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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE UÇKAN c. TURQUIE
(Requête no 42594/98)
ARRÊT
STRASBOURG
22 juin 2006
DÉFINITIF
22/09/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Uçkan c. Turquie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
L. Caflisch,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
Mme A. Gyulumyan,
M. David Thór Björgvinsson, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juin 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 42594/98) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Esat Uçkan (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 7 juillet 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, est représenté par Me I. Gül Kireçkaya, avocate à Izmir. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent aux fins de la présente procédure.
3. Le requérant alléguait une violation de l’article 3 de la Convention, du fait de mauvais traitements infligés lors de sa garde à vue ainsi que du caractère ineffectif de l’instruction pénale menée contre les présumés responsables. Invoquant l’article 6 § 1, il déplorait en outre la présence d’un magistrat militaire au sein de la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir, qui l’avait jugé puis condamné.
4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole no 11) puis attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.
5. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
6. Par une décision du 13 janvier 2005, la chambre a déclaré la requête recevable.
7. Le requérant a déposé des observations écrites complémentaires (article 59 § 1 du règlement), mais non le Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
8. Le requérant est né en 1959. A l’époque des faits, il était détenu dans la maison d’arrêt de Bergama.
A. L’arrestation et la mise en garde à vue du requérant
9. Le 28 mars 1997, soupçonné d’appartenir à une organisation armée illégale, le DHKP/C (Parti/front révolutionnaire de libération du peuple), et d’être impliqué dans des attentats à la bombe, le requérant fut arrêté et placé en garde à vue dans les locaux de la section anti-terroriste de la direction de sûreté d’İzmir (« la direction »).
Le procès-verbal d’arrestation indique qu’en voulant fuir, le requérant s’est légèrement blessé à la joue droite.
10. Le même jour, le requérant fut conduit à l’hôpital civil de Manisa (« l’hôpital ») où il refusa d’être examiné en présence de policiers.
11. Lors des interrogatoires à la direction, le requérant fit valoir son droit au silence et entama une grève de la faim.
12. Le 29 mars 1997, le requérant fut réaccompagné à l’hôpital. Il s’opposa de nouveau à tout examen médical, pour le même motif.
13. Le lendemain, les interrogateurs du requérant durent le conduire aux urgences de l’hôpital pour une transfusion sanguine ; car il avait commencé à uriner du sang, prétendument du fait des violences infligées jusqu’alors.
Le rapport médical préliminaire rédigé en conséquence, fit état de ce qui suit :
« (...) une sonde urinaire a été posée. On constate des égratignures superficielles croûteuse de 2x2 cm sur la région zygomatique et de 2x2 cm sur la paupière droite, un hématome de 1.5x2 cm sur la paupière gauche, deux égratignures superficielles (croûteuses) au niveau du front à la limite du cuir chevelu, une ecchymose de 1x1 cm sur le côté droit du nez, une ecchymose (...) de 10x7 cm, partiellement croûteuse (...) sur la face externe de la région crurale (droite), une ecchymose de 3x4 cm au milieu de la face interne de la région crurale gauche, une égratignure superficielle de 2x2 cm ainsi qu’une ecchymose (...) sur le genou gauche, des ecchymoses sur les (...) orteils du pied droit et sur les 3e et 4e orteils du pied gauche (...), deux blessures croûteuses distantes de 1 cm sur la cheville gauche et une blessure croûteuse sur le pied droit. On observe, en outre, une hypersensibilité au niveau des deux seins et du scrotum, marqués par des zones ecchymotiques (de couleur mauve) (...) »
Le médecin précisa que les jours de l’intéressé n’étaient pas en danger et que le rapport définitif était à établir par l’Institut médico-légal.
14. Le 31 mars 1997, au terme de sa garde à vue, le requérant fut d’abord conduit au centre de soins médicaux de Manisa. Il déclara au médecin avoir été battu et électrocuté tout au long de sa garde à vue. Dans son rapport, celui-ci indiqua avoir constaté chez le sujet des écorchures superficielles et des ecchymoses sur les jambes, sur le front et sur les joues ainsi qu’une hypersensibilité aux niveau des testicules.
Le médecin lui prescrivit un arrêt sept jours.
