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Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
des requêtes nos 31941/03 et 31944/03
présentées respectivement par Ali Ekber ÖZ et Fuat NAS
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 20 juin 2006 en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de M. S. Naismith, greffier adjoint de section,
Vu les requêtes susmentionnées introduites le 20 août 2003,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, MM. Ali Ekber Öz et Fuat Nas, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1969 et 1962, et résidant à Istanbul. Ils sont représentés devant la Cour par Me N. Çem, avocat à Istanbul.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
Les requérants furent arrêtés, respectivement les 12 octobre et 18 juillet 1992, par des agents de la direction de la sûreté d’Istanbul, section de la lutte contre le terrorisme, pour appartenance au PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan).
Les 27 octobre et 3 août 1992 respectivement, ils furent entendus par le juge près la cour de sûreté de l’État d’Istanbul qui ordonna leur placement en détention provisoire.
Par un acte d’accusation du 10 novembre 1992, le parquet d’Istanbul intenta une action pénale contre vingt-six personnes, dont les requérants, pour séparatisme.
Les requérants affirment avoir été mis en liberté provisoire quatre mois après avoir été placés en détention.
Par un arrêt du 11 avril 2003, la cour de sûreté de l’État, composée exclusivement de juges civils, constata l’extinction de l’action pénale diligentée contre les requérants par l’effet de la prescription.
B. Le droit interne pertinent
La loi no 4388 du 18 juin 1999 relative à l’instauration des cours de sûreté de l’État a modifié l’article 143 de la Constitution, ainsi libellé :
« (...) Les cours de sûreté de l’État se composent d’un président, de deux membres titulaires, d’un membre suppléant, d’un procureur général de la République et d’un nombre suffisant de procureurs de la République.
Le président, deux membres titulaires, un membre suppléant et le procureur général de la République sont nommés parmi les juges et les procureurs de premier rang, les procureurs de la République parmi les procureurs d’autres rangs, pour quatre ans, par le Haut Conseil des juges et des procureurs, selon la procédure définie dans la loi spéciale. Leur mandat est renouvelable (...) »
Les modifications nécessaires quant à la nomination des juges et des procureurs de la République furent apportées à la loi no 2845 sur les cours de sûreté de l’État par la loi no 4390 du 22 juin 1999. Selon l’article provisoire 1 de la loi no 4390, les mandats des juges militaires et des procureurs militaires en fonction au sein des cours de sûreté de l’État devaient prendre fin à la date de la publication de cette loi (le 22 juin 1999). Selon l’article 3 provisoire de la même loi, les procédures pendantes devant les cours de sûreté de l’État à la date de publication de cette loi devaient se poursuivre dans l’état où elles se trouvaient à cette date.
GRIEFS
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée de la procédure pénale engagée à leur encontre devant les juridictions nationales.
Invoquant le même article, les requérants se plaignent du manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’État, dans la mesure où elle était composée d’un juge militaire jusqu’au 22 juin 1999, date de la modification de la composition de ces cours.
EN DROIT
Au vu de la similitude des griefs des requérants tirés de faits identiques, la Cour estime opportun de joindre les deux requêtes.
1. Les requérants allèguent que leur cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable par les juridictions nationales. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention ainsi libellé dans sa partie pertinente :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. Les requérants se plaignent du manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de l’État d’Istanbul. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention ainsi libellé dans sa partie pertinente :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
La Cour observe d’emblée que les requérants ont été poursuivis du chef d’appartenance au PKK. A l’issue de la procédure pénale engagée à leur encontre, par un arrêt du 11 avril 2003, la cour de sûreté de l’État, composée exclusivement de juges civils, a constaté l’extinction de l’action publique par l’effet de la prescription. Partant, la Cour relève que les intéressés n’apparaissent plus affectés en rien et ne sauraient dès lors prétendre avoir intérêt, au sens de l’article 34 de la Convention, à poursuivre l’examen de cette partie de leur requête.
Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Décide de joindre les requêtes ;
Ajourne l’examen du grief des requérants tiré de la durée de la procédure pénale engagée devant la cour de sûreté de l’État d’Istanbul ;
Déclare les requêtes irrecevables pour le surplus.
S. Naismith J.-P. Costa
Greffier adjoint Président