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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
6.7.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 50049/99
présentée par Ramiro DA LUZ DOMINGUES FERREIRA
contre la Belgique

La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant le 6 juillet 2006 en une chambre composée de :

MM. C.L. Rozakis, président,
L. Loucaides,
Mme F. Tulkens,
M. A. Kovler,

Mme E. Steiner
MM. D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 27 janvier 1999,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Ramiro Da Luz Dominguez Ferreira, est un ressortissant portugais, né en 1957, et domicilié en Belgique à l'époque des faits. Lors de l'introduction de sa requête, il se trouvait en détention à l'établissement pénitentiaire d'Arlon (Belgique). Il est représenté devant la Cour par Me M. Neve, avocat à Liège. Le gouvernement défendeur est représenté par son agent, M. Claude Debrulle, directeur d'administration au ministère de la Justice.

A. Les circonstances de l'espèce

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant a passé son enfance au Portugal. En 1970 ou 1971, il vécut à Paris, puis s'installa au Luxembourg en mai 1974 où il épousa en 1977 une ressortissante belge.

En 1983, il aurait été condamné par un tribunal luxembourgeois à une peine d'emprisonnement de 18 mois avec sursis pour proxénétisme. Le 25 août 1985, le requérant, qui avait été arrêté à la fin de l'année 1984 ou au début de l'année 1985, fut extradé vers la France. Par arrêt de la cour d'appel de Metz du 12 décembre 1989, il fut condamné à 6 ans d'emprisonnement et à dix ans d'interdiction du territoire pour proxénétisme. Remis en liberté le 3 août 1989, il fut éloigné vers le Portugal. Le 29 août 1989, il se rendit en Belgique où il s'installa, d'abord à Arlon, puis à Athus.

Le 20 octobre 1992, le juge d'instruction du tribunal de première instance d'Arlon inculpa le requérant notamment pour des faits de débauche et de prostitution et le plaça en détention préventive. Le requérant fut remis en liberté le 23 mars 1993. Il fut ultérieurement renvoyé devant les juridictions du fond, comme six autres personnes.

1. La procédure au fond devant le tribunal correctionnel d'Arlon

Le 9 février 1994, le tribunal correctionnel d'Arlon, statuant contradictoirement, condamna le requérant, qui était assisté de deux avocats, à une peine d'emprisonnement de quatre ans du chef d'incitation à la débauche, proxénétisme, trafic de stupéfiants, menaces et vol. Il précisa, dans son dispositif, que la prévention de débauche était établie relativement aux victimes qui ont été débauchées ou prostituées en Belgique à l'exclusion des faits qui auraient pu être commis en pays étranger à l'égard de n'importe quelle victime.

Le requérant avait comparu devant le tribunal qui l'avait entendu en ses moyens de défense présentés par lui-même et par ses deux avocats. Toutefois, le requérant étant défaillant le jour du prononcé et sur réquisitions du ministère public, le tribunal ordonna son arrestation immédiate estimant qu'il y avait lieu de craindre qu'il ne tente de se soustraire à l'exécution de la peine.

D'après les indications figurant dans le jugement du tribunal, le requérant, au moment de la procédure devant le tribunal d'Arlon, était incarcéré pour une autre cause à la prison de Schrassig au Luxembourg (située à une cinquantaine de kilomètres d'Arlon).

Le 28 février 1994, l'un des avocats, qui avait représenté le requérant en première instance, interjeta appel en son nom. Il informa le requérant de cet appel et l'informa qu'à l'avenir, à défaut de recevoir les paiements des honoraires dus, il ne pourrait plus poursuivre sa défense. Le ministère public fit également appel, de même que les six coïnculpés.

2. La procédure au fond devant la cour d'appel

Le 24 février 1994, le requérant, qui s'était entre-temps rendu en Allemagne, fut arrêté et placé en détention préventive dans une prison de Coblence.

Le requérant, qui prétend ne pas avoir reçu de citation à comparaître, aurait appris par une tierce personne qu'il était cité à comparaître le 17 juin 1994 devant la cour d'appel de Liège. Le 1er juin 1994, il adressa au procureur du Roi de l'arrondissement judiciaire de Liège un courrier pour solliciter une remise dans les termes suivants :

« DA LUZ Domingues Ferreira Le 01 juin 1994

Dossier 38.00.646.92

Et 00.00.4137/92

Monsieur le Procureur du Roi,

Je viens respectueusement par la présente vous demander de bien vouloir remettre à une date ultérieure, l'affaire qui est fixée pour le 17 juin 1994 devant la 6ème chambre de la cour d'appel de Liège.

