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PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE ADELFOI IO. VERRI A.E. CHOIROTROFIKI EPICHEIRISI c. GRÈCE
(Requête no 2544/04)
ARRÊT
STRASBOURG
27 juillet 2006
DÉFINITIF
11/12/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Adelfoi Io. Verri A.e. Choirotrofiki Epicheirisi c. Grèce,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,
C.L. Rozakis,
Mmes F. Tulkens,
E. Steiner,
MM. K. Hajiyev,
D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 juillet 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 2544/04) dirigée contre la République hellénique et dont une société anonyme grecque, « Adelfoi Io. Verri A.E. Choirotrofiki Epicheirisi » (« la requérante »), a saisi la Cour le 30 décembre 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante est représentée par Me I. Stamoulis, avocat au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent M. S. Spyropoulos, assesseur auprès du Conseil Juridique de l’Etat et Mme O. Patsopoulou, auditrice auprès du Conseil Juridique de l’Etat.
3. Le 21 mars 2005, la Cour a décidé de communiquer le grief tiré de la durée de la procédure au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé qu’elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
A. Le contexte de l’affaire
4. Le 8 avril 1974, le chef du commissariat de police de la ville de Vonitsa délivra à la société requérante un permis d’exploitation d’une porcherie sur un terrain lui appartenant. Entre 1974 et 1977, la société requérante se vit accorder plusieurs prêts par la Banque Agricole, appartenant à l’Etat, grâce auxquels elle modernisa la porcherie et, en particulier, fit construire un abattoir frigorifique et installer une station d’épuration biologique.
5. L’entreprise fonctionna sans interruption jusqu’en 1979. Cette année-là, les services d’hygiène de la préfecture d’Etoloakarnania effectuèrent une visite des lieux, suite aux plaintes des riverains qui soutenaient que leur état de santé se détériorait en raison des odeurs fortes et irritantes provenant de l’exploitation. Dans leur rapport, les agents du service d’hygiène constatèrent que la station d’épuration biologique ne fonctionnait pas correctement et que, par conséquent, l’exploitation était susceptible de dégrader l’environnement et causer des troubles à la santé des riverains. En outre, ils constatèrent que la société requérante avait agrandi ses installations sans avoir obtenu un permis des autorités compétentes.
B. Les procédures devant le Conseil d’Etat
6. Le 26 mars 1981, le préfet d’Etoloakarnania, se fondant sur le rapport établi par le service d’hygiène, suspendit le fonctionnement de l’entreprise (arrêté no 3120/1981).
7. Le 3 août 1981, la société requérante déposa auprès du Conseil d’Etat une demande visant à obtenir un sursis à exécution de la décision préfectorale. Le 14 août 1981, le Conseil d’Etat ordonna le sursis à exécution de l’arrêté attaqué (arrêt no 165/1981).
8. Le 26 février 1982, le préfet d’Etoloakarnania émit un nouvel arrêté ordonnant la fermeture définitive de l’entreprise au motif que les odeurs dégagées par l’exploitation compromettaient la santé publique. Le préfet constata que le problème des odeurs insupportables s’était intensifié, en raison de l’extension illégale des locaux de la porcherie (acte no 2304/1982).
9. Le 24 mai 1982, la société requérante saisit le Conseil d’Etat d’un recours en annulation contre l’arrêté préfectoral.
10. Le 15 novembre 1983, le Conseil d’Etat annula l’acte attaqué pour vice de forme. En particulier, la haute juridiction jugea que l’acte administratif attaqué avait été émis en l’absence de convocation préalable du représentant de la société requérante par l’administration afin qu’elle puisse faire valoir ses points de vue (arrêt no 4283/1983).
C. La procédure d’exécution forcée engagée par la Banque Agricole
11. Entre-temps, le 2 juin 1982, le directeur de la Banque Agricole décida d’engager une procédure en exécution forcée à l’encontre de la requérante pour recouvrement des dettes dont elle restait redevable.
