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Rozhodnutí
DEUXIEME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 12025/05
présentée par I. P.
contre la France
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 6 juillet 2006 en une chambre composée de :
MM. A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes E. Fura-Sandström,
D. Jočienė,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 21 mars 2005,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante, Mlle I. P., est une ressortissante française, née en 1964 et résidant à Marseille. Elle est représentée devant la Cour par M. P. Bernardet, sociologue résidant à La Fresnaye-Sur-Chedouet.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
La requérante est avocate.
A une date non précisée, elle a ouvert son cabinet et a emménagé au premier étage de la maison de ses parents. Il semble qu’au cours de l’année 2002, plusieurs disputes l’opposèrent à ceux-ci.
Le 12 août 2002, suite à une altercation, les gendarmes furent appelés et une information judiciaire ouverte à l’encontre de la requérante, qui fut mise en examen pour violences sur ascendants et placée sous contrôle judiciaire.
En novembre 2002, la requérante regagna le domicile familial, bien que le contrôle judiciaire le lui interdît.
En janvier 2003, suite à une nouvelle dispute et à l’intervention de la police, la requérante fut incarcérée pour violation du contrôle judiciaire, puis condamnée à six mois de prison et six mois de mise à l’épreuve avec obligation de soins.
En décembre 2003, la requérante retourna chez ses parents.
Le 30 décembre 2003, deux médecins, dont un psychiatre, l’examinèrent et établirent des certificats.
L’un d’entre eux releva notamment que :
« [la requérante] présente des troubles graves de la personnalité, compliqués d’un alcoolisme chronique qui a repris après une période d’incarcération de sept mois, consécutive à un jugement en correctionnelle pour des agressions physiques contre son père. (...)
Son état de santé nécessite une hospitalisation sans son consentement et impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier (...). La transformation de l’HDT[1] en HO[2] doit être envisagée après observation pour assurer les soins et le suivi. »
Le deuxième médecin indiqua notamment avoir constaté :
« des troubles du comportement avec agitation à son domicile sur un terrain d’alcoolisme connu et avéré. Elle a déjà été hospitalisée à la demande d’un tiers et a été condamnée à trois reprises pour violences envers ses parents. Son état de santé nécessite une hospitalisation sans son consentement et impose des soins immédiats, assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier (...). »
Le même jour, la requérante fut admise à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Marguerite à Marseille, à la demande d’un tiers, en l’occurrence son frère médecin.
Le certificat médical établi le 31 décembre 2003 indique notamment que :
« La patiente ne présente pas à l’entretien de symptomatologie délirante aiguë, toutefois la répétition de passages à l’acte hétéro-agressifs qui ont entraîné une incarcération, un suivi judiciaire et de nouveau un retour récent aux urgences sont autant d’éléments qui imposent un temps nécessaire d’observation et d’éclaircissement de la situation actuelle. Il semblerait que ces actes de violence surviennent dans le cadre d’ivresse pathologique.
A ce jour, il n’existe pas assez d’éléments pour pouvoir lever la contrainte de soins et prendre le risque d’un retour à domicile précipité. La mesure d’hospitalisation sous contrainte doit donc être momentanément gardée. »
Le 7 janvier 2004, la requérante bénéficia d’une sortie à l’essai.
Le 8 février 2004, deux médecins l’examinèrent et établirent des rapports.
