Přehled
Rozsudek
DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE KARAKAŞ c. TURQUIE
(Requête no 76991/01)
ARRÊT
STRASBOURG
13 juin 2006
DÉFINITIF
13/09/2006
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Karakaş c. Turquie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 mai 2006,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 76991/01) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant turc, M Hüseyin Karakaş (« le requérant »), a saisi la Cour le 11 octobre 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant est représenté par Me F. Karakaş, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent aux fins de la procédure devant la Cour.
3. Le 28 avril 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant de l’article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Le requérant est né en 1968 et réside à Bartın.
5. Le 10 avril 1996, lors d’une opération menée contre le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), organisation interdite en droit turc, le requérant fut arrêté en possession d’une fausse pièce d’identité et placé en garde à vue par des policiers rattachés à la section de lutte contre le terrorisme près la direction de la sûreté d’Istanbul.
6. Le 19 avril 1996, la police procéda, en sa présence, à la visite du domicile du requérant et de son lieu de travail où des explosifs furent saisis.
7. Le 20 avril 1996 fut dressé le procès-verbal de déposition du requérant, aux termes duquel celui-ci reconnaissait être membre du PKK et avoir participé aux activités de cette organisation.
8. Le 24 avril 1996, le requérant fut entendu par le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul. Il reconnut appartenir à l’organisation en question, mais nia les faits énoncés dans sa déposition en garde à vue, signée, selon ses dires, sous la menace et les pressions policières.
9. Toujours le même jour, le requérant fut déféré devant le juge assesseur près la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul qui procéda à son audition. Il reconnut appartenir au PKK, mais nia le contenu de sa déposition enregistrée pendant la garde à vue. Au terme de cette audition, le juge assesseur ordonna le placement du requérant en détention provisoire.
10. Le 2 mai 1996, le procureur de la République inculpa le requérant et une autre personne, E.P., pour appartenance au PKK et pour s’être livrés à des activités séparatistes, en application de l’article 125 du code pénal.
11. Le 15 mai 1996, la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul déclina sa compétence et renvoya le dossier devant la cour de sûreté de l’Etat d’Erzincan.
12. Le 29 juillet 1996, la cour de sûreté de l’Etat d’Erzincan prononça son incompétence et rejeta en outre la demande de mise en liberté du requérant au motif de la gravité des accusations portées contre lui.
13. Le dossier fut envoyé à la 10e chambre de la Cour de cassation qui statua le 21 août 1996, confirmant la compétence de la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul (ci-après « la cour de sûreté de l’Etat ») pour examiner l’affaire.
14. Le 17 septembre 1996, la cour de sûreté de l’Etat commença l’examen du dossier et rejeta la demande de mise en liberté du requérant au motif de la gravité des accusations et de l’état des preuves.
15. Le 27 décembre 1996, la cour de sûreté de l’Etat entendit le requérant qui nia le contenu des dépositions recueillies au cours de sa garde à vue et devant le procureur de la République, sous la contrainte et les pressions policières. Il allégua en outre avoir fait l’objet de mauvais traitements au cours de sa garde à vue. Au terme de cette audience, la cour ordonna le maintien du requérant en détention provisoire et décida de demander à l’hôpital une copie du rapport médical.
16. Le 26 février 1997, la cour de sûreté de l’Etat, siégeant en une nouvelle composition, constata que le rapport demandé n’avait pas été versé au dossier et décida de convoquer les policiers responsables de la mise en garde à vue.
17. Le 16 avril 1997, la cour de sûreté de l’Etat constata que le rapport médical avait été versé au dossier, mais les policiers convoqués ne se présentèrent pas.
18. Le 18 juin 1997, elle entendit les policiers présents et demanda au parquet de déposer le réquisitoire quant au fond de l’affaire pour l’audience suivante. Elle rejeta la demande de mise en liberté du requérant étant donné la gravité des accusations et l’état des preuves.
19. Les 13 août et 10 octobre 1997, deux autres audiences furent consacrées à la lecture du réquisitoire et à l’audition des co-accusés. Leur demande de mise en liberté fut rejetée au même motif.
20. Le 21 novembre 1997, la cour de sûreté de l’Etat décida d’office l’élargissement de l’instruction judiciaire et demanda à l’état-major des informations sur les attentats attribués au requérant dans l’acte d’accusation, ainsi que des informations concernant E.P., l’autre coaccusé.
21. La cour de sûreté de l’Etat tint plus de trente audiences avant de se prononcer sur le fond de l’affaire. Au cours de chacune d’elles, le requérant demanda sa mise en liberté, laquelle fut toujours rejetée au motif de la gravité des accusations portées contre lui et de l’état des preuves. La proposition de l’intéressé de payer une caution pour obtenir sa liberté provisoire fut également refusée.
22. Le 30 mai 2001, la cour de sûreté de l’Etat déclara le requérant coupable d’avoir mené des activités visant la sécession d’une partie du territoire de la Turquie et d’être membre dans ce but d’une organisation armée. Elle le condamna à quinze ans d’emprisonnement, en application de l’article 168 du code pénal.