12. Le 31 août 1982, suite à la demande de la Banque Agricole, le tribunal de paix de Sollio lui accorda l’autorisation de procéder à la vente du bétail de la société requérante. Les prix de base pour la vente du bétail furent fixés par le tribunal (décision no 9/1982).
13. Le 1er novembre 1982, la société requérante forma auprès du tribunal de paix de Vonitsa une opposition contre le titre exécutoire ordonnant la saisie et la vente du bétail de son entreprise.
14. Le 22 novembre 1982, le tribunal de paix de Vonitsa, dans une décision amplement motivée, la débouta (décision no 24/1982).
D. La procédure en indemnisation devant les juridictions civiles
15. Le 23 janvier 1986, la société requérante saisit le tribunal de grande instance d’Athènes d’une action fondée sur l’article 914 du code civil et tendant à son indemnisation pour la fermeture illégale de son entreprise par l’Etat, son refus d’autoriser sa réouverture et, en dernier lieu, la vente du bétail à des prix dérisoires. En outre, la requérante alléguait que le comportement de la Banque Agricole était dû aux pressions exercées par le préfet d’Etoloakarnania dans le but de mettre fin à l’exploitation de la porcherie.
16. Le 18 juin 1986, par une décision avant dire droit, le tribunal de grande instance d’Athènes ordonna l’administration des preuves (décision no 2080/1986).
17. Le 16 juin 1994, le tribunal de grande instance d’Athènes rejeta son action. En particulier, ladite juridiction jugea ce qui suit :
« Si une juridiction administrative annule un acte administratif pour vice de forme, le principe de « l’autorité de la chose définitivement jugée à l’administratif sur le civil » ne s’applique pas et le contrôle de l’illégalité de l’acte administratif contesté incombe aux juridictions civiles qui jugent l’action en dommages-intérêts contre l’Etat (Cour de cassation arrêt no 39/1988, assemblée plénière). (...) Il ressort des témoignages sous serment et des documents fournis par les parties que (...) la requérante a fait installer au sein de la porcherie une station d’épuration biologique. Néanmoins, celle-ci n’a pas fonctionné de manière efficace, puisque les odeurs insupportables émanant par le bétail ont persisté, surtout pendant la période d’été, compromettant ainsi sérieusement la santé publique. A cela, s’ajoute l’augmentation du bétail à 1 000 porcs, en raison de l’extension illégale entre-temps des installations de la porcherie. Au vu de ce qui précède, l’arrêté préfectoral ordonnant la fermeture définitive de la porcherie était justifiée et dicté par des raisons de protection de la santé publique. En outre, il ne ressort aucunement du dossier de l’affaire que la saisie et vente consécutives du bétail par la Banque Agricole étaient le résultat des pressions exercées par le préfet d’Etoloakarnania (...). Au contraire, il a été établi que la Banque Agricole a entamé la procédure en exécution forcée en visant le recouvrement par la société débitrice des créances échues et dans le cadre de sa liberté financière et administrative » (décision no 7065/1994).
18. Le 25 octobre 1995, la société requérante interjeta appel. Le 28 janvier 1998, la cour d’appel d’Athènes confirma la décision attaquée (décision no 540/1998).
19. Le 10 octobre 2000, la société requérante se pourvut en cassation. Le 27 juin 2003, la Cour de cassation la débouta (arrêt no 1116/2003). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 1er août 2003.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
20. Les dispositions pertinentes du code de procédure civile se lisent ainsi :
Article 106
« Le tribunal agit uniquement à la demande d’une partie et décide sur la base des allégations soulevées par les parties (...) »
Article 108
« Les actes de procédure ont lieu à l’initiative et à la diligence des parties (...) »
Les articles susmentionnés consacrent respectivement les principes de la disposition de l’instance (αρχή διαθέσεως) et de l’initiative des parties (αρχή πρωτοβουλίας των διαδίκων). Selon le principe de la disposition de l’instance, la protection judiciaire dans le cadre des litiges civils est accordée seulement à la demande des parties, dans la mesure où elle l’est et si elle continue à l’être. Par ailleurs, selon le principe de l’initiative des parties, le progrès d’une procédure civile dépend entièrement de la diligence des parties (P. Yessiou-Faltsi, Civil Procedure in Hellas, éd. Sakkoulas-Kluwer, p. 45 et suiv.).
