Přehled
Rozhodnutí
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 6929/04
présentée par Corneliu Vadim TUDOR
contre la Roumanie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 15 juin 2006 en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
L. Caflisch,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 13 novembre 2003,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Corneliu Vadim Tudor, est un ressortissant roumain, né en 1949 et résidant à Bucarest.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est le rédacteur en chef de l’hebdomadaire România mare. Il était, à l’époque des faits, sénateur élu sur la liste du Parti România Mare (« PRM »), parti d’opposition et dont il était le président.
Le 17 avril 1998, dans le cadre d’une conférence de presse du PRM, et ensuite le 1er mai 1998, dans un article publié dans România mare, intitulé « Nous avons les preuves : [G.D.] (Cain) a livré son frère à la Securitate [le service de renseignements avant 1989], et en 1958 celui-ci a été exécuté ! » (Avem dovezile : [G. D.] (Cain) si-a tradat fratele la Securitate, iar in 1958 acesta a fost executat !), le requérant affirma ce qui suit sur G.D., membre du Parti national agraire (« le PNŢCD ») et ministre de l’Intérieur à l’époque des faits :
« (...) tout le monde sait que tu es un salaud complexé, peut-être aussi à cause du péché originel d’avoir mouchardé ton frère à la Securitate dans les années 50, celui-ci ayant été par la suite arrêté dans les montagnes et exécuté (au moins c’est ce que les habitants du département de Sibiu ont déclaré) – nous ne savons pas encore si c’est vrai, reste à vérifier. » [toată lumea ştie că eşti un om rău şi complexat, poate şi datorită păcatului originar de a-ţi fi turnat la securitate fratele, prin anii ‘50, acesta fiind arestat în munţi şi executat (cel putin aşa au declarat unii locuitori ai judeţului Sibiu) – nu ştim dacă e adevărat, rămane de verificat.] »
Il s’adressa à G.D. en disant « la police privatisée par toi » et affirma enfin :
« On ne te demande pas la sympathie, car cela nous dégoûte, la sympathie d’un tortionnaire qui a lancé des lacrymogènes sur les ouvriers et ameuté des insurgés cagoulés de noir pour étouffer dans un bain de sang la révolte des détenus de Jilava. Tout ce qu’on te demande, s’il te reste encore un peu de cerveau et de bon sens, est de répondre publiquement (...) » [Nu cerem să ne simpatizaţi fiindcă ne este silă de simpatia unui torţionar care a tras cu gaze lacrimogene în muncitori şi a asmuţit luptători purtând cagule negre, pentru a înăbuşi în sânge revolta deţinuţilor de la Jilava. Tot ce-ţi cerem noi, dacă mai ai vreo fărâmă de creier şi vreo brumă de ruşine, este să răspunzi public (...)] »
Par une décision du 23 mars 1999, le Sénat leva l’immunité parlementaire du requérant. Le 23 avril 1998, la victime déposa une plainte pénale contre le requérant pour insulte et diffamation, infractions prévues respectivement par les articles 205 et 206 du code pénal. Le 30 juin 1999, le parquet près la Cour suprême de justice renvoya le requérant en jugement devant la section pénale de la Cour suprême de justice qui rendit son arrêt le 18 décembre 2001.
La Cour suprême constata que les affirmations faites par le requérant dans le cadre de la conférence de presse ainsi que dans l’article publié dans l’hebdomadaire portaient atteinte à l’honneur et à la réputation de la victime et l’exposaient au mépris du public, et que les infractions d’insulte et de diffamation étaient ainsi constituées.
Elle retint, toutefois, que ces affirmations avaient été proférées dans le cadre d’une campagne de dénigrement de G.D., engagée par le PNŢCD afin de se débarrasser de celui-ci. Elle nota, ainsi, que des propos similaires à ceux du requérant avaient été proférés par le président des jeunes et par le porte-parole du PNŢCD – Sibiu, comme cela avait été constaté par un jugement définitif du tribunal de première instance de Sibiu du 16 avril 1999. Ensuite, la Cour suprême observa que les parties à cette dernière procédure avaient conclu un règlement amiable et que, dans l’espèce, la conciliation avait échoué devant elle pour des raisons formelles et non pas parce que les parties n’auraient pas eu la volonté de conclure un règlement amiable.
Pour toutes ces raisons, la Cour suprême estimait que les faits ne présentaient pas une gravité suffisante pour constituer une infraction et, sur le fondement des articles 181 et 91 du code pénal, relaxa le requérant, tout en lui infligeant une amende administrative de 10 000 000 lei roumains (ROL).