23. Le 4 juin 2001, le requérant forma un pourvoi devant la Cour de cassation.
24. Le 24 janvier 2002, la Cour de cassation cassa le jugement quant au fond et estima qu’au vu de l’état des preuves le requérant aurait dû être condamné en application de l’article 125 du code pénal.
25. Le 1er avril 2002, la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul débuta le réexamen du dossier.
26. Le 25 octobre 2004, elle condamna le requérant à la réclusion à perpétuité en application de l’article 125 du code pénal.
27. Le 28 juin 2005, sur pourvoi du requérant, la Cour de cassation cassa le jugement en considération de l’entrée en vigueur le 1er juin 2005 du nouveau code pénal qui aurait un impact sur la situation juridique de l’intéressé.
28. Le 8 février 2006, une audience eut lieu devant la 11e chambre de la cour d’assises d’Istanbul. La procédure est toujours pendante devant cette juridiction.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
29. Les articles pertinents du code de la procédure pénale en vigueur au moment des faits disposent :
Article 112
« Pendant l’enquête préliminaire, aussi longtemps que dure la détention provisoire de l’accusé et à un intervalle de trente jours au maximum, le juge de paix examine, à la requête du procureur, s’il est ou non nécessaire de maintenir l’intéressé en détention.
L’accusé peut aussi demander, dans le délai prévu au paragraphe précédent, que le tribunal se penche sur la question de sa détention provisoire.
Pendant le procès d’un accusé en détention provisoire, le tribunal décide d’office, lors de chaque audience ou, si les circonstances l’exigent, entre les audiences, s’il est nécessaire de proroger la détention provisoire de l’intéressé. »
Article 222
« On ne peut interrompre une audience pendant plus de huit jours, sauf en cas de nécessité. Lorsque les accusés sont en détention provisoire, l’interruption ne peut dépasser trente jours, même s’il existe un cas de nécessité. »
Article 299 §§ 2 et 3
« (...) l’examen des oppositions introduites à l’encontre des décisions et ordonnances rendues par le juge de paix incombe au président ou à un juge du tribunal de grande instance du même ressort (...)
« (...) l’examen des oppositions introduites à l’encontre des décisions et ordonnances rendues par ce tribunal [cour d’assises] incombe à la chambre dont le numéro suit, (...), s’il n’y a qu’une seule chambre, c’est la cour d’assises la plus proche qui est compétente à connaître l’opposition (...) »
30. Par la loi no 5190 du 16 juin 2004, publiée au Journal officiel le 30 juin 2004, les cours de sûreté de l’Etat ont été définitivement abrogées.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION
31. Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire. Il invoque à cet égard l’article 5 § 3 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :
« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience. »
32. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit faire l’objet d’un examen au fond. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
33. Le Gouvernement fait valoir que les juridictions internes ont motivé leur décision de maintien en détention provisoire du requérant. Ainsi, la cour de sûreté de l’Etat a estimé que la poursuite des investigations, le danger de fuite et la nécessité de préserver l’ordre public constituaient des éléments suffisamment importants pour rejeter les demandes d’élargissement. Il en conclut que le maintien en détention du requérant était nécessaire et la cour était fondée à écarter les demandes formulées en ce sens.
34. Le requérant conteste les arguments du Gouvernement.
35. La Cour rappelle que le terme final de la période visée à l’article 5 § 3 est « le jour où il est statué sur le bien-fondé de l’accusation, fût-ce seulement en premier ressort » (voir Wemhoff c. Allemagne, arrêt du 27 juin 1968, série A no 7, p. 23, § 9, et Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 147, CEDH 2000‑IV).
36. En l’espèce, la première période litigieuse de la détention du requérant a débuté le 10 avril 1996 et pris fin le 30 mai 2001 avec sa condamnation. Elle a ainsi duré plus de cinq ans et un mois. Après cette date, le requérant était détenu « après condamnation par un tribunal compétent » et non en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente (voir I.A. c. France, arrêt du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998‑VII, § 98).
37. A partir du 24 janvier 2002, date à laquelle la Cour de cassation a infirmé le jugement du 30 mai 2001, et l’examen de l’affaire a recommencé devant la cour de sûreté de l’Etat, une deuxième période de détention provisoire, au sens de l’article 5 § 1 c) de la Convention, a commencé. Elle a pris fin le 25 octobre 2004, quand la cour de sûreté de l’Etat condamna le requérant à la réclusion à perpétuité, en application de l’article 125 du code pénal. Elle a ainsi duré deux ans et neuf mois. Toutefois, la Cour note que le 24 janvier 2002, le requérant se trouvait déjà en détention depuis plus de cinq ans et neuf mois.
