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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
7.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
2
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 28336/02
présentée par Robert GRIFHORST
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (Première section), siégeant le 7 septembre 2006 en une chambre composée de :

M. C.L. Rozakis, président,
M. J.-P. Costa,
Mme N. Vajić,
M. A. Kovler,
Mme E. Steiner,
MM. D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 23 juillet 2002,

Vu la décision de la Cour du 13 mai 2005 de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Vu la lettre du gouvernement néerlandais indiquant qu’il ne souhaite pas intervenir dans la procédure,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Robert Grifhorst, est un ressortissant néerlandais, né en 1949 et résidant à Malaga en Espagne. Il est représenté devant la Cour par Me B. J. Tieman, avocat à Amsterdam. Le gouvernement défendeur était représenté par M. R. Abraham, auquel a succédé dans ses fonctions Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 29 janvier 1996, alors qu’il entrait en France en provenance d’Andorre, le requérant fit l’objet d’un contrôle par la douane française à la frontière francoandorrane.

Les douaniers lui ayant demandé s’il avait des sommes à déclarer, le requérant répondit par la négative.

Les agents douaniers fouillèrent la sacoche du requérant et trouvèrent des documents bancaires à son nom et au nom d’une société. Ils réitérèrent leur question quant à la déclaration de sommes ou de valeurs, à laquelle le requérant maintint sa réponse négative.

Le véhicule ainsi que le requérant, furent fouillés et les douaniers découvrirent 500 000 Florins dans ses poches, soit 233 056 euros (EUR).

Le requérant fut interrogé et déclara être résident à Andorre et avoir retiré la somme du Crédit d’Andorre afin d’acheter un immeuble à Amsterdam.

Les agents procédèrent à la saisie de l’intégralité de la somme, soit de 500 000 Florins, soit 233 056 EUR.

Par télécopie du 29 janvier 1996, l’attaché douanier auprès de l’ambassade des PaysBas informa le directeur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (ci-après « la DNRED ») que le requérant était connu des services de police néerlandais, notamment pour des faits (survenus en 1983) de chantage et extorsion de fonds, enlèvement d’une personne et détention d’une arme à feu.

Par une autre télécopie du 23 avril 1997, l’attaché douanier indiqua que, selon la police néerlandaise, la seule activité connue du requérant était en relation avec l’immobilier, qu’une enquête internationale menée par les PaysBas, la France et l’Espagne sur ses activités n’avait pas progressé, que les services néerlandais envisageaient de solliciter du parquet d’Amsterdam des moyens plus importants tels que sa mise sur écoute téléphonique, qu’il était soupçonné de blanchir des capitaux pour le compte d’autres personnes mais qu’aucun élément concret supplémentaire ne pouvait être apporté.

Le requérant fut cité à comparaître devant le tribunal correctionnel de Perpignan qui, par jugement du 8 octobre 1998, le déclara coupable du délit de nonrespect de l’obligation déclarative des sommes, titres ou valeurs prévue par l’article 464 du code des douanes et le condamna à la confiscation de la totalité de la somme et au paiement d’une amende égale à la moitié de la somme non déclarée (225 000 Florins, soit 116 828 EUR), sur le fondement de l’article 465 du code des douanes, assortie de la contrainte par corps avec exécution provisoire.

Par un arrêt rendu par défaut le 4 novembre 1999, la cour d’appel de Montpellier confirma le jugement.

Le 11 octobre 2000, le requérant forma opposition à l’arrêt. Il invoquait l’erreur de droit, au motif que la directive européenne 88/361/CEE supprime toute restriction aux mouvements de circulation des capitaux entre les personnes résidant dans les Etats membres. Il invoquait également sa bonne foi et son absence d’intention frauduleuse et sollicitait sa relaxe et la restitution des sommes saisies et demandait subsidiairement à la cour d’appel de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés Européennes (ciaprès « la CJCE »), portant sur la conformité des dispositions du code des douanes avec la libre circulation des capitaux.

Par arrêt du 20 mars 2001, la cour d’appel déclara son opposition recevable et statua en ces termes :

« Attendu que (le requérant) qui prétend ignorer la loi française en sa qualité de ressortissant néerlandais, ne peut invoquer avec succès l’article 1223 du code pénal dès lors que les douaniers lui ont posé la question de la déclaration de sommes d’argent qu’il transportait, à deux reprises et que (le requérant) a répondu négativement par deux fois, manifestant ainsi son intention délictuelle de cacher le transfert des capitaux aux douanes françaises ; qu’il ne s’agit aucunement d’une erreur de droit puisque l’obligation déclarative lui a été rappelée par les douaniers et que (le requérant), ne peut se prévaloir de son ignorance de la loi française.