L’un d’entre eux constata que :
« la patiente est agressive envers ses parents et agitée à son domicile après avoir bu beaucoup d’alcool. Elle est suivie en psychiatrie, a arrêté son traitement. Elle a déjà été incarcérée pour violence envers ses parents. Son état nécessite son hospitalisation sans son consentement et impose des soins immédiats, assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier à la demande d’un tiers (...). »
Un psychiatre de l’hôpital releva ce qui suit :
« Aux urgences, elle se montre réticente, refuse les soins, en particulier la prise de sang. Elle présente une labilité thymique, un déni du trouble, un trouble du jugement. Elle doit rester en observation et être réévaluée à distance de l’intoxication. Son état nécessite donc une hospitalisation sans son consentement et impose des soins immédiats, assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier (...). »
Le 10 février 2004, la requérante fut ré-hospitalisée. Le 11 février 2004, un psychiatre fit un nouveau certificat dans lequel il précisait :
« La patiente est à nouveau reçue dans des conditions similaires aux précédentes hospitalisations, elle est admise en état d’ivresse (qui n’a pu être objectivé cette fois-ci du fait du refus de la patiente de pratiquer un bilan sanguin), vraisemblablement après une altercation violente avec ses parents. Ces mêmes motifs ont justifié deux hospitalisations en HDT ainsi qu’une incarcération (...). Malgré les projets de suivi psychologique et la décision de déménagement qui avaient été décidés en accord avec la patiente lors de son dernier séjour, [la requérante] ne s’est présentée à aucun médecin psychiatre en libéral et n’est pas venue au rendez-vous fixé par son secteur. La patiente nie toute violence à l’encontre de ses parents et minimise ses conduites d’alcoolisation. A noter que nous avons pu recevoir des courriers itératifs de la part du frère et de la sœur de la patiente nous faisant part de la gravité de la situation et des possibles risques d’une sortie prématurée. L’HDT est maintenue ce jour et au vu de ces différents éléments, nous déciderons dans les jours à venir s’il y a lieu de transformer l’hospitalisation en HDT en hospitalisation d’office. »
Sur demande d’un médecin de l’hôpital, le préfet des Bouches-du-Rhône prit le 20 février 2004 un arrêté ordonnant l’hospitalisation d’office de la requérante.
Par arrêté du 17 mars 2004, le préfet prorogea la mesure pour une durée de trois mois.
Une sortie à l’essai fut accordée le 19 mai 2004 et la requérante réintégra l’hôpital le 9 juin suivant.
Par arrêté du 17 juin 2004, le préfet prorogea la mesure pour une durée de six mois maximum.
Dans l’intervalle, une avocate avait saisi le juge des libertés et de la détention (JLD) d’une demande de sortie immédiate, en application de l’article L 3211-12 du code de la santé publique.
Par ordonnance du 29 juillet 2004, le JLD désigna deux médecins experts pour examiner la requérante. Les experts devaient déposer leurs rapports avant le 29 septembre 2004.
Le même jour, la requérante bénéficia d’une sortie à l’essai, mais elle dut réintégrer l’hôpital le 28 septembre 2004, sans raison apparente, selon elle.
Le 13 août 2004, elle saisit le tribunal administratif d’une requête en annulation de l’arrêté de maintien en hospitalisation d’office du 17 juin 2004.
Le 6 octobre 2004, l’un des médecins désignés par le JLD rendit son rapport. Il concluait :
« En définitive, d’après l’examen de ce jour et les données en notre possession, il semblerait que [la requérante] ait présenté dans le passé et encore récemment, un comportement d’alcoolisation compulsive, compensant, d’après ce qu’elle exprime, face à des situations difficiles au plan existentiel, ou de stress d’une manière plus générale. Dans ce sens, on observera que le traitement psychotrope hospitalier de l’intéressée comportait simplement pour le dernier séjour, un anxiolytique et un antidépresseur, et pour les deux séjours précédents : un anxiolytique en monothérapie. (...) [La requérante] ne présente pas actuellement de caractère de dangerosité rendant encore nécessaire le maintien de son placement. »
Le même jour, la requérante fut à nouveau mise en sortie à l’essai.
Le 18 octobre 2004, un médecin de l’hôpital Sainte-Marguerite sollicita l’abrogation de l’arrêté initial d’hospitalisation d’office.