38. Ensuite, à partir du 28 juin 2005, date à laquelle la Cour de cassation a de nouveau infirmé le jugement du 25 octobre 2004, et l’examen de l’affaire a recommencé devant la cour de sûreté de l’Etat, une troisième période de détention provisoire, au sens de l’article 5 § 1 c) de la Convention, a commencé. Elle n’a toujours pas pris fin, presque onze mois plus tard. Au total, le requérant a donc passé huit ans et neuf mois en détention provisoire.
39. La Cour rappelle qu’il incombe en premier lieu aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d’un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable. A cette fin, il leur faut examiner toutes les circonstances de nature à révéler ou écarter l’existence d’une véritable exigence d’intérêt public justifiant, eu égard à la présomption d’innocence, une exception à la règle du respect de la liberté individuelle et en rendre compte dans leurs décisions rejetant des demandes d’élargissement. C’est essentiellement sur la base des motifs figurant dans lesdites décisions, ainsi que des faits non controversés indiqués par l’intéressé dans ses recours, que la Cour doit déterminer s’il y a eu ou non violation de l’article 5 § 3 de la Convention (voir Assenov et autres c. Bulgarie, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, § 154).
40. A cet égard, la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, mais au bout d’un certain temps elle ne suffit plus ; la Cour doit alors établir si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté. Quand ceux-ci se révèlent « pertinents » et « suffisants », elle cherche de surcroît si les autorités nationales compétentes ont porté « une diligence particulière à la poursuite de la procédure (voir, entre autres, Ali Hıdır Polat c. Turquie, no 61446/00, § 26, 5 avril 2005).
41. Il ressort des éléments du dossier que la cour de sûreté de l’Etat a écarté les demandes d’élargissement réitérées du requérant et prononcé son maintien en détention en se fondant sur des formules presque identiques, voire stéréotypées, telles « la nature ou/et la qualification de l’infraction reprochée », « l’état des preuves » ou « le contenu du dossier ». Par quatre fois, elle a prononcé le maintien du requérant en détention, sans indiquer de motifs.
42. Or, aux yeux de la Cour, si « l’état des preuves » peut se comprendre comme indiquant l’existence et la persistance d’indices graves de culpabilité et si, en général, ces circonstances peuvent constituer des facteurs pertinents, en l’espèce, elles ne sauraient justifier, à elles seules, le maintien en détention du requérant pendant une si longue période (Ali Hıdır Polat, précité, § 28).
43. La Cour observe par ailleurs que la cour de sûreté de l’Etat a tenu plus de trente audiences sans examiner le fond du dossier (paragraphe 21 ci-dessus).
44. Enfin, la Cour observe que les arguments du Gouvernement relatifs aux risques de fuite et à la nécessité de préserver l’ordre public n’ont semblent-ils pas été pris en considération par les autorités judiciaires internes (voir Acunbay c. Turquie, nos 61442/00 et 61445/00, § 62, 31 mai 2005).
45. Dans ces circonstances, particulièrement la longue durée de la détention provisoire du requérant en l’espèce, le Cour conclut il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
46. Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable ». Il y voit une violation de l’article 6 § 1 de la Convention qui, en ses parties pertinentes, se lit ainsi :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)
47. Le Gouvernement estime qu’au vu des circonstances de l’espèce, la durée de la procédure ne saurait être considérée comme déraisonnable. Il souligne la complexité de l’affaire et la nature des charges pesant sur le requérant. La procédure pénale litigieuse avait nécessité des investigations longues et laborieuses. De plus, des investigations complémentaires ont été nécessaires à la suite de l’acte d’accusation complémentaire. Enfin, aucune période d’inactivité ou de négligence ne serait imputable aux autorités internes.
48. Le requérant conteste cette thèse.
49. La Cour constate d’abord que le grief tiré de la durée de la procédure pénale n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. En outre, il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité.
50. La Cour note que la période à considérer a débuté avec l’arrestation du requérant le 10 avril 1996. La procédure étant toujours pendante, elle dure à ce jour depuis plus de dix ans et un mois pour deux instances judiciaires.
51. Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999‑II).
52. La Cour constate que, tout au long de la procédure, le requérant a été maintenu en détention – situation qui requiert des tribunaux chargés de l’affaire une diligence particulière pour administrer la justice dans les meilleurs délais (voir Kalachnikov c. Russie, no 47095/99, § 132, CEDH 2002‑VI, et, plus récemment, Temel et Taşkın c. Turquie, no 40159/98, § 75, 30 juin 2005).
53. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
54. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
55. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
56. Le requérant réclame 20 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi.
57. Le Gouvernement conteste ces prétentions.
58. Statuant en équité, la Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 8 000 EUR au titre du préjudice matériel et moral.
B. Frais et dépens
59. Le requérant demande 5 800 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et la Cour. Il soumet à cette fin un décompte horaire.
60. Le Gouvernement conteste ce montant.
61. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable d’accorder au requérant la somme de 1 000 EUR, tous frais confondus.
C. Intérêts moratoires
62. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit
a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 8 000 EUR (huit mille euros) pour dommage matériel et moral, ainsi que 1 000 EUR (mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur lesdites sommes, à convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du règlement ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 juin 2006 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président