Přehled
Rozsudek
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE GOROU c. GRÈCE (No 3)
(Requête no 21845/03)
ARRÊT
STRASBOURG
22 juin 2006
DÉFINITIF
23/10/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Gorou c. Grèce (no 3),
La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,
C.L. Rozakis,
Mmes F. Tulkens,
E. Steiner,
MM. K. Hajiyev,
D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juin 2006,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 21845/03) dirigée contre la République hellénique et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Anthi Gorou (« la requérante »), a saisi la Cour le 8 juillet 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante est représentée par Me H. Mylonas, avocat au barreau d'Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, MM. S. Spyropoulos, assesseur auprès du Conseil Juridique de l'Etat et D. Kalogiros, auditeur auprès du Conseil Juridique de l'Etat.
3. Le 3 février 2005, la première section a décidé de communiquer au Gouvernement les griefs tirés du droit d'accès à un tribunal et de la durée de la procédure. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
4. La requérante est née en 1957 et réside à Athènes.
5. Le 26 juin 1998, la requérante porta plainte, en se constituant partie civile, auprès du procureur près le tribunal de grande instance d'Athènes contre K.K. pour fausse dénonciation judiciaire, diffamation et forfaiture.
6. A une date non précisée, K.K. fut renvoyé en jugement devant le tribunal correctionnel d'Athènes.
7. L'audience devant le tribunal correctionnel d'Athènes eut lieu le 1er novembre 2002. La requérante déclara devant le tribunal qu'elle se constituait partie civile pour les délits de fausse dénonciation judiciaire et de diffamation sans demande d'indemnisation. A la même date, le tribunal correctionnel d'Athènes, après avoir examiné les arguments avancés par la requérante, relaxa K.K. (jugement no 78449/2002). Le 10 décembre 2002, le jugement fut mis au net et enregistré au registre du greffe du tribunal correctionnel d'Athènes. La requérante a pu alors prendre connaissance pour la première fois du texte du jugement.
8. Le 3 janvier 2003, la requérante demanda auprès du procureur près la Cour de cassation de se pourvoir en cassation contre le jugement no 78449/2002 du tribunal correctionnel d'Athènes. A cette date, le jugement pouvait faire l'objet d'un appel par les procureurs près le tribunal correctionnel et la cour d'appel d'Athènes.
9. Le 9 janvier 2003, le procureur près la Cour de cassation rejeta la demande de la requérante pour tardiveté. Dans une note manuscrite d'une page, jointe à la demande de la requérante, le procureur considéra que ce jugement pouvait encore fait l'objet d'un appel de la part du procureur près le tribunal correctionnel ou la cour d'appel. Par conséquent, le jugement no 78449/2002 du tribunal correctionnel d'Athènes n'était pas définitif et le délai de trente jours pour se pourvoir en cassation avait commencé à courir à la date du prononcé du jugement et non pas à la date de sa mise au net et de son enregistrement au registre du greffe du tribunal correctionnel.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
10. L'article 473 du code de procédure pénale est ainsi libellé:
« 1. Lorsqu'une loi ne prévoit pas un délai spécifique, le délai d'exercice des voies de recours internes est de dix jours à compter du prononcé du jugement. Si la personne concernée n'est pas présente au prononcé du jugement, le délai susmentionné est également de dix jours, sauf si elle réside à l'étranger ou si son domicile n'est pas connu ; dans ce cas, le délai est de trente jours et court à compter de la notification du jugement (...).
2. Le pourvoi en cassation contre une décision portant condamnation peut être formé par la personne condamnée (...) dans un délai de vingt jours qui débute selon le paragraphe 1 (...).
3. Le délai de pourvoi en cassation court à partir de la transcription de la décision définitive, mise au net, au registre spécial tenu au greffe de la juridiction pénale. La décision doit être mise au net dans un délai de quinze jours, sans quoi le président de la juridiction pénale encourt des sanctions disciplinaires. »
11. Dans un premier temps, la Cour de cassation interprétait cette disposition à la lettre (voir par exemple l'arrêt no 3/2000, dans lequel la formation plénière de la Cour de cassation jugea que l'enregistrement au registre spécial du greffe d'une décision qui n'était pas définitive et pouvait encore être frappée d'appel n'entraînait aucune conséquence légale).
