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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.7.2006
Rozhodovací formace
Významnost
2
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE CAMPISI c. ITALIE

(Requête no 24358/02)

ARRÊT

STRASBOURG

11 juillet 2006

DÉFINITIF

11/10/2006

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Campisi c. Italie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Sir Nicolas Bratza, président,
MM. J. Casadevall,
G. Bonello,
K. Traja,
V. Zagrebelsky,
L. Garlicki,
Mme L. Mijović, juges,
et de M. T.L. Early, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 juin 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 24358/02) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Giuseppe Campisi (« le requérant »), a saisi la Cour le 13 septembre 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me F. Lojacono, avocat à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. I.M. Braguglia, et par son co-agent adjoint, M. N. Lettieri.

3. Le 3 novembre 2005, le président de la quatrième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l’article 29 § 3, il a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Le requérant est né en 1960 et est actuellement détenu au pénitencier de Sulmona (L’Aquila).

A. La soumission du requérant au régime de détention spéciale

5. Le requérant fut mis en détention le 16 octobre 1992 pour purger une peine d’emprisonnement et en 1994 il fut placé également en détention provisoire.

6. Par un arrêté du 26 juillet 2001, le ministre de la Justice décida de soumettre, pour une année, le requérant au régime de détention spéciale prévu par l’article 41 bis de la loi sur l’organisation pénitentiaire, qui déroge aux conditions fixées par la loi sur l’administration pénitentiaire. Cet arrêté indiquait, entre autres, que le requérant avait été condamné en première instance à deux reprises à perpétuité ainsi qu’à de lourdes peines d’emprisonnement. L’arrêté précisait également que le directeur de la prison demanderait aux juridictions compétentes l’autorisation de soumettre la correspondance du requérant à la censure.

7. L’arrêté du 26 juillet 2001 fut suivi par d’autres qui en prorogèrent l’application. En particulier, des arrêtés ministériels furent adoptés à l’encontre du requérant les 18 juillet et 28 décembre 2002, 23 décembre 2003 et 18 décembre 2004.

8. Le 6 août 2001, le requérant introduisit un recours contre l’arrêté du 26 juillet 2001 devant le tribunal de surveillance de Turin. Ce recours parvint au greffe du tribunal le 14 août 2001. Le 23 août 2001, le tribunal fixa la date de l’audience au 29 janvier 2002. Les avocats du requérant excipèrent que l’avis de fixation d’audience n’était pas parvenu à l’un d’entre eux. L’audience fut alors reportée au 27 mars 2002. Le jour venu, le requérant renonça à son recours, étant donné que la même question avait été soumise au tribunal de surveillance de Bologne, qui avait fixé l’audience au 9 avril 2002. Le tribunal de surveillance de Turin prononça un non-lieu à statuer. Par une ordonnance du 9 avril 2002, dont le texte fut déposé au greffe le 17 avril 2002, le tribunal de surveillance de Bologne déclara l’arrêté ministériel du 26 juillet 2001 nul dans la mesure où il empêchait le requérant d’avoir plus d’une entrevue par mois avec les membres de sa famille proche.

9. Le requérant affirme avoir introduit d’autres recours contre d’autres arrêtés. En particulier, par une ordonnance du 5 septembre 2002, le tribunal de surveillance de Bologne déclara l’arrêté ministériel du 18 juillet 2002 nul dans la mesure où il empêchait le requérant d’avoir plus d’une entrevue par mois avec les membres de sa famille proche. Par une ordonnance du 14 mars 2003, le même tribunal déclara l’arrêté ministériel du 28 décembre 2002 nul dans la mesure où il empêchait le requérant de recevoir des colis. Le 7 mai 2003, le Procureur Général de la République de Bologne se pourvut en cassation contre cette décision. Le requérant se pourvut également en cassation, mais il fut débouté le 26 janvier 2004.

10. Entre-temps, le 27 décembre 2003, le requérant avait attaqué l’arrêté du 23 décembre 2003. Ce recours fut rejeté par le tribunal de surveillance de Bologne à une date qui n’a pas été précisée. Un recours contre l’arrêté du 18 décembre 2004 fut introduit le 20 décembre 2004. Par une ordonnance du 14 février 2005, le tribunal de surveillance de Rome annula l’arrêté litigieux pour manque de motivation. Il observa qu’il ne ressortait pas du dossier que, depuis son incarcération, le requérant ait entretenu des relations avec l’extérieur, ou que sa famille ait bénéficié du soutien d’organisations criminelles.

