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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
4.7.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

QUATRIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 69822/01
présentée par Ahmet BEYBOLAT
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant le 4 juillet 2006 en une chambre composée de :

Sir Nicolas Bratza, président,
MM. J. Casadevall,
G. Bonello,
R. Türmen,
M. Pellonpää,
K. Traja,
S. Pavlovschi, juges,
et de M. T.L. Early, greffier de setion,

Vu la requête susmentionnée introduite le 20 février 2001,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Ahmet Beybolat, est un ressortissant turc, né en 1948 et résidant à Içel. Il est représenté devant la Cour par Mes T Akillioğlu et A. Aktay, avocats à Ankara.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 27 août 1996, trois parcelles de terrain (nos 346, 2325 et 2327) appartenant au requérant, sises dans le village Nacarlı, district de Tarsus, furent expropriées par la municipalité. Des indemnités d’expropriation furent versées au requérant à la date du transfert de propriété.

Les 7 et 19 février 1997, le requérant introduisit deux recours en augmentation des indemnités d’expropriation auprès du tribunal de grande instance de Tarsus pour trois parcelles.

Par un jugement du 3 juin 1997, le tribunal lui accorda une indemnité complémentaire de 11 574 547 000 livres turques (TRL) pour la parcelle no 346 et de 5 162 650 000 TRL pour les deux autres parcelles, assorties d’intérêts moratoires au taux légal à compter des 21 et 25 février 1997 respectivement.

Par un arrêt du 2 décembre 1997, la Cour de cassation confirma le jugement de première instance pour autant qu’il concernait la parcelle no 346.

Par un arrêt du 11 mai 1999, elle confirma le jugement de première instance concernant les deux autres parcelles.

Les 5 juin 1998 et 25 octobre 1999, le requérant formula deux recours contre la municipalité auprès du bureau de l’exécution des arrêts, demandant l’exécution des arrêts de la Cour de cassation devenus définitifs. Toutefois, les dossiers furent classés faute de poursuite de la part de l’avocat du requérant.

Le 27 octobre 2005, le représentant du requérant renouvela sa demande auprès du bureau de l’exécution des arrêts.

Le 11 avril 2006, le bureau versa au requérant la somme totale de 75 052 000 000 TRL (environ 46 908 euros), assortie d’intérêts moratoires à un taux modifié.

B. Le droit et la pratique interne pertinent

A l’époque des faits, le taux des intérêts moratoires applicable aux dettes de l’État était de 30 % par an. Ce taux a été réajusté par une ordonnance du 8 août 1997, d’après laquelle, à partir du 1er janvier 1998, le taux légal était fixé à 50 % l’an. A la suite de l’entrée en vigueur de la loi sur les intérêts légaux et moratoires, les intérêts dus pour retard de paiement des dettes de l’État ont été fixés au taux de réescompte annuel appliqué aux dettes à court terme par la Banque centrale le 31 décembre de l’année précédente, à savoir un taux de 60 % à partir de l’année 2000.

GRIEFS

Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, le requérant se plaint d’une atteinte à son droit au respect de ses biens en raison de l’insuffisance du taux de l’intérêt moratoire appliqué aux dettes de l’État dû au retard dans le paiement d’une indemnité complémentaire d’expropriation.

EN DROIT

Le requérant estime que la situation litigieuse porte atteinte à son droit au respect de ses biens, garanti par l’article 1 du Protocole no 1 ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

Le requérant soutient qu’en l’espèce le « juste équilibre » devant être ménagé entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu a été rompu en raison de la modalité d’indemnisation prévue par la législation nationale. Il expose à cet égard qu’il a été contraint de saisir le tribunal de grande instance de Tarsus en vue d’obtenir une indemnité complémentaire d’expropriation, étant donné que l’indemnité initialement fixée ne correspondait pas à la valeur réelle de son bien. Il souligne que l’indemnité complémentaire fixée par le tribunal lui a été payée tardivement. Selon lui, les conséquences de ce retard, conjuguées avec l’insuffisance des intérêts légaux par rapport à l’inflation, ont incontestablement engendré un déséquilibre injustifié entre ses intérêts personnels et ceux du public ayant motivé les mesures d’expropriation en cause.

Le Gouvernement soutient que le requérant a touché l’intégralité de l’indemnité fixée par le tribunal et ceci assortie d’intérêts moratoires modifiés tenant compte de l’effet de l’inflation dans le pays. Il fait observer qu’à la suite du paiement des sommes dues, le litige a ainsi été résolu. Il invite donc la Cour à déclarer la requête irrecevable.

La Cour observe que les recours en exécution de l’arrêt de la Cour de cassation formulés par le requérant en 1999 ont été classés faute de poursuite de la part de son avocat. Elle note également que le 27 octobre 2005, l’avocat, après avoir attendu presque cinq ans, a renouvelé la demande d’exécution des arrêts. A la suite de cette démarche, le 11 avril 2006, le requérant a perçu l’intégralité de sa créance, assortie d’intérêts moratoires modifiés en tenant compte des effets de l’inflation.

A l’analyse de l’ensemble des éléments du dossier, aux yeux de la Cour, le paiement de la créance assortie d’intérêts moratoires modifiés a eu pour effet pratique de satisfaire les revendications du requérant formulées sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 (voir Guerrera et Fusco c. Italie, no 40601/98, 3 avril 2003, Folcheri c. Italie (déc.), no 61839/00, 3 juin 2004, Ortiz Ortiz et autres c. Espagne (déc.), no 50146/99, 15 mars 2001, et Yıldırım et Durman c. Turquie (déc.), no 49507/99, 3 mai 2005).

De plus, la Cour observe qu’en tenant compte des indices figurant sur la liste publiée par l’institut des statistiques de l’État, le montant total versé au requérant est conséquent par rapport à l’inflation.

Partant, la Cour estime que le requérant ne peut plus se prétendre victime d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1. Dès lors, la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Il y a ainsi lieu de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Décide de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention ;

Déclare la requête irrecevable.

T.L. Early Nicolas Bratza
Greffier Président