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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
5.9.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 18144/03
présentée par Ayşe UZUN et autres
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 5 septembre 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
A.B. Baka,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes E. Fura-Sandström,
D. Jočienė,
M. D. Popović, juges,

et de M. S. Naismith, greffier adjoint de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 16 mai 2003,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants, Mme Ayşe Uzun, agissant en son nom propre et en celui de ses enfants Büşra, Birgül et Şevket Uzun, ainsi que MM. Uğur Uzun et Aydın Uzun, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1966, 1990, 1988, 1986, 1984 et 1984, et résidant à Kocaeli. Ils sont représentés devant la Cour par Mes E. Kirmani, S.K. Ulaş, H. Bayrem, U. Ekinci et R. Tat, avocats à Kocaeli.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Le 29 décembre 1989, à la suite d’un accident de la route causé par un employé du TÜSSIDE (Türkiye Sanayi Sevk ve Idare Enstitüsü), un organisme de droit public rattaché au ministère de l’Éducation nationale (Milli Eğitim Bakanlığı), l’un des proches des requérants trouva la mort.

Le 1er février 1990, les requérants introduisirent une action en réparation de leur préjudice matériel et moral contre le TÜSSIDE devant le tribunal de grande instance de Gebze.

Le 26 mars 1992, s’appuyant sur les rapports d’expertise établis à sa demande, le tribunal leur accorda une indemnité de 111 203 320 livres turques (TRL) au titre du préjudice matériel et moral, majorée d’intérêts moratoires simples au taux légal à compter du 29 décembre 1989, date de l’accident.

Par un arrêt du 29 juin 1993, la Cour de cassation confirma le jugement du 26 mars 1992.

Par un arrêt du 28 janvier 1994, la Cour de cassation rejeta le recours en rectification du TÜSSIDE contre l’arrêt du 29 juin 1993. Cet arrêt fut définitif.

Le 10 avril 2003, à la demande des requérants, le Bureau de l’exécution de Gebze fit parvenir un ordre de paiement au TÜSSIDE l’invitant à s’acquitter de sa dette.

Le 15 avril 2003, le TÜSSIDE versa aux requérants un total de 1 072 000 000 TRL [environ 608 euros (EUR)] à titre de dommages et intérêts, majorée d’un taux de 30 % l’an entre le 29 décembre 1989 et le 31 décembre 1997, de 50 % l’an entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 1999, de 60 % l’an entre le 1er janvier 2000 et le 1er juillet 2002 et de 55 % l’an pour la période postérieure.

Le 27 avril 2006, les requérants et le TÜSSIDE conclurent un accord à l’amiable d’un montant de 21 324 nouvelles livres turques [environ 13 500 EUR] au titre du préjudice matériel et moral dû au retard de l’administration dans le paiement de l’indemnité fixée par le tribunal le 26 mars 1992 et qui leur fut versée sur un compte bancaire en mars 2006. La partie pertinente de cet accord peut se traduire comme suit :

« (...) [Nous reconnaissons] que l’intégralité du préjudice (...) subi et qui fait l’objet de l’affaire (...) portée devant la Cour européenne des Droits de l’Homme a été réparé ».

GRIEF

Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, les requérants se plaignent que leur droit au respect de leurs biens n’a pas été respecté en raison du retard de l’administration dans le paiement de l’indemnité due au titre de leur préjudice matériel et moral et de l’insuffisance des intérêts moratoires appliqués aux dettes de l’État par rapport au taux d’inflation très élevé en Turquie.

EN DROIT

Les requérants estiment que la situation litigieuse porte atteinte à leur droit au respect de leurs biens, garanti par l’article 1 du Protocole no 1 ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

Le 2 mai 2006, le Gouvernement a produit une lettre et des documents indiquant que les requérants et l’administration en cause ont conclu un accord à l’amiable le 27 avril 2006, mettant ainsi fin au présent litige. Il demande en conséquence que l’affaire soit rayée du rôle en application de l’article 37 § 1 b) de la Convention.

Le 19 mai 2006, cette lettre ainsi que les documents annexés ont été communiqués aux requérants pour observations. Toutefois, ces derniers n’y ont pas répondu dans le délai imparti.

La Cour note que, par un accord à l’amiable en date du 27 avril 2006, les requérants ont reconnu avoir perçu l’intégralité de leur créance et ainsi renoncé à toute prétention. Sur le plan interne, cet accord a mis indiscutablement fin à la contestation portant sur l’indemnité en cause.

A l’analyse de l’ensemble des éléments du dossier, la Cour constate que les requérants ont manifesté leur volonté explicite de mettre fin à la procédure litigieuse. Leur acquiescement quant au montant du paiement de leur créance a eu pour effet pratique de satisfaire leurs revendications formulées sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 (voir Guerrera et Fusco c. Italie, no 40601/98, 3 avril 2003, Folcheri c. Italie (déc.), no 61839/00, 3 juin 2004, Ortiz Ortiz et autres c. Espagne (déc.), no 50146/99, 15 mars 2001, et Yıldırım et Durman c. Turquie (déc.), no 49507/99, 3 mai 2005).

Partant, la Cour estime que les requérants ne peuvent plus se prétendre victimes d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1. Dès lors, la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Il y a ainsi lieu de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

S. Naismith J.-P. Costa
Greffier adjoint Président