Přehled
Rozhodnutí
TROISIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 20872/02
présentée par TÜMTİS SENDİKASI et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 22 juin 2006 en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
L. Caflisch,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
Mme A. Gyulumyan,
M. E. Myjer, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 17 avril 2002,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants sont le syndicat TÜMTİS (Türkiye Motorlu Taşıt İşçileri Sendikasi – Syndicat des ouvriers du transport à moteur de Turquie) et deux ressortissants turcs, MM. Şükrü Günsili et Hasan Yayik, nés respectivement en 1960 et 1957, et résidant à Istanbul et Izmir. Ils sont représentés devant la Cour par Mes N. et B. Değirmenci, avocats à Izmir.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
Le syndicat TÜMTİS, membre de la Confédération syndicale des ouvriers turcs (Türk-İş), est un syndicat d’ouvriers du transport fondé en 1949. Au moment des faits, Ş. Günsili en était le secrétaire général du bureau central et H. Yayik le secrétaire du bureau local d’Izmir.
Selon les requérants, en décembre 1995, les employeurs de certains syndicalistes se regroupèrent au sein de la société de transport Nak-Kargo (« la société ») et procédèrent à des licenciements collectifs en violation de la convention collective de branche par laquelle ils étaient liés.
Par la suite, au cours des mois de décembre 1995 et mars 1996, les membres du syndicat en cause participèrent à diverses actions destinées à protester contre ces licenciements.
Le 8 décembre 1995, sur plainte de la société, une action pénale fut diligentée contre M. Yayik et vingt-cinq autres syndicalistes pour entrave à la liberté du travail et infraction à la loi sur les réunions et manifestations.
1. Evènements du 21 décembre 1995
Le 21 décembre 1995, des heurts survinrent entre les membres du syndicat en cause et la police, présente devant l’enceinte de la société. Sur plainte de celle-ci, des poursuites pénales furent diligentées contre les syndicalistes impliqués, dont M. Yayik, pour entrave à la liberté du travail et de l’emploi.
Le 22 décembre 2000, le tribunal correctionnel de Bornova prononça un sursis à statuer pour une durée de cinq ans en vertu de la loi no 4616.
2. Evénements du 26 décembre 1995
Le 26 décembre 1995, le syndicat litigieux ainsi que ses membres organisèrent un sit-in devant la société pour protester contre leur licenciement. A cette occasion, des heurts survinrent entre les syndicalistes, les nouveaux employés de la société et les policiers présents pour protéger les locaux de la société.
Le même jour, M. Yayik saisit le procureur d’une plainte contre les dirigeants de la société ainsi que les policiers pour coups, menaces, manquement aux devoirs de la profession et déclarations mensongères. Il soutint à cette occasion que la société avait manqué à ses engagements tels que définis dans les accords sociaux de branche, en procédant au licenciement abusif de ses employés.
Le 24 décembre 1997, le tribunal correctionnel de Bornova condamna six membres du syndicat à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis en raison des évènements survenus le 26 décembre 1995.
Sur pourvoi des syndicalistes, cet arrêt fut infirmé par la Cour de cassation et l’affaire renvoyée devant le tribunal correctionnel, où elle fut jointe aux autres procédures diligentées contre les syndicalistes.
3. Evénements du 1er mars 1996
Le 1er mars 1996, des heurts survinrent entre des syndicalistes rassemblés devant les locaux de la société en question et les policiers présents sur les lieux, à l’occasion desquels M. Günsili aurait été blessé.
Sur ce, le requérant fut poursuivi devant le tribunal correctionnel de Bornova pour atteinte à la loi sur le rassemblement et les manifestations, entrave à la liberté du travail et occupation d’un lieu de travail.
Le 18 mars 1996, M. Günsili saisit le procureur d’une plainte contre les policiers pour manquement au devoir de la profession et mauvais traitements, précisant s’être vu reconnaître une incapacité temporaire de travail de deux jours.
4. Jonction des procédures diligentées contres les requérants
Le 12 septembre 1996, le tribunal correctionnel prononça la jonction de toutes les plaintes dirigées contre les requérants.