Attendu que les dispositions des articles 464 et 465 du code des douanes, dont il n’appartient pas à la cour d’appel d’apprécier la constitutionnalité, entrent dans les prévisions de l’article 58, paragraphe 1, b) du Traité CE et sont conformes à l’article 4 de la directive 88/361/CEE du 24 juin 1988, texte reconnaissant aux Etats membres le droit de prendre les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements ;

Attendu que l’obligation de déclaration qui n’empêche aucunement la libre circulation des capitaux, s’impose à toute personne physique, résident ou nonrésident français ;

Attendu enfin que les obligations et pénalités prévues par l’article 465 du code des douanes ne sont pas contraires au principe communautaire de proportionnalité dès lors qu’elles ont été instituées en vue de la lutte contre le blanchiment des capitaux, laquelle figure parmi les objectifs de la Communauté européenne ;

Attendu que c’est à juste titre et par des motifs pertinents, exacts et suffisants, que les premiers juges, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s’imposaient, en caractérisant en tous ses éléments tant matériels qu’intentionnels le délit reproché, ont retenu la culpabilité du prévenu et l’ont condamné aux peines sus indiquées, qui apparaissent bien proportionnées à la gravité des faits et bien adaptées à la personnalité de l’intéressé, l’amende douanière ayant été fixée à la moitié de la somme sur laquelle a porté l’infraction (article 465 du code des douanes). »

La cour dit, en outre, n’y avoir lieu à saisine de la CJCE.

Le requérant se pourvut en cassation. Il alléguait notamment la violation de l’article 7 § 1 de la Convention en ce que le tribunal correctionnel l’avait déclaré coupable du délit de nonrespect de l’obligation déclarative alors que, selon la jurisprudence en vigueur à l’époque (et en particulier selon un arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 1998), cette obligation n’était applicable qu’aux seuls résidents français. Il invoquait également l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention car, selon lui, le principe de proportionnalité n’avait pas été respecté en raison de la lourdeur des sanctions qui lui avaient été infligées pour ce qu’il considérait comme un simple manquement à une obligation administrative.

Par un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant, dans les termes suivants :

« (...) en l’absence de modification de la loi pénale, et dès lors que le principe de nonrétroactivité ne s’applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle, le moyen est inopérant (...)

Dès lors que les sanctions prévues à l’article 465 du code des douanes, qui ont été instituées notamment en vue de la lutte contre le blanchiment de capitaux, laquelle figure parmi les objectifs de la Communauté européenne, sont conformes au principe communautaire de proportionnalité et non contraires aux dispositions conventionnelles invoquées, la juridiction du second degré a justifié sa décision. »

B. Le droit et la pratique pertinents

1. Dispositions du code des douanes en vigueur à la date des faits

Article 323

« 1. Les infractions aux lois et règlements douaniers peuvent être constatées par un agent des douanes ou de toute autre administration.

2. Ceux qui constatent une infraction douanière ont le droit de saisir tous objets passibles de confiscation, de retenir les expéditions et tous autres documents relatifs aux objets saisis et de procéder à la retenue préventive des objets affectés à la sûreté des pénalités (...) »

Article 464

« Sans préjudice des dispositions de la loi no 661008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l’étranger, les personnes physiques qui transfèrent vers l’étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l’intermédiaire d’un organisme soumis à la loi no 8446 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, ou d’un organisme cité à l’article 8 de ladite loi, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixées par décret.

Une déclaration est établie pour chaque transfert à l’exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 50 000 FRF. »

Article 465

(issu de l’article 23 de la loi 90614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux provenant du trafic des stupéfiants)

« II. La méconnaissance des obligations énoncées au I. de l’article 98 de la loi de finances pour 1990 (no 89935 du 29 décembre 1989), sera punie de la confiscation du corps du délit ou, lorsque la saisie n’aura pu être faite, d’une somme en tenant lieu et d’une amende égale, au minimum, au quart et, au maximum, au montant de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction (...) »

2. Dispositions du code des douanes dans leur rédaction actuelle

A la suite de l’avis motivé de la Commission européenne (voir ci-dessous point 7), les autorités françaises ont modifié le code des douanes pour en tirer les conséquences. Ces modifications (introduites par la loi 2004-204 du 9 mars 2004 et le décret 2004-759 du 27 juillet 2004) sont entrées en vigueur le 1er octobre 2004.

Ces modifications ont pour effet de supprimer la peine de confiscation et de réduire l’amende au quart de la somme sur laquelle a porté l’infraction.