Le 19 octobre 2004, le deuxième médecin désigné par le JLD rendit son rapport dans lequel il était notamment relevé :
« Il n’y a pas de troubles délirants ou hallucinatoires. Il n’existe pas de troubles du sommeil. (...) L’alcoolisation apparaît comme une conduite de compensation face à une situation familiale difficile vis-à-vis de laquelle elle adoptait une position immature et de dépendance. A ce jour, elle a pris conscience de la nécessité de se séparer de son milieu familial et habite indépendamment de ses parents. Elle reconnaît partiellement son alcoolisme. Elle accepte les soins qui lui sont proposés. Au jour de l’examen, elle n’est ni délirante, ni dépressive, le discours est aisé et facile. Elle ne présente pas au jour de l’examen une dangerosité psychiatrique pouvant porter atteinte à l’ordre public ou à la sûreté des personnes. Elle n’a pas d’idées suicidaires. »
La mesure fut levée le 21 octobre 2004 par le préfet.
Le 17 novembre 2004, le JLD, constatant la levée de la mesure, radia l’affaire du rôle.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
Code de la santé publique
Article L. 3211-12
« Une personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles mentaux, son tuteur si elle est mineure, son tuteur ou curateur si, majeure, elle a été mise sous tutelle ou en curatelle, son conjoint, son concubin, un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du malade et éventuellement le curateur à la personne peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le président du tribunal de grande instance du lieu de la situation de l’établissement qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire et après les vérifications nécessaires, ordonne, s’il y a lieu, la sortie immédiate.
(...) »
Nota : Loi 2000-516 2000-06-15 art. 49 XI : modifie l’article L351 du code de la santé publique : Dans le premier alinéa, le mot "président" est remplacé par les mots "juge des libertés et de la détention" ; au début du dernier alinéa, les mots "Le président du tribunal de grande instance" sont remplacés par les mots "Le juge des libertés et de la détention". Cette modification n’a pas été insérée dans la rédaction du nouvel article L3211-12 du code de la santé publique (ancien L351), issu de l’ordonnance 2000-548 du 15 juin 2000.
Article L. 3213-1
« A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l’Etat prononcent par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, l’hospitalisation d’office dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l’hospitalisation nécessaire (...) »
Article L3213-3
« Dans les quinze jours, puis un mois après l’hospitalisation et ensuite au moins tous les mois, le malade est examiné par un psychiatre de l’établissement qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s’il y a lieu, les observations contenues dans le précédent certificat et précisant notamment les caractéristiques de l’évolution ou la disparition des troubles justifiant l’hospitalisation. Chaque certificat est transmis au représentant de l’Etat dans le département et à la commission mentionnée à l’article L. 3222-5 par le directeur de l’établissement. »
Article L3213-4
« Dans les trois jours précédant l’expiration du premier mois d’hospitalisation, le représentant de l’Etat dans le département peut prononcer, après avis motivé d’un psychiatre, le maintien de l’hospitalisation d’office pour une nouvelle durée de trois mois. Au-delà de cette durée, l’hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l’Etat dans le département pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités.
Faute de décision du représentant de l’Etat à l’issue de chacun des délais prévus à l’alinéa précédent, la mainlevée de l’hospitalisation est acquise.
