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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
27.6.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE PETRE c. ROUMANIE

(Requête no 71649/01)

ARRÊT

STRASBOURG

27 juin 2006

DÉFINITIF

23/10/2006

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Petre c. Roumanie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,

A.B. Baka,

I. Cabral Barreto,

C. Bîrsan,

Mmes A. Mularoni,

E. Fura-Sandström,

D. Jočienė, juges,

et de M. S. Naismith, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 mai 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 71649/01) dirigée contre la Roumanie et dont deux ressortissants de cet Etat, M. Corneliu Petre (« le premier requérant ») et son fils, M. Mircea Bogdan Petre (« le second requérant »), ont saisi la Cour le 11 décembre 2000 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme B. Rămăşcanu, du ministère des Affaires étrangères.

3. Le 16 février 2004, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, le 18 octobre 2005, elle a décidé qu’elle se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Les requérants sont nés respectivement en 1951 et 1975 et résident à Bucarest. Ils exercent la profession d’avocat.

A. Action pénale à l’encontre des requérants

5. Le 24 décembre 1996, par une ordonnance du parquet auprès de la cour d’appel de Bucarest, le premier requérant fut mis en examen pour escroquerie et usage de faux. Le parquet retint qu’au cours du mois de décembre, le requérant, en complicité avec B.V., fonctionnaire dans l’administration locale de Bucarest, avait utilisé un faux billet à ordre pour transférer une importante somme d’argent d’un compte de l’administration locale sur son compte personnel. Le même jour, le premier requérant fut placé en détention provisoire.

6. Par une ordonnance du parquet du 7 janvier 1997, le second requérant fut mis en examen pour fabrication de faux documents et complicité d’escroquerie. Le même jour, il fut placé en détention provisoire.

7. Par un réquisitoire du 19 février 1997, le parquet auprès de la cour d’appel de Bucarest renvoya les requérants et B.V. devant le tribunal départemental de Bucarest du chef des accusations mentionnées dans les ordonnances de mise en examen au motif que le second requérant, en complicité avec B.V., avait falsifié le billet à ordre servant de base pour le transfert de l’argent sur le compte du premier requérant.

8. Par une décision du 27 février 1997, le tribunal de première instance de Bucarest rejeta la demande du parquet de prolongation de la détention provisoire du premier requérant, qui fut libéré le même jour.

9. Par un jugement du 15 janvier 1998, confirmé sur recours du parquet par un arrêt du 12 mai 1998 de la cour d’appel de Bucarest, le tribunal départemental de Bucarest annula le réquisitoire du parquet, au motif que la présentation du dossier d’instruction aux requérants avait été irrégulière. Il ordonna aussi la mise en liberté du second requérant, qui fut libéré le 13 mai 1998.

10. Par un réquisitoire du 28 août 1998, le parquet auprès de la cour d’appel de Bucarest renvoya pour la deuxième fois les requérants et B.V. devant le tribunal départemental de Bucarest du chef des mêmes accusations que celles retenues dans le premier réquisitoire.

11. Par un jugement du 15 décembre 1998, confirmé sur recours du parquet par un arrêt du 9 septembre 1999 de la cour d’appel de Bucarest, le tribunal départemental de Bucarest annula le deuxième réquisitoire du parquet, au motif qu’il avait été rédigé par le même procureur malgré l’annulation du premier réquisitoire.

12. Par un réquisitoire du 1er septembre 2000, le parquet renvoya pour la troisième fois les requérants et B.V. devant le tribunal départemental de Bucarest. Le parquet les accusa de complicité d’escroquerie et de fabrication de faux documents. Le parquet rejeta également les mesures d’instruction réclamées par les requérants, à savoir la comparution de plusieurs témoins et une expertise graphologique du billet à ordre litigieux, estimant qu’elles n’étaient pas utiles parce qu’une telle expertise avait déjà été effectuée et que l’ensemble des témoins qui pouvaient fournir des informations pertinentes avaient été entendus.

13. Sur les trente-huit audiences qui eurent lieu devant le tribunal départemental entre le 15 septembre 2000 et le 7 janvier 2004, cinq furent reportées à la demande des requérants qui, le 8 décembre 2000, soulevèrent une exception d’inconstitutionnalité de certaines dispositions du code pénal, le 24 septembre 2001 et les 19 février et 19 mars 2002, récusèrent plusieurs juges du tribunal départemental et, les 1er et 29 octobre 2002, demandèrent l’ajournement pour étudier le dossier.

