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TROISIÈME SECTION
AFFAIRE KÖYLÜOĞLU c. TURQUIE
(Requête no 45742/99)
ARRÊT
STRASBOURG
22 juin 2006
DÉFINITIF
22/09/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Köylüoğlu c. Turquie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
L. Caflisch,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
E. Myjer, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juin 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45742/99) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Muhittin Köylüoğlu (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 6 septembre 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par Me Erol, avocat à İstanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.
3. Le 27 avril 2000, la Cour (première section) a déclaré la requête partiellement irrecevable et a décidé de communiquer les griefs tirés des articles 3 et 13 au Gouvernement.
4. Les 1er novembre 2001 et 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
5. Se prévalant de l’article 29 § 3, la Cour a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6. Le requérant, avocat, fondateur et membre de plusieurs associations de défenses des droits de l’homme, fut arrêté lors d’un contrôle d’identité dans un café situé en face de son bureau, le 7 février 1998, vers 21 heures.
7. Le même jour, alors qu’il était entendu en tant que prévenu, le requérant porta plainte auprès du procureur de la République de Fatih contre les fonctionnaires de police responsables de son arrestation, A.U., E.Z. et Y.D., en alléguant que ceux-ci lui avaient infligé des mauvais traitements. Il soutint notamment que les policiers l’avaient frappé à la tête et menacé de mort, et qu’ils avaient pris la somme d’argent qui se trouvait dans son portefeuille.
8. Toujours le 7 février 1998, les trois policiers mis en cause déposèrent chacun une plainte contre le requérant. Dans leurs plaintes au contenu identique, ils affirmèrent :
« (...) lors du contrôle, l’intéressé a refusé de présenter sa pièce d’identité et nous a demandé de présenter les nôtres. Bien que nous l’ayons fait, il n’a pas voulu présenter sa carte d’identité en nous disant ‘vous n’avez pas le droit de me la demander, pour qui vous prenez-vous, savez-vous qui je suis, vous êtes des policiers fascistes !’ Il nous a insultés et a craché sur nous, devant tout le monde. Alors nous l’avons pris par les bras et l’avons emmené au commissariat de Şehremini. Je demande la poursuite pénale de l’intéressé pour avoir résisté à notre autorité et nous avoir publiquement injuriés. »
9. Dans la nuit du 7 février 1998, le requérant fut d’abord examiné par le médecin de l’hôpital public de Haseki, qui constata une sensibilité dans la région de l’oreille droite et conseilla une consultation en neurologie et en O.R.L. Il fut ensuite examiné par le médecin de l’Institut médico-légal de Fatih, dont le rapport fit état d’une enflure de deux centimètres sur la région occipitale gauche ainsi que d’une sensibilité et d’une enflure sur l’oreille droite. Le médecin précisa que les jours de l’intéressé n’étaient pas en danger et prescrivit un arrêt de travail d’un jour.
10. Le requérant fut relâché dans la matinée du 8 février 1998, sur l’instruction du procureur de la République en chef, après qu’une attestation de l’Ordre des avocats fut parvenue au commissariat de Şehremini et à condition que l’intéressé s’engageât à faire sa déposition devant le procureur dans la journée. Dans sa lettre adressée au procureur, le commissaire de police en chef précisa que le requérant n’avait pas voulu présenter sa carte d’identité, avait injurié les policiers et résisté pour ne pas monter dans leur voiture.