Article 464

« Les personnes physiques qui transfèrent vers l’étranger ou en provenance de l’étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l’intermédiaire d’un organisme soumis à la loi nº 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, ou d’un organisme cité à l’article 8 de ladite loi, doivent en faire la déclaration dans des conditions fixées par décret. Une déclaration est établie pour chaque transfert à l’exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 7 600 euros. »

Article 465

« I. - La méconnaissance des obligations déclaratives énoncées à l’article 464 est punie d’une amende égale au quart de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction.

II. - En cas de constatation de l’infraction mentionnée au I par les agents des douanes, ceux-ci consignent la totalité de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou la tentative d’infraction, pendant une durée de trois mois, renouvelable sur autorisation du procureur de la République du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure, dans la limite de six mois au total.

La somme consignée est saisie et sa confiscation peut être prononcée par la juridiction compétente si, pendant la durée de la consignation, il est établi que l’auteur de l’infraction mentionnée au I est ou a été en possession d’objets laissant présumer qu’il est ou a été l’auteur d’une ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le présent code ou qu’il participe ou a participé à la commission de telles infractions ou s’il y a des raisons plausibles de penser que l’auteur de l’infraction visée au I a commis une infraction ou plusieurs infractions prévues et réprimées par le code des douanes ou qu’il a participé à la commission de telles infractions.

La décision de non-lieu ou de relaxe emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures de consignation et saisie ordonnées. Il en est de même en cas d’extinction de l’action pour l’application des sanctions fiscales (...) »

3. Jurisprudence de la Cour de cassation

Les deux arrêts ciaprès ont été rendus dans le cadre d’une même affaire. Par un premier arrêt du 25 juin 1998, auquel l’administration des douanes n’était pas partie, la Cour de cassation a retenu que l’obligation de déclaration ne s’imposait qu’aux résidents français :

« Attendu qu’en se prononçant ainsi, alors que, faute d’être résident français, l’auteur supposé des faits ne pouvait se voir reprocher un défaut de déclaration de transfert de capitaux qui constituait une obligation à laquelle il n’était pas soumis, et qu’en l’absence de fait principal punissable, D. M. ne peut être retenu comme complice dudit manquement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

L’administration des douanes ayant formé opposition à cet arrêt, la Cour de cassation a, par un nouvel arrêt du 29 mars 2000, dit l’opposition recevable et a notamment considéré :

« (...) l’obligation de déclarer le transfert vers l’étranger ou en provenance de l’étranger de sommes, titres ou valeurs, à l’exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 50 000 FRF, prévue par les articles 98I de la loi des finances du 29 décembre 1989 et 23I de la loi du 12 juillet 1990, devenus les articles 464 et 465 du code des douanes, s’impose à toute personne physique, résident ou nonrésident français ; (...) les dispositions de ces textes sont compatibles avec les exigences de la directive du Conseil du 24 juin 1988, sur la libre circulation des capitaux, dont l’article 4 autorise les Etats membres à prendre les mesures indispensables pour faire échec à leurs lois et règlements (...) »

4. Directive du Conseil du 24 juin 1988 pour la mise en œuvre de l’article 67 du Traité CEE (88/361/CEE)

Article 4

« Les dispositions de la présente directive ne préjugent pas le droit des Etats membres de prendre les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou de surveillance prudentielle des établissements financiers, et de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique.

L’application de ces mesures et procédures ne peut avoir pour effet d’empêcher les mouvements de capitaux effectués en conformité avec les dispositions du droit communautaire. »

Article 7

« 1. Les Etats membres s’efforcent d’atteindre, dans le régime qu’ils appliquent aux transferts afférents aux mouvements de capitaux avec les pays tiers, le même degré de libération que celui des opérations intervenant avec les résidents des autres Etats membres, sous réserve des autres dispositions de la présente directive.

Les dispositions du premier alinéa ne préjugent pas de l’application, vis-à-vis des pays tiers, des règles nationales ou du droit communautaire, et notamment des conditions éventuelles de réciprocité, concernant les opérations d’établissement, de prestation de services financiers et d’admission de titres sur les marchés des capitaux.

2. Au cas où des mouvements de capitaux à court terme de grande ampleur en provenance ou à destination des pays tiers perturbent gravement la situation monétaire ou financière interne ou externe des Etats membres ou de plusieurs d’entre eux, ou entraînent des tensions graves dans les relations de change à l’intérieur de la Communauté ou entre la Communauté et les pays tiers, les Etats membres se consultent sur toute mesure susceptible d’être prise pour remédier aux difficultés rencontrées. Cette consultation a lieu au sein du comité des gouverneurs des banques centrales et du comité monétaire à l’initiative de la Commission ou de tout Etat membre. »

5. Traité de Rome

Article 58 (ex-article 73D)

« 1. L’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les Etats membres : (...)

b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique (...)