Vu que pour des raisons juridiques, je ne peux être présent.

Par ces motifs, je vous prie de bien vouloir faire droit à ma demande. »

Ni le ministère public, ni la cour d'appel n'auraient réservé de suite à ce courrier, dans lequel le requérant n'avait indiqué ni son domicile ni son lieu de résidence.

Par courrier du 14 juin 1994, l'avocat du requérant informait la cour d'appel qu'il restait sans nouvelles de son client.

Le requérant, comme deux autres inculpés, ne comparut pas à l'audience du 17 juin 1994 et n'y était pas représenté. La cour d'appel y entendit les quatre prévenus présents et leurs conseils.

Par un arrêt du 30 juin 1994, la cour d'appel de Liège, après avoir relevé que le requérant ne comparaissait pas quoique régulièrement cité et appelé, confirma la décision entreprise sous la seule « émendation » prise à l'unanimité que le requérant se trouvait dans un état de récidive, eu égard à l'article 7 de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui du 21 mars 1950, ce qui justifiait de porter la peine d'emprisonnement à six ans. La cour d'appel constata en effet que les faits poursuivis avaient été commis dans les cinq années d'une condamnation à six ans d'emprisonnement du chef de proxénétisme prononcée le 12 décembre 1987 par la cour d'appel de Metz. Elle ordonna l'arrestation immédiate du requérant en raison notamment de ce qu'il n'avait pas comparu aux audiences, de la gravité des faits et du danger certain qu'il représentait pour la société, de sa personnalité laissant craindre de le voir récidiver dans ce type de délinquance et du risque de fuite à l'étranger.

3. La procédure d'opposition

Le 4 août 1994, l'arrêt fut signifié au requérant, toujours incarcéré à Coblence.

Le jour même, le requérant aurait adressé, sous pli recommandé, au « procureur général du Roi de la cour d'appel de Liège » un courrier rédigé dans ces termes :

« A monsieur le procureur général du Roi,

J'ai l'honneur de vous exposer très respectueusement ma demande d'opposition contre le jugement par défaut du 30 juin 1994.

Attendu que, par courrier du 1er juin 1994, j'ai demandé que le jugement soit remis.

Qu'en outre, je n'ai pas reçu de citation à comparaître le jour de l'audience, comme je le spécifie.

Par ces motifs, je vous prie de bien vouloir recevoir mon opposition et me donner citation au jugement. »

Le requérant explique que ni la cour d'appel ni le ministère public n'auraient réservé de suite à ce courrier. Le Gouvernement expose qu'aucune lettre de ce type n'est jamais parvenue au parquet général de la cour d'appel de Liège.

Le 10 janvier 1995, le tribunal régional de Trêves (Trier, en Allemagne) condamna le requérant, qui était dans cette procédure assisté d'un avocat, à une peine de deux ans d'emprisonnement pour des faits de proxénétisme en partie identiques à ceux pour lesquels il avait été condamné en Belgique. Dans son jugement, le tribunal releva notamment les faits suivants :

« Le prévenu a d'abord été condamné par jugement du tribunal correctionnel d'Arlon du 9 février 1994 à une peine d'emprisonnement de 4 ans et ensuite, sur appel du ministère public, par arrêt de la cour d'appel de Liège du 30 juin 1994, à une peine d'emprisonnement de 6 ans et une amende de 250 000 FB (subsidiairement à trois mois d'emprisonnement). Cet arrêt est coulé en force de chose jugée depuis le 5 septembre 1994.

Le prévenu a été condamné du chef d'avoir « à Athus et Virton, à plusieurs reprises entre l'an 1990 et le 10 décembre 1992, afin de satisfaire les passions d'autrui, embauché, entraîné ou détourné en vue de la débauche et la prostitution, même de leur consentement des personnes de nationalités brésilienne, française, dominicaine, philippine ou portugaise, par exemple [...] et d'avoir « à Athus, le 20 octobre 1992, détenu des stupéfiants (609 grammes de haschich) sans autorisation préalable du Ministre compétent, et avoir sans autorisation importé, transporté, détenu, délivré ou acquis du haschich les 15 juin et 1er septembre 1992 à titre onéreux ou gratuit, et avoir volé le 19 juillet 1992 un véhicule à Arlon et avoir le 1er septembre 1992 verbalement ou par écrit anonyme ou signé, menacé, avec ordre ou sous conditions, [...] d'un attentat contre les personnes ou les propriétés ». Ces condamnations ne tenaient pas compte des actes commis sur les victimes à l'étranger.