11. Le requérant affirme n’avoir pas été interrogé au poste de Şehremini.
12. Dans sa déposition du 8 février 1998 devant le procureur de la République de Fatih, le requérant déclara :
« Deux hommes vêtus en civil sont arrivés dans le café [hier]. L’un d’entre eux est descendu avec le cafetier S.Ç. aux toilettes, l’autre a ramassé les pièces d’identité des personnes présentes, je lui ai donné la mienne (...). Après avoir fait des vérifications par téléphone avec le centre des renseignements, le plus gros des deux hommes a procédé à la fouille des personnes se trouvant à ma table. Il a vu le téléphone mobile accroché à ma ceinture et m’a demandé de lui en présenter la facture. Je lui ai répondu que sa demande était aberrante (...) et lui ai demandé de présenter sa carte de fonctionnaire de police. Il l’a jetée sur la table. Il m’a demandé à nouveau ma carte d’identité. Je lui ai rétorqué que c’était son collègue qui l’avait. Il m’a dit ‘tu parles trop ; debout, et tournes-toi vers le mur ! Je vais te placer en garde à vue’. J’ai protesté en disant qu’il n’y avait aucun motif légal pour le faire (...). Les deux policiers présents ainsi qu’une troisième personne en civil que je n’avais pas vue auparavant sont venus m’entraîner dehors en me prenant par les bras. J’ai voulu appeler l’Ordre des avocats, mais ils ne m’ont pas laissé faire. Une fois dehors, le plus gros des policiers, [j’ai appris par la suite qu’il se nommait] A.U., a crié : « Avocat des terroristes, où est ton frère ? » Ils m’ont fait monter dans une Renault rouge, en me donnant un coup de poing sur la tête, et un coup de crosse. Le troisième homme (Y.D.) n’a pas participé aux mauvais traitements. Les deux autres m’ont dit qu’ils m’amenaient au poste puisque mon identité était inconnue. Je leur ai répété qu’ils avaient ma carte d’identité et que d’ailleurs, plusieurs chefs de police me connaissaient en tant qu’avocat. J’ai cité des noms. Ils m’ont répondu par des injures, des coups de poing et de crosse. Je leur ai dit que je déposerais plainte contre eux. Y.D. a essayé de les ramener à la raison. Arrivé au poste de police no 2 à Gayrettepe, les policiers A.U. et E.Z. ont effectué une fouille à corps en m’obligeant à me déshabiller presque entièrement, et ont pris mon portefeuille. Ils m’ont questionné sur mon frère (...) Ils m’ont dit ‘tes frères sont des tueurs de policiers’. Environ une heure plus tard, ils m’ont amené dans le bureau du commissaire en chef, qui doit s’appeler R.Y. Ils lui ont dit qu’ils m’avaient amené pour un vol de téléphone mobile, et aussi du fait que mon frère était recherché par la police (...). Le commissaire a ordonné aux policiers de me relâcher, en précisant que le fait que mon frère est recherché n’était pas un motif valable pour me placer en garde à vue. Sur ma demande, il a appelé l’Ordre des avocats pour l’informer de mon arrestation. Il a tenté de me réconcilier avec les policiers. J’ai affirmé que j’entendais déposer une plainte contre eux. Le commissaire a alors demandé à ces derniers s’ils avaient l’intention de faire de même contre moi, ils ont répondu par l’affirmative. Le commissaire leur a dit alors de faire le nécessaire au commissariat du quartier de Şehremini. Dès que nous sommes sortis de son bureau, le policier E.Z. m’a encore injurié (...), il m’a dit que lors du transfert en voiture, ils allaient me tuer et se justifier en prétendant que j’avais tenté de m’évader. Comme j’étais inquiet pour ma sécurité, je suis retourné au bureau du commissaire en lui demandant de me faire accompagner par une autre équipe jusqu’au commissariat. Le commissaire a appelé son adjoint prénommé O. et m’a fait accompagner par lui et son équipe. Au commissariat de Şehremini, deux de mes confrères m’attendaient. Aucun acte n’y fut effectué, aucune déposition, rien. J’ai compris par la suite pourquoi : sur les registres, mon passage à Gayrettepe n’apparaît pas. Lorsque mon portefeuille m’a été restitué, j’ai constaté que l’argent qui s’y trouvait, à savoir 400 USD, 150 DM et 30 millions de TRL avait disparu. A ma demande, j’ai été transféré à l’Institut de médecine légale pour faire constater les coups que j’avais subis (...) »
13. Le 10 février 1998, le procureur de la République, conformément aux dispositions de l’article 266/1 du code pénal, entama contre le requérant une action devant le tribunal de grande instance de Fatih (Fatih Asliye Ceza Mahkemesi - « le tribunal »), pour outrage à trois fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions.
14. Lors de l’audience du 25 mars 1998 devant le tribunal, le requérant réitéra ses déclarations faites devant le procureur. Il cita les noms de personnes qui étaient témoins de son arrestation au café ainsi que des personnes présentes au poste de Gayrettepe. Seul le témoignage du cafetier S.Ç. fut recueilli par la police, puis par le tribunal. Celui-ci confirme la version des faits des policiers devant les policiers, et celle du requérant devant le tribunal.