21. L’article 914 du code civil dispose :
« Celui qui, contrairement à la loi, cause par sa faute un dommage à autrui, est tenu à réparation. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE
22. La requérante allègue que la durée de la procédure en indemnisation devant les juridictions civiles a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
23. La période à considérer a débuté le 23 janvier 1986, avec la saisine du tribunal de grande instance d’Athènes et s’est terminée le 27 juin 2003, avec l’arrêt no1116/2003 de la Cour de cassation. Elle a donc duré dix-sept ans et plus de cinq mois pour trois degrés de juridiction.
A. Sur la recevabilité
24. Le Gouvernement note que la décision interne définitive a été rendue le 27 juin 2003 et qu’à partir de cette date la requérante pouvait prendre connaissance de ce que la Cour de cassation avait décidé et, éventuellement, se procurer un projet de l’arrêt no 1116/2003. Le Gouvernement estime donc que la décision interne définitive a été rendue plus de six mois avant le 30 décembre 2003, date d’introduction de la présente requête.
25. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, lorsque la signification n’est pas prévue en droit interne, comme en l’espèce, il convient de prendre en considération la date à partir de laquelle les parties peuvent réellement prendre connaissance du contenu de la décision interne définitive (voir parmi autres Papachelas c. Grèce [GC], no 31423/96, § 30, CEDH 1999-II).
26. En l’occurrence, la Cour note que l’arrêt no 1116/2003 de la Cour de cassation, décision interne définitive au sens de l’article 35 § 1 de la Convention, fut mis au net et certifié conforme le 1er août 2003, date à partir de laquelle la requérante pouvait en obtenir copie. Il s’ensuit que la requête, introduite le 30 décembre 2003, n’est pas tardive. Partant, il convient de rejeter l’exception du Gouvernement.
27. La Cour constate en outre que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
28. Le Gouvernement affirme que la présente affaire concernait un litige civil et, par conséquent, la procédure était régie par le principe de l’initiative des parties (αρχή πρωτοβουλίας των διαδίκων). Par conséquent, pour le Gouvernement, le comportement des parties est la cause exclusive de la durée de la procédure devant les juridictions civiles. Le Gouvernement conclut que le comportement des juridictions saisies n’encourt pas de critique.
29. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement de la requérante et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
30. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir, Drakidou c. Grèce, no 8838/03, §§ 15-19, 10 novembre 2005).
31. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. En particulier, la Cour note que la procédure devant le tribunal de grande instance d’Athènes a duré huit ans et six mois environ. De l’avis de la Cour, un tel délai est loin d’être raisonnable surtout dans le cadre d’une affaire concernant une action en indemnisation qui ne présentait pas de complexité particulière.
32. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION AU REGARD DE L’ÉQUITÉ DE LA PROCÉDURE
33. La requérante se plaint que les autorités nationales ont omis de se conformer à l’arrêt no 4283/1983 du Conseil d’Etat en ne permettant pas la reprise de l’exploitation de la porcherie. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention.
Sur la recevabilité
34. La Cour note qu’en vertu de l’arrêt no 4283/1983 du Conseil d’Etat, qui annula l’arrêté préfectoral suspendant le fonctionnement de la porcherie, la requérante pouvait reprendre l’exploitation de son entreprise. Néanmoins, avant même la publication de cet arrêt, la Banque Agricole engagea la procédure d’exécution forcée contre la requérante en paiement de ses dettes. Cette procédure, jugée légale par les juridictions compétentes, aboutit à la vente du bétail appartenant à la requérante. Ainsi, l’impossibilité de reprendre le fonctionnement de la porcherie n’est pas liée au prétendu refus des autorités nationales d’exécuter l’arrêt no 4283/1983.
