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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE VERTUCCI c. ITALIE
(Requête no 29871/02)
ARRÊT
STRASBOURG
29 juin 2006
DÉFINITIF
11/12/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Vertucci c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
L. Caflisch,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. E. Myjer,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 juin 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 29871/02) dirigée contre la République italienne et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Maria Rosaria Vertucci (« la requérante »), a saisi la Cour le 26 juillet 2002 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante, qui a été admise au bénéfice de l’assistance judiciaire, est représentée par Mes Silvio Ferrara et Massimiliano Ricciardi, avocats à Bénévent. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Ivo Maria Braguglia, par son coagent, M. Francesco Crisafulli, et par son coagent adjoint, M. Nicola Lettieri.
3. Le 23 septembre 2004, la Cour (première section) a déclaré la requête partiellement irrecevable et a décidé de communiquer les griefs tirés des articles 8 et 13 de la Convention, 1 du Protocole no 1, 2 du Protocole no 4 et 3 du Protocole no 1 au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.
4. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. La requérante est née en 1972 et réside à Limatola (Bénévent).
1. La procédure de faillite
6. Par un jugement déposé le 5 janvier 1998, le tribunal de Bénévent déclara la faillite de la société V.M.R. ainsi que la faillite personnelle de la requérante, administratrice de celle-ci.
7. Le 20 janvier 1998, le syndic procéda à l’apposition des scellés.
8. Par une décision du 27 janvier 1998, le tribunal autorisa l’exercice provisoire de l’activité de la requérante.
9. Le 2 février 1998, le syndic fit l’inventaire des biens de la requérante.
10. Le 23 février 1998, le juge délégué (« le juge ») autorisa le syndic à louer l’activité de la requérante, le 3 mars 1998, il autorisa la vente de certains biens, et le 18 juin 1998, il admit certains créanciers au passif de la faillite.
11. Le 21 septembre 1998, le syndic demanda au juge de nommer un expert afin d’évaluer des biens et, le 2 octobre 1998, le juge fit droit à cette demande.
12. Le 25 novembre 1998, le juge autorisa le syndic à prélever une somme du compte courant de la faillite et, le 15 décembre 1998, il ordonna la cessation de l’exercice provisoire de l’activité de la requérante.
13. Le 1er février 1999, le syndic demanda au juge de nommer un représentant légal en vue du dessaisissement d’un bien faisant partie de l’actif de la faillite et, le 15 avril 1999, le juge admit certains créanciers au passif de la faillite.
14. Les 27 septembre 1999 et 19 octobre 1999, le juge autorisa le syndic à prélever une somme du compte courant de la faillite et à effectuer des opérations financières relatives à l’actif de la faillite entre-temps réalisé.
15. Le 15 novembre 1999, le juge admit certains créanciers au passif de la faillite et déclara le passif de la faillite exécutoire.
16. Le 15 décembre 1999, le juge autorisa le syndic à prélever une somme du compte courant de la faillite et, le 22 décembre 1999, il autorisa la vente de certains biens.
17. L’acquéreur adjudicataire n’ayant pas perfectionné l’achat de ces biens, le 12 juillet 2000, le juge autorisa le syndic à vendre ces biens à un autre acquéreur.
18. Le 11 avril 2001, le juge autorisa le syndic à prélever une somme du compte courant de la faillite.
19. Le 19 avril 2001, le syndic déposa le projet partiel de répartition des sommes faisant partie de l’actif de la faillite.
20. Selon les informations fournies par la requérante, la procédure était encore pendante au 7 novembre 2005.
2. La procédure introduite conformément à la loi Pinto
21. Le 5 décembre 2002, la requérante introduisit un recours devant la cour d’appel de Rome conformément à la loi Pinto, se plaignant de la durée de la procédure ainsi que du prolongement des incapacités dérivant de sa mise en faillite.
22. Par une décision déposée le 13 mai 2003, la cour d’appel rejeta la demande de la requérante.
23. A une date non précisée, la requérante se pourvut en cassation. Par un arrêt déposé le 23 septembre 2005, la Cour de cassation cassa la décision de la cour d’appel déposée le 13 mai 2003 et renvoya l’affaire à une autre section de cette dernière. Une audience fut fixée au 26 juin 2006.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
24. Le droit interne pertinent est décrit dans les arrêts Campagnano c. Italie (no 77955/01, §§ 19-22, 23 mars 2006), Albanese c. Italie (no 77924/01, §§ 23-26, 23 mars 2006) et Vitiello c. Italie (no 77962/01, §§ 17-20, 23 mars 2006).