12. Par la suite, la jurisprudence de la haute juridiction en la matière s'assouplit : dans son arrêt no 6/2002, la formation plénière de la Cour de cassation jugea que le terme « décision définitive » (τελεσίδικη απόφαση) employé dans l'article 473 § 3 du code de procédure pénale comprenait non seulement les décisions rendues en appel, mais aussi les décisions qui ne pouvaient être frappées d'un appel (ανέκκλητες) et que le délai pour se pourvoir en cassation contre une telle décision courait également à compter de son enregistrement au registre réservé aux décisions définitives et non du prononcé de celle-ci.
13. Peu après, la 6e chambre de la Cour de cassation considéra que, par le terme « décision qui ne peut être frappée d'appel » mentionné dans l'arrêt no 6/2002, il fallait comprendre non seulement une décision qui ne pouvait être frappée d'appel ni par le procureur ni par les parties, mais aussi la décision que seul le procureur pouvait frapper d'appel. La haute juridiction considéra que l'opinion contraire, selon laquelle le délai pour se pourvoir en cassation courait à partir du prononcé de la décision et non de sa transcription au registre spécial, fragilisait le droit d'accès à la Cour de cassation et portait ainsi atteinte à l'article 6 § 1 de la Convention. A cet égard, la Cour de cassation se référa à l'arrêt AEPI S.A. c. Grèce du 11 avril 2002 (arrêt no 2229/2002). Cette position fut par la suite confirmée dans d'autres arrêts de la haute juridiction (voir, par exemple, les arrêts nos 1163/2003, 2008/2003, 2313/2003).
14. L'article 486 § 1 du code de procédure pénale est ainsi libellé :
« S'agissant des délits, un appel contre un arrêt d'acquittement (...) peut être introduit : a) par l'accusé, s'il a été acquitté (...) ; b) si celui qui a porté plainte a été condamné à verser une indemnité pécuniaire et au paiement des dépens c) par le procureur près le tribunal correctionnel contre les jugements des tribunaux de police ou des tribunaux correctionnels (...) ainsi que le procureur près la cour d'appel contre les jugements des tribunaux correctionnels soumis à sa compétence ;
(...) ».
15. L'article 506 du code de procédure pénale dispose :
« Un pourvoi en cassation contre un arrêt d'acquittement peut être introduit a) par l'accusé, s'il a été acquitté (...) ; b) par le procureur près le tribunal correctionnel (...) ; c) si l'acquittement est dû à une application ou une interprétation erronée d'une disposition pénale ou à un abus de pouvoir (...) et d) si celui qui a porté plainte a été condamné à verser une indemnité pécuniaire et au paiement des dépens (article 71). »
16. L'article 24 du code d'organisation des juridictions et du statut des organes judiciaires (Κώδικας οργανισμού δικαστηρίων και κατάστασης δικαστικών λειτουργών) dispose :
« 1. Le ministère public est une autorité judiciaire indépendante de l'autorité judiciaire et de l'exécutif.
2. Il agit (...) en ayant comme objectif le respect de la légalité, la protection du citoyen et le respect des règles d'ordre public.
(...)
3. Lors de l'accomplissement de ses devoirs et de l'expression de son opinion [le procureur] agit sans contraintes, en se soumettant à la loi et à sa conscience.
(...) ».
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
17. La requérante se plaint que le rejet de sa demande comme tardive par le procureur près la Cour de cassation l'a privée de son droit d'accès à un tribunal. En outre, la requérante se plaint de la durée de la procédure litigieuse. Enfin, la requérante allègue que le jugement no 78449/2002 du tribunal correctionnel d'Athènes n'était pas suffisamment motivé. Elle y voit une violation de l'article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur le droit d'accès de la requérante à un tribunal
1. Sur la recevabilité
18. Le Gouvernement plaide en premier lieu l'irrecevabilité de la requête pour incompatibilité ratione materiae avec les dispositions de la Convention. En effet, il soutient que l'issue de la procédure litigieuse n'était pas directement déterminante pour les droits civils de la requérante, car celle-ci se constitua partie civile sans demander d'indemnisation pour le dommage allégué. De surcroît, le Gouvernement affirme que la demande auprès du procureur près la Cour de cassation ne portait pas sur les droits et obligations de caractère civil de la requérante, dès lors qu'elle n'avait pas, selon la législation pertinente, le droit de saisir directement la Cour de cassation mais, uniquement, par le biais du procureur près la haute juridiction. Pour le Gouvernement, il va de soi que le procureur près la Cour de cassation n'agit pas en tant que représentant de l'intéressé mais, au contraire, exerce son propre droit procédural s'il décide de saisir la haute juridiction. Par conséquent, si le procureur ne fait pas droit à la demande de l'intéressé, il n'y pas de rejet d'un recours prévu par l'ordre juridique interne et les garanties prévues par l'article 6 § 1 ne trouvent pas application.