Sans préjudice des dispositions qui précèdent, le représentant de l’Etat dans le département peut à tout moment mettre fin à l’hospitalisation après avis d’un psychiatre ou sur proposition de la commission mentionnée à l’article L. 3222-5. »
Voies de recours
Il existe en droit français une double compétence juridictionnelle en matière d’internement psychiatrique. En ce qui concerne l’appréciation de la régularité de l’internement et la réparation éventuelle à accorder, dans un arrêt du 17 février 1997, le Tribunal des conflits a énoncé comme suit la nouvelle répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions :
« Considérant que [M.], qui a fait l’objet d’une mesure de placement d’office au centre hospitalier (...) en application d’un arrêté du maire de Tarbes en date du 18 mai 1988 et d’un arrêté du Préfet des Hautes Pyrénées en date du 3 juin 1988, a, après que le tribunal administratif de Pau a, par un jugement du 1er février 1993, annulé lesdits arrêtés pour défaut de motivation, demandé au tribunal de grande instance de Paris de condamner solidairement l’agent judiciaire du Trésor, le centre hospitalier (...) et la commune de Tarbes à la réparation du préjudice subi (...) ;
Considérant que si l’autorité judiciaire est seule compétente, en vertu des articles L. 333 et suivants du code de la santé publique, pour apprécier la nécessité d’une mesure de placement d’office en hôpital psychiatrique et les conséquences qui peuvent en résulter, il appartient à la juridiction administrative d’apprécier la régularité de la décision administrative qui ordonne le placement ; que lorsque cette dernière s’est prononcée sur ce point, l’autorité judiciaire est compétente pour statuer sur les conséquences dommageables de l’ensemble des irrégularités entachant la mesure de placement d’office ;
Considérant qu’il suit de là (...) [que] la réparation du préjudice subi du fait de la décision contestée relevait de l’autorité judiciaire (...). »
GRIEFS
1. La requérante estime que son internement était illégal et injustifié. Elle se plaint d’une violation de l’article 5 § 1 e) de la Convention
2. La requérante se plaint également du fait que le manque d’information ne lui a pas permis de saisir le juge rapidement d’une demande de sortie immédiate. Elle invoque l’article 5 § 2 de la Convention.
3. La requérante invoque encore l’article 5 § 4 de la Convention. Elle expose que les délais pris par le JLD pour fixer la première audience, puis pour réexaminer l’affaire après le dépôt des rapports d’expertise, de même que le délai fixé aux experts pour déposer lesdits rapports ne correspondent pas à l’exigence de bref délai de cette disposition.
4. La requérante invoque encore l’article 5 § 5 de la Convention. Selon elle, il n’existe aucune décision en droit interne accordant une indemnisation pour non respect du « bref délai » prévu par l’article 5 § 4.
5. Sous l’angle de l’article 6 § 1, la requérante se plaint de ce qu’en ordonnant une expertise et en différant de plusieurs mois sa décision, le JLD n’a pas assuré l’équité et le caractère contradictoire de la procédure. Elle estime que, puisque l’autorité préfectorale ne s’y opposait pas, le JLD aurait dû ordonner sa sortie immédiate.
6. La requérante invoque la violation de l’article 8 dans la mesure où son internement l’aurait empêchée de reprendre sa profession d’avocat.
7. La requérante allègue encore que l’article 18 de la Convention a été violé dans la mesure où les restrictions apportées à sa liberté n’ont pas été appliquées dans le but pour lequel elles étaient prévues.
8. La requérante invoque enfin l’article 13 de la Convention du fait qu’il n’existe aucun recours en droit interne permettant de faire cesser la violation de l’article 5 §§ 2 et 4.
EN DROIT
1. La requérante estime que son internement était dépourvu de base légale et injustifié. Elle se plaint d’une violation de l’article 5 § 1 e) de la Convention qui dispose :
« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...)
e. s’il s’agit de la détention régulière (...) d’un aliéné, (...) »
La Cour rappelle, comme l’a fait le Tribunal des conflits dans son arrêt du 17 février 1997, que le droit français prévoit deux types de recours pour apprécier la régularité d’un internement psychiatrique : un recours devant le juge judiciaire pour évaluer le bien-fondé de la mesure d’internement et accorder réparation en cas d’internement injustifié et un recours devant le juge administratif pour apprécier la régularité externe des décisions administratives d’internement et réparer les éventuelles fautes de l’administration.