15. Par une décision du 15 mai 1998, le tribunal acquitta le requérant, faute de preuves à sa charge.
16. Quant à la plainte du requérant dirigée contre les policiers, le 13 février 1998, le parquet d’İstanbul, après avoir relevé que les fonctionnaires de police avaient agi dans le cadre de leurs fonctions administratives, se déclara incompétent et transmit le dossier à la préfecture d’İstanbul, conformément à la législation concernant la poursuite au pénal des fonctionnaires. Selon cette législation, le conseil administratif de la préfecture était chargé de l’instruction préliminaire (voir paragraphe 21 ci‑dessous).
17. Par une décision du 26 avril 2000, le conseil administratif de la préfecture d’İstanbul n’accorda pas l’autorisation d’ouvrir des poursuites pénales (men’i muhakeme kararı) contre les policiers, au motif qu’il n’y avait pas de preuves à leur charge.
18. L’affaire fut classée sans suite.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
19. Le code pénal érige en infraction le fait de soumettre un individu à la torture ou à des mauvais traitements (à l’époque des faits, il s’agissait des articles 243 et 245).
20. Conformément au code de procédure pénale, il est possible, pour ces différentes infractions, de porter plainte auprès du procureur de la République ou des autorités administratives locales. Le procureur et la police sont tenus d’instruire les plaintes dont ils sont saisis, le premier décidant s’il y a lieu d’engager des poursuites.
21. A l’époque des faits incriminés, si l’auteur présumé d’une infraction était un agent de la fonction publique et si l’acte avait été commis pendant l’exercice de ses fonctions, l’instruction préliminaire de l’affaire était régie par la loi de 1913 sur les poursuites contre les fonctionnaires, laquelle limitait la compétence ratione personae du ministère public dans cette phase de la procédure. En pareil cas, l’enquête préliminaire et, par conséquent, l’autorisation d’ouvrir des poursuites pénales étaient du ressort exclusif du comité administratif local concerné (celui du district ou du département selon le statut de l’intéressé), lequel était présidé par le préfet ou le sous-préfet. Une fois délivrée l’autorisation de poursuivre, il incombait au procureur de la République d’instruire l’affaire.
Les décisions desdits comités étaient susceptibles de recours devant les tribunaux administratifs ; lorsque ce comité décidait de ne pas engager de poursuites (men’i muhakeme kararı), la saisine intervenait d’office.
EN DROIT
I. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE
22. La Cour constate que le restant de la requête n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
23. Le requérant se plaint de mauvais traitements qu’il aurait subis lors de son arrestation et sa garde à vue. Il prétend notamment que les policiers l’ont maltraité du fait que son frère était recherché par la police et que lui-même était connu pour avoir représenté devant les tribunaux des présumés membres d’organisations illégales. Selon lui, les faits de la cause ne représentent qu’un exemple de la série d’ingérences arbitraires que les autorités lui auraient infligées, afin d’obtenir un effet dissuasif sur ses activités d’avocat. Il invoque l’article 3 de la Convention qui est ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
24. Le Gouvernement fait en premier lieu observer que le requérant n’a été maintenu en garde à vue que pendant treize heures, suite à son refus de présenter sa carte d’identité, et le temps de recueillir les dépositions et d’effectuer les examens médicaux nécessaires. Il fait valoir que les traces mentionnées dans le certificat médical ne suffiraient nullement à étayer les allégations du requérant. Les traces en question pourraient, selon le Gouvernement, résulter de la résistance opposée par le requérant lors de son transfert dans la voiture des policiers. Le Gouvernement ajoute que le requérant est connu pour son attitude agressive lorsqu’il plaide devant les tribunaux. Dans les circonstances de l’espèce, il aurait toutefois fait l’objet d’un traitement privilégié par rapport aux suspects ordinaires : les policiers ne l’auraient pas interrogé et auraient fait preuve de tolérance alors qu’il les a insultés.
25. Le requérant conteste ces arguments et réitère ses allégations. Il souligne notamment que le seul témoin de l’arrestation entendu, S.Ç., a confirmé devant le juge sa version des faits. Il conteste par ailleurs la qualification d’« agressif » à son égard.