35. Partant, cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
36. La requérante se plaint enfin d’une atteinte à son droit au respect de ses biens. Elle affirme que l’interdiction d’exploitation de sa porcherie par l’arrêté préfectoral, survenue après l’installation à ses frais d’une unité d’épuration biologique ainsi que la vente de son bétail par la Banque Agricole ont constitué une atteinte grave à ses intérêts économiques, puisqu’elle n’en a reçu aucune indemnisation. Elle invoque l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
Sur la recevabilité
37. La Cour constate qu’en l’occurrence, la requérante s’est vu accorder un permis d’exploitation d’une porcherie sur un terrain lui appartenant. Elle était donc titulaire d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (voir, en ce sens, Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 55, CEDH 1999‑II). La fermeture définitive de la porcherie, en vertu de l’arrêté préfectoral du 26 février 1982 constitue de ce fait une ingérence dans le droit de propriété de la requérante et relève de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1. Cette ingérence avait initialement une base légale en droit interne, à savoir l’arrêté du 26 février 1982 rendu par le Préfet d’Etoloakarnania. En outre, l’arrêté préfectoral poursuivait un but légitime, à savoir la protection de la santé publique. Toutefois, l’arrêté en question a été ultérieurement annulé pour vice de forme par l’arrêt no 4283/1983 du Conseil d’Etat. La question se pose de savoir si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.
38. S’agissant de la période postérieure au 15 novembre 1983, date à laquelle le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté préfectoral du 26 février 1982, la Cour considère que la requérante aurait pu reprendre l’exploitation de son entreprise. Sur ce point, la Cour note que la requérante ne démontre pas que la saisie et la vente de son bétail ont été la conséquence de l’arrêté ordonnant la fermeture de la porcherie. En effet, la saisie et la vente de son bétail ont résulté de la procédure en recouvrement de la dette dont la requérante était redevable. En d’autres termes, une fois l’arrêté annulé, rien n’empêchait la requérante de reprendre son activité.
39. Reste donc à examiner la question de la proportionnalité de l’ingérence pour la période allant du 26 février 1982, date à laquelle le préfet d’Etoloakarnania ordonna la fermeture définitive de la porcherie et le moment où, suite à la saisie et vente du bétail, la requérante cessa son activité. A cet égard, la Cour note que le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté de fermeture pour un simple vice de forme. En d’autres termes, la haute juridiction administrative n’a jamais examiné le fond de l’affaire. Ce sont les juridictions civiles et notamment le tribunal de grande instance d’Athènes dans son arrêt no 7065/1994 qui, dans le cadre de la procédure en indemnisation, se sont prononcées, conformément au droit interne, sur la question de savoir si la fermeture de la porcherie se justifiait en l’occurrence. Or, le tribunal de grande instance d’Athènes a considéré, après avoir pris en compte les témoignages et les documents fournis par les deux parties, que l’arrêté préfectoral était justifié en raison des odeurs pestilentielles qui émanaient de la porcherie, surtout pendant la période estivale, compromettant ainsi sérieusement la santé publique. Partant, en adoptant une motivation pertinente et suffisante, la juridiction compétente a conclu que, dans le cas d’espèce, l’intérêt public prévalait sur celui de la requérante à exploiter son entreprise.
40. En tout état de cause, il ressort du dossier que la requérante a omis de déposer auprès du Conseil d’Etat une demande visant à obtenir un sursis à exécution de l’arrêté préfectoral ordonnant la fermeture définitive de l’exploitation, ce qui aurait pu lui permettre de prolonger le fonctionnement de son entreprise jusqu’à l’arrêt définitif de la haute juridiction administrative. Sur ce point, la Cour ne perd pas de vue que le Conseil d’Etat avait précédemment déjà ordonné le sursis à exécution de l’arrêté suspendant le fonctionnement de la porcherie.
41. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que l’ingérence au droit de la requérante d’exploiter son entreprise n’a pas rompu, en sa défaveur, le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété et les exigences de l’intérêt général.
42. Partant, cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
43. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
Dommage et frais et dépens
44. La requérante ne présente pas de demande ni au titre du dommage matériel et moral ni au titre des frais et dépens.
45. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ces titres.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 juillet 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Loukis Loucaides
Greffier Président