(...)

Le prévenu a été acquitté des autres préventions. Les jugements en première et deuxième instances ont été prononcés à défaut du prévenu qui a pourtant été entendu lors de l'audience en première instance.

(...)

Une autre circonstance atténuante est que le prévenu, en tant qu'étranger qui ne connaît pas la langue allemande, est particulièrement défavorisé par la détention à purger en Allemagne.

(...)

Etant donné que l'objet de la procédure menée à charge du prévenu en Belgique, dans laquelle il a été condamné par une décision coulée en force de chose jugée, est en partie identique à celle de la présente procédure et vu que le prévenu a été en détention préventive dans le cadre de la procédure d'instruction belge entre le 20 octobre 1992 et le 23 mars 1993, l'emprisonnement subi en Belgique doit être pris en considération pour la peine infligée. »

Le 15 février 1995, le requérant fut libéré et, d'Allemagne, il se rendit, à une date inconnue, au Luxembourg.

Le 9 octobre 1995, les autorités belges demandèrent aux autorités luxembourgeoises l'extradition du requérant, lequel, entre-temps, avait été incarcéré au centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig. Par un arrêté ministériel du 5 avril 1996, le ministre de la Justice du Grand-Duché de Luxembourg accorda l'extradition aux fins d'exécution de la peine d'emprisonnement de six ans prononcée par la cour d'appel de Liège le 30 juin 1994.

Par un arrêté royal du 20 mai 1997, un recours en grâce formulé par le requérant fut rejeté.

Le 26 mars 1998, en réponse à une lettre du requérant du 8 février 1998, le procureur général près la cour d'appel de Liège l'informa que l'opposition ne pouvait se faire par lettre recommandée. Il ajouta que le délai d'opposition lui paraissait d'ailleurs avoir expiré et que l'arrêt de la cour d'appel de Liège lui paraissait dès lors définitif.

Le 18 juin 1998, en réponse à un nouveau courrier du requérant du 5 juin 1998, le procureur général l'informa du fait que la demande formulée dans sa lettre n'était pas, comme telle, recevable et n'était pas conforme à la loi. Il précisait que, dans la situation du requérant, seul un avocat pourrait lui permettre d'éclaircir le problème et d'indiquer la meilleure marche à suivre.

Le 16 septembre 1998, le requérant, qui venait d'être extradé à la Belgique et d'y être placé en détention, forma opposition contre l'arrêt du 30 juin 1994, par voie de déclaration au directeur de l'établissement pénitentiaire.

Le 23 septembre 1998, la cour d'appel de Liège siégea en vue de statuer sur la recevabilité et le fondement de l'opposition. Le requérant, présent, n'était pas assisté d'un conseil lors de cette audience.

Le 28 septembre 1998, un avocat, intervenant au nom du requérant, déposa une requête en réouverture des débats afin de pouvoir s'expliquer sur la recevabilité de l'opposition, précisant qu'une opposition avait déjà été introduite en date du 4 août 1994 par courrier recommandé et que, considérée comme irrecevable par le procureur général, elle n'avait pas été soumise à la cour d'appel. La cour d'appel y fit droit le 30 septembre 1998 estimant qu'il était opportun de rouvrir les débats afin que le prévenu soit assisté d'un conseil à l'audience. Le 7 octobre 1998, la cour d'appel procéda à l'instruction d'audience et entendit le parquet général et la défense. Le 2 novembre 1998, le requérant déposa une nouvelle requête en réouverture des débats aux fins de transmettre à la Cour le récépissé de la poste concernant le courrier recommandé du 4 août 1994 adressé par le requérant au parquet général.