Le 30 mai 2002, le tribunal acquitta les requérants ainsi que trente-sept autres syndicalistes poursuivis notamment pour entrave à la liberté du travail par menaces et violences, atteinte à la loi sur les réunions et manifestations, chantage et atteinte aux biens, en raison des évènements survenus au cours des mois de décembre 1995 et mars 1996.
5. Plainte pour mauvais traitements
A une date non précisée, les autorités nationales procédèrent à la jonction des plaintes déposées par les syndicalistes contre des policiers.
Le 14 août 1997, le conseil départemental près la préfecture d’Izmir adopta une décision de non-lieu à poursuivre.
Le 25 novembre 1997, les requérants formèrent opposition contre cette décision devant le Conseil d’État.
Le 1er décembre 1999, le Conseil d’État confirma la décision de non-lieu.
Le 12 octobre 2001, l’avocat de M. Günsili saisit le conseil départemental aux fins d’information quant aux suites de la procédure intentée devant le Conseil d’État et, en cas de décision, de notification de cette dernière.
Le 31 octobre 2001, les requérants obtinrent notification de cette décision.
GRIEFS
1. Invoquant l’article 6 de la Convention, les requérants allèguent qu’ils n’ont pas été jugés dans un délai raisonnable.
2. Invoquant l’article 11 de la Convention, les requérants allèguent une atteinte à leurs droits syndicaux.
3. Invoquant l’article 13 de la Convention, les requérants soutiennent ne pas avoir bénéficié d’une voie de recours effective, eu égard aux décisions de non-lieu auxquelles ont abouti leurs plaintes contre les policiers et à l’absence de notification de l’arrêt du Conseil d’État.
4. Invoquant l’article 14 de la Convention (combiné avec les articles 6 et 13), les requérants soutiennent que les autorités nationales ont eu un comportement discriminatoire au cours de la procédure.
EN DROIT
1. Invoquant l’article 6 de la Convention, MM. Günsili et Yayik se plaignent de la durée de la procédure pénale diligentée à leur encontre.
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. Invoquant l’article 11 de la Convention, les requérants se plaignent d’une atteinte à leur liberté syndicale. Se fondant sur l’article 13 de la Convention, ils allèguent ne pas avoir bénéficié d’un recours effectif quant à leurs plaintes pour mauvais traitements. Ils soutiennent en outre avoir été soumis à un traitement discriminatoire en violation de l’article 14 de la Convention (combiné avec les articles 6 et 13).
La Cour souligne tout d’abord que, faute de pouvoir se prétendre lui-même victime, le syndicat en cause n’a pas qualité pour introduire une requête dirigée contre une mesure qui frappe ses membres (voir, mutatis mutandis, Noack et autres c. Allemagne (déc.), no 46346/99, CEDH 2000‑VI, et Association des amis de Saint-Raphaël et de Fréjus et autres requérants c. France (déc.), no 45053/98, 29 février 2000)).
Il s’ensuit que ces griefs, tels que soulevés par le syndicat, sont incompatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doivent être rejetés en application de l’article 35 § 4.
Quant au grief tiré de l’article 11 de la Convention, la Cour relève, d’une part, que la procédure diligentée contre M. Yayik pour entrave à la liberté du travail en raison des évènements survenus le 21 décembre 1995 a abouti au prononcé d’un sursis à statuer le 22 décembre 2000. Or, la présente requête a été introduite le 17 avril 2002. Il s’ensuit que ce grief, tel que relatif aux évènements survenus à cette date, est tardif et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
La Cour observe, d’autre part, que les poursuites pénales diligentées à l’encontre de MM. Yayik et Günsili conjointement en raison de leurs activités syndicales ont abouti à un jugement d’acquittement. Il s’ensuit qu’ils ne peuvent plus se prétendre victimes de la violation alléguée. Ce grief est donc incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
Quant au grief tiré de l’absence de recours effectif, la Cour rappelle que l’article 13 de la Convention ne peut être invoqué qu’à l’appui d’un « grief défendable » fondé sur la Convention. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Enfin, la Cour constate que le grief des requérants tiré d’une prétendue discrimination est énoncé de manière générale et que leur argumentation à cet égard n’apparaît aucunement étayée. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief des requérants Günsili et Yayik tiré de la durée de la procédure ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président