En l’espèce, la Cour relève que la requérante n’a introduit aucune action devant le juge judiciaire pour contester le bien-fondé de son internement et demander d’éventuels dommages-intérêts. Elle observe à cet égard que l’action en sortie immédiate devant le juge des libertés et de la détention (article L. 3211-12 du Code de la santé publique) n’a pas pour objet d’apprécier la nécessité de la décision initiale d’internement, mais de déterminer si la personne internée doit ou non être libérée, au vu de son état au jour de la saisine du juge (voir mutatis mutandis L.R. c. France (déc.), no 33395/96, 19 juin 2001, D.M. c. France (déc.), no 41376/98, 26 juin 2001 et Laidin c. France (déc.), no 43191/98, 8 janvier 2002).
Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour non épuisement des voies de recours internes conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
2. La requérante se plaint également du fait que le manque d’information ne lui a pas permis de saisir le juge rapidement d’une demande de sortie immédiate. Elle invoque l’article 5 § 2 de la Convention qui dispose :
« Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle. »
La Cour constate sur ce point que la requérante n’a pas soumis aux juridictions administratives le grief qu’elle soulève devant la Cour, alors que celles-ci étaient compétentes pour statuer sur un éventuel manquement aux prescriptions de l’article 5 §§ 1 et 2 de la Convention (voir décisions L.R., D.M. et Laidin précitées).
Il s’ensuit que cette partie de la requête doit aussi être rejetée pour non épuisement des voies de recours internes conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
3. La requérante invoque encore l’article 5 § 4 de la Convention. Elle expose que les délais de la procédure ne correspondent pas à l’exigence de « bref délai » de cette disposition qui stipule :
« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
En l’état actuel du dossier, la Cour n’est pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et estime nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du gouvernement défendeur, sous l’angle de l’article 5 §§ 2 et 4 et en application de l’article 54 § 2 b) du règlement de la Cour.
4. La requérante invoque encore l’article 5 § 5 de la Convention. Selon elle, il n’existe aucune décision en droit interne accordant une indemnisation pour non respect du « bref délai » prévu par l’article 5 § 4. L’article 5 § 5 se lit :
« Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »
La Cour rappelle la jurisprudence selon laquelle l’article 5 § 5 précité « se trouve respecté dès lors que l’on peut demander réparation du chef d’une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4 » (Wassink c. Pays-Bas, arrêt du 27 septembre 1990, série A no 185‑A, p. 14, § 38).
Elle relève en outre que la requérante n’a présenté aucune requête en indemnisation devant les juridictions internes et n’a donc pas utilisé les voies de recours à sa disposition en droit interne.
La Cour observe que, jusqu’à l’arrêt du Tribunal des Conflits du 17 février 1997, tant le juge administratif que le juge judiciaire pouvaient accorder réparation des irrégularités qu’ils constataient. Depuis cet arrêt, tout le contentieux de la réparation est de la compétence du juge judiciaire. La Cour estime que si cette décision a effectivement modifié la répartition des compétences entre juridictions judiciaire et administrative, elle a simplifié le système antérieur en permettant aux intéressés de ne s’adresser désormais qu’à un seul juge pour être indemnisés.
Dès lors, la Cour est d’avis que le droit français assure la jouissance effective du droit garanti par l’article 5 § 5 précité avec un degré suffisant de certitude (Lutz c. France (déc.), no49531/99, 30 avril 2002).
Il s’ensuit que ce grief doit dès lors être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
5. Sous l’angle de l’article 6 § 1, la requérante se plaint de ce qu’en ordonnant une expertise et en différant de plusieurs mois sa décision, le JLD n’a pas assuré l’équité et le caractère contradictoire de la procédure. Elle estime que, puisque l’autorité préfectorale ne s’y opposait pas, le JLD aurait dû ordonner sa sortie immédiate.
La Cour observe tout d’abord qu’il s’agit en l’occurrence d’une procédure visant à obtenir, à bref délai, une décision sur la régularité de la privation de liberté de l’intéressée et à y mettre fin le cas échéant. Dans ces conditions, la Cour considère qu’il y a lieu d’examiner ces griefs sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention, qui constitue en l’espèce la lex specialis, et renvoie au point 3 ci-dessus en ce qui concerne la durée de la procédure (Duveau et autres c. France (déc.), no 77403/01, 5 novembre 2002).