19. La requérante se réfère à l'arrêt Perez c. France [GC] (no 47287/99, CEDH 2004-I) pour soutenir que l'article 6 § 1 de la Convention est applicable dans la présente affaire.
20. La Cour rappelle, tout d'abord, que le droit de faire poursuivre ou condamner pénalement des tiers ne saurait être admis en soi : il doit impérativement aller de pair avec l'exercice par la victime de son droit d'intenter l'action, par nature civile, offerte par le droit interne, ne serait-ce qu'en vue de l'obtention d'une réparation symbolique ou de la protection d'un droit à caractère civil, à l'instar, par exemple, du droit de jouir d'une « bonne réputation » (Perez c. France [GC], no 47287/99, §§ 70-71, CEDH 2004-I et Schwarkmann c. France, no 52621/99, § 41, 8 février 2005).
21. En l'espèce, la Cour constate que l'affaire concerne en partie une procédure en diffamation. Elle est donc relative au droit de jouir d'une bonne réputation, ce qui ne prête pas à controverse quant à son caractère « civil ». Par conséquent, l'article 6 § 1 de la Convention entre en jeu, bien que la requérante n'ait pas assorti sa constitution de partie civile d'une demande de réparation (voir, Diamantides c. Grèce (déc.), no 71563/01, 20 novembre 2003 ; Gorou c. Grèce (déc.), no 12686/03, 14 février 2006).
22. En outre, la Cour rappelle que le procureur représente essentiellement les intérêts de la société dans le procès pénal (Kampanis c. Grèce, arrêt du 13 juillet 1995, série A no 318‑B, p. 48, § 56). De surcroît, il ressort clairement de l'article 24 du code d'organisation des juridictions et du statut des organes judiciaires (voir § 16 ci-dessus) que le procureur jouit des garanties d'indépendance tant à l'égard de l'exécutif qu'à l'égard des parties au litige. En dernier lieu, l'acceptation de la demande de la requérante par le procureur près la Cour de cassation aurait abouti à un pourvoi en cassation contre le jugement no 78449/2002 du tribunal correctionnel d'Athènes. Il s'agissait donc d'un moyen de droit offert par le système juridique interne que la requérante pouvait utiliser devant une instance judiciaire afin de faire entendre ses moyens en droit par la haute juridiction grecque (voir Alija c. Grèce (déc.), no 73717/01, 2 octobre 2003).
23. La Cour déduit de ce qui précède que l'article 6 § 1 trouve donc à s'appliquer sous son volet « civil ». Il convient donc de rejeter l'exception d'irrecevabilité pour incompatibilité ratione materiae soulevée par le Gouvernement.
24. Par ailleurs, la Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève en outre qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité.
2. Sur le fond
25. Le Gouvernement soutient que la requérante n'a pas été privée de son droit d'accès à un tribunal. Tout en admettant que la position de la Cour de cassation en la matière n'est pas claire, le Gouvernement avance qu'il ressort de la jurisprudence récente de la Cour de cassation (par exemple l'arrêt no 3/2000), que l'enregistrement d'une décision qui n'est pas définitive ne produit aucune conséquence juridique et que le délai dont dispose l'intéressé pour se pourvoir en cassation court à partir du prononcé et non pas de la publication de la décision attaquée.
26. La requérante se réfère à l'arrêt AEPI S.A. c. Grèce du 11 avril 2002, ainsi qu'à la position qu'adopte désormais la Cour de cassation en la matière, pour affirmer qu'elle a subi une entrave intolérable à son droit d'avoir accès à la Cour de cassation.
27. La Cour rappelle d'emblée qu'elle n'a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C'est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu'il incombe d'interpréter la législation interne (voir, parmi beaucoup d'autres, Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VIII, p. 2955, § 31 ; Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 290, § 33). Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation. Ceci est particulièrement vrai, s'agissant de l'interprétation par les tribunaux des règles de nature procédurale telles que les délais régissant le dépôt des documents ou l'introduction de recours (Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3255, § 43). Ces règles visent à assurer une bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Les intéressés doivent donc s'attendre à ce que celles-ci soient appliquées (Leoni c. Italie, no 43269/98, § 23, 4 avril 2001). Toutefois, la réglementation en question, ou l'application qui en est faite, ne devrait pas empêcher le justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible.