11. Le requérant ajoute qu’il aurait été inutile de se pourvoir en cassation, car la haute juridiction n’aurait pas pu statuer avant l’expiration des arrêtés éventuellement attaqués. Elle aurait dès lors rejeté ses pourvois.

B. L’état de santé du requérant

12. Lors de l’adoption de l’arrêté du 26 juillet 2001, le requérant était hospitalisé à Milan, car il avait subi une opération chirurgicale au tibia le 18 juillet 2001.

13. Le 5 août 2001, le requérant fut ramené à la prison de Cuneo et installé dans la section réservée aux détenus de sa catégorie. Le requérant soutient que les conditions de détention n’étaient pas adaptées à son état de santé et que les médecins de la prison lui ont indiqué qu’ils demanderaient son transfert dans un centre hospitalier.

14. Après plusieurs demandes du requérant, le 12 octobre 2001, le juge de surveillance de Cuneo demanda un rapport médical à la prison, qui lui répondit le 13 octobre. Le 15 octobre 2001, le juge de surveillance ordonna le transfert du requérant dans un centre hospitalier pour détenus ayant des problèmes de locomotion.

15. Le 29 octobre 2001, le requérant fut transféré à la prison pour handicapés physiques de Parme, où il fut placé dans la section pour les personnes soumises au régime de détention spéciale. Il y resta jusqu’au 24 novembre. Il suivit un programme de réhabilitation et de rééducation à la marche.

16. Le 24 novembre 2001, le requérant fut transféré auprès d’un centre clinique, où il fut soigné par des spécialistes en orthopédie et physiatrie.

17. Le 10 novembre 2001, le requérant demanda la suspension de l’exécution de sa peine. Il allégua que son état de santé était incompatible avec le régime carcéral.

18. Le 4 mars 2002, le tribunal de surveillance de Bologne rejeta cette demande. Il constata que le requérant bénéficiait désormais de soins qui ne lui étaient pas dispensés auparavant. Par ailleurs, l’expert nommé par le requérant avait justifié la demande de suspension par la nécessité de procéder à une réhabilitation, et non par l’exigence de soigner le requérant.

19. Dans un certificat médical du 28 avril 2004, un orthopédiste indiqua que le requérant devrait être examiné par un expert en neurochirurgie. Selon les informations fournies par le requérant le 25 avril 2005, à cette date la visite en question n’avait pas encore eu lieu.

C. Le contrôle de la correspondance du requérant

20. Le requérant allègue que ses courriers ont été contrôlés jusqu’au 4 août 2001, sans que ce contrôle ait été ordonné par un magistrat.

21. Le 6 août 2001, l’administration du pénitencier de Cuneo demanda au juge de surveillance de cette même ville d’autoriser le contrôle de la correspondance du requérant.

22. Le 8 août 2001, le juge de surveillance autorisa, pour une durée de six mois, le contrôle de toute la correspondance du requérant, hormis celle « envoyée ou adressée à la » Cour européenne des Droits de l’Homme ou à d’autres organisations internationales travaillant dans le domaine de la protection des droits de l’Homme. Cette décision se fondait sur l’article 18 de la loi sur l’organisation pénitentiaire.

23. Le 7 novembre 2001, le juge de surveillance de Reggio Emilia ordonna le contrôle de toute la correspondance du requérant pendant sa période d’emprisonnement à Parme, à l’exception de celle – adressée au requérant ou émanant de celui-ci – avec la Cour européenne des Droits de l’Homme et d’autres organismes internationaux ou nationaux.

24. Le requérant indique que ce contrôle concernait également la correspondance avec son avocat et que les modalités – erronées – de ce contrôle l’auraient empêché de déposer un pourvoi en cassation. En effet, un courrier, daté du 13 novembre 2001, aurait été renvoyé à l’expéditeur plutôt que contrôlé parce qu’il ne portait le visa du bâtonnier.

25. Un courrier du 13 novembre 2001 de l’avocat du requérant concernant également des questions de défense fut soumis à un contrôle le 1er décembre 2001.