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 8 DE LA CONVENTION, QUANT AU DROIT AU RESPECT DE LA CORRESPONDANCE, 1 DU PROTOCOLE No 1 ET 2 DU PROTOCOLE No 4
25. Invoquant l’article 8 de la Convention, la requérante se plaint de la violation de son droit au respect de sa correspondance en raison de ce que la correspondance du failli est soumise au contrôle du syndic. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, elle se plaint que la déclaration de faillite l’a privée de ses biens, notamment en raison de la durée de la procédure. Invoquant l’article 2 du Protocole no 4, la requérante dénonce la limitation de sa liberté de circulation, notamment en raison de la durée de la procédure. Ces articles sont ainsi libellés :
Article 8 de la Convention
« 1. Toute personne a droit au respect de sa (...) correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Article 1 du Protocole no 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
Article 2 du Protocole no 4
« 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.
2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.
3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
26. La requérante soutient que les observations du Gouvernement ont été présentées tardivement, contrairement à l’article 38 du règlement de la Cour.
27. La Cour relève avoir fixé au 14 décembre 2004 le délai pour la présentation des observations du Gouvernement et que celui-ci a envoyé ses observations le 7 décembre 2004.
28. Le Gouvernement soutient que, la requérante ayant introduit un recours devant la cour d’appel compétente conformément à la loi Pinto, elle ne peut pas se prétendre victime des violations qu’elle allègue.
29. La requérante prétend que la loi Pinto ne constitue pas un moyen de recours efficace pour se plaindre de la durée des incapacités dérivant de la mise en faillite.
30. La Cour relève que, dans son arrêt no 362 de 2003, déposé le 14 janvier 2003, la Cour de cassation a pour la première fois reconnu que le dédommagement moral relatif à la durée des procédures de faillite doit tenir compte, entre autres, de la prolongation des incapacités dérivant du statut de failli.
31. La Cour rappelle avoir retenu que, à partir du 14 juillet 2003, l’arrêt no 362 de 2003 ne peut plus être ignoré du public et que c’est à compter de cette date qu’il doit être exigé des requérants qu’ils usent de ce recours aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention (voir Sgattoni c. Italie, no 77132/01, arrêt du 6 octobre 2005, § 48).
32. La Cour relève que, le 5 décembre 2002, la requérante a introduit un recours devant la cour d’appel de Rome conformément à la loi Pinto et que, par un arrêt déposé le 23 septembre 2005, la Cour de cassation a cassé la décision de la cour d’appel déposée le 13 mai 2003 et a renvoyé l’affaire à une autre section de cette dernière.
33. Une audience ayant été fixée au 26 juin 2006, la Cour note que cette procédure est pendante et cette partie de la requête, étant prématurée, doit donc être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes selon l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION, QUANT AU DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE
34. Invoquant l’article 8 de la Convention, la requérante se plaint d’une atteinte à son droit au respect de sa vie privée dans la mesure où, en raison de l’inscription de son nom dans le registre des faillis, elle ne peut exercer aucune activité professionnelle ou commerciale. En outre, elle dénonce le fait que, selon l’article 143 de la loi sur la faillite, sa réhabilitation, qui met fin à ces incapacités personnelles, ne peut être demandée que cinq ans après la clôture de la procédure de faillite. L’article 8 est ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée (...).
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Sur la recevabilité
35. La Cour constate que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
36. La Cour considère que l’ensemble des incapacités dérivant de l’inscription du nom du failli dans le registre entraîne en soi une ingérence dans le droit au respect de la vie privée de la requérante qui, compte tenu de la nature automatique de ladite inscription, de l’absence d’une évaluation et d’un contrôle juridictionnels sur l’application des incapacités y relatives ainsi que du laps de temps prévu pour l’obtention de la réhabilitation, n’est pas « nécessaire dans une société démocratique » au sens de l’article 8 § 2 de la Convention.