Par un arrêt du 4 novembre 1998, la cour d'appel dit ne pas avoir lieu à ordonner la réouverture des débats et déclara l'opposition irrecevable aux motifs suivants :

« Attendu que le prévenu avait été valablement convoqué pour l'audience du 17 juin 1994 et que le défaut lui était imputable ;

Attendu que l'arrêt par défaut du 30 juin 1994 a été signifié à sa personne le 4 août 1994 ;

Attendu que l'opposition du 16 septembre 1998 est tardive et que le prévenu, auquel il incombait de se tenir informé de la marche de la procédure, ne peut exciper de la force majeure puisqu'il ne s'est pas trouvé dans l'impossibilité absolue de former opposition ; qu'il pouvait faire appel à son conseil allemand, à son ancien conseil belge, solliciter d'urgence la désignation d'un avocat pro deo ou l'assistance judiciaire pour les frais d'opposition ;

Attendu que ces considérations valent pour l'opposition irrégulière en la forme que le prévenu aurait faite par lettre recommandée le 4 août 1994 ; qu'il ne s'impose dès lors pas d'ordonner la réouverture des débats ;

Que par ailleurs, il n'existe aucune obligation pour l'autorité judiciaire de donner des informations et que le prévenu ajoute à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en exigeant d'avoir la possibilité de former opposition comme il le fit. »

Le requérant saisit la Cour de cassation. Dans son mémoire, il exposa son unique moyen comme suit :

« Le respect du principe général du respect des droits de la défense, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 187 et 208 du code d'instruction criminelle et 2 de l'arrêté royal no 236 du 20 janvier 1936 simplifiant certaines formes de la procédure pénale à l'égard des détenus, exige qu'à défaut de considérer comme recevable l'opposition faite par un détenu par lettre recommandée envoyée d'un établissement pénitentiaire étranger faute de pouvoir être faite par déclaration reçue par le directeur d'établissement ou son délégué, le juge du fond considère comme recevable, pour cause de force majeure, l'opposition faite ultérieurement par ce même détenu, après son extradition en Belgique, par déclaration reçue par le directeur d'établissement ou son délégué.

Qu'en effet, il résulte de l'économie des différentes dispositions légales précitées et du respect du principe général du respect des droits de la défense que tout prévenu, condamné par défaut, doit pouvoir obtenir d'être jugé à nouveau, et cette fois contradictoirement, dès lors qu'au moment où il a eu connaissance de la condamnation par défaut, il a de façon claire et non équivoque averti la partie contre laquelle il entend s'opposer, soit, comme en l'espèce, la défenderesse. »

Par un arrêt du 6 janvier 1999, la Cour de cassation repoussa le pourvoi du requérant au motif que le juge du fond apprécie en fait si les circonstances alléguées constituent un cas de force majeure et que la juridiction de cassation n'a pouvoir que pour contrôler si, des circonstances retenues par lui, le juge a pu légalement déduire l'existence de la force majeure. Rappelant le raisonnement de la cour d'appel, la Cour de cassation estima que les juges d'appel avaient justifié légalement leur décision.

Le 2 juin 1999, le requérant introduisit un nouveau recours en grâce qui fut rejeté le 15 juillet 1999.

B. Le droit interne pertinent

Les dispositions pertinentes du code d'instruction criminelle étaient, à l'époque des faits, les suivantes :

Article 184 bis

« Si le prévenu dont l'indigence est constatée, comme il est dit au livre 1er de la quatrième partie du code judiciaire, demande l'assistance d'un avocat, trois jours au moins avant celui fixé pour l'audience, sa requête est transmise par le président au délégué du bureau de consultation et de défense, et par les soins de celui-ci un défenseur lui est désigné. (...) »

Article 185

« § 1. Le prévenu, personne morale, la partie civile et la partie civilement responsable comparaîtront en personne ou se feront représenter par un avocat.

§ 2. Le prévenu, personne physique, comparaîtra en personne. Il pourra se faire représenter par un avocat dans les affaires relatives à des délits qui n'entraînent pas une peine de prison à titre principal, ou dans les débats qui ne portent que sur une exception, sur un incident étranger au fond ou sur les intérêts civils.

Le tribunal pourra toujours autoriser la représentation du prévenu qui justifie de l'impossibilité de comparaître en personne.

§ 3. En tout état de cause, le tribunal pourra, sans que sa décision puisse être l'objet d'aucun recours, ordonner la comparution en personne.