15. Immédiatement après, le requérant comparut devant le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir (« la cour de sûreté de l’Etat ») ensuite, devant un juge assesseur de cette juridiction, lequel ordonna son placement en détention provisoire.
16. Ainsi, le requérant fut transféré à la maison d’arrêt de Bergama, où il fut réexaminé par le médecin de l’établissement qui releva l’existence d’écorchures et d’ecchymoses au niveau du dos, de la taille, des deux pieds et de la jambe gauche. Il observa, en outre, une hématurie et un état œdémateux au niveau des testicules et du scrotum. Aussi, prescrivit-il un arrêt de dix jours.
B. La mise en examen des présumés tortionnaires du requérant
17. Le 2 avril 1997, le requérant porta plainte auprès du procureur de la République de Manisa (« le procureur ») contre les policiers responsables de sa garde à vue qu’il accusa de l’avoir torturé afin de lui extorquer des aveux.
18. Le 3 juin 1997, le procureur rendit une ordonnance de non-lieu. Il précisa que, lors de son arrestation, le requérant avait tenté de fuir du bâtiment dans lequel il se cachait, en passant par une petite fenêtre des toilettes. Le requérant s’était assurément blessé à ce moment-là. Rappelant par ailleurs le refus du requérant de subir des examens médicaux avant et lors de sa garde à vue. Enfin, le procureur reprocha au requérant d’avoir omis de faire part au parquet de la cour de sûreté de l’Etat des prétendus mauvais traitements, soulignant du reste, qu’il était monnaie courante que les membres de DHKP-C déposent des plaintes fallacieuses afin d’intimider les forces de l’ordre.
19. Le requérant forma opposition contre cette décision devant le président de la cour d’assises d’İzmir (« le président »).
Le 25 juillet 1997, celui-ci accueillit le recours et retourna le dossier au juge de paix de Manisa pour qu’une instruction complémentaire soit entamée.
20. Le 6 octobre 1997, à la demande du juge de paix, l’Institut médico‑légal émit un avis consultatif selon lequel les nombreuses blessures constatées sur le corps du requérant, remontant apparemment à quelques jours avant le dépôt du rapport médical du 30 mars 1997, n’étaient pas susceptibles d’être expliquées par un simple passage par une fenêtre, aussi étroite soit-elle.
Le 18 novembre 1997, s’appuyant sur ces éléments, le procureur de la République auprès de la cour d’assises d’İzmir émit l’avis que le non-lieu attaqué devait être annulé.
Sur ce, le 3 décembre 1997, l’avocat du requérant saisit l’Ordre des médecins d’İzmir afin de faire établir l’origine des blessures en question.
21. Or, le 28 janvier 1998, le président rejeta l’opposition du requérant au motif que les faits dénoncés en l’espèce n’étaient attribués à aucune personne précise et que, du reste, l’avis consultatif de l’Institut médico-légal n’avait aucun poids déterminant, car basé sur une hypothèse.
Cette décision fut notifiée au conseil du requérant le 18 février 1998 et, ainsi, l’ordonnance du 3 juin 1997 devint définitive.
22. Le 14 février 1998, le requérant déposa alors une seconde plainte formelle. Réitérant ses allégations originelles, il cita cette fois-ci les noms de onze policiers de la direction.
Les 19, 20 mars, et 5 mai 1998, le procureur interrogea les policiers mis en cause qui nièrent catégoriquement les accusations.
23. Le 12 mai 1998, le procureur classa la seconde plainte du requérant sans suite, au motif qu’elle ne contenait aucun élément nouveau.
L’ordonnance y afférente fut notifiée au requérant le 12 juin 1998, qui forma derechef opposition.
Le président rejeta ce recours le 16 juin 1998.
24. Le 25 mai 1998, les experts de l’Ordre des médecins d’İzmir transmirent l’avis commandé, d’après lequel, les symptômes décelés au niveau du visage, de la poitrine et des testicules du requérant corroboraient ses allégations de mauvais traitements.
C. La procédure pénale diligentée contre le requérant
25. Le 2 avril 1997, le requérant fut mis en accusation devant la cour de sûreté de l’Etat pour appartenance à une organisation armée illégale.
26. Le 20 novembre 1997, il fut déclaré coupable de ce chef et condamné à une peine d’emprisonnement de quatorze ans et sept mois.