3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56. »

6. Jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes

Les deux arrêts cités ci-dessous concernent respectivement l’exportation de sommes entre Etats membres (affaire Bordessa) et entre Etats membres et Etats tiers (affaire Sanz de Lera).

a) Arrêt Bordessa e.a. du 23 février 1995 (affaires jointes C358/93 et C416/93, Rec. 1995 p. I-361)

« La directive 88/361 pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité, et plus particulièrement ses articles 1er, obligeant les Etats membres à supprimer les restrictions aux mouvements de capitaux, et 4, les autorisant à prendre les mesures indispensables pour faire échec aux infractions aux lois et règlements nationaux, s’opposent à ce que l’exportation de pièces, de billets de banque ou de chèques au porteur soit subordonnée à une autorisation préalable, mais, en revanche, ne s’opposent pas à ce qu’une telle opération soit subordonnée à une déclaration préalable.

En effet, si ledit article 4 s’applique non seulement aux mesures visant à faire échec aux infractions en matière fiscale ou de surveillance prudentielle des établissements financiers, mais également à celles visant à empêcher des activités illicites d’une gravité comparable, tels le blanchiment d’argent, le trafic des stupéfiants et le terrorisme, l’exigence d’une autorisation ne peut être considérée comme une mesure indispensable au sens de cette disposition, car elle reviendrait à soumettre l’exercice de la libre circulation des capitaux à la discrétion de l’administration et serait susceptible, de ce fait, de rendre cette liberté illusoire. En revanche, une déclaration préalable peut constituer une telle mesure indispensable puisque, contrairement à l’autorisation préalable, elle ne suspend pas l’opération en cause, tout en permettant néanmoins aux autorités nationales d’effectuer un contrôle effectif pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements. »

b) Arrêt Sanz de Lera e.a. du 14 décembre 1995 (affaires jointes C-163/94, C165/94 et C-250/94, Rec. 1995 p. I-4821)

« Les articles 73 B, paragraphe 1, et 73 D, paragraphe 1, sous b) du traité s’opposent à une réglementation nationale qui subordonne, d’une manière générale, l’exportation de pièces, de billets de banque, ou de chèques au porteur à une autorisation préalable, mais, en revanche, ne s’opposent pas à ce qu’une telle opération soit subordonnée à une déclaration préalable. »

c) Sanctions et respect du principe de proportionnalité

En ce qui concerne les infractions douanières, la CJCE considère de façon constante qu’en l’absence d’harmonisation de la législation communautaire dans ce domaine, les Etats membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Ils sont toutefois tenus d’exercer cette compétence dans le respect du droit communautaire et de ses principes généraux et, par conséquent, dans le respect du principe de proportionnalité (cf. arrêts du 16 décembre 1992, Commission/Grèce, C-210/91, Rec. p. I6735, point 19, du 26 octobre 1995, Siesse, C-36/94, Rec. p. I3573, point 21, et du 7 décembre 2000, De Andrade, C-213/99, Rec. p. I-11083, point 20).

La CJCE précise que les mesures administratives ou répressives ne doivent pas dépasser le cadre de ce qui est nécessaire aux objectifs poursuivis et qu’une sanction ne doit pas être si disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction qu’elle devienne une entrave à l’une des libertés consacrées par le traité (voir notamment arrêt Commission c. Grèce précité, point 20 et la jurisprudence citée ; arrêt du 12 juillet 2001, Louloudakis, C-262/99, Rec. p. I-5547).

7. Avis motivé rendu par la Commission européenne (juillet 2001)

« L’article 58 du Traité CE stipule que l’article 56, qui instaure la libre circulation des capitaux, ne porte pas atteinte au droit qu’ont les Etats membres de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique ou de prendre des mesures liées à l’ordre public ou à la sécurité publique. Néanmoins, le même article 58 du Traité CE précise que ces procédures de déclaration ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56.

C’est ainsi que la Commission considère que les effets d’une telle obligation administrative, en l’occurrence les sanctions douanières, doivent s’apprécier en appliquant le critère de proportionnalité. En effet, selon la jurisprudence de la Cour (arrêts du 16.12.1992 « Commission contre République hellénique », C-210/91, et du 26.10.1995 « Siesse », C-36/94), les mesures administratives ou répressives ne doivent pas dépasser le cadre de ce qui est strictement nécessaire aux objectifs poursuivis et il ne faut pas rattacher aux modalités de contrôle une sanction si disproportionnée à la gravité de l’infraction qu’elle deviendrait une entrave aux libertés consacrées par le traité.