Cependant, la Cour suprême rappela que, bien qu’il ait repris les affirmations injurieuses et diffamatoires d’autres personnes, même sur un ton dubitatif, le requérant avait toujours l’obligation de vérifier la véracité des imputations, ce qu’il n’avait pas fait. Dès lors, elle estima que le requérant avait méconnu les limites de la liberté d’expression établie pas la Constitution et par l’article 10 § 2 de la Convention et, sur le volet civil de l’affaire, elle le condamna à verser à la victime 500 000 000 ROL pour préjudice moral.
Les parties et le procureur attaquèrent cet arrêt. La Cour suprême, dans une formation de jugement de neuf juges, rendit son arrêt définitif le 9 juin 2003. Elle rappela que les expressions constitutives de l’infraction d’insulte, soit notamment « salaud complexé » (om rău şi complexat), « tortionnaire » (torţionar), « la police privatisée par toi » (poliţia privatizată de matale) et « s’il te reste encore un peu de cerveau et de bon sens » (dacă mai ai vreo fărâmă de creier şi vreo brumă de ruşine), étaient propres au requérant et non pas reprises de la campagne de dénigrement contre G.D. S’agissant de l’imputation « d’avoir mouchardé son frère », examinée sous l’angle de l’article 206 du code pénal régissant la diffamation, la Cour suprême rappela que le fait qu’une autre personne ait auparavant commis la même infraction ne supprimait pas la responsabilité pénale du requérant. Ensuite, elle constata que ce dernier n’avait pas vérifié la véracité des imputations avant de les rendre publiques et que, par conséquent, le fait d’avoir exprimé des doutes n’enlevait pas non plus le caractère pénal à ces faits. La Cour suprême conclut que le requérant avait exercé son droit à la liberté d’expression d’une manière qui ne correspondait pas aux exigences de la Constitution roumaine, de la Résolution no 1003 du 1er juin 1993 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ni de l’article 10 § 2 de la Convention.
La Cour suprême estima, ensuite, que le fait que les parties aient manifesté le souhait d’un règlement amiable n’influait pas sur la gravité des faits commis et constata que l’article 181 du code pénal n’était pas applicable en l’espèce, le requérant ne pouvant être relaxé.
La Cour suprême constata, toutefois, la prescription spéciale pour sa responsabilité pénale en ce qui concernait l’insulte (à savoir plus de quatre ans et six mois depuis le 17 avril 1998, date de la conférence de presse du PRM), conformément aux articles 122 et 124 du code pénal et, de ce fait, elle relaxa le requérant du chef de cette infraction. Ensuite, elle le condamna pour diffamation et lui infligea une amende pénale de 10 000 000 ROL, tout en constatant que le condamné était gracié en vertu de la loi no 543/2002.
Sur le volet civil, se fondant sur les critères ressortant de l’article 41 de la Convention, notamment une appréciation raisonnable et équitable de la réparation correspondant au préjudice réellement encouru, la Cour suprême diminua le montant des dommages‑intérêts, et octroya à G.D. 300 000 000 ROL pour préjudice moral.
B. Le droit interne pertinent
1. Le code pénal
Les dispositions pertinentes du code pénal prévoient :
Article 181 – Les faits qui ne présentent pas la gravité d’une infraction
« (1) Ne constitue pas une infraction l’acte réprimé par la loi pénale, s’il ne présente pas le degré de gravité requis pour l’existence d’une infraction, et est manifestement dépourvu d’importance en raison de l’atteinte minimale à l’une des valeurs protégées par la loi pénale, et de son contenu concret (...)
(3) Le procureur ou le tribunal applique à un tel acte l’une des sanctions administratives prévues par l’article 91. »
Article 91 – Les sanctions administratives
« Lorsque le tribunal estime [que les faits ne présentent pas le degré de gravité requis pour l’existence d’une infraction], il inflige l’une des sanctions administratives qui suivent :
(...)
c) une amende d’un montant de 100 000 ROL à 10 000 000 ROL. »
Article 205 - L’insulte
« L’atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne, par des mots, gestes ou tout autre moyen, ou par l’exposition de celle-ci à la moquerie est punie d’une peine d’emprisonnement d’un mois à deux ans ou d’une amende (...)
Le parquet peut être saisi par une plainte émanant de la victime (...) »
Cet article a été modifié par l’ordonnance d’urgence no 58/2002, en ce que l’insulte n’est plus punie que d’une amende.
