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Rozhodnutí
TROISIÈME SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 58879/00
présentée par Dieter Franz KAYSER
contre l’Italie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 22 juin 2006 en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
L. Caflisch,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. E. Myjer,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 15 mars 2000,
Vu la décision partielle du 22 mai 2003,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Dieter Franz Kayser, est un ressortissant allemand, né en 1936 et résidant à Munich. Il est représenté devant la Cour par Me R. Reisinger, avocat à Griesbach.
Le gouvernement défendeur est représenté par son agent, M. I.M. Braguglia, et par son coagent, M. F. Crisafulli.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 25 mars 1998, à la suite d’une plainte déposée par l’épouse du requérant, ce dernier fut mis en examen pour le délit de « violation du devoir d’assistance familiale » (« violazione degli obblighi di assistenza familiare ») prévu à l’article 570 du code pénal, et pour le délit de « mauvais traitements en famille ou à l’égard de mineurs » (« maltrattamenti in famiglia o verso i minori ») prévu à l’article 572 du code pénal.
Il ressort des actes du procès que la plaignante avait auparavant quitté le domicile conjugal sis en Allemagne et avait indiqué dans sa plainte un domicile en Italie, où elle s’avéra introuvable. Par ailleurs, elle ne participa pas aux débats.
Par un jugement du 13 mai 1999, devenu définitif le 2 novembre 1999, le juge de première instance de Lucques relaxa le requérant vu l’absence de faits délictueux (« perché il fatto non sussiste »).
B. Le droit interne pertinent
L’infraction prévue à l’article 570 du code pénal (« violazione degli obblighi di assistenza familiare ») est poursuivie sur plainte. L’infraction prévue par l’article 572 du code pénal (« maltrattamenti in famiglia o verso i minori ») est poursuivie d’office.
Les articles 542 et 427 du code de procédure pénale prévoient que, lorsqu’il s’agit d’un délit poursuivi sur plainte d’une partie, en cas d’acquittement de l’accusé, le juge, sur demande de ce dernier, peut condamner la partie plaignante à lui rembourser les frais engagés pour sa défense.
GRIEF
Le requérant se plaint de l’impossibilité d’être remboursé des frais de sa défense.
EN DROIT
Le requérant se plaint de l’impossibilité pour lui d’obtenir le remboursement de ses frais de défense, relatifs à la procédure pénale s’étant terminée par son acquittement.
La Cour estime que ce grief se prête à un examen sous l’angle des articles 6 de la Convention et 1 du Protocole no 1.
En ses parties pertinentes, l’article 6 §§ 1 et 2 de la Convention est ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...).
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
L’article 1 du Protocole no 1 dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
Le Gouvernement soulève une exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes, soutenant que le requérant a omis de demander le remboursement de ses frais de défense à la personne qui a déposé la plainte injustifiée.
Sur le fond, le Gouvernement soutient que le fait de devoir supporter ses frais de défense en cas d’acquittement n’est pas contraire à l’article 6 de la Convention. A cet égard, il observe que le principe d’égalité des armes ne s’applique que pendant le déroulement du procès, et non pas après la conclusion de celui-ci. De plus, le droit italien impose l’assistance d’un avocat dans un procès pénal. Ainsi, en l’absence d’un avocat nommé par l’intéressé, la défense est assurée par un avocat commis d’office, qui sera rémunéré par l’intéressé. Seules les personnes impécunieuses peuvent être admises au bénéfice de l’assistance judiciaire gratuite. Cette obligation d’assistance légale dans le cadre d’un procès pénal répond au souci d’assurer une défense conforme à l’article 6 de la Convention.
Dans le cas d’espèce, le requérant a été assisté par un avocat de son choix et ne pouvait pas être admis au bénéfice de l’assistance judiciaire puisqu’il n’est pas impécunieux. Selon le Gouvernement, le requérant ne peut pas faire peser sur l’Etat les conséquences financières de son choix.
Selon le Gouvernement, la Cour ne peut pas introduire la règle du remboursement des frais de défense, ni sous l’angle de l’article 6 de la Convention ni sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1.
Se référant à l’affaire Van der Mussele c. Belgique, arrêt du 23 novembre 1983, série A no 70, le Gouvernement soutient que l’article 1 du Protocole no 1 n’est pas applicable en l’espèce, au motif que l’imposition du devoir d’assistance légale ne constitue pas une ingérence au sens de cette disposition.
Pour le cas où la Cour estimerait cette disposition applicable, le Gouvernement observe que l’imposition des frais de défense constitue une ingérence conforme à la loi, visant un but légitime (à savoir réprimer les infractions pénales et assurer la cohésion sociale) et non disproportionnée.
Le caractère obligatoire des poursuites pénales en Italie expliquerait pourquoi même en cas d’acquittement l’intéressé doit supporter les frais de défense. Dans ce contexte, « l’acquittement du prévenu ne vaut pas reconnaissance d’une erreur coupable ou, pire, d’une persécution en mauvaise foi », ayant occasionné des préjudices à réparer. Lorsque le prévenu par la suite acquitté a dû passer une période en détention provisoire, le droit national prévoit la possibilité de l’indemniser pour la privation de liberté.
Le requérant s’oppose aux thèses du Gouvernement. Il estime tout d’abord qu’il n’y a pas de problème d’épuisement des voies de recours internes. A cet égard, il observe que le recours indiqué par le Gouvernement n’aurait eu en l’espèce aucune chance de succès, compte tenu de ce que la plaignante avait disparu de son domicile lors du procès et est depuis introuvable. Le requérant indique en outre qu’il n’a jamais été mis au courant par les autorités italiennes de la possibilité d’introduire une action à l’encontre de son épouse pour obtenir le remboursement des frais de défense. Il observe enfin que l’exception du Gouvernement n’est qu’une manière de se décharger sur un tiers de son obligation de rembourser à l’accusé acquitté les frais de sa défense.
Sur le fond, le requérant demande à la Cour de constater que l’impossibilité d’obtenir le remboursement des frais de procédure est incompatible avec la Convention.
La Cour note que le requérant n’a pas demandé le remboursement de ses frais de défense à la partie plaignante au sens des articles 542 et 427 du code de procédure pénale. Toutefois, la Cour n’est pas appelée, en l’espèce, à se prononcer sur le point de savoir si le requérant était dispensé d’épuiser les voies de recours internes, étant donné que la présente requête est de toute manière irrecevable, pour les raisons suivantes.
En effet, selon une jurisprudence bien établie, la Convention ne garantit pas à un accusé ultérieurement acquitté le droit de se faire rembourser les frais qu’il a exposés dans la procédure pénale engagée contre lui. Un tel droit ne découle ni de l’article 6 ni d’aucune autre disposition de la Convention ou de ses Protocoles (Lutz c. Allemagne, arrêt du 25 août 1987, série A no 123, p. 25, § 59, Minelli c. Suisse, arrêt du 25 mars 1983, série A no 62, p. 17, §§ 34-35, Masson et Van Zon c. Pays Bas, arrêt du 28 septembre 1995, série A no 327-A, p. 19, § 49, Duclos c. France (déc.), no 62916/00, 16 décembre 2003, et Yassar Hussain c. Royaume-Uni, no 8866/04, 7 mars 2006, § 21).
Il s’ensuit que la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être déclarée irrecevable.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare le restant de la requête irrecevable.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président