26. Il en alla de même d’un courrier – daté du 3 octobre 2002 – de la Cour européenne des Droits de l’Homme dans la présente procédure.

27. Le 24 juillet 2002, le juge de surveillance de Reggio Emilia ordonna le contrôle de toute la correspondance du requérant pendant sa période d’emprisonnement à Parme, à l’exception de la correspondance – adressée au requérant ou émanant de celui-ci – avec la Cour européenne des Droits de l’Homme et avec d’autres organismes internationaux ou nationaux. Une nouvelle ordonnance similaire, ordonnant le contrôle de la correspondance pour une période d’un an, fut prise le 30 décembre 2004, en application de la loi no 95 du 8 avril 2004.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

28. Dans son arrêt Ospina Vargas, la Cour a donné un résumé du droit et de la pratique internes pertinents quant au régime de détention spéciale appliqué en l’espèce et quant au contrôle de la correspondance (Ospina Vargas c. Italie, no 40750/98, §§ 23-33, 14 octobre 2004). Elle a aussi fait état des modifications introduites par la loi no 279 du 23 décembre 2002 (ibidem).

29. Compte tenu de cette réforme et des décisions de la Cour (voir, par exemple, Ganci c. Italie, no 41576/98, §§ 19-31, CEDH 2003-XI), la Cour de cassation s’est écartée de sa jurisprudence antérieure concernant les pourvois contre des arrêtés ministériels appliquant le régime de détention spéciale. Elle a estimé qu’un détenu a intérêt à avoir une décision, même si la période de validité de l’arrêté attaqué a expiré, et cela en raison des effets directs de la décision sur les arrêtés postérieurs à l’arrêté attaqué (Cour de cassation, première chambre, arrêt du 26 janvier 2004, déposé le 5 février 2004, no 4599, Zara).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

30. Le requérant allègue que sa soumission au régime de détention spéciale prévu par l’article 41 bis de la loi sur l’organisation pénitentiaire s’analyse en un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Cette disposition se lit ainsi :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

31. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A. Sur la recevabilité

32. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

33. Le Gouvernement estime que les restrictions imposées au requérant par le régime de détention spéciale n’ont pas atteint le niveau minimum de gravité requis pour tomber dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention. Il souligne que ces restrictions étaient strictement nécessaires pour empêcher le requérant, socialement dangereux, de garder des contacts avec l’organisation criminelle à laquelle il appartenait et de faire du prosélytisme au sein du pénitencier. Le requérant pouvait faire de l’activité physique, avait le droit à des promenades, à se rendre à la bibliothèque et à avoir des contacts avec les membres de sa famille.

34. Pour ce qui est des conditions de santé du requérant, il ressort de son dossier médical que la pathologie dont il est atteint n’est pas grave et peut être soignée à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire. Par ailleurs, le requérant a été soigné dans des centres hospitaliers pour détenus où il a suivi des nombreux traitements de rééducation. Son maintien en détention n’est donc pas incompatible avec son état de santé. De plus, les soins thérapeutiques dispensés aux détenus font l’objet d’un contrôle au moyen de rapports sanitaires établis tous les trois mois.

35. Le requérant affirme ne pas avoir été condamné pour association des malfaiteurs de type mafieux et ne pas appartenir à un clan mafieux. Il considère en outre ne pas avoir reçu les soins médicaux spécifiques dont il nécessitait, ce qui a obligé ses avocats à présenter des nombreuses protestations. Le requérant allègue ne pas être socialement dangereux, comme le démontrerait le fait qu’il a participé aux programmes de réinsertion et à des cours de formation organisés au sein de l’établissement pénitentiaire.

36. Selon la jurisprudence de la Cour, pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge, de l’état de santé de la victime (Irlande c. Royaume-Uni, arrêt du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 65, § 162).

37. Dans cette optique, la Cour doit rechercher si l’application prolongée du régime spécial de détention prévu par l’article 41 bis – qui, par ailleurs, après la réforme de 2002, est devenue une disposition permanente de la loi sur l’administration pénitentiaire – pendant presque cinq années dans le cas du requérant constitue une violation de l’article 3. Pour ce faire, elle doit cependant faire abstraction de la nature de l’infraction reprochée au requérant, car la « prohibition de la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants est absolue, quels que soient les agissements de la victime » (Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 119, CEDH 2000IV).