Or, la Commission a constaté que, dans le cas d’espèce, la sanction normalement prévue et appliquée, à savoir la confiscation des fonds, conduit à la négation même de la liberté fondamentale du mouvement des capitaux, de sorte qu’il s’agisse d’une mesure manifestement disproportionnée.

Les autorités françaises défendent le caractère dissuasif que devraient revêtir ces sanctions au vu de l’importance des objectifs visés selon elles par l’introduction de ces obligations déclaratives, à savoir la lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre la fraude fiscale. De son côté, la Commission considère que la sanction devrait correspondre à la gravité du manquement constaté, à savoir du manquement à l’obligation de déclaration et non pas à la gravité du manquement éventuel non constaté, à ce stade, d’un délit tel que le blanchiment d’argent ou la fraude fiscale. »

8. Droit comparé

La plupart des législations des Etats membres du Conseil de l’Europe (à l’exception notamment de l’Allemagne, de l’Autriche ou de la Géorgie) ont institué une obligation de déclaration des moyens de paiement, titres ou valeurs à leurs frontières.

Le montant minimum des sommes soumises à cette déclaration varie de 4 000 EUR, en Bulgarie par exemple, à 15 000 EUR au Danemark. L’objectif de cette réglementation, ainsi que sa sanction en cas de nonrespect, est également variable d’un Etat à l’autre. Ainsi, la lutte contre le blanchiment de capitaux, la lutte antiterroriste ou la surveillance des importations et exportations de métaux précieux ou de bijoux sont les principaux buts poursuivis par les Etats qui réglementent les flux transfrontaliers des capitaux.

En règle générale, l’amende est la sanction légale la plus souvent rencontrée en cas de nonrespect de l’obligation déclarative. Selon les Etats, le montant de l’amende est très différent. Elle peut être cumulée à une peine de confiscation judiciaire. Toutefois, cette peine semble peu fréquente dans les systèmes juridiques des Etats membres, et lorsqu’elle est prévue, elle ne concerne en général que le reliquat de la somme excédant le montant à déclarer.

L’article 13 § 1 de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme prévoit notamment que chaque Partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour mettre en place un régime interne complet de réglementation et de suivi ou de contrôle pour prévenir le blanchiment. Ainsi, les Parties à la Convention
peuvent adopter les mesures législatives ou autres qui se révèlent nécessaires pour détecter les transports transfrontaliers significatifs d’espèces et d’instruments au porteur appropriés (article 13 § 3 de la Convention précitée).

GRIEFS

1. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, le requérant considère que les mesures dont il a fait l’objet, à savoir la saisie, la confiscation de la totalité de la somme non déclarée et l’amende correspondant à la moitié de la somme non déclarée, sont disproportionnées par rapport à la nature du fait reproché (nonrespect d’une obligation administrative).

2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, il estime n’avoir pas fait l’objet d’un procès équitable, dans la mesure où la cour d’appel a refusé, sans motiver son refus, de poser une question préjudicielle à la CJCE en vue de savoir si les dispositions du code des douanes relatives aux sanctions de l’obligation déclarative sont contraires ou non à la directive sur la liberté de circulation des capitaux.

3. Il se plaint d’une violation de la présomption d’innocence (article 6 § 2 de la Convention) par la Cour de cassation, au motif que sa condamnation fondée sur l’article 465 du code des douanes laisserait entendre, selon lui, que la somme non déclarée était destinée au blanchiment de capitaux.

4. Invoquant l’article 7 § 1 de la Convention, il se plaint de ce que la Cour de cassation a fait une application rétroactive, qui lui a été défavorable, d’une jurisprudence récente.

EN DROIT

1. Le requérant se plaint du caractère disproportionné des mesures dont il a fait l’objet par rapport au manquement reproché. Il allègue la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, dont les dispositions se lisent comme suit :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

a) Les parties

Le Gouvernement convient que la saisie et la confiscation des sommes transportées par le requérant constituent une ingérence dans le droit au respect de ses biens, au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Il estime que la condamnation au paiement d’une amende infligée au requérant relève du second alinéa de l’article 1 précité.

Il indique que la réglementation douanière mise en cause en l’espèce a été élaborée dans le but de lutter contre le blanchiment des capitaux, et sert à ce titre, un but intérêt général. Le Gouvernement rappelle que cet objectif est poursuivi par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et justifie certains aménagements au principe de libre circulation des capitaux institué par l’article 56 du Traité des communautés européennes. A cet égard, le Gouvernement rappelle que l’article 58 du traité dispose que l’article 56, consacrant la liberté de circulation des capitaux, ne porte pas atteinte au droit des Etats membres de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.

