquelle, lorsqu’il n’existe pas de recours internes quant à un grief tiré de la Convention, le délai de six mois commence à courir à compter, soit de la décision particulière dont tient ce grief (Walker c. Royaume-Uni (déc.), no 34979/97, CEDH 2000‑I), soit du jour auquel un requérant a eu à pâtir de l’acte incriminé (Aydın c. Turquie (déc.), nos 28293/95, 29494/95 et 30219/96, CEDH 2000‑III (extraits)).
Dans ce contexte et à supposer que les requérants ne disposaient d’aucune voie de droit pour faire valoir leurs allégations, la Cour observe que toutes les doléances, à l’exception du second volet du grief exposé au point 1 ci-dessus, se heurtent aux motif de tardiveté. En effet, les autres actes et omissions, dénoncés au regard des articles 5 §§ 1 a) et 2, ont pris fin respectivement les 25 décembre 2000 et 19 janvier 2001. Par ailleurs, la décision judiciaire mise en cause sous l’angle de l’article 5 § 1 c) date du 25 décembre 2000, et celles critiquées sur le terrain de l’article 5 § 3 ont été rendues les 3 janvier et 30 avril 2001.
La présente requête ayant été introduite le 26 décembre 2001, il s’ensuit que l’ensemble de ces doléances doit être rejeté en application de l’article 35 § 3 de la Convention.
Reste le second volet du grief exprimé au point 1, portant sur les durées de détention subséquentes à la décision d’élargissement du 3 juillet 2001.
Or, en l’état actuel du dossier et compte tenu des principes qui découlent de sa jurisprudence pertinente (voir, entre autres, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, §§ 170 et 171, CEDH 2000‑IV ; Giulia Manzoni c. Italie, arrêt du 1er juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1191, § 25, et Quinn c. France, arrêt du 22 mars 1995, série A no 311, pp. 17-18, § 42), la Cour n’estime pas pouvoir se prononcer sur cette partie de la requête. Aussi décide-t-elle d’en ajourner l’examen.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief que les requérants tirent de l’article 5 § 1 de la Convention, quant aux durées de détention subséquentes à la décision du 3 juillet 2001 concernant leur relaxe ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président