Pour le reste, la Cour rappelle que, si la procédure au titre de l’article 5 § 4 ne doit pas toujours s’accompagner de garanties identiques à celles que l’article 6 § 1 prescrit pour les procès civils ou pénaux (arrêt Megyeri c. Allemagne du 12 mai 1992, série A no 237-A, p. 11, § 22), il faut qu’elle revête un caractère judiciaire et offre des garanties appropriées aux types de privation de liberté en question (Duveau et autres c. France (déc.), no 77403/01, 14 décembre 2004).
En particulier, il faut que l’intéressé ait accès à un tribunal et l’occasion d’être entendu lui-même ou, au besoin, moyennant une certaine forme de représentation. Le procès doit être contradictoire et garantir dans tous les cas « l’égalité des armes » entre les parties (Nikolova c. Bulgarie, [GC], no 31195/96, §58, CEDH 1999-II).
Il ressort clairement du dossier – et il n’est pas contesté en l’espèce – que la requérante a eu accès à un tribunal devant lequel elle était représentée par un avocat. Par ailleurs, les pièces, et notamment les rapports d’expertise, ont été dûment mis à sa disposition et à celle de son conseil.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
6. La requérante invoque la violation de l’article 8 dans la mesure où son internement l’a empêchée de reprendre sa profession d’avocat.
La Cour relève que ce grief n’est nullement étayé et qu’aucun élément du dossier ne permet d’attester de la réalité de la violation alléguée.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
7. La requérante allègue encore que l’article 18 de la Convention a été violé dans la mesure où les restrictions apportées à sa liberté n’ont pas été appliquées dans le but pour lequel elles étaient prévues. Cette disposition se lit :
« Les restrictions qui, aux termes de la présente Convention, sont apportées auxdits droits et libertés ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues. »
La Cour rappelle que l’article 18 de la Convention n’a pas un rôle indépendant ; il ne peut être appliqué que conjointement à d’autres articles de la Convention. Il peut toutefois y avoir violation de l’article 18 conjointement à un autre article sans pour autant qu’il y ait violation de cet article en soi. Il découle en outre des termes de l’article 18 qu’il ne saurait y avoir violation que si le droit ou la liberté en question est soumis aux restrictions autorisées par la Convention (Oates c. Pologne (déc.), no 35036/97, 11 mai 2000 et Goussinski c. Russie, no 70276/01, §§ 73-74, CEDH 2004‑IV).
La Cour constate qu’il ne ressort pas des documents du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que la privation de liberté qui a été infligée à la requérante l’ait été dans un autre but que celui prévu à l’article 5 § 1 e) de la Convention.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
8. Finalement, la requérante invoque l’article 13 de la Convention du fait qu’il n’existe aucun recours en droit interne permettant de faire cesser la violation de l’article 5 §§ 2 et 4.
La Cour rappelle, en premier lieu, que pour le grief qu’elle examine sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention, cette disposition doit être considérée comme lex specialis et que l’article 13 ne trouve donc pas à s’appliquer. Elle relève par ailleurs que le grief tiré de la violation de l’article 5 § 2 de la Convention est irrecevable. Elle rappelle que le droit reconnu par l’article 13 de la Convention ne peut être exercé que pour un grief défendable (voir notamment Laidin c. France (déc.), no 43191/98, 24 août 1999, et L.R., décision précitée).
Il s’ensuit que ce grief doit être déclaré irrecevable, car manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief de la requérante tiré de la durée de l’examen de sa demande de sortie immédiate ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
S. Dollé A.B. Baka Greffière Président
[1] Hospitalisation ??
[2] Hospitalisation d’office