Le jugement ordonnant cette comparution sera signifié à la partie qu'il concerne à la requête du ministère public, avec citation à comparaître à la date fixée par le tribunal. Si elle ne comparaît pas, il sera statué par défaut. »

Article 186

« Si le prévenu ne comparaît pas, il sera jugé par défaut. »

Article 187

« Le condamné par défaut pourra faire opposition au jugement dans les quinze jours qui suivent celui de la signification.

Lorsque la signification du jugement n'a pas été faite en parlant à sa personne, le prévenu pourra faire opposition, quant aux condamnations pénales dans les quinze jours, qui suivent celui où il aura connu la signification et, s'il n'a pas été établi qu'il en a eu connaissance, jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine. Il pourra faire opposition, quant aux condamnations civiles, jusqu'à l'exécution du jugement.

(...)

L'opposition sera signifiée au ministère public et aux parties en cause.

Si l'opposition n'a pas été signifiée dans les quinze jours qui suivent la signification du jugement, il pourra être procédé à l'exécution des condamnations et, en cas d'appel des parties poursuivantes ou de l'une d'elles, il pourra être procédé au jugement sur l'appel.

La condamnation sera comme non avenue par suite de l'opposition ; néanmoins, les frais et dépens causés par l'opposition, y compris le coût de l'expédition et de la signification du jugement seront laissés à charge de l'opposant, si le défaut lui est imputable. »

Article 208

« Les arrêts rendus par défaut sur l'appel pourront être attaqués par la voie de l'opposition dans la même forme et dans les mêmes délais que les jugements par défaut rendus par les tribunaux correctionnels.

L'opposition emportera de droit citation à la première audience après l'expiration d'un délai de quinze jours ou de trois jours si l'opposant est détenu ;

Elle sera non avenue si l'opposant n'y comparaît pas et l'arrêt qui interviendra sur l'opposition ne pourra être attaqué par la partie qui l'aura formée, si ce n'est devant la Cour de cassation. »

L'article 2 de l'arrêté royal no 236 du 20 janvier 1936, simplifiant certaines formes de procédure pénale à l'égard des détenus, dispose :

« Lorsque l'opposant est détenu et n'est pas détenteur de la somme nécessaire pour couvrir les frais de l'acte d'huissier de justice, l'opposition aux condamnations pénales prononcées par les cours d'appel, les tribunaux correctionnels et les tribunaux de police, peut être faite par déclaration au directeur de l'établissement pénitentiaire ou à son délégué.

Il est dressé procès-verbal de cette déclaration dans un registre destiné à cet effet.

Mention est faite dans ce procès-verbal de la circonstance que l'opposant n'est pas détenteur de la somme nécessaire pour couvrir les frais de l'acte d'huissier de justice.

Le directeur avise immédiatement de la déclaration l'officier du ministère public près la juridiction qui a rendu la décision attaquée et lui transmet, dans les vingtquatre heures, une expédition du procès-verbal. Avis et expédition sont versés au dossier.

La déclaration d'opposition emporte de droit citation à la première audience après expiration des délais et est réputée non avenue si l'opposant n'y comparaît pas.

Dès réception de l'avis du directeur, l'officier du ministère public convoque l'opposant à cette audience, dans la forme décrite à l'article 1er. »

GRIEFS

1. Invoquant l'article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, le requérant se plaint de n'avoir pas bénéficié d'un procès équitable au motif qu'il n'a pas pu être présent à l'audience de la cour d'appel de Liège du 17 juin 1994 malgré sa volonté manifeste d'y assister. A l'appui de ce grief, il invoque aussi l'article 14 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le requérant se plaint également, au titre du seul article 6, qu'en lui refusant le droit de former opposition comme il le fit, à savoir par lettre recommandée, contre la décision prise par défaut contre lui par la cour d'appel de Liège, les juridictions belges auraient violé son droit d'accès à un tribunal et son droit à un procès équitable. Incarcéré en Allemagne et, en raison de son incarcération, n'étant pas détenteur de la somme nécessaire pour couvrir les frais de l'acte d'huissier de justice, il n'aurait eu d'autre possibilité à défaut pour le directeur de l'établissement pénitentiaire allemand de recevoir valablement une déclaration valant opposition pour former opposition que d'envoyer un courrier recommandé au parquet général près la cour d'appel de Liège. Or le respect des formalités d'opposition conditionnait l'effectivité de son recours.

