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Rozsudek
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE OBROVNIK c. SLOVÉNIE
(Requête no 76438/01)
ARRÊT
STRASBOURG
13 juillet 2006
DÉFINITIF
13/10/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Obrovnik c. Slovénie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J. Hedigan, président,
B.M. Zupančič,
L. Caflisch,
V. Zagrebelsky,
E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 juin 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 76438/01) dirigée contre la République de Slovénie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Andrej Obrovnik (« le requérant »), a saisi la Cour le 23 octobre 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par des avocats du cabinet Verstovšek. Le gouvernement slovène (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. L. Bembič, procureur général de l’Etat.
3. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant alléguait que la procédure interne à laquelle il est partie avait connu une durée excessive. Il dénonçait aussi en substance l’absence de recours interne effective qui lui eût permis de se plaindre de la durée déraisonnable de cette procédure (article 13 de la Convention).
4. Le 16 septembre 2003, la Cour a décidé de communiquer au Gouvernement les griefs tirés de la durée de la procédure et de l’absence de recours à cet égard. Se prévalant de l’article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de la requête.
EN FAIT
5. Le requérant, Andrej Obrovnik, est un ressortissant slovène, né en 1974 et résidant à Velenje.
6. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
7. Le 17 avril 1997, le requérant, par l’intermédiaire de ses avocats, intenta une action en dommages-intérêts s’élevant à 751 912 tolars (SIT) contre une compagnie d’assurances devant le tribunal d’arrondissement (Okrožno sodišče) de Žalec et demanda au tribunal d’être exempté du paiement des frais de procédure.
8. Le 11 décembre 1997, le tribunal d’arrondissement de Žalec se déclara incompétent. L’affaire fut transférée au tribunal d’arrondissement à Ljubljana.
9. Les 25 mars, 4 juin et 9 novembre 1998, 24 mars et 28 septembre 1999, et 3 avril 2000, le requérant demanda au tribunal de tenir une audience.
10. Le 6 juillet 2000, le tribunal rejeta la demande du requérant tendant à être exempté des frais de procédure. Le 26 juillet 2000, le requérant interjeta appel devant le tribunal supérieur (Višje sodišče).
11. Le 23 mai 2001, le requérant demanda au tribunal de tenir une audience.
12. Le 8 août 2000, le tribunal d’arrondissement demanda au requérant de compléter son appel.
13. Le 5 septembre 2001, le tribunal supérieur rejeta l’appel. Le 6 novembre 2001, le requérant paya les frais de procédure.
14. Les 8 mars et 23 avril 2002, le requérant demanda au tribunal de tenir une audience.
15. Le 10 mai 2002, le requérant saisit le ministère de la Justice demandant un traitement accéléré de son affaire. Le 22 mai 2002, le ministère transmit la demande au tribunal d’arrondissement.
16. Le 12 septembre 2002, le tribunal tint une audience.
17. Le 17 décembre 2002, un expert médical fut nommé. Le 27 mars 2002, il prépara son opinion. Suite à la demande du requérant, le tribunal demanda à l’expert de compléter son rapport.
18. Le 15 septembre 2003, le requérant demanda au tribunal de tenir une audience.
19. Une audience fut fixée au 13 janvier 2004, mais fut ensuite ajournée.
20. L’affaire est toujours pendante.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 § 1 ET 13 DE LA CONVENTION
21. Le requérant se plaint de la durée excessive de la procédure. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Tout personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
22. Le requérant dénonce en substance le caractère ineffectif des recours disponible en Slovénie pour se plaindre de la durée excessive d’une procédure judiciaire. L’article 13 de la Convention dispose :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A. Sur la recevabilité
23. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes.
24. Le requérant combat cette thèse, arguant que les recours disponibles manquaient d’effectivité.
25. La Cour relève que la présente requête est similaire aux affaires Belinger et Lukenda (Belinger c. Slovénie (déc.), no 42320/98, 2 octobre 2001, et Lukenda c. Slovénie, no 23032/02, 6 octobre 2005). Dans ces affaires, la Cour a rejeté l’exception de non-épuisement des voies de recours internes formulée par le Gouvernement car elle a jugé que les recours dont le requérant pouvait se prévaloir n’étaient pas effectifs. La Cour rappelle qu’elle a constaté dans son arrêt Lukenda c. Slovénie que la violation du droit à un jugement dans un délai raisonnable est un problème systémique qui résulte d’une législation inadéquate et d’un manque d’efficacité dans l’administration de la justice.
26. En ce qui concerne la présente espèce, la Cour estime que le Gouvernement n’a fourni aucun argument convaincant susceptible de l’amener à établir une distinction entre l’affaire à l’étude et les affaires antérieures et donc à s’écarter de sa jurisprudence constante.
27. La Cour constate par ailleurs que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Dès lors, il y a lieu de la déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Article 6 § 1 de la Convention
28. La période à considérer a débuté le 17 avril 1997, jour où le requérant a engagé une procédure devant le tribunal d’arrondissement de Žalec, et est toujours pendante. Elle a donc duré plus de neuf ans pour un degré de juridiction.
29. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
30. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.
2. Article 13 de la Convention
31. La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI). Elle relève que les exceptions et arguments soulevés par le Gouvernement ont déjà été rejetés précédemment (voir Lukenda, arrêt précité) et ne voit pas de raison de parvenir a une conclusion différente dans le cas présent.
32. Dès lors, la Cour estime qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 13 a raison de l’absence en droit interne d’un recours qui eut permis au requérant d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
33. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
34. Le requérant réclame 10 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral.
35. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
36. La Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain. Statuant en équité, elle lui accorde 9 600 EUR à ce titre.
B. Frais et dépens
37. Le requérant demande également 1 174 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour.
38. Le Gouvernement considère que ces prétentions sont exagérées.
39. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. La Cour relève aussi que les avocats du requérant, qui ont également représenté M. Lukenda dans l’affaire Lukenda précitée, ont soumis près de 400 requêtes qui, hormis les faits, sont pour l’essentiel identiques à celle à l’étude. Dès lors, en l’espèce, compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR pour la procédure devant elle et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
40. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR , À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 9 600 EUR (neuf mille six cents euros) pour dommage moral et 1 000 EUR (mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 juillet 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger John Hedigan
Greffier Président