38. La Cour admet qu’en général, l’application prolongée de certaines restrictions peut placer un détenu dans une situation qui pourrait constituer un traitement inhumain ou dégradant, au sens de l’article 3. Cependant, elle ne saurait retenir une durée précise comme le moment à partir duquel est atteint le seuil minimum de gravité pour tomber dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention. En revanche, elle se doit de contrôler si, dans un cas donné, le renouvellement et la prolongation des restrictions se justifiaient ou si, au contraire, elles constituaient la réitération de limitations ne se justifiant plus (Argenti c. Italie, no 56317/00, § 21, 10 novembre 2005).

39. Or il apparaît qu’à chaque fois, le ministre de la Justice s’est référé, pour justifier la prorogation des restrictions, à la persistance des conditions qui justifiaient la première application, et les tribunaux de l’application des peines ont contrôlé la réalité de ces constatations. Exception faite pour l’arrêté du 18 décembre 2004, ils ont estimé que les décisions du ministre étaient dûment motivés.

Pour sa part, la Cour note que les arguments invoqués pour justifier le maintien des limitations n’étaient pas disproportionnés par rapport aux faits précédemment reprochés au requérant, qui avait été condamné à de lourdes peines pour des faits très graves. De ce fait, la souffrance ou l’humiliation que le requérant a pu ressentir ne sont pas allées au-delà de celles que comporte inévitablement une forme donnée de traitement – en l’espèce prolongé – ou de peine légitime (Labita précité, § 120, Bastone c. Italie, (déc.), no 59638/00, 18 janvier 2005).

En outre, le requérant n’a pas fourni à la Cour d’éléments qui lui permettraient de conclure que la prorogation des restrictions ne se justifiait manifestement pas en l’espèce (voir, mutatis mutandis, Argenti précité, §§ 20-23, où la Cour a estimé non contraire à l’article 3 l’application du régime spécial de détention pendant plus de douze ans).

40. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que le requérant se soit vu refuser les soins dont il nécessitait. Au contraire, il a été hospitalisé à Milan à la suite d’une opération chirurgicale au tibia, et le 15 octobre 2001 il a été transféré dans un centre hospitalier pour détenus ayant des problèmes de locomotion. De plus, le requérant a suivi un programme de réhabilitation et rééducation à la marche et a été soigné par des spécialistes en orthopédie et physiatrie. Rien ne permet de penser que ces soins aient été insuffisants ou inappropriés.

41. En conclusion, il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

42. Le requérant dénonce une violation de son droit au respect de sa correspondance. Il invoque l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

43. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A. Sur la recevabilité

44. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

45. Le Gouvernement rappelle que le contrôle de la correspondance du requérant a été ordonné en application de l’article 18 de la loi sur l’administration pénitentiaire. Or, la Cour a déjà estimé que cette disposition ne constituait pas une base juridique suffisante aux termes de la Convention, car elle n’indiquait ni la durée du contrôle, ni les motifs pouvant le justifier, ni l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes.

46. Cependant, de l’avis du Gouvernement, dans les circonstances particulières de la présente espèce, la Cour devrait s’écarter de sa jurisprudence. En effet, les décisions du juge d’application des peines concernant l’affaire du requérant contenaient tous les éléments requis par les juges européens, et, bien que fondées sur une « loi non parfaite », ne sauraient être estimées contraires à la Convention.

47. Par ailleurs, le contrôle de la correspondance du requérant était une mesure, dans une société démocratique, nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la prévention des infractions pénales et à la protection de la santé. De plus, l’intéressé a bénéficié de garanties procédurales suffisantes.

48. Le requérant considère que l’ingérence dans son droit au respect de sa correspondance n’était pas prévue par la loi. Il observe que le juge de surveillance de Reggio Emilia a ordonné le contrôle de sa correspondance pendant sa période d’emprisonnement à Parme, soit pendant environ trois ans, ce qui aurait violé l’article 18 de la sur l’organisation pénitentiaire. De plus, le 30 décembre 2004 le tribunal de surveillance de Rome a renouvelé le contrôle pour une durée d’un an, ce qui serait incompatible avec la loi no 95 de 2004, aux termes de laquelle ce contrôle ne peut durer plus de trois mois.

