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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
6.7.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE GROSSI ET AUTRES c. ITALIE

(Requête no 18791/03)

ARRÊT

STRASBOURG

6 juillet 2006

DÉFINITIF

06/10/2006

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Grossi et autres c. Italie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. David Thór Björgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 juin 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 18791/03) dirigée contre la République italienne et dont neuf ressortissants de cet État, MM. Giovanni Grossi, Vittorio et Dario Mori, Mme Ornella Mori, M. Giancarlo Mori, Mmes Nadia Mori et Angela Rosa Di Mambro, M. Salvatore Grossi et Mme Maria Sandra Grossi (« les requérants »), ont saisi la Cour le 12 juin 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants sont représentés par Mes R. Baldassini et B. Forte, avocats à Sora. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. I.M. Braguglia, par son coagent, M. F. Crisafulli, et par son coagent adjoint, M. N. Lettieri.

3. Le 8 juin 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Les requérants sont nés respectivement en 1924, 1927, 1935, 1962, 1974, 1963, 1931, 1957 et 1961 et résident respectivement à Udine, Cassino (Frosinone) et Toronto (Canada). Les trois derniers requérants sont les héritiers de L. G., décédé en 1998.

5. Les six premiers requérants et L.G. étaient copropriétaires d’un terrain de 9 985 mètres carrés sis à Cassino et enregistré au cadastre, feuille 25, parcelles 9, 14, 248, 252, 253 et 255.

6. Par un arrêté du 24 novembre 1975, la « Banque pour le Midi » (Cassa per il Mezzogiorno) approuva le projet de construction d’une route sur ce terrain.

7. Par un arrêté du 14 mai 1976, le préfet de Frosinone autorisa la municipalité de Cassino à occuper d’urgence le terrain, pour une période maximale de deux ans, en vue de son expropriation pour cause d’utilité publique.

8. A une date non précisée, la municipalité procéda à l’occupation matérielle du terrain et entama les travaux de construction.

9. Par une lettre du 29 avril 1993, les six premiers requérants et de L.G., adressèrent à la municipalité une injonction de payer une indemnité d’expropriation. La municipalité ne donna pas suite à cette demande.

10. Par un acte d’assignation notifié le 10 septembre 1997, les cinq premiers requérants et L. G. introduisirent une action en dommagesintérêts à l’encontre de la municipalité devant le tribunal de Cassino.

11. Par un acte du 8 octobre 1998, la sixième requérante se constitua partie à la procédure devant le tribunal de Cassino.

12. Au cours de la procédure, le tribunal ordonna une expertise. Dans son rapport du 22 novembre 2000, l’expert indiqua qu’il n’était pas possible de déterminer les dates de début et de fin des travaux, la documentation pertinente n’étant pas disponible auprès des bureaux de la municipalité de Cassino et de ceux de la Préfecture de Frosinone.

13. Par un jugement déposé au greffe le 2 novembre 2001, le tribunal de Cassino constata que l’occupation du terrain était devenue illégale à compter du 14 mai 1978 et qu’une route d’intérêt public y avait été construite. Il déclara qu’en l’absence d’un décret d’expropriation, la propriété du terrain était passée à l’administration en vertu du principe de l’expropriation indirecte au moment de l’expiration du délai d’occupation autorisée, à savoir le 14 mai 1978. Les acteurs ne pouvaient pas prétendre à une indemnité d’expropriation, la procédure d’expropriation n’ayant pas été régulière, mais au dédommagement correspondant à l’expropriation indirecte. Toutefois, le droit au paiement de l’indemnité d’occupation et le droit au dédommagement étaient soumis à un délai de prescription de cinq ans, et il y avait lieu de considérer que ce délai avait commencé à courir le 14 mai 1978. Or, les intéressés ayant adressé une injonction à la municipalité seulement le 29 avril 1993, leurs droits à un dédommagement et au paiement de l’indemnité d’occupation étaient prescrits.

14. Cette décision du tribunal de Cassino acquit force de chose jugée le 18 décembre 2002.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

15. Le droit interne pertinent se trouve décrit dans l’arrêt Serrao c. Italie (no 67198/01, 13 octobre 2005).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

16. Les requérants allèguent avoir été privés de leurs biens dans des circonstances incompatibles avec l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

A. Sur la recevabilité

17. Le Gouvernement soulève une exception de non-épuisement des voies de recours internes.

Il fait valoir tout d’abord que les requérants n’ont pas demandé de dommages-intérêts devant le tribunal de Cassino, en se limitant à entamer une procédure visant à obtenir le paiement de l’indemnité d’expropriation et de l’indemnité d’occupation.