Le Gouvernement considère que le principe de légalité a bien été respecté en l’espèce. L’obligation déclarative et les sanctions qui découlent du nonrespect de cette obligation sont prévues aux articles 464 et 465 du code des douanes. Le Gouvernement souligne à ce propos que l’obligation déclarative a été rappelée à deux reprises au requérant par les agents des douanes, en espagnol et en anglais, langues comprises par lui, et qu’il ne pouvait donc prétendre ignorer la loi. Il précise que les peines applicables à l’époque des faits étaient la confiscation des sommes en jeu et une pénalité comprise entre le quart et la totalité de la somme sur laquelle a porté l’infraction.

De plus, le Gouvernement considère que le requérant ne saurait se prévaloir de l’insécurité juridique créée par une jurisprudence contradictoire, dans la mesure où les deux arrêts de la Cour de cassation visés par le requérant, sont intervenus en 1998 et 2000, soit postérieurement à la date de l’infraction, laquelle a été notifiée au requérant le 29 janvier 1996. En tout état de cause, le Gouvernement fait valoir à cet égard, que les deux arrêts successifs de la Cour de cassation n’ont pas, en l’espèce, altéré la lisibilité de la loi. En effet, l’arrêt de la Cour de cassation de 1998 était un arrêt isolé qui avait restreint l’application des articles 464 et 465 du code des douanes aux seuls résidents français de manière totalement contraire à la lettre et à l’esprit de l’article 464, qui ne mentionne aucune précision quant au lieu de résidence des personnes physiques visées dans la disposition précitée. Le Gouvernement estime que cette interprétation jurisprudentielle était peu cohérente avec l’objectif de la loi, qui était de lutter contre le blanchiment des capitaux. Dès lors, il conclut que le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation en 2000 était « raisonnablement prévisible », et que l’ingérence dans le droit au respect des biens du requérant était bien prévue par la loi au sens de la jurisprudence de la Cour.

En ce qui concerne la proportionnalité de l’ingérence, le Gouvernement se réfère à la jurisprudence de la Cour et cite en particulier l’arrêt Raimondo c. Italie (arrêt du 22 février 1994, série A no 281A), dans lequel la Cour a reconnu que la confiscation était proportionnée à l’objectif recherché de lutte contre la mafia. Il estime que la lutte contre le blanchiment des capitaux justifie également des aménagements au principe de libre circulation des capitaux, tels que la confiscation. De plus, il se fonde sur la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) qui, dans son arrêt Bordessa, a admis que les Etats membres mettent en place des procédures de déclaration obligatoire préalablement aux exportations de moyens de paiement. Il indique également que le 28 avril 1997, le groupe multidisciplinaire chargé de mettre en œuvre la politique commune en matière de lutte contre la criminalité a adopté un programme d’action qui souligne l’importance pour chaque Etat de disposer d’une législation élaborée et étendue en matière de confiscation des produits du crime et du blanchiment de ces produits. L’article 465 du code des douanes s’inscrit dans ces orientations politiques.

Selon le Gouvernement, le dispositif applicable permet de trouver un juste équilibre entre l’intérêt général qui s’attache à la lutte contre le blanchiment des capitaux et les droits du requérant. Il indique que l’objectif de lutte contre le blanchiment implique que l’administration puisse prendre des mesures immédiates et préventives, telles que la confiscation du corps du délit. Dans le même temps, le Gouvernement fait valoir que les droits du requérant sont protégés par la marge d’appréciation laissée aux autorités douanières quant au montant de l’amende, et par le contrôle exercé par le juge sur les décisions des autorités douanières, notamment en tenant compte, le cas échéant, de circonstances atténuantes pour prononcer la sanction (article 369 du code des douanes).

En l’espèce, le Gouvernement souligne que les autorités administratives et judiciaires se sont prononcées au regard du comportement du requérant qui, alors qu’il détenait sur lui des sommes très importantes en espèces, a tenté d’en dissimuler l’existence aux agents des douanes en répondant par la négative à deux reprises aux questions d’usage posées par les douaniers. Selon le Gouvernement, les informations transmises le jour du contrôle par les autorités néerlandaises sur les activités délictueuses du requérant justifiaient la confiscation des sommes ainsi que l’amende qui lui a été infligée. Ces sanctions ont d’ailleurs ensuite été confirmées par les autorités judiciaires. Le Gouvernement conclut que les sanctions prononcées à l’encontre du requérant étaient, compte tenu du droit applicable en l’espèce, de son comportement et des informations fournies par les autorités néerlandaises, proportionnées à l’objectif poursuivi, à savoir, la lutte contre le blanchiment des capitaux.