49. De toute évidence, il y a eu « ingérence d’une autorité publique » dans l’exercice du droit du requérant au respect de sa correspondance garanti par l’article 8 § 1. Pareille ingérence méconnaît cette disposition sauf si, « prévue par la loi », elle poursuit un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et, de plus, est « nécessaire, dans une société démocratique » pour les atteindre (Silver et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 25 mars 1983, série A no 61, p. 32, § 84, Campbell c. Royaume-Uni, arrêt du 25 mars 1992, série A no 233, p. 16, § 34, Calogero Diana c. Italie, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996V, p. 1775, § 28, Domenichini c. Italie, arrêt du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1799, § 28, Petra c. Roumanie, arrêt du 28 septembre 1998, Recueil 1998-VII, p. 2853, § 36, et Labita, précité, § 179).

50. La Cour relève que le contrôle de la correspondance du requérant a été ordonné, jusqu’au 30 décembre 2004, par le juge de surveillance au sens de l’article 18 de la loi sur l’administration pénitentiaire. Or, la Cour a déjà constaté à maintes reprises que le contrôle de la correspondance fondé sur cette disposition méconnaît l’article 8 de la Convention car il n’est pas « prévu par la loi » dans la mesure où il ne réglemente ni la durée des mesures de contrôle de la correspondance des détenus, ni les motifs pouvant les justifier, et n’indique pas avec assez de clarté l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes dans le domaine considéré (voir, entre autres, Labita précité, §§ 175-185). Elle ne voit pas de raison de s’écarter en l’espèce d’une jurisprudence qui vise à permettre à chaque détenu de jouir du degré minimal de protection voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique (Calogero Diana précité, p. 1776, § 33).

51. A la lumière de ce qui précède, la Cour constate que jusqu’au 30 décembre 2004, le contrôle de la correspondance du requérant n’était pas « prévu par la loi » au sens de l’article 8 de la Convention. Cette conclusion rend superflu de vérifier en l’espèce le respect des autres exigences de la même disposition. La Cour prend acte, au demeurant, de l’entrée en vigueur de la loi no 95/2004, qui a modifié la loi sur l’administration pénitentiaire et qui a été appliquée dans l’affaire du requérant le 30 décembre 2004. Elle souligne cependant que la loi en question ne permet pas de redresser les violations ayant eu lieu antérieurement à son entrée en vigueur (Argenti précité, § 38).

52. Il y a donc eu violation de l’article 8 de la Convention.

53. Cette conclusion dispense la Cour de se pencher sur la question de savoir si dans sa décision du 30 décembre 2004 le tribunal de surveillance de Rome a correctement appliqué la loi no 95 de 2004.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION EN RAISON DU CONTRÔLE DE LA CORRESPONDANCE DU REQUÉRANT

54. Le requérant allègue également que le contrôle de sa correspondance avec son avocat a porté atteinte à son droit à la défense.

55. La Cour estime que ce grief se prête à être examiné sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, qui, en ses parties pertinentes, se lit ainsi :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...). »

56. Le Gouvernement conteste cette thèse.

Sur la recevabilité

57. Le Gouvernement observe d’emblée que pour certaines des lettres en question, il y a discordance entre la date du courrier et celle du visa. Cela pourrait amener à penser qu’il s’agissait, en réalité, de documents reçus sans visa par le requérant, qui les aurait par la suite envoyés à d’autres personnes. En tout état de cause, le contrôle a été exercé sur les courriers en entrée, et non sur ceux qui étaient destinés à l’avocat du requérant ou à la Cour. Or, pour la correspondance en entrée, il n’y a aucune certitude quant à l’identité de l’expéditeur. Des organisations criminelles pourraient falsifier le logo de la Cour ou d’un cabinet d’avocat et faire ainsi parvenir des plis à des détenus dangereux se soustrayant à tout type de contrôle. C’est justement pour garantir la provenance du courrier que les avocats ont l’obligation de faire apposer, préalablement, le visa du bâtonnier. A défaut, l’administration pénitentiaire appose son visa ou bien renvoie le pli à l’expéditeur. Ceci c’est précisément passé dans l’affaire du requérant, et aucune atteinte à son droit à la défense ne saurait être décelée.