Le Gouvernement observe que la situation dont les requérants se plaignent aujourd’hui découle notamment de leur choix de ne pas interjeter appel. La cour d’appel aurait pu affirmer que le droit des requérants n’était pas prescrit le 14 mai 1978 avec la fin de l’occupation légitime et considérer que le délai de prescription avait commencé à courir à compter de la fin des travaux d’intérêt public.

18. Les requérants s’opposent à l’exception de non-épuisement et font valoir, d’une part, qu’ils ont demandé des dommages-intérêts devant le tribunal de Cassino et, d’autre part, qu’une action en appel n’aurait pas remédié à la situation dénoncée. Ils rappellent que l’obligation d’épuiser les voies de recours internes impose l’utilisation de recours qui sont adéquats et effectifs et que le système juridique italien ne prévoit pas de tels remèdes en cas d’expropriation indirecte. Ils notent que dans les arrêts no 5902/2003 (arrêt rendu en chambres réunies), 6853/2003, 11096/2004 et 3033/2005, la Cour de cassation a estimé que l’expropriation indirecte ne porte pas atteinte au droit de propriété des particuliers et ne constitue pas une violation de l’article 1 du Protocole no 1. Dans le cas d’espèce, selon les requérants, le Gouvernement n’a pas démontré qu’interjeter appel leur aurait permis d’obtenir le paiement de dommages-intérêts.

19. La Cour constate, en tout cas, qu’à la lumière de l’ensemble des arguments des parties, l’exception est étroitement liée au fond de la requête et décide de la joindre à celui-ci. La Cour constate que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

a) Le Gouvernement

20. Le Gouvernement fait observer que, dans le cas d’espèce, il s’agit d’une occupation de terrain dans le cadre d’une procédure administrative reposant sur une déclaration d’utilité publique. Il admet que la procédure d’expropriation n’a pas été mise en œuvre dans les termes prévus par la loi, dans la mesure où aucun arrêté d’expropriation n’a été adopté.

21. Premièrement, il y aurait utilité publique, ce qui n’a pas été remis en cause par les juridictions nationales.

22. Deuxièmement, la privation du bien telle que résultant de l’expropriation indirecte serait « prévue par la loi ». Selon le Gouvernement, le principe de l’expropriation indirecte doit être considéré comme faisant partie du droit positif à compter au plus tard de l’arrêt de la Cour de cassation no 1464 de 1983. La jurisprudence ultérieure aurait confirmé ce principe et précisé certains aspects de son application et, en outre, ce principe aurait été reconnu par la loi no 458 du 27 octobre 1988 et par la loi budgétaire no 662 de 1996.

23. Le Gouvernement en conclut qu’à partir de 1983, les règles de l’expropriation indirecte étaient parfaitement prévisibles, claires et accessibles à tous les propriétaires de terrains.

24. A cet égard, le Gouvernement rappelle que la jurisprudence de la Cour a reconnu que la notion de loi comprend les principes généraux énoncés ou impliqués par elle (Winterwerp c. Pays-Bas, arrêt du 24 octobre 1979, série A no 33 § 45, Kruslin c. France no11801/85, arrêt du 24 avril 1990 série A no 176-A, Huvig c. France no11105/84, arrêt du 24 avril 1990 série A no 176-B, Maestri c. Italie [GC], no39748/98, CEDH 2004 – I, et N. F. c. Italie, no 37119/97, 2 août 2001) ainsi que du droit non écrit (Sunday Times c. Royaume-Uni (no1), arrêt du 26 avril 1979, série A no 30, § 47).

25. Il s’ensuit que la jurisprudence consolidée de la Cour de cassation ne saurait être exclue de la notion de loi au sens de la Convention.

26. Le Gouvernement rappelle que dans l’affaire ForrerNiedenthal c. Allemagne (arrêt du 20 février 2003), la Cour a considéré une loi allemande de 1997 comme suffisante, malgré son imprévisibilité manifeste, pour fournir une base légale aux décisions qui ont privé la requérante de toute protection contre l’atteinte portée à sa propriété. Il demande à la Cour de suivre la même approche pour la présente affaire.

27. S’agissant de la qualité de la loi, le Gouvernement reconnaît que le fait qu’un arrêté d’expropriation n’ait pas été prononcé est en soi un manquement aux règles qui président à la procédure administrative.

28. Toutefois, compte tenu de ce que le terrain a été transformé de manière irréversible par la construction d’un ouvrage d’utilité publique, la restitution du terrain n’est plus possible.

29. Le Gouvernement définit l’expropriation indirecte comme le résultat d’une interprétation systématique par les juges de principes existants, tendant à garantir que l’intérêt général l’emporte sur l’intérêt des particuliers, lorsque l’ouvrage public a été réalisé (transformation du terrain) et qu’il répond à l’utilité publique.