2. Le requérant soutient par ailleurs qu'il a été condamné par le tribunal régional de Trier et par la cour d'appel de Liège pour des faits en majorité identiques et commis pendant la même période. Il invoque une violation de l'article 14 § 7 du Pacte international des droits civils et politiques garantissant le principe non bis in idem.

EN DROIT

1. Invoquant l'article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention, le requérant se plaint de n'avoir pas bénéficié d'un procès équitable au motif qu'il n'a pas pu être présent à l'audience de la cour d'appel de Liège du 17 juin 1994 en dépit du fait qu'il aurait manifesté sa volonté d'y assister. A l'appui de ce grief, il invoque aussi l'article 14 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Sous l'angle de l'article 6 de la Convention, le requérant se plaint également qu'en raison de l'irrecevabilité de son opposition pour non-respect des formalités, il s'est vu privé de l'accès à un tribunal.

L'article 6 de la Convention qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...).

(...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...)

c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ; »

La Cour rappelle d'emblée qu'aux termes de l'article 19 de la Convention, elle est seulement compétente pour assurer le respect de la Convention européenne des Droits de l'Homme et n'est donc pas compétente pour se prononcer sur d'autres conventions ou traités internationaux, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans la mesure où les exigences du paragraphe 3 de l'article 6 de la Convention s'analysent en aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1, la Cour examinera par ailleurs les griefs sous l'angle de ces deux dispositions combinées (voir, notamment, Van Geyseghem c. Belgique [GC], no 26103/95, § 27, CEDH 1999-I ; Krombach c. France, arrêt du 13 février 2001, Recueil des arrêts et décisions 2001-II, § 82).

A. Sur l'irrecevabilité de l'opposition

Le Gouvernement expose que l'opposition, qui permet à une partie qui avait fait défaut de ramener l'affaire devant le même tribunal pour bénéficier de débats contradictoires, doit être faite par voie de signification par exploit d'huissier au ministère public et aux autres parties ou, lorsque la personne est détenue en Belgique et ne dispose pas des moyens financiers nécessaires, par déclaration au directeur de l'établissement pénitentiaire ou à son délégué. Selon l'article 187 du code d'instruction criminelle, le délai d'opposition est de quinze jours à partir du lendemain de la signification de la décision. Sauf en cas de force majeure, l'opposition signifiée après l'expiration de ce délai est irrecevable. Le Gouvernement rappelle également que, selon la jurisprudence de la Cour, le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu et la réglementation à respecter pour former un recours vise certes à assurer une bonne administration de la justice et le principe de sécurité juridique. En l'espèce, le requérant s'est contenté de former opposition par lettre recommandée, une forme non prévue par la loi, sans s'inquiéter davantage de la suite qui y serait réservée. Or, il n'était pas dans l'impossibilité absolue de former opposition dans les formes, comme l'a relevé la cour d'appel en considérant qu'il pouvait « faire appel à son conseil allemand, à son ancien conseil belge, solliciter d'urgence la désignation d'un avocat pro deo ou l'assistance judiciaire pour les frais d'opposition ».

Le requérant explique qu'il était incarcéré en Allemagne et n'était de ce fait pas détenteur de la somme nécessaire pour couvrir les frais d'un acte d'huissier de justice. Ne pouvant donc ni faire signifier son opposition ni faire une déclaration au directeur de l'établissement pénitentiaire puisque le directeur de l'institution allemande n'était pas habilité à recevoir pareille déclaration, il n'avait d'autre possibilité que de transmettre un courrier recommandé au procureur du Roi et ce courrier devait valoir déclaration d'opposition. Il précise que, du fait de son incarcération, il était indigent et se trouvait dans l'impossibilité de s'adresser à un avocat qu'il était tenu de rémunérer. On ne pouvait pas non plus raisonnablement attendre de lui qu'il demande le bénéfice de l'assistance judiciaire où d'un avocat pro deo alors que le ministère public qui avait reçu sa lettre d'opposition ne l'avait pas averti d'une telle possibilité avant les courriers des 26 mars et 18 juin 1998 et ce silence l'a conforté quant à la légalité et la régularité de son recours. Du fait de son incarcération à l'étranger, il ne pouvait pas non plus avoir accès au texte des articles 187 et 208 qui prescrivent que l'opposition doit se faire par exploit d'huissier. Enfin, vu que le délai d'opposition est de quinze jours à dater de la signification de l'arrêt par défaut, il est impensable que dans un délai aussi bref, un avocat pro deo allemand ait pu être désigné et renseigné sur la manière de diligenter une opposition conforme au prescrit légal.