Enfin, il précise subsidiairement qu’à la suite d’un avis motivé de la commission européenne du 27 juillet 2001, par lequel elle a demandé à la France de revoir le dispositif de sanctions pour non-respect de l’obligation déclarative, les autorités internes ont modifié ce dispositif. Ainsi, la loi du 9 mars 2004 qui a modifié l’article 465 du code des douanes a supprimé la peine de confiscation et réduit l’amende au quart de la somme sur laquelle a porté l’infraction. Toutefois, le Gouvernement ajoute que cette modification est sans rapport avec la présente requête, et qu’il s’agissait de se conformer à la liberté de circulation des capitaux prévue à l’article 56 du Traité et non à l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, qui n’implique pas la liberté de circulation des capitaux. D’ailleurs, le Gouvernement précise que la confiscation dont le requérant a fait l’objet entrait dans le champ des exceptions à la liberté de capitaux prévues à l’article 58 du Traité.

Enfin, en ce qui concerne l’amende, le Gouvernement indique qu’en l’espèce, dans le cadre d’une action d’apurement comptable intervenue au début de l’année 2005, l’administration des douanes a renoncé au recouvrement de l’amende infligée au requérant, laquelle aurait nécessité une procédure de recouvrement forcé, impossible à mettre en œuvre pour un ressortissant néerlandais résidant en Andorre.

Le requérant considère que l’argument du Gouvernement tiré de ce que l’obligation légale de déclaration à la douane française des sommes transportées d’un montant supérieur ou égal à 50 000 francs français (FRF), soit 7 600 euros (EUR), viserait à lutter contre les infractions de blanchiment de capitaux constitue un argument de circonstance afin de donner rétroactivement une apparence de légitimité au comportement de l’administration des douanes. Il estime que l’article 465 du code des douanes ne sanctionne qu’un manquement administratif.

Il estime que la réglementation en l’espèce était équivoque et trop restrictive. Il fait valoir que l’article 465 précité ne sanctionne que la dissimulation, et qu’un tel manquement administratif est distinct du délit de fraude ou de blanchiment d’argent.

Le requérant indique qu’en 1996, il ignorait la réglementation applicable, et que, s’il était censé s’en informer, cette démarche était d’autant moins évidente que cette réglementation était, selon lui, dérogatoire par rapport aux réglementations d’usage dans les autres pays de l’Union européenne. Il soutient qu’il appartenait à la France de spécifier clairement et de manière adéquate la législation applicable en la matière.

En outre, le requérant précise que si les arrêts contradictoires rendus successivement en 1998 et en 2000 par la Cour de cassation étaient postérieurs aux faits, survenus en 1996, il n’en demeure pas moins qu’ils traduisent une période au cours de laquelle des opinions divergentes se sont exprimées sur le champ d’application des articles 464 et 465 du code des douanes. Il fait valoir que si le juge suprême français lui-même donne des interprétations différentes à la question de savoir si les textes susmentionnés s’appliquent aux seuls résidents français ou bien à toute personne physique, quelle que soit sa nationalité, cela montre bien que la législation applicable pouvait ne pas être, à son égard, claire et accessible en 1996.

Le requérant souligne que les articles précités du code des douanes ne sanctionnent pas in abstracto le blanchiment des capitaux. Selon lui, il s’agirait d’un argument de circonstance visant à donner rétroactivement une apparence de légitimité au comportement de l’administration des douanes. De plus, il estime qu’une présomption de blanchiment de capitaux ou de fraude fiscale ne peut pas être fondée sur le seul fait qu’il n’aurait pas respecté l’obligation déclarative.

Le requérant conçoit qu’un Etat puisse contrôler la circulation des devises, en particulier lorsqu’il s’agit de liquidités. Toutefois, il estime disproportionné d’avoir non seulement été privé de son argent par le jeu de la confiscation, alors que la légalité de son origine était selon lui, prouvée, mais en outre, de s’être vu infliger une amende correspondant à la moitié de la somme saisie alors qu’aucun indice n’étayait l’existence de pratiques de sa part, liées au blanchiment de capitaux.

Le requérant conteste les informations qui auraient été fournies par les autorités néerlandaises et auxquelles le Gouvernement se réfère. Il fait valoir qu’il s’agit de calomnies et que, dans la mesure où il n’a jamais fait l’objet d’aucune condamnation en matière de blanchiment d’argent, le Gouvernement français ne saurait se fonder sur des informations qui ne seraient pas étayées.