14. Par un jugement du 29 janvier 2004, le tribunal condamna B.V. pour escroquerie, fabrication et usage de faux documents officiels. Le premier requérant fut condamné à une peine d’un an et huit mois de prison pour complicité d’escroquerie, tandis que le second requérant fut condamné à deux peines de trois ans et un an de prison pour complicité d’escroquerie et fabrication de faux documents, respectivement. Les requérants et le parquet firent appel de ce jugement.

15. Par un arrêt du 22 octobre 2004, la cour d’appel de Bucarest accueillit partiellement les appels. D’une part, elle constata que, pour les infractions de fabrication et usage de faux documents officiels, la prescription de la responsabilité pénale était intervenue, et, d’autre part, elle maintint la condamnation des trois inculpés pour escroquerie et complicité d’escroquerie et porta les peines des deux requérants à quatre ans de prison.

16. Sur recours des requérants, par un arrêt du 18 mai 2005, la Haute Cour de Justice et de Cassation cassa l’arrêt de la cour d’appel et renvoya le dossier pour un nouvel examen. La Haute Cour de Justice observa que les juges de la cour d’appel n’avaient pas rédigé le procès-verbal de l’arrêt, ce qui entraînait la nullité de ce dernier.

17. Par un arrêt du 3 novembre 2005, la cour d’appel rejeta l’appel du premier requérant. En revanche, elle accueillit partiellement l’appel du second requérant au motif que l’infraction de fabrication de faux documents était prescrite. Le 9 novembre 2005, les requérants formèrent un recours devant la Haute Cour de Justice. La procédure est toujours pendante devant cette juridiction.

B. Inscription des accusations contre les requérants à leur casier judiciaire

18. Conformément à l’article 9 de la loi no 7/1972 sur le casier judiciaire, les accusations portées contre les requérants furent inscrites provisoirement à leur casier judiciaire.

19. Par une action introduite auprès de la cour d’appel de Bucarest contre le ministère de l’Intérieur et le chef du service du casier judiciaire, les requérants demandèrent la suppression de ces mentions alléguant qu’elles les auraient empêchés de trouver un emploi.

20. Par un arrêt du 12 juin 2001, la cour d’appel rejeta l’action au motif que l’inscription provisoire de ces mentions était prévue par la loi et qu’au bout de cinq ans, en absence de décision judiciaire définitive, elles seraient effacées.

21. Sur recours des requérants, par un arrêt du 26 février 2002, la Cour suprême de Justice confirma le bien-fondé de l’arrêt de la cour d’appel de Bucarest.

22. Les requérants fournissent des extraits de casier judiciaire délivrés en 2004, qui mentionnent toujours l’existence d’une action pénale pendante à leur encontre.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

A. Loi no 7/1972 sur le casier judiciaire

Article 9

« La mise en examen ou la détention provisoire d’une personne sont mentionnées provisoirement, jusqu’à une décision judiciaire définitive, dans les fichiers de la police.

Si une décision définitive n’est pas intervenue au bout de cinq ans, les mentions provisoires sont effacées. »

23. Cette loi a été abrogée par la loi no 290 du 24 juin 2004 sur le casier judiciaire. En vertu des dispositions de cette loi, les poursuites en cours sont enregistrées dans les fichiers de la police, mais ne doivent pas être mentionnées sur les extraits de casier délivrés sur demande des intéressés.

B. Ordonnance du gouvernement no 65/1997 sur le régime des passeports

Article 14

« Le droit d’utiliser le passeport peut être annulé ou suspendu dans les cas suivants :

S’il y a des indices que l’intéressé a commis une infraction dont la sanction légale est supérieure à deux ans de prison et qu’il a l’intention d’utiliser son passeport pour échapper aux poursuites (...) ;

Si l’intéressé est inculpé et le magistrat lui a interdit de quitter son lieu de résidence (...) :

Si l’intéressé est poursuivi pour des dettes dont le paiement n’est pas garanti (...) envers des personnes physiques ou morales, ou l’Etat ; dans ce cas la mesure est prise à la demande des créanciers si le paiement des dettes a été ordonné par une décision de justice définitive (...) »

Article 15

« L’annulation ou la suspension du droit d’utiliser le passeport (...) peuvent faire l’objet d’une action en contentieux administratif. »

24. Cette ordonnance a été abrogée par la loi no 248 du 20 juillet 2005 sur le régime de la libre circulation des citoyens roumains à l’étranger. Désormais, les seules restrictions possibles sont celles prévues par le code de procédure pénale, à savoir l’interdiction de quitter le pays, ordonnée par le parquet ou par le tribunal. L’intéressé a toutefois la possibilité de contester la mesure prise par le parquet devant le tribunal.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

25. Les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

26. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

27. La période à considérer a débuté le 24 décembre 1996 en ce qui concerne le premier requérant et le 7 janvier 1997 s’agissant du second requérant et n’a pas encore pris fin. Elle a donc déjà duré neuf ans et cinq mois, pour trois degrés de juridictions.