Article 206 - La diffamation
« L’affirmation ou l’imputation en public d’un certain fait concernant une personne, fait qui, s’il était vrai, exposerait cette personne à une sanction pénale, administrative ou disciplinaire, ou au mépris public, est punie d’une peine d’emprisonnement de trois mois à un an ou d’une amende. »
Article 207 - La preuve de la vérité
« La preuve de la vérité des affirmations ou des imputations peut être accueillie si l’affirmation ou l’imputation ont été commises pour la défense d’un intérêt légitime. Les agissements au sujet desquels la preuve de la vérité a été faite ne constituent pas l’infraction d’insulte ou de diffamation. »
2. Le code civil
Les articles pertinents du code civil sont libellés comme suit :
Article 998
« Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Article 999
« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »
GRIEFS
Invoquant l’article 10 de la Convention, le requérant se plaint de l’illégalité de sa condamnation pour insulte et diffamation au paiement de dommages et intérêts, en faisant valoir, d’une part qu’il n’était pas l’auteur de l’information, et d’autre part qu’il existait un intérêt légitime à la publication des informations litigieuses.
EN DROIT
Le requérant s’estime victime d’une violation de l’article 10 de la Convention en raison des décisions rendues par la Cour suprême de justice à son encontre. L’article 10 prévoit :
« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
La Cour estime que la condamnation du requérant au paiement de dommages et intérêts en raison de la conférence de presse du PRM et de l’article publié dans l’hebdomadaire România mare s’analyse en une ingérence dans son droit à la liberté d’expression. Cette ingérence était sans aucun doute prévue par loi, à savoir les articles 998 et 999 du code civil, et poursuivait un but légitime, à savoir « la protection de la réputation ou des droits d’autrui ». Reste, donc, à établir si cette ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ».
La condition de « nécessité dans une société démocratique » commande à la Cour de déterminer si l’ingérence litigieuse correspondait à un « besoin social impérieux ». Les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de l’existence d’un tel besoin, mais cette marge va de pair avec un contrôle européen.
Dans l’exercice de son pouvoir de contrôle, la Cour doit examiner l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire, y compris la teneur des propos reprochés au requérant et le contexte dans lequel celui-ci les a tenus. En particulier, il lui incombe de déterminer si la restriction apportée à la liberté d’expression du requérant était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par la Cour suprême de justice pour la justifier étaient « pertinents et suffisants » (voir, parmi beaucoup d’autres, Perna c. Italie [GC], no 48898/99, § 39, CEDH 2003-V, et Cumpǎnǎ et Mazǎre c. Roumanie [GC], no 33348/96, §§ 89-90, 17 décembre 2004).
Elle rappelle enfin que la liberté d’expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent (Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 41)
En l’espèce, la Cour note d’abord que le requérant était, au moment des faits, parlementaire et que la victime était ministre de l’Intérieur, et rappelle que le libre jeu du débat politique se trouve au cœur même de la notion de société démocratique. Par conséquent, l’ingérence dans la liberté d’expression d’un parlementaire de l’opposition, comme c’était le cas du requérant, commande à la Cour de se livrer à un contrôle des plus stricts même si, comme c’est le cas en l’espèce, le requérant ne s’est pas prononcé à la tribune du Sénat, ainsi qu’il aurait pu le faire sans risque de sanctions, mais par le biais d’une conférence de presse du parti qu’il représentait et dans un hebdomadaire (Castells c. Espagne, arrêt du 23 avril 1992, série A no 236, pp. 22-23, §§ 42-43).
La Cour doit aussi tenir compte du rôle indispensable de « chien de garde » que joue la presse dans une société démocratique (Goodwin c. Royaume-Uni, arrêt du 27 mars 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996‑II, p. 500, § 39, et Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], no 21980/93, § 59, CEDH 1999-III). Si la presse ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits d’autrui, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et des idées sur les questions politiques ainsi que sur les autres thèmes d’intérêt général (voir, parmi beaucoup d’autres, De Haes et Gijsels c. Belgique, arrêt du 24 février 1997, Recueil 1997-I, pp. 233-234, § 37, Thoma c. Luxembourg, no 38432/97, § 45, CEDH 2001‑III, et Colombani et autres c. France, no 51279/99, § 55, CEDH 2002-V). Toutefois, même la liberté de discussion politique ne revêt assurément pas un caractère absolu (Castells précité, § 46).