26. La Cour rappelle que lorsqu’une personne est blessée au cours d’une garde à vue, alors qu’elle se trouvait entièrement sous le contrôle de fonctionnaires de police, toute blessure survenue pendant cette période donne lieu à de fortes présomptions de fait (Salman c. Turquie [GC], no 21986/93, § 100, CEDH 2000‑VII). Il appartient donc au Gouvernement de fournir une explication plausible sur les origines de ces blessures et de produire des preuves établissant des faits qui font peser un doute sur les allégations de la victime, notamment si celles-ci sont étayées par des pièces médicales (voir, parmi d’autres, Tekin c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998‑IV, pp. 1517-1518, §§ 52-53, Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 120, CEDH 2000‑IV, Caloc c. France, no 33951/96, § 84, CEDH 2000-IX, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 87, CEDH 1999‑V, Berktay c. Turquie, no 22493/93, § 167, 1er mars 2001, Altay c. Turquie, no 22279/93, § 50, 22 mai 2001, et Esen c. Turquie, no 29484/95, § 25, 22 juillet 2003).
27. A ce propos la Cour relève d’abord que le requérant, arrêté dans la soirée du 7 février 1998, a été examiné dans la même nuit, d’abord par le médecin de l’hôpital public de Haseki, puis par celui de l’Institut médico-légal de Fatih. Les rapports médicaux font état de sensibilité et d’enflures dans la région occipitale gauche et sur l’oreille droite (paragraphe 9 ci‑dessous). Or rien, dans le dossier, ne vient étayer l’allégation selon laquelle l’origine de ces lésions serait la résistance du requérant lors de son arrestation. Cette résistance n’est mentionnée que par les autorités nationales et n’est confirmée par aucun témoignage. En outre, il n’y a aucune précision sur une résistance physique du requérant qui aurait pu entraîner un échange de coups. Les seules indications pertinentes se limitent aux affirmations « nous l’avons pris par les bras » et « il a résisté pour ne pas monter dans la voiture » (paragraphes 8 et 10 ci-dessus), qui sont insuffisantes pour justifier les lésions constatées sur le requérant.
28. Au vu de l’ensemble des éléments soumis à son appréciation et de l’absence d’une explication plausible de la part du Gouvernement, la Cour estime établi en l’espèce que les séquelles constatées dans les rapports médicaux ont pour origine un traitement qui, même s’il n’a pas atteint un niveau de gravité élevé, doit être qualifié d’inhumain et dont l’Etat porte la responsabilité.
29. La Cour conclut donc qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
30. Le requérant allègue que les autorités n’ont pas réagi d’une façon effective à ses allégations de mauvais traitements. Il invoque l’article 13 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
31. Sur la base des preuves produites devant elle, la Cour a jugé l’Etat défendeur responsable au regard de l’article 3 (paragraphes 28 et 29 ci‑dessous). Le grief énoncé par l’intéressé est dès lors « défendable » aux fins de l’article 13. Les autorités avaient donc l’obligation d’ouvrir et de mener une enquête effective répondant aux exigences de cette disposition (Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, §§ 133-137, CEDH 2004‑ ...).
32. Le Gouvernement maintient que les policiers responsables de l’arrestation et la garde à vue du requérant furent acquittés pour insuffisance de preuves à leur charge.
33. Le requérant rétorque que cette information est inexacte, puisque lesdits policiers n’ont jamais été jugés. Il souligne en particulier que son passage au poste de Gayrettepe, où il subit les actes litigieux des policiers, a été totalement occulté par les autorités nationales.
34. La Cour observe que l’autorisation d’ouvrir des poursuites pénales contre les policiers n’a pas été accordée par le conseil administratif de la préfecture d’İstanbul (paragraphe 17 ci-dessus). L’affaire fut ainsi classée sans suite, et cela, sans l’audition de divers témoins cités par le requérant.
35. En conclusion, l’enquête menée en l’espèce ne saurait passer pour efficace et susceptible de conduire à l’identification et la punition des responsables des événements en cause. Il y a donc eu violation de l’article 13 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
36. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
37. Le requérant demande une réparation de son dommage moral sans la chiffrer ; il s’en remet à la sagesse de la Cour.
38. Le Gouvernement ne se prononce pas sur ce point.
39. Statuant en équité, la Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 5 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
40. Le requérant ne demande pas le remboursement de ses frais et dépens encourus devant les juridictions internes ou devant la Cour.
C. Intérêts moratoires
41. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare le restant de la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes à convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du règlement :
i. 5 000 EUR (cinq mille euros) pour dommage moral ;
ii. tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juin 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président