A. Sur la recevabilité

28. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.

B. Sur le fond

29. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II).

30. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

31. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce, la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

32. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

33. Sous l’angle de l’article 5 de la Convention, les requérants allèguent que leur arrestation a été illégale. Ils estiment qu’ils ont été placés en détention provisoire en méconnaissance des dispositions du code de procédure pénale, qu’ils n’ont pas été traduits aussitôt devant un magistrat et qu’ils n’ont pas bénéficié d’un recours effectif pour contester la légalité de la détention. Enfin, ils se plaignent de ne pas avoir droit à une réparation pour leur détention qu’ils estiment illégale.

34. La Cour note que la détention provisoire des requérants a pris fin respectivement les 13 février 1997 et 19 mai 1998. Or, la requête a été introduite le 11 décembre 2000, soit plus de six mois à compter de la date de la fin de la détention prétendument illégale (voir, mutatis mutandis, Mujea c. Roumanie (déc.), no 44696/98, 10 septembre 2002).

35. Quant à l’impossibilité d’obtenir une réparation pour la détention prétendument illégale, la Cour rappelle que pour obtenir une réparation à ce titre, une violation de l’article 5 de la Convention doit être préalablement établie par une autorité nationale ou par les organes de la Convention (N.C. c. Italie [GC], no 24952/94, § 49, 18 décembre 2002), condition qui n’est pas remplie en l’espèce.

36. Il s’ensuit que ces griefs sont irrecevables respectivement pour
non-respect du délai de six mois et pour défaut manifeste de fondement. Par conséquent, ils doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 1, 3 et 4 de la Convention.

37. Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, les requérants estiment que la présomption d’innocence a été méconnue à leur égard en raison de l’inscription des accusations portées contre eux à leur casier judiciaire.

38. La Cour relève que l’inscription d’une accusation au casier judiciaire n’a pas trait au bien-fondé de l’accusation en question, mais indique simplement qu’une procédure judiciaire est pendante contre l’intéressé (Corsi c. Italie (déc.), no 42210/98, 15 mars 2001).

39. Dans la mesure où ces inscriptions sont susceptibles de poser un problème sous l’angle de l’article 8 de la Convention, la Cour rappelle que certains désagréments dans le déroulement normal de la vie privée sont inhérents aux poursuites pénales en cours. Toutefois, cet aspect est à prendre en compte dans l’examen du grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention et, le cas échéant, dans l’estimation d’un dommage moral subi par les intéressés (Volf c. République tchèque, no 70847/01, § 40, 6 septembre 2005).

40. En tout état de cause, la Cour observe que les requérants n’apportent pas la preuve d’une quelconque incidence sur leur vie privée ou professionnelle de l’inscription au casier des poursuites en cours. De plus, elle observe que ces inscriptions provisoires ne comportent pas ex lege d’incapacités personnelles ou professionnelles de nature à influencer la possibilité des requérants de développer des relations avec le monde extérieur (voir, a contrario, Sidabras et Džiautas c. Lituanie, nos 55480/00 et 59330/00, § 48, CEDH 2004...).

41. Enfin, la Cour estime que les inscriptions litigieuses ne sauraient être assimilées à la situation incriminée dans l’affaire Rotaru c. Roumanie ([GC], no 28341/95, § 44, CEDH 2000V) où les autorités roumaines avaient recueilli et mémorisé pendant plus de cinquante ans des renseignements sur la vie du requérant, en particulier sur ses études, ses activités politiques et son casier judiciaire.

42. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

43. Invoquant l’article 6 § 3 de la Convention, les requérants se plaignent d’une atteinte au droit à un procès équitable, en faisant valoir que le parquet a refusé d’ordonner les mesures d’instruction qu’ils avaient demandées.

44. La Cour rappelle que la question de savoir si un procès est conforme aux exigences de l’article 6 de la Convention ne peut être résolue au regard d’un élément isolé mais doit l’être sur la base d’un examen de l’ensemble de la procédure, c’est-à-dire une fois celle-ci terminée (voir, H. v. France, arrêt du 24 octobre 1989, Série A no 162-A, p. 23, § 61, et Vass c. Hongrie, no 57966/00, § 47, 25 novembre 2003).

