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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
22.6.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE KÖMÜRCÜ c. TURQUIE

(Requête no 77432/01)

ARRÊT

STRASBOURG

22 juin 2006

DÉFINITIF

22/09/2006

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Kömürcü c. Turquie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
L. Caflisch,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juin 2006,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 77432/01) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Aytekin Kömürcü (« le requérant »), a saisi la Cour le 18 juillet 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me T. Aslan, avocat à Izmir. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent aux fins de la procédure devant la Cour.

3. Le requérant alléguait en particulier que l’absence de communication de l’avis du procureur général près la Cour de cassation avait enfreint l’article 6 de la Convention.

4. La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.

5. Le 28 novembre 2002, la Cour a décidé de communiquer au gouvernement défendeur le grief du requérant tiré du défaut de notification de l’avis du procureur général près la Cour de cassation et a déclaré la requête irrecevable pour le surplus.

6. Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).

7. Par une décision du 20 octobre 2005, la Cour a déclaré le restant de la requête recevable.

8. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

9. Le requérant est né en 1970 et réside à Mardin

10. Le 25 août 1999, le requérant fut arrêté par des agents de la direction de la sûreté d’Izmir, section de la lutte contre le terrorisme.

11. Le 14 décembre 1999, il fut inculpé du chef d’aide et soutien à une organisation illégale sur le fondement des articles 169 du code pénal et 5 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme.

12. Le 20 juillet 2000, la cour de sûreté de l’Etat d’Izmir reconnut le requérant coupable des faits reprochés et le condamna à trois ans et neuf mois d’emprisonnement.

13. Le 27 octobre 2000, le procureur général près la Cour de cassation déposa son avis écrit dans lequel il recommandait la confirmation de l’arrêt de première instance. Cet avis ne fut pas communiqué au requérant.

14. Le 12 février 2001, la Cour de cassation confirma l’arrêt rendu par la cour de sûreté de l’Etat.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

15. Le droit et la pratique internes pertinents en vigueur à l’époque des faits sont décrits dans les affaires Göç c. Turquie ([GC], no 36590/97, § 34, CEDH 2002V) et Tosun c. Turquie (no 4124/02, 28 février 2006).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

16. Le requérant se plaint du manque d’équité dans la procédure devant la Cour de cassation, dans la mesure où il n’a pas eu la possibilité de répondre à l’avis écrit que le procureur général avait soumis à la Cour de cassation. Il y voit une violation de l’article 6 § 1 de la Convention qui, en sa partie pertinente, se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »

17. Le Gouvernement conteste les allégations du requérant.

18. La Cour rappelle avoir examiné un grief identique à celui présenté par le requérant et avoir conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention du fait de la non-communication de l’avis du procureur général, compte tenu de la nature des observations de celui-ci et de l’impossibilité pour un justiciable d’y répondre par écrit (voir Göç, précité, § 55, Abdullah Aydın c. Turquie (no 2), no 63739/00, § 30, 10 novembre 2005, et, plus récemment, Halis Doğan c. Turquie, no 75946/01, §§ 20-22, 7 février 2006, et Tosun, précité, §§ 22-24.

19. La Cour a examiné la présente affaire et considère que le Gouvernement n’a fourni aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent.

20. Partant, l’article 6 § 1 de la Convention a été violé en l’espèce.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

21. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage moral

22. Le requérant allègue avoir subi un préjudice matériel qu’il évalue à 20 000 euros (EUR).

23. Le Gouvernement ne se prononce pas.

24. Selon sa jurisprudence constante dans les affaires analogues, la Cour estime que le dommage moral est suffisamment réparé par le constat de violation de la Convention auquel elle parvient (voir Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France, arrêt du 31 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998II, p. 668, point 3 du dispositif).

B. Frais et dépens

25. Le requérant demande 3 500 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour. Il ne fournit aucun justificatif.

26. Le Gouvernement ne se prononce pas.

27. Au vu des diligences accomplies par l’avocat du requérant, et bien que ce dernier ne fournisse pas de note d’honoraires, la Cour, statuant en équité comme le veut l’article 41, accorde au requérant 1 000 EUR à ce titre.

C. Intérêts moratoires

28. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

2. Dit que le présent arrêt constitue par lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le préjudice moral ;

3. Dit

a) que lEtat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 000 EUR (mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, à convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juin 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président