27. Sur pourvoi du requérant, la Cour de cassation confirma ce jugement le 29 septembre 1998.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
28. Les dispositions pertinentes du droit turc concernant la poursuite des actes de mauvais traitements commis par des agents de l’Etat et les voies de réparation disponibles en la matière sont exposées, entre autres, dans la décision Şahmo c. Turquie (no 37415/97, l avril 2003).
29. Quant aux cours de sûreté de l’Etat, l’article 5 de la loi no 2845 en vigueur à l’époque des faits, prévoyait que l’un des trois juges siégeant au sein de ces juridictions soit un juge militaire (voir Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV, pp. 1557-1560, §§ 26‑29). Depuis la réforme législative du 22 juin 1999, aucun magistrat militaire ne siège dans ces juridictions, lesquelles ont finalement été abolies en 2004.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
30. Le requérant allègue avoir été battu, électrocuté et arrosé d’eau froide tout au long de sa garde à vue par les policiers qui voulaient lui extorquer des aveux. Par ailleurs, il déplore en substance le caractère expéditif des instructions pénales initiées contre ses tortionnaires.
Il invoque, à cet égard, l’article 3 de la Convention, qui se lit ainsi :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Arguments des parties
31. Le Gouvernement s’en tient aux conclusions auxquelles sont parvenus les magistrats appelés à connaître des plaintes du requérant. Il invite la Cour à s’en tenir, à l’instar de ceux-ci, à l’absence de preuves concluantes susceptibles d’appuyer les griefs du requérant.
32. Le requérant répond que le dossier continue à souffrir d’une pénurie en ce qui concerne les éléments et arguments propres à expliquer les traces de violences constatées en l’espèce, et encore moins la raison pour laquelle il a dû être hospitalisé à trois reprises pendant sa garde à vue, s’il n’avait subi que la petite lésion invoquée dans le procès-verbal de l’arrestation.
B. Appréciation de la Cour
33. La Cour prend note de l’ensemble des séquelles constatées sur le corps du requérant, pendant une période allant du début de sa garde à vue (paragraphes 13 et 14 ci-dessus) jusqu’à quelques semaines après son placement en détention provisoire (paragraphes 14 et 24 ci-dessus).
34. L’intéressé n’ayant été soumis, immédiatement après son arrestation, à aucun examen médical digne de ce nom, il serait difficile de prétendre que les faits à l’origine de ces blessures puissent remonter à une période antérieure à cette mesure.
Il appartenait donc au Gouvernement de fournir une explication plausible sur les origines de ces séquelles et de produire des preuves établissant les faits susceptibles de mettre en doute les allégations du requérant (voir, parmi d’autres, Hassan Kılıç c. Turquie, no 35044/97, § 39, 28 juin 2005), étant entendu que la simple mention d’une blessure à la joue, qui figure sur le procès-verbal du 28 mars 1997, n’a guère de poids à cet égard (paragraphe 19 ci-dessus).
35. Or, l’ultime argumentation du Gouvernement, qui fait siens les motifs ayant conduit les autorités judiciaires à disculper les policiers mis en cause (paragraphe 31 ci-dessus), ne convainc pas la Cour : avant tout parce qu’un non-lieu rendu à l’encontre d’un présumé tortionnaire ne dégage pas l’Etat défendeur de sa responsabilité, au regard de l’article 3, de rendre compte du traitement réservé aux individus placés sous son contrôle ; ensuite, parce que, eu égard à cette responsabilité, les magistrats ne peuvent se retrancher derrière des hypothèses, telles que celle affirmant qu’il serait monnaie courante que des accusés comme le requérant aient recours à des plaintes fallacieuses dans le seul but d’intimider les forces de l’ordre (paragraphe 18 ci-dessus – voir, mutatis mutandis, ibidem, § 39 et les références qui y figurent).
36. Au vu de l’ensemble des éléments soumis à son appréciation et de l’absence d’une quelconque explication plausible de la part du Gouvernement, force est de conclure que les séquelles constatées dans les différents rapports médicaux versés au dossier ont pour origine un traitement dont l’Etat porte la responsabilité.
37. Partant, la Cour conclut qu’il y a eu violation matérielle de l’article 3 de la Convention, le requérant ayant subi un traitement inhumain et dégradant.