58. Par ailleurs, le droit italien garanti la possibilité, pour un détenu, de communiquer librement avec son défenseur. En particulier, il est interdit d’intercepter ou d’enregistrer de communications et conversations entre les avocats et leurs clients et la correspondance avec l’avocat ne peut pas être saisie.

59. La Cour observe qu’il y a discordance entre les parties quant à l’existence d’un véritable contrôle de la correspondance du requérant avec son avocat. En toute état de cause, et à supposer même que certains des courriers de l’intéressé aient été contrôlés, la Cour relève que le requérant n’a pas indiqué avec précision les procédures pénales auxquelles la correspondance incriminée se référait. Il n’a pas non plus démontré dans quelle mesure les droits de la défense auraient été affectés par l’intervention des autorités. Dans ces circonstances, la Cour ne saurait déceler aucune apparence de violation de l’article 6 de la Convention.

60. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION EN RAISON DU RETARD DANS L’EXAMEN DES RECOURS DU REQUÉRANT

61. Le requérant se plaint des retards dans l’examen, par le tribunal de surveillance, de ses recours contre les arrêtés ministériels appliquant l’article 41 bis de la loi sur l’administration pénitentiaire. Il invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

62. Le Gouvernement conteste la thèse du requérant.

63. La Cour rappelle que, lorsqu’une question d’accès à un tribunal se pose, les garanties de l’article 13 sont absorbées par celles de l’article 6 (Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2957, § 41). Il y a donc lieu d’examiner le grief du requérant sous l’angle de cette dernière disposition (voir aussi Ganci précité, §§ 19 et 33-34).

A. Sur la recevabilité

64. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

65. Le Gouvernement observe que la procédure d’examen des recours contre l’application du régime de détention spéciale est complexe. En premier lieu, le recours est déposé auprès de l’établissement pénitentiaire, et doit être transmis au greffe du tribunal, qui se charge de constituer le dossier et d’y insérer les documents pertinents. Il faut ensuite fixer la date de l’audience, tout en sachant que celle-ci doit se dérouler soit au sein de la prison, soit au palais de justice. Dans les deux cas, il est nécessaire d’organiser le transfert des magistrats ou des détenus. Le système de vidéoconférence, qui pourrait remplacer la présence physique de ces personnes, requiert des appareils techniques et du personnel spécialisé. C’est pourquoi, face aux nombreux recours en la matière, les autorités essayent de regrouper les audiences.

66. La date de l’audience doit être communiquée au détenu, qui doit disposer d’un délai d’au moins dix jours pour présenter ses moyens de défense. A l’audience, il peut s’avérer nécessaire de produire de nouvelles preuves et la décision doit être rédigée et soigneusement motivée. Compte tenu de ce qui précède, le Gouvernement considère que, dans l’affaire du requérant, le juste équilibre entre les exigences d’une justice rapide et d’une justice efficace n’a pas été enfreint.

67. Quant au recours introduit le 6 août 2001, l’audience a d’abord été fixée au 29 janvier 2002, en raison notamment du refus du requérant de renoncer à la suspension des délais de procédure pendant la période des vacances judiciaires. Un autre ajournement est dû aux objections des avocats du requérant, qui alléguaient ne pas avoir été informés en temps utile de la date de l’audience.

68. Le Gouvernement souligne également que le requérant n’a pas subi un déni total de justice ou d’accès à un tribunal. La possibilité de se pourvoir en cassation est par ailleurs une garantie effective, car un détenu ne perd pas tout intérêt à la décision de la Cour de cassation une fois que l’arrêté ministériel perd son efficacité. En effet, le Ministre serait obligé, pour le futur, à se conformer aux principes énoncés par la haute juridiction italienne.

69. Le requérant observe que l’audience relative à son recours contre l’arrêté ministériel du 26 juillet 2001, introduit le 6 août 2001, a été fixée au 29 janvier 2002, soit plus de cinq mois plus tard. De plus, le tribunal de surveillance de Bologne n’a statué sur son recours que le 9 avril 2002 (paragraphe 8 ci-dessus).