La Cour estime donc qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DU PROTOCOLE No 1
37. Invoquant l’article 3 du Protocole no 1, la requérante se plaint en outre de la limitation de ses droits électoraux dans la mesure où celle-ci constitue une mesure répressive et anachronique, dépourvue d’une justification légitime et visant à punir et marginaliser le failli. Cet article est ainsi libellé :
« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »
A. Sur la recevabilité
38. La Cour constate que le grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
39. Le Gouvernement soutient que les Etats jouissent d’une large marge d’appréciation pour établir les conditions entourant les droits électoraux garantis à l’article 3 du Protocole no 1 et que, de toute manière, la limitation en question a une durée de cinq ans à partir de la déclaration de faillite.
40. La requérante considère que la limitation des droits électoraux du failli repose sur l’idée que celui-ci est pénalement responsable de sa faillite. Cette mesure, qui n’a d’autre but que celui de sanctionner le failli, apparaît aujourd’hui anti-démocratique et représente une atteinte à la dignité humaine du failli.
41. La Cour rappelle que l’article 3 du Protocole no 1 implique les droits subjectifs de vote et d’éligibilité (Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, arrêt du 2 mars 1987, série A no 113, pp. 22-23, § 51), et elle considère que ces droits sont cruciaux pour l’établissement et le maintien des fondements d’une véritable démocratie régie par l’état de droit (Hirst c. Royaume-Uni (no 2), GC, no 74025/01, § 58). Elle rappelle également que, pour importants qu’ils soient, ces droits ne sont cependant pas absolus. Dans leurs ordres juridiques respectifs, les Etats contractants entourent les droits de vote et d’éligibilité de conditions auxquelles l’article 3 ne met en principe pas obstacle. Ils jouissent en la matière d’une large marge d’appréciation, mais il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur l’observation des exigences du Protocole no 1 ; il lui faut s’assurer que lesdites conditions ne réduisent pas les droits dont il s’agit au point de les atteindre dans leur substance même et de les priver de leur effectivité, qu’elles poursuivent un but légitime et que les moyens employés ne se révèlent pas disproportionnés (voir Gitonas et autres c. Grèce, arrêt du 1er juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, § 39, Aziz c. Chypre, arrêt du 22 juin 2004 no 69949/01, § 25, et Hirst, précité, § 62).
42. En l’espèce, la Cour relève que la mesure litigieuse est prévue par la loi, à savoir l’article 2, alinéa 1, lettre a) du décret du président de la République no 223 du 20 mars 1967, modifié par la loi no 15 du 16 janvier 1992, prévoyant essentiellement la suspension des droits électoraux du failli pendant la durée de la procédure de faillite et, en tout cas, pour une période non supérieure à cinq ans à partir de la déclaration de faillite.
43. De toute évidence, cette mesure constitue une ingérence dans les droits électoraux de la requérante garantis à l’article 3 du Protocole no 1.
Par ailleurs, d’autres incapacités personnelles dérivent de la limitation des droits électoraux, telle que, par exemple, l’impossibilité d’occuper des emplois civils pour l’Etat.
44. La Cour relève de surcroît que la requérante a subi une limitation de ses droits électoraux entre le 5 janvier 1998 et le 5 janvier 2003 et que des élections politiques (à la chambre des députés et au sénat) se sont tenues en Italie le 13 mai 2001.
45. Quant au but poursuivi par cette mesure, la Cour rappelle que, contrairement à d’autres dispositions de la Convention, l’article 3 du Protocole no 1 ne précise ni ne limite les buts qu’une restriction doit viser. Une grande variété de buts peuvent donc se trouver compatibles avec lui (voir Hirst, précité, § 74 et, par exemple, Podkolzina c. Lettonie, no 46726/99, § 33, CEDH 2002-II).
La Cour relève également que dans l’affaire Hirst (précité, § 74), la Grande Chambre de la Cour a constaté que la restriction du droit de vote des détenus pouvait passer pour viser le but de prévenir le crime, renforcer le sens civique et le respect de l’état de droit.
La Cour tient à souligner que la procédure de faillite dont il est question relève non pas du droit pénal mais du droit civil. De ce fait, toute notion de dol ou de fraude de la personne déclarée en faillite est étrangère aux faits de l’espèce, sans quoi on tomberait dans l’hypothèse du délit de banqueroute simple ou frauduleuse, réglementée par les articles 216 et 217 de la loi sur la faillite. La Cour souligne en outre que la limitation des droits électoraux du failli poursuit une finalité de caractère essentiellement afflictif, visant à dévaloriser et punir le failli en tant qu’individu indigne et couvert d’infamie pour la seule raison qu’il a fait l’objet d’une procédure de faillite civile.