30. Quant à l’exigence de garantir un juste équilibre entre le sacrifice imposé aux particuliers et la compensation octroyée à ceux-ci, le Gouvernement reconnaît que l’administration est tenue d’indemniser les intéressés.

31. Compte tenu de ce que l’expropriation indirecte répond à un intérêt collectif et que l’illégalité commise par l’administration ne concerne que la forme, à savoir un manquement aux règles qui président à la procédure administrative, l’indemnisation peut être inférieure au préjudice subi.

32. La fixation du montant de l’indemnité en cause rentre dans la marge d’appréciation laissée aux Etats pour fixer une indemnisation qui soit raisonnablement en rapport avec la valeur du bien. Le Gouvernement rappelle en outre que l’indemnité telle que plafonnée par la loi en cause est en tout cas supérieure à celle qui aurait été accordée si l’expropriation avait été régulière.

33. A la lumière de ces considérations et en se référant aux affaires Ogis–Institut Stanislas, Ogec St. Pie X et Blanche de Castille et autres c. France (requêtes nos 42219/98 et 54563/00) et à l’affaire Bäck c. Finlande, no 37598/97, 20 juillet 2004), le Gouvernement conclut que le juste équilibre a été respecté et que la situation dénoncée est compatible à tous points de vue avec l’article 1 du Protocole no 1.

b) Les requérants

34. Les requérants rappellent qu’ils ont été privés de leur bien en vertu du principe de l’expropriation indirecte et demandent à la Cour de déclarer que l’expropriation du terrain n’est pas conforme au principe de légalité. Se référant aux arrêts Belvedere Alberghiera c. Italie (no 31524/96, 30 mai 2000, CEDH 2000-VI) et Carbonara et Ventura c. Italie (no 24638/94, 30 mai 2000, CEDH 2000-VI), ils observent que l’expropriation indirecte est un mécanisme qui permet à l’autorité publique d’acquérir un bien en toute illégalité, ce qui n’est pas admissible dans un Etat de droit.

35. Enfin, quant à l’indemnisation, les requérants observent qu’il n’y a pas eu « réparation » du préjudice subi en raison de l’application rétroactive du délai de prescription.

2. Appréciation de la Cour

a) Sur l’existence d’une ingérence

36. La Cour rappelle d’emblée qu’elle a joint au fond l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes.

37. Elle note ensuite que pour déterminer s’il y a eu « privation de biens » il faut non seulement examiner s’il y a eu dépossession ou expropriation formelle, mais encore regarder au-delà des apparences et analyser la réalité de la situation litigieuse. La Convention visant à protéger des droits « concrets et effectifs », il importe de rechercher si ladite situation équivalait à une expropriation de fait (Sporrong et Lönnroth c. Suède, arrêt du 23 septembre 1982, série A no 52, pp. 24-25, § 63).

38. La Cour relève que, en appliquant le principe de l’expropriation indirecte, le tribunal de Cassino a considéré les requérants comme étant privés de leur bien à compter du moment où le terrain avait été irréversiblement transformé par les travaux de construction. A défaut d’un acte formel d’expropriation, le constat d’illégalité de la part du juge est l’élément qui consacre le transfert au patrimoine public du bien occupé. Dans ces circonstances, la Cour conclut que le jugement du tribunal a eu pour effet de priver les requérants de leur bien au sens de la deuxième phrase de l’article 1 du Protocole no 1 (Carbonara et Ventura précité, § 61, et Brumărescu c. Roumanie [GC], no 28342/95, § 77, CEDH 1999-VII).

39. Pour être compatible avec l’article 1 du Protocole no 1, une telle ingérence doit être opérée « pour cause d’utilité publique » et « dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux de droit international ». L’ingérence doit ménager un « juste équilibre » entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (Sporrong et Lönnroth, précité, p. 26, § 69). En outre, la nécessité d’examiner la question du juste équilibre « ne peut se faire sentir que lorsqu’il s’est avéré que l’ingérence litigieuse a respecté le principe de légalité et n’était pas arbitraire » (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 58, CEDH 1999II, et Beyeler c. Italie [GC], no 33202/96, § 107, CEDH 2000-I).