38. Eu égard à ce constat, elle estime ne pas devoir vérifier au surplus, sous l’angle procédural de cette disposition, la question de l’insuffisance des investigations pénales menées en l’espèce.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
A. Arguments des parties
39. Le requérant soutient qu’en raison de la présence d’un juge militaire en son sein, la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir qui l’a jugé et condamné ne pouvait passer pour un tribunal indépendant et impartial, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé en ses parties pertinentes :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
40. Le Gouvernement conteste cette thèse. Il invite la Cour à étudier attentivement la législation en vigueur à l’époque concernant le fonctionnement des cours de sûreté de l’Etat, et affirme que ces juridictions satisfaisaient pleinement aux exigences de l’article 6 § 1.
41. Le requérant rétorque notamment que les réformes progressives effectuées par le législateur turc face aux cours de sûreté de l’Etat dénotent en soi une reconnaissance de la véracité du problème posé en l’espèce.
B. Appréciation de la Cour
42. La Cour ne voit aucune raison de distinguer le cas d’espèce des nombreuses affaires soulevant la question identique et qui ont aboutit à un constat de violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, Biyan c. Turquie, no 56363/00, §§ 49-50, 3 février 2005), d’autant moins que le Gouvernement n’a pas été en mesure de lui soumettre des arguments nouveaux qui justifient qu’on se départe de pareille solution.
Pour les motifs déjà indiqués à maintes reprises (pour les principes, voir Incal, précité), la Cour conclut que les doutes nourris par le requérant quant à l’indépendance et à l’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir pouvaient passer pour objectivement justifiés.
43. Il y a donc eu en l’espèce, violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
44. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
45. Le requérant ne réclame aucun dédommagement matériel. En revanche il allègue avoir subi un préjudice moral qu’il évalue à 40 000 euros (EUR), en raison des circonstances ayant entraîné la violation de l’article 3 de la Convention, et à 10 000 EUR, pour le procès inéquitable dont il a été l’objet.
46. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
47. La Cour estime que, pour ce qui est de la condamnation du requérant par une cour de sûreté de l’Etat, le constat de violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante pour le préjudice moral allégué (Biyan, précité, § 58), nonobstant le fait que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, un nouveau procès ou une réouverture de la procédure, à la demande de l’intéressé, représente en principe un moyen approprié de redresser la violation constatée (Öcalan c. Turquie [GC], no 46221/99, § 210, CEDH 2005‑...).
Cela dit, statuant en équité comme le veut l’article 41 de la Convention, la Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 10 000 EUR pour le préjudice moral en raison des mauvais traitements infligés lors de sa garde à vue.
B. Frais et dépens
48. Le requérant demande 5 500 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et la Cour.
49. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
50. La Cour rappelle qu’au regard de l’article 41 de la Convention, seuls peuvent être remboursés les frais dont il est établi qu’ils ont été réellement exposés et qu’ils sont d’un montant raisonnable (Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 79, CEDH 1999-II). Le requérant n’ayant produit ni justificatifs ni notes concernant ses prétentions, la Cour ne saurait donc les accueillir en tant que telles. Il n’en reste pas moins qu’aux fins de la préparation de la présente affaire, le requérant a dû encourir certains frais non couverts par la somme de 630 EUR, versée par le Conseil de l’Europe au titre de l’assistance judiciaire.
Dès lors, la Cour juge raisonnable d’octroyer 1 500 EUR pour frais et dépens (voir Hassan Kılıç, précité, § 60).
C. Intérêts moratoires
51. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l’UNANIMITÉ,
1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention, sous son volet substantiel ;
2. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner l’affaire sous l’angle procédural de l’article 3 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit que le constat d’une violation de l’article 6 § 1 fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi de ce chef par le requérant ;
5. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif, les sommes suivantes à convertir en nouvelles livres turques, au taux applicable à la date du règlement :
i. 10 000 EUR (dix mille euros) pour dommage moral ;
ii. 1 500 EUR (mille cinq cents euros) pour frais et dépens, moins les 630 EUR (six cent trente euros) perçus du Conseil de l’Europe par la voie d’assistance judiciaire ;
iii. tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur lesdites sommes ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juin 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président