46. Au vu de ces considérations, la Cour estime que la mesure prévue par l’article 2 du décret du président de la République no 223 du 20 mars 1967 n’a pour but que de diminuer le failli et constitue un blâme moral pour celui-ci pour le seul fait d’être insolvable et indépendamment de toute culpabilité (voir, mutatis mutandis, Sabou et Pircalab c. Roumanie, no 46572/99, § 48, 28 septembre 2004). Elle ne poursuit donc pas un objectif légitime. Par ailleurs, la Cour souligne que, loin d’être un privilège, voter constitue un droit garanti par la Convention (voir Hirst, précité, § 75).
Cette conclusion dispense la Cour de vérifier en l’espèce si les moyens employés pour atteindre le but poursuivi se révèlent disproportionnés.
Il y a donc eu violation de l’article 3 du Protocole no 1.
IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
47. Invoquant l’article 13 de la Convention, la requérante se plaint de ne pas disposer d’un recours effectif pour se plaindre des incapacités patrimoniales et personnelles la touchant pendant toute la procédure de faillite et jusqu’à l’obtention de sa réhabilitation. L’article 13 est ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A. Sur la recevabilité
48. Quant à la partie du grief concernant la limitation prolongée du droit au respect des biens (article 1 du Protocole no 1), de la correspondance (article 8 de la Convention) et de la liberté de circulation de la requérante (article 2 du Protocole no 4), la Cour rappelle avoir conclu à l’irrecevabilité de ces griefs. Partant, elle estime que, ne s’agissant pas de griefs « défendables » au regard de la Convention, cette partie de la requête doit être rejetée en tant que manifestement mal fondée selon l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
49. Quant à la partie du grief portant sur les incapacités dérivant de l’inscription du nom du failli dans le registre des faillis et perdurant jusqu’à l’obtention de la réhabilitation civile, la Cour constate qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celle-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
B. Sur le fond
50. La Cour a déjà traité d’affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 13 de la Convention (voir Bottaro c. Italie, no 56298/00, §§ 41-46, 17 juillet 2003).
51. La Cour a examiné la présente affaire et considère que le Gouvernement n’a fourni aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent.
Partant, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention.
V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
52. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
53. La requérante présente une expertise chiffrant à 72 735 euros (EUR) le préjudice matériel qu’elle aurait subi. Cette somme correspond au salaire minimum (pensione sociale) qu’elle aurait reçu à partir de sa déclaration de faillite. La requérante réclame aussi 300 000 EUR pour le dommage moral qu’elle aurait subi.
54. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
55. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et le dommage matériel allégué et rejette la demande. Quant au préjudice moral, elle estime que la requérante a subi un tort moral certain, dû notamment à la privation de son droit de vote. Statuant en équité, elle lui accorde 1 500 EUR à ce titre.
B. Frais et dépens
56. La requérante demande également 29 927,40 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour ainsi que 1 506,89 EUR pour les frais d’expertise.
57. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
58. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 2 000 EUR au titre des frais et dépens pour la procédure devant la Cour et l’accorde à la requérante.
C. Intérêts moratoires
59. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 8 de la Convention, en ce qui concerne le droit au respect de la vie privée de la requérante, 13 de la Convention, en ce qui concerne l’absence d’un recours pour se plaindre des incapacités dérivant de l’inscription du nom du failli dans le registre des faillis, et 3 du Protocole no 1, et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 du Protocole no 1 ;
5. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 500 EUR (mille cinq cents euros) pour dommage moral et 2 000 EUR (deux mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 juin 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion concordante commune à M. Caflisch et Mme Ziemele.
B.M.Z.
V.B.
OPINION CONCORDANTE COMMUNE
À M. LE JUGE CAFLISCH ET Mme LA JUGE ZIEMELE
Nous souscrivons à l’arrêt sauf en ce qui concerne le paragraphe 55 de celui-ci, où la Cour constate que le requérant « a subi un tort moral certain, dû notamment à la limitation de son droit de vote » et « lui accorde 1 500 EUR à ce titre ».
A notre sens, le tort moral résultant d’une limitation du droit de vote n’est pas chiffrable. La Cour aurait dû juger que la constatation d’une violation de l’article 3 du Protocole no 1 aurait constitué, en elle‑même, une satisfaction équitable appropriée.