La cour d'appel a non seulement refusé de recevoir l'opposition faite par lettre recommandée, mais elle a également déclaré tardive l'opposition formée par déclaration à la direction de l'établissement pénitentiaire d'Arlon le 16 septembre 1998, le privant ainsi de tout accès à cette juridiction. En restreignant de la sorte l'accès offert par la voie de l'opposition, les juridictions belges ont, de l'avis du requérant, limité son droit d'accès à un tribunal à un point tel que ce droit s'en trouve atteint dans sa substance même.

La Cour estime, à la lumière de l'ensemble des arguments des parties, que le grief soulève des questions sérieuses de fait et de droit au regard de la Convention, qui nécessitent un examen au fond. Elle conclut en conséquence qu'il n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Constatant par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur l'absence de comparution à l'audience de la cour d'appel de Liège du 17 juin 1994

Le Gouvernement soulève d'abord deux exceptions tirées du non-respect des prescriptions de l'article 35 § 1 de la Convention. Il expose que le grief relatif à l'absence d'une comparution personnelle lors des débats qui ont mené à l'arrêt du 30 juin 1994 a été introduit plus de six mois après la décision interne définitive qui est, en l'espèce, l'arrêt rendu par défaut le 30 juin 1994 et signifié le 4 août 1994. En effet, les oppositions introduites à l'encontre de cette décision étaient vouées à l'échec, puisque la première n'avait pas été introduite dans les formes légales et la seconde avait été introduite en dehors des délais légaux. En outre, le pourvoi introduit dans le cadre de la seconde opposition ne comportait qu'un seul moyen, totalement différent du présent grief, de sorte que la condition de l'épuisement des voies de recours internes n'est pas non plus remplie.

Le requérant, qui rappelle que le délai de six mois ne peut commencer à courir qu'à partir du moment où la personne intéressée a eu une connaissance effective et suffisante de la décision définitive, explique à cet égard que la question de la recevabilité de ses oppositions fait précisément l'objet de sa requête et que cette question est étroitement liée au bien-fondé du présent grief. Il fait valoir que ce n'est que le 16 septembre 1998 qu'il a pu constater qu'aucune suite n'avait été réservée à sa requête du 4 août 1994 et qu'il a, le jour même, introduit depuis la prison d'Arlon une nouvelle opposition finalement déclarée irrecevable le 4 novembre 1998. Le requérant relève par ailleurs qu'il a fait état de ce grief dans le mémoire déposé à l'appui de son pourvoi en cassation, dans le cadre des développements de son moyen.

La Cour constate que le présent grief se confond, sous certains aspects, avec celui examiné précédemment et ne saurait, dans ces conditions, être manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Par ailleurs, les questions qui doivent être résolues dans le cadre de l'examen des exceptions soulevées par le Gouvernement sont indissociablement liées à celle qui se pose dans le cadre de l'examen du bien fondé du grief dirigé contre l'irrecevabilité de l'opposition et la Cour relève que le présent grief ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. En conséquence, la Cour le déclare recevable.

2. Le requérant se plaint enfin d'avoir été condamné par le tribunal régional de Trêves et par la cour d'appel de Liège pour des faits en majorité identiques et commis pendant la même période. Il invoque une violation de l'article 14 § 7 du Pacte international des droits civils et politiques garantissant le principe non bis in idem.

La Cour rappelle qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur d'autres conventions ou traités internationaux que la Convention. Elle relève encore que la Belgique n'est pas partie au Protocole no 7 et que l'article 4 § 1 de ce Protocole ne garantit que le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois par les juridictions d'un même Etat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant d'une condamnation dans deux Etats différents.

Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejetée en application de l'article 35 § 4.

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,

Déclare recevables, tous moyens de fond réservés, les griefs fondés sur l'article 6 de la Convention, par lesquels le requérant dénonce l'irrecevabilité de l'opposition et le fait d'avoir été empêché de comparaître à l'audience de la cour d'appel de Liège du 17 juin 1994 ;

Déclare le restant de la requête irrecevable.

Søren Nielsen Christos Rozakis
Greffier Président