40. Dès lors, la Cour n’estime pas opportun de fonder son raisonnement sur le simple constat qu’une réparation intégrale en faveur des requérants n’a pas eu lieu (Carbonara, précité, § 62).

b) Sur le respect du principe de légalité

41. La Cour renvoie à sa jurisprudence en matière d’expropriation indirecte (Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000VI, et Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, CEDH 2000VI ; parmi les arrêts plus récents, voir Acciardi et Campagna c. Italie, no 41040/98, 19 mai 2005, Pasculli c. Italie, no 36818/97, 17 mai 2005, Scordino c. Italie (no 3), no 43662/98, 17 mai 2005, Serrao c. Italie, no 67198/01, 13 octobre 2005, La Rosa et Alba c. Italie (no 1), no 58119/00, 11 octobre 2005, et Chirò c. Italie (no 4), no 67196/01, 11 octobre 2005), selon laquelle l’expropriation indirecte méconnaît le principe de légalité au motif qu’elle n’est pas apte à assurer un degré suffisant de sécurité juridique et qu’elle permet en général à l’administration de passer outre les règles fixées en matière d’expropriation. En effet, dans tous les cas, l’expropriation indirecte vise à entériner une situation de fait découlant des illégalités commises par l’administration, à régler les conséquences pour le particulier et pour l’administration, au bénéfice de celle-ci.

42. Dans la présente affaire, la Cour relève qu’en appliquant le principe de l’expropriation indirecte, le tribunal a considéré les requérants privés de leur bien à compter du moment où l’occupation avait cessé d’être autorisée, les conditions d’illégalité de l’occupation et d’intérêt public de l’ouvrage construit étant réunies. Or, en l’absence d’un acte formel d’expropriation, la Cour estime que cette situation ne saurait être considérée comme « prévisible », puisque ce n’est que par la décision judiciaire définitive que l’on peut considérer le principe de l’expropriation indirecte comme ayant effectivement été appliqué et que l’acquisition du terrain au patrimoine public a été consacrée. Par conséquent, les requérants n’ont eu la « sécurité juridique » concernant la privation du terrain que le 18 décembre 2002, date à laquelle le jugement du tribunal de Cassino est devenu définitif.

43. La Cour observe ensuite que la situation en cause a permis à l’administration de tirer parti d’une occupation de terrain illégale. En d’autres termes, l’administration a pu s’approprier le terrain au mépris des règles régissant l’expropriation en bonne et due forme, et, entre autres, sans qu’une indemnité soit mise en parallèle à la disposition des intéressés.

44. S’agissant de l’indemnité, la Cour constate que l’application rétroactive du délai de prescription de cinq ans au cas d’espèce a eu pour effet de priver les requérants de toute réparation du préjudice subi.

45. A la lumière de ces considérations, la Cour estime que l’ingérence litigieuse n’est pas compatible avec le principe de légalité et qu’elle a donc enfreint le droit au respect des biens des requérants.

46. Dès lors, l’exception de non-épuisement ne pouvant pas être retenue, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

47. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

48. S’agissant du préjudice matériel, les requérants réclament une indemnisation à concurrence de la valeur vénale du terrain. En outre, ils sollicitent une somme pouvant les indemniser pour le manque à gagner ainsi que le versement d’une indemnité pour non-jouissance du terrain pendant la période d’occupation autorisée. Enfin, les requérants demandent à être dédommagés du préjudice découlant du fractionnement des terrains dont ils sont encore propriétaires, qui résulte de l’expropriation indirecte du terrain litigieux.

49. Quant au préjudice moral, les requérants sollicitent une somme d’au moins 20 000 EUR chacun.

50. Enfin, les requérants demandent le remboursement des frais de procédure encourus devant la Cour, s’élevant à 15 000 EUR, augmentés de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des contributions à la Caisse de prévoyance des avocats (CPA).

51. Le Gouvernement observe que les prétentions des requérants au titre du préjudice matériel sont disproportionnées et sont fondées sur des critères non clairs.

52. S’agissant du dommage moral, le Gouvernement soutient qu’un tel dommage dépend de la durée excessive de la procédure devant les juridictions nationales. Par conséquent, le versement d’une quelconque somme à titre d’indemnisation est subordonné à l’épuisement du remède Pinto, qui n’a pas eu lieu en l’espèce. En tout état de cause, le Gouvernement estime que la somme réclamée par les requérants est excessive.

53. Quant aux frais de procédure, le Gouvernement soutient que la somme demandée est excessive et de toute manière liée à un grief dépourvu de fondement.

54. La Cour estime que la question de l’application de l’article 41 ne se trouve pas en état. En conséquence, elle la réserve et fixera la procédure ultérieure, compte tenu de la possibilité que le Gouvernement et les requérantes parviennent à un accord.

PAR CES MOTIFS, LA COUR , À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 ;

3. Dit que la question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouve pas en état ; en conséquence,

a) la réserve en entier ;

b) invite le Gouvernement et les requérants à lui adresser par écrit, dans le délai de trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, leurs observations sur cette question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir ;

c) réserve la procédure ultérieure et délègue au président de la chambre le soin de la fixer au besoin.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 juillet 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président