A supposer qu’en l’espèce les propos du requérant s’inscrivaient dans le cadre d’un débat politique d’intérêt général, la Cour note que le requérant n’a pas prouvé la véracité de ses assertions. Il est vrai qu’afin d’apprécier l’existence d’un « besoin social impérieux » propre à justifier l’ingérence dans la liberté d’expression, il y a lieu de distinguer avec soin entre faits et jugements de valeur et que si la matérialité des premiers peut se prouver, les seconds ne se prêtent pas à une démonstration de leur exactitude (Ivanciuc c. Roumanie (déc.), no 18624/03, 8 septembre 2005, et Lingens, précité, § 46). Il n’en demeure pas moins que le fait de mettre directement en cause des personnes déterminées implique l’obligation de fournir une base factuelle suffisante, et que même un jugement de valeur peut se révéler excessif s’il est totalement dépourvu de base factuelle (Ivanciuc précité et Cumpănă et Mazăre précité §§ 98-101). Or, en l’espèce, la Cour note que le requérant visait par les propos litigieux plutôt la personne de G.D. et non pas ses capacités professionnelles (voir a contrario et mutatis mutandis Nikula c. Finlande, no 31611/96, §§ 51‑52, CEDH 2002‑II).
La Cour ne peut accepter la défense du requérant selon laquelle sa condamnation est illégale dans la mesure où il n’a fait que reprendre des informations déjà publiques concernant la victime. Bien que l’on ne puisse exiger de manière générale que les journalistes se distancient systématiquement et formellement du contenu d’une citation qui pourrait insulter des tiers (Abeberry c. France (déc.), no 58729/00, 21 septembre 2004 et Thoma, précité, §§ 62-64), lorsque le requérant a repris les déclarations attribuées à des tiers, il aurait dû faire preuve d’une plus grande rigueur et d’une particulière mesure (Stângu c. Roumanie (déc.), no 57551/00, 9 novembre 2004). La Cour est, de même, convaincue par la conclusion des tribunaux internes selon laquelle en n’ayant pas vérifié la véracité des informations avant leur publication, le requérant a manqué à ses devoirs, le simple fait d’ajouter un ton dubitatif à la fin de ses propos ne pouvant pas faire disparaître sa responsabilité (voir, mutatis mutandis, Abeberry et Castells précité §§ 48-49).
En outre, la Cour estime que les termes employés par le requérant n’étaient pas indispensables pour la communication de son message. Certes, dans une première phase, il s’agissait d’assertions orales prononcées lors d’une conférence de presse, ce qui a ôté la possibilité au requérant de les reformuler (Fuentes Bobo c. Espagne, no 39293/98, § 46, 29 février 2000). Cependant, bien qu’il n’appartienne pas à la Cour, ni aux juridictions nationales d’ailleurs, de se substituer à la presse pour dire quelle technique de compte rendu les journalistes doivent adopter (Bergens Tidende et autres c. Norvège, no 26132/95, § 57, CEDH 2000‑IV, et Jersild c. Danemark, arrêt du 23 septembre 1994, série A no 298, p. 23, § 31), la Cour ne peut que constater qu’après la conférence de presse le requérant a repris les termes litigieux dans son hebdomadaire sans aucune altération majeure.
Or, en l’absence de base factuelle et de bonne foi du requérant, la Cour ne peut pas admettre que ses propos ne dépassaient pas la dose d’exagération et provocation admise (voir, mutatis mutandis, Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, §§ 49-50, CEDH 1999‑VI).
Dans ces conditions, la Cour juge « pertinents et suffisants » les motifs retenus par les juridictions internes pour conclure que le requérant avait porté atteinte à la réputation de G.D.
S’agissant de la proportionnalité de l’atteinte au droit à la liberté d’expression, la Cour rappelle que la nature et la lourdeur des peines infligées sont des éléments à prendre en considération. Or, en l’espèce le requérant a été condamné à verser 300 000 000 ROL de dommages et intérêts. Bien qu’une telle somme ne soit pas négligeable, surtout pour la Roumanie, la Cour doit prendre en considération les circonstances particulières de l’espèce, notamment le sérieux des accusations contre le requérant (Metzger c. Allemagne (déc.), no 56720/00, 17 novembre 2005). Or, elle rappelle la gravité des termes utilisés et des faits imputés par le requérant à la victime et le fait qu’il n’ait même pas tenté de vérifier la véracité de ses allégations. En outre, la Cour doit tenir compte du fait que la situation financière du requérant était bonne et qu’il ne s’agissait pas en l’espèce d’un simple journaliste, mais d’un parlementaire qui, de plus, a choisi de quitter le forum du Sénat pour émettre ses propos au sujet de la victime.
Dans ce contexte, la Cour estime que les mesures prises à l’encontre du requérant n’étaient pas disproportionnées au but légitime poursuivi.
Eu égard à ce qui précède, l’ingérence dans la liberté d’expression du requérant peut passer pour « nécessaire » dans une société démocratique.
Il s’ensuit que la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président