28. Concernant le cas concret dont elle a été saisie, la Cour rappelle qu'elle a déjà eu l'occasion de sanctionner la pratique suivie pendant une certaine période par la Cour de cassation, consistant à considérer que le délai pour se pourvoir en cassation courait à partir du prononcé de la décision et non de sa transcription au registre spécial et de rejeter ainsi pour tardiveté des pourvois introduits dans ces circonstances (Agatianos c. Grèce, no 16945/02, 4 août 2005). La Cour considère que cette conclusion s'applique aussi dans le cas d'espèce où le procureur près la Cour de cassation a rejeté la demande de la requérante en suivant la pratique de la haute juridiction grecque.
29. A la lumière de cette jurisprudence, ainsi que de la position que semble désormais adopter la Cour de cassation en la matière (voir l'arrêt no 2229/2002 de la haute juridiction cité ci-dessus au paragraphe 13 in fine), la Cour estime que la requérante a subi en l'espèce une entrave disproportionnée à son droit d'accès à un tribunal.
Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
B. Sur la durée de la procédure
30. La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable », tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention.
31. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse. Il affirme que, vu la complexité de l'affaire, les instances judiciaires saisies ont statué dans des délais raisonnables.
32. La période à considérer a débuté le 26 juin 1998, quand la requérante déposa sa plainte auprès du procureur près le tribunal de grande instance d'Athènes, et prit fin le 9 janvier 2003, avec le rejet de sa demande par le procureur près la Cour de cassation. Elle s'étala donc sur quatre ans et plus de six mois pour un degré de juridiction.
1. Sur la recevabilité
33. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention Elle relève en outre qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité.
2. Sur le fond
34. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
35. La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir, Ouranio Toxo et autres c. Grèce, no 74989/01, §§ 17-18 et 28-30, CEDH 2005‑... (extraits)).
36. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. En particulier, la Cour observe que la présente affaire ne présentait aucune complexité particulière ; il s'agissait de trois chefs d'accusation simples dont l'examen approprié ne justifiait pas le prolongement de la procédure.
37. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ».
Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1.
C. Sur la motivation du jugement no 78449/2002 du tribunal correctionnel d'Athènes
Sur la recevabilité
38. La requérante se plaint que le jugement no 78449/02 du tribunal correctionnel d'Athènes pêchait par insuffisance de motivation.
39. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, elle a pour seule tâche d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Etats contractants. En particulier, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention. Si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que telle, matière qui relève au premier chef du droit interne (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I). En ce qui concerne précisément la motivation des arrêts, la Cour rappelle que, si l'article 6 § 1 de la Convention oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, cette obligation ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument (voir, entre autres, Garcia Ruiz c. Espagne, précité, § 26).
40. En l'espèce, la Cour relève que la requérante a pu présenter devant ladite juridiction tous les éléments qu'elle jugeait pertinents pour la défense de ses intérêts, éléments qui ont été effectivement examinés par les juges compétents. Par ailleurs, la Cour considère que la décision no 78449/02 du tribunal correctionnel d'Athènes a répondu de manière adéquate aux arguments soulevés devant lui.
41. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
42. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
43. La requérante réclame 17 500 EUR au titre du dommage moral qu'elle a subi en raison, d'une part, de l'atteinte à son droit d'accès à un tribunal et d'autre part, de la durée de la procédure litigieuse.
44. Le Gouvernement estime qu'un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante. A titre alternatif, le Gouvernement affirme que la somme allouée au titre du dommage moral ne saurait dépasser 1 000 EUR.
45. La Cour estime que la requérante doit avoir subi un préjudice moral que ne compensent pas suffisamment les constats de violation. Statuant en équité, comme le veut l'article 41, la Cour alloue à la requérante 9 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur ladite somme.
B. Frais et dépens
46. La requérante demande également 3 500 EUR pour les frais et dépens encourus devant la Cour. Elle produit deux factures d'une somme totale de 2 900 EUR pour les honoraires qu'elle a déjà versés pour sa représentation devant la Cour.
47. Le Gouvernement affirme que les prétentions de la requérante sont excessives.
48. La Cour rappelle que l'allocation de frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). Statuant en équité, la Cour accorde à la requérante 1 500 EUR au titre des frais et dépens.
C. Intérêts moratoires
49. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés du droit d'accès à un tribunal et de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention au regard du droit d'accès à un tribunal ;
3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention au regard de la durée de la procédure ;
4. Dit
a) que l'Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 9 000 EUR (neuf mille euros) pour dommage moral et 1 500 EUR (mille cinq cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juin 2006 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Søren Nielsen Loukis Loucaides
Greffier Président