70. La Cour rappelle qu’elle a déjà eu à connaître de ce type de situation dans d’autres requêtes dirigées contre l’Italie et a estimé que les requérants se plaignaient en substance de la méconnaissance de leur droit à un tribunal, garanti par l’article 6 § 1 de la Convention (Ganci précité, §§ 23-31, et Bifulco c. Italie, no 60915/00, §§ 21-24, 8 février 2005). Dans l’arrêt Ganci, la Cour a conclu à l’applicabilité de l’article 6 § 1 dans les termes suivants :

« 23 (...) la Cour se doit de contrôler si le volet civil de l’article 6 s’applique en l’espèce, car il était question d’une « contestation sur [des] droits et obligations de caractère civil ».

La Cour note que les procédures de réclamation avaient trait à la contestation de la régularité des restrictions à une série de droits communément reconnus aux détenus. La question de l’applicabilité de l’article 6 § 1 se pose en conséquence sous deux angles : celui de l’existence d’une « contestation » sur un « droit » défendable en droit interne, et celui du « caractère civil » ou non dudit droit.

24. Quant à la première condition, la Cour rappelle que, d’après sa jurisprudence constante, l’article 6 § 1 de la Convention ne trouve à s’appliquer que s’il existe une « contestation » réelle et sérieuse (Sporrong et Lönnroth c. Suède, arrêt du 23 septembre 1982, série A no 52, p. 30, § 81) portant sur des « droits et obligations de caractère civil ». La contestation peut concerner aussi bien l’existence même d’un droit que son étendue ou ses modalités d’exercice (voir notamment l’arrêt Zander c. Suède, 25 novembre 1993, série A no 279-B, p. 38, § 22), et l’issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question, l’article 6 § 1 ne se contentant pas, pour entrer en jeu, d’un lien ténu ni de répercussions lointaines (voir notamment les arrêts Masson et Van Zon c. Pays-Bas, 28 septembre 1995, série A no 327-A, p. 17, § 44, et Fayed c Royaume-Uni, 21 septembre 1994, série A no 294-B, pp. 45-46, § 56). En outre, « [l’]article 6 § 1 vaut pour les « contestations » relatives à des « droits » (de caractère civil) que l’on peut dire, au moins de manière défendable, reconnus en droit interne, qu’ils soient ou non protégés de surcroît par la Convention » (voir notamment les arrêts Editions Périscope c. France, 26 mars 1992, série A no 234B, p. 64, § 35, et Zander précité).

Or la Cour constate que, lors de l’examen des réclamations introduites contre les arrêtés nos 2 et 8 (...), les juridictions saisies firent en partie droit aux demandes du requérant. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle, dans son arrêt no 26 de 1999 (...), s’est prononcée sur la nécessité d’assurer une protection judiciaire contre les restrictions subies par les détenus.

25. Quant à la seconde condition, la Cour note que certaines au moins des limitations sérieuses établies par les arrêtés du ministre de la Justice au regard du requérant – comme celles visant ses contacts avec sa famille et celles ayant une retombée patrimoniale – relèvent assurément des droits de la personne et, partant, revêtent un caractère civil.

26. Par conséquent, la Cour constate que l’article 6 est applicable au cas d’espèce. »

71. La Cour ne voit aucune raison de s’écarter de cette conclusion en la présente espèce. Dès lors, elle estime qu’il y a lieu de contrôler si le droit du requérant à un tribunal a été respecté dans l’examen de ses recours contre les arrêtés ministériels des 26 juillet 2001, 18 juillet et 28 décembre 2002, 23 décembre 2003 et 18 décembre 2004. Elle rappelle à cet égard que le retard mis par le tribunal de surveillance dans l’examen des réclamations à l’encontre des arrêtés d’application du régime de détention spéciale peut poser, dans certaines conditions, des problèmes au regard de la Convention.

72. Selon les dispositions internes pertinentes, un détenu dispose de dix jours à compter de la date de la communication de l’arrêté ministériel pour former une réclamation sans effet suspensif devant le tribunal de surveillance. A son tour, le tribunal doit statuer dans un délai de dix jours (Ganci précité, § 29).