D’après lui, la réglementation française est dérogatoire par rapport à celles couramment rencontrées dans les autres pays de l’Union européenne. D’ailleurs, selon lui, le seul fait que le code des douanes a été modifié en 2004 démontre que la loi applicable à l’époque des faits n’était pas compatible avec le principe de liberté de circulation des capitaux, et qu’il n’y avait donc pas de juste équilibre ménagé entre l’intérêt général et le droit du requérant au respect de ses biens garanti par l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

b) La Cour

i. La Cour relève tout d’abord que, dans ses observations, le Gouvernement indique que l’administration des douanes a, dans le cadre d’une action d’apurement comptable, renoncé à recouvrer l’amende infligée au requérant.

La Cour est d’avis que cet élément est susceptible d’avoir une incidence sur la qualité de victime de ce dernier et considère en conséquence qu’il y a lieu de joindre cet aspect au fond du grief.

ii. Pour autant que le requérant se plaint de la saisie provisoire de la somme, la Cour estime que ladite saisie, prévue par l’article 465 du code des douanes s’analysait en une mesure provisoire répondant au besoin d’assurer la confiscation éventuelle de sommes qui semblaient être le fruit d’activités illégales au préjudice de la collectivité, ou dont la destination pouvait être contraire à l’intérêt général (voir, mutatis mutandis, Raimondo c. Italie, arrêt du 22 février 1994, série A no 281A, p. 16, § 27).

Dès lors, la Cour considère que la saisie n’apparaît pas disproportionnée au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

Il s’ensuit que cet aspect du grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

iii. Pour autant que le requérant se plaint de la confiscation et de l’amende, la Cour estime, à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, que ce grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l’examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s’ensuit que ce grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’a été relevé.

2. Le requérant se plaint de l’application rétroactive par la Cour de cassation d’une jurisprudence récente qui lui aurait été défavorable. Il allègue la violation de l’article 7 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé :

«Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise (...) »

La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle « l’on ne saurait interpréter l’article 7 de la Convention comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l’interprétation judiciaire d’une affaire à l’autre, à condition que le résultat soit cohérent avec la substance de l’infraction et raisonnablement prévisible » (voir, S.W. c. Royaume Uni, arrêt du 22 novembre 1995, série A no 335 B, p. 42, § 36).

La Cour observe que, dans sa rédaction applicable au moment des faits, l’article 464 du code des douanes visait « les personnes physiques » effectuant des transferts, formulation large dont il était prévisible qu’elle s’applique tant aux résidents qu’aux non résidents français.

La Cour relève par ailleurs que les arrêts mentionnés par le requérant ont été rendus par la Cour de cassation postérieurement aux faits de la présente requête. En tout état de cause, la Cour note que ces arrêts ont été rendus dans le cadre de la même affaire, le second arrêt étant intervenu sur opposition des douanes et ayant mis à néant le premier.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Le requérant se plaint de l’iniquité de la procédure, au motif que certaines règles de droit communautaire auraient été méconnues et que sa demande visant à poser une question préjudicielle à la CJCE a été rejetée par la cour d’appel. De plus, il estime que sa condamnation a porté atteinte à la présomption d’innocence. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 2, dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie (...) »

En premier lieu, la Cour rappelle qu’elle ne saurait examiner les griefs du requérant tirés de la violation du droit communautaire. Ce grief doit en conséquence être rejeté comme incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

En second lieu, s’agissant de la question préjudicielle, la Cour rappelle qu’aux termes de sa jurisprudence, l’on ne saurait déduire de l’article 6 § 1 de la Convention le droit absolu à ce qu’une affaire soit renvoyée à titre préjudiciel devant la CJCE. Il est vrai que, dans certaines circonstances, le refus opposé par une juridiction nationale appelée à se prononcer en dernière instance peut porter atteinte au principe de l’équité de la procédure, en particulier lorsqu’un tel refus apparaît entaché d’arbitraire (voir Dotta c. Italie (dec.), no 38399/97, 7 septembre 1999).

Toutefois, la Cour observe qu’en l’espèce, la cour d’appel n’a été saisie qu’à titre subsidiaire d’une demande tendant à poser une question préjudicielle à la CJCE et que cette demande n’a pas été réitérée devant la Cour de cassation.

Enfin, la Cour relève que le manquement à l’obligation déclarative, qui n’est pas contesté par le requérant, constitue un délit dont il a été reconnu coupable. Dès lors, la Cour ne perçoit pas en l’espèce d’apparence de violation de son droit à la présomption d’innocence.

Il s’ensuit que cet aspect de la requête est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.


Par ces motifs, la Cour, à la majorité,

Décide de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention ;

Décide de joindre au fond la question de la qualité de victime du requérant concernant l’amende ;

Déclare recevable, tous moyens de fond réservés, le grief du requérant tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention concernant la confiscation de la somme et l’amende ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Søren Nielsen Christos Rozakis
Greffier Président