45. En l’espèce, la procédure étant toujours pendante devant la Haute Cour de Justice et de Cassation, la Cour estime que ce grief est prématuré et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

46. Les requérants allèguent qu’ils ne peuvent pas se rendre à l’étranger à cause des poursuites, ce qui porte atteinte à leur droit à la liberté de circulation garanti par l’article 2 du Protocole no 4.

47. La Cour rappelle qu’une limitation de la liberté de circuler pour les besoins d’une procédure pénale en cours ne pose pas en soi de problème sur le terrain de l’article 2 du Protocole no 4, tant que cette mesure reste proportionnée au but légitime poursuivi, notamment en ce qui concerne sa durée (voir, mutatis mutandis, Fedorov et Fedorova c. Russie, no 31008/02, § 41, 13 octobre 2005 et Antonenkov et autres c. Ukraine, no 14183/02, § 61, 22 novembre 2005).

48. En l’espèce, la Cour note qu’à l’époque des faits, dans certains cas précis, la législation interne conférait au ministère de l’Intérieur la possibilité d’interdire à une personne de se rendre à l’étranger au cours des poursuites. Toutefois, l’intéressé avait la possibilité de contester cette mesure devant les juridictions administratives.

49. Néanmoins, la Cour relève, d’une part, qu’une telle mesure n’a pas été prise à l’encontre des requérants et, d’autre part, qu’il ne ressort pas du dossier que ces derniers aient rencontré d’opposition pour se rendre à l’étranger.

50. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

51. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

52. Les requérants réclament, au titre du préjudice matériel, 240 000 dollars américains (USD) pour les pertes économiques de plusieurs sociétés commerciales qu’ils dirigeaient, et 48 000 USD pour les salaires dont ils allèguent avoir été privés depuis l’ouverture des poursuites.

53. Ils sollicitent également un million d’euros chacun au titre du préjudice moral.

54. Le Gouvernement conteste ces prétentions qu’il considère excessives et sans lien avec les violations alléguées.

55. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué. Dès lors, elle estime qu’aucune somme ne saurait être allouée aux requérants au titre du préjudice matériel en liaison directe avec la violation constatée de l’article 6 § 1 de la Convention.

56. En revanche, la Cour estime que les requérants ont subi un tort moral certain en raison de la durée excessive de la procédure litigieuse. Statuant en équité, elle octroie à chacun 3 000 euros (EUR) à ce titre.

B. Frais et dépens

57. Les requérants sollicitent le remboursement de 70 000 USD au titre des frais médicaux encourus au cours de leur détention provisoire et pendant les poursuites.

58. Ils demandent également 40 000 USD d’honoraires pour le travail accompli par leurs avocats dans la procédure interne et 10 000 USD pour la présentation de la requête devant la Cour. A titre de justificatif, ils fournissent la copie d’une convention d’assistance juridique conclue en 1997 pour la procédure interne et qui s’élève à 450 000 lei roumains (ROL) (60 USD environ), ainsi qu’une attestation délivrée par un autre avocat mentionnant que les requérants lui ont versé 9 700 USD pour son travail effectué dans le cadre de la procédure interne. Enfin, ils produisent la copie d’un contrat ayant pour objet la traduction de plusieurs documents en vue de la présentation de la requête devant la Cour. Cependant, ce contrat ne précise pas le montant des honoraires versés.

59. Le Gouvernement conteste ces prétentions. Il souligne que les requérants n’ont versé au dossier qu’une quittance pour 450 000 ROL et mentionne que l’attestation délivrée par un autre avocat pour la somme de 9 700 USD ne prouve pas le paiement effectif de cette somme.

60. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

61. En l’espèce, la Cour observe que les requérants n’ont nullement justifié des frais médicaux encourus au cours de la procédure interne. En conséquence, elle décide de ne pas allouer de somme à ce titre.

62. En ce qui concerne les frais correspondant au travail des avocats au cours de la procédure interne, ainsi que les frais et dépens entraînés par la présentation de la requête devant la Cour, compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable d’octroyer à chaque requérant la somme de 1 000 EUR, tous frais confondus.

C. Intérêts moratoires

63. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3. Dit

a) que lEtat défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, à chaque requérant, 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral et 1 000 EUR (mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ; ces sommes sont à convertir en lei roumains au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 juin 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. Naismith J.-P. Costa
Greffier adjoint Président