73. Dans l’arrêt Messina c. Italie (no 2) (no 25498/94, §§ 94-96, CEDH 2000-X), tout en reconnaissant que le simple dépassement d’un délai légal ne constitue pas une méconnaissance du droit à un recours effectif, la Cour a affirmé que le non-respect systématique du délai de dix jours imparti au tribunal d’application des peines par la loi peut sensiblement réduire, voire annuler, l’impact du contrôle exercé par les tribunaux sur les arrêtés du ministre de la Justice. Elle est arrivée à cette conclusion en tenant compte en particulier de deux éléments : la durée limitée de chaque arrêté imposant le régime spécial, et le fait que le ministre de la Justice n’est pas lié par une éventuelle décision du tribunal d’application des peines révoquant une partie ou la totalité des restrictions imposées par l’arrêté précédent. Dans ladite affaire, le ministre de la Justice avait pris immédiatement après l’expiration du délai de validité des arrêtés attaqués, des nouveaux arrêtés réintroduisant les restrictions entre-temps levées par le tribunal d’application des peines.

74. En outre, dans l’affaire Ganci (voir arrêt précité, § 31), la Cour a soutenu que l’absence de toute décision sur le fond des recours adressés à l’encontre des arrêtés du ministre de la Justice constitue une violation du droit à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la Convention.

75. La Cour observe que la présente espèce se différencie par rapport aux affaires précitées.

76. D’abord, le tribunal de surveillance de Bologne, bien qu’au-delà du délai légal de dix jours, s’est prononcé sur les réclamations du requérant avant l’expiration de la période de validité des arrêtés litigieux (paragraphes 8-10 ci-dessus ; voir, a contrario, Argenti précité, §§ 44-45). De plus, il ne ressort pas du dossier que les autorités aient refusé de tenir compte des décisions du tribunal de surveillance, dans la mesure où celles-ci déclaraient non valides certaines des restrictions imposées à l’intéressé.

77. Selon la Cour, force est de constater que dans la présente affaire il n’y a eu ni absence de décision sur le fond ni retards systématiques du tribunal entraînant un enchaînement d’arrêtés pris par le ministre de la Justice sans tenir compte des décisions judiciaires. Par ailleurs, en conséquence d’une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation (paragraphe 29 ci-dessus), un détenu a intérêt à se pourvoir en cassation contre les ordonnances des tribunaux de surveillance même si la période de validité de l’arrêté attaqué a expiré. En effet, la décision de la Cour de cassation a désormais des effets directs sur les arrêtés postérieurs à l’arrêté attaqué.

78. Compte tenu de ce qui précède, la Cour ne saurait conclure qu’il y a eu, en l’espèce, méconnaissance du droit d’accès à un tribunal du requérant.

79. Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 de la Convention en raison du retard dans l’examen des recours du requérant contre les arrêtés ministériels appliquant le régime de détention spéciale.

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

80. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

81. Le requérant allègue que les violations dénoncées ont entraîné un préjudice physique et psychologique incalculable. Il s’en remet à la sagesse de la Cour.

82. Le Gouvernement relève que le requérant n’a pas prouvé l’existence d’un lien causalité entre sa soumission au régime de détention spéciale et l’aggravation alléguée de son état de santé. Compte tenu des soins reçus par le requérant au cours de sa privation de liberté, le Gouvernement estime que l’application du régime de détention spéciale n’a pas provoqué des dommages au requérant.

83. Quant au préjudice moral, le Gouvernement estime le constat de violation constituerait, en soi, une satisfaction équitable suffisante.

84. La Cour rappelle qu’elle a conclu à la violation de la Convention uniquement en ce qui concerne le contrôle de la correspondance du requérant. Elle n’aperçoit aucun lien de causalité entre cette violation et un quelconque dommage matériel. Quant au dommage moral, elle estime que dans les circonstances de l’espèce, le constat de violation suffit à le compenser.

B. Frais et dépens

85. Le requérant n’a pas demandé le remboursement des frais et dépens exposés au niveau interne ou au niveau européen, et la Cour considère que cet aspect de l’application de l’article 41 n’appelle pas un examen d’office (voir, parmi beaucoup d’autres, Cardarelli c. Italie, arrêt du 27 février 1992, série A no 229-G, p. 75, § 19).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 3 et 8 de la Convention, ainsi que de l’article 6 de celle-ci en raison du retard dans l’examen des recours du requérant, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

4. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 de la Convention en raison du retard dans l’examen des recours du requérant ;

5. Dit que le constat de violation de la Cour constitue en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 juillet 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

T.L. Early Nicolas Bratza
Greffier Président