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Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 34889/03
présentée par Hayrettin KAMBUR
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 13 juin 2006 en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,
A.B. Baka,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
D. Jočienė, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 7 octobre 2003,
Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Hayrettin Kambur, est un ressortissant turc, né en 1949 et résidant à Istanbul. Il est représenté devant la Cour par Me N. Uzuntaş, avocat à Istanbul.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
En 1987, le terrain appartenant au requérant fut exproprié par la ville d’Istanbul et une indemnité d’expropriation lui fut versée.
Le 13 janvier 1997, le requérant, estimant insuffisante la somme reçue, introduisit un recours en augmentation de l’indemnité d’expropriation auprès du tribunal de grande instance d’Istanbul.
Le 15 avril 1998, le tribunal lui accorda une indemnité complémentaire de 2 998 202 400 livres turques (TRL), environ 11 272 écus, assortie d’intérêts moratoires.
Par un arrêt du 9 février 1999, la Cour de cassation confirma le jugement de première instance en ajoutant la date du début des intérêts moratoires, à savoir le 13 janvier 1997.
Le 7 avril 2003, le bureau d’exécution des jugements d’Istanbul informa le requérant qu’une somme de 14 784 000 000 TRL (8 262 euros (EUR)) devrait lui être payée par la mairie d’Istanbul.
Le 12 avril 2004, une partie de la somme équivalent à 4 542 300 000 TRL (environ 2 797 EUR) fut payée au requérant.
Le restant de l’indemnité fut payé en trois fois : 5 000 000 000 TRL le 29 mars 2004, 5 000 000 000 TRL le 4 mai 2004 et 5 284 000 000 TRL le 28 mai 2004, soit une somme de 15 284 000 000 TRL (8 483 EUR). Au total, la mairie versa au requérant au titre de l’indemnité complémentaire assortie d’intérêts moratoires la somme globale de 19 826 300 000 TRL (11 005 EUR) entre les 12 avril 2004 et 28 mai 2004.
Le 24 juin 2004, le tribunal de l’exécution rendit un jugement constatant le paiement et déclara la procédure close.
B. Le droit interne pertinent
Le droit et la pratique internes pertinents sont décrits dans les affaires Akkuş c. Turquie (arrêt du 9 juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑IV), Aka c. Turquie (arrêt du 23 septembre 1998, Recueil 1998‑VI, p. 2682), Gaganuş et autres c. Turquie (no 39335/98, 5 juin 2001), Arabacı c. Turquie ((déc.), no 65714/01, 7 mars 2002), Denli c. Turquie (no 68117/01, 23 juillet 2002) et Yıldırım et Durman c. Turquie ((déc.), no 49507/99, 3 mai 2005).
GRIEFS
Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, le requérant se plaint d’une atteinte à son droit au respect de ses biens en raison du retard de l’administration dans le paiement de l’indemnité complémentaire d’expropriation, assortie d’intérêts moratoires insuffisants par rapport au taux d’inflation très élevé en Turquie.
EN DROIT
Le requérant estime que la situation litigieuse porte atteinte à son droit au respect de ses biens, garanti par l’article 1 du Protocole no 1 ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
Le requérant soutient qu’en l’espèce le « juste équilibre » devant être ménagé entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu a été rompu en raison de la modalité d’indemnisation prévue par la législation nationale. Il expose à cet égard qu’il a été contraint de saisir le tribunal de grande instance d’Istanbul en vue d’obtenir une indemnité complémentaire d’expropriation, étant donné que l’indemnité initialement fixée ne correspondait pas à la valeur réelle de son bien. Il reconnaît avoir été payé ; toutefois, il souligne que l’indemnité complémentaire fixée par le tribunal lui a été payée tardivement. Selon lui, les conséquences de ce retard, conjuguées avec l’insuffisance des intérêts légaux par rapport à l’inflation, ont incontestablement engendré un déséquilibre injustifié entre ses intérêts personnels et ceux du public ayant motivé les mesures d’expropriation en cause.
Le Gouvernement soutient que le requérant a touché l’intégralité de l’indemnité fixée par le tribunal. Il fait observer qu’à la suite du paiement des sommes dues, le litige a ainsi été résolu. Le Gouvernement invite donc la Cour à déclarer la requête irrecevable.
La Cour note que, le 24 juin 2004, le tribunal d’exécution a rendu son arrêt constatant que le requérant avait perçu l’intégralité de sa créance assortie des intérêts moratoires. Sur le plan interne, le jugement de clôture rendu a donc mis indiscutablement fin à la contestation portant sur l’indemnité d’expropriation.
A l’analyse de l’ensemble des éléments du dossier, aux yeux de la Cour, son acquiescement quant au montant du paiement de sa créance a eu pour effet pratique de satisfaire ses revendications formulées sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 (voir Guerrera et Fusco c. Italie, no 40601/98, 3 avril 2003, Folcheri c. Italie (déc.), no 61839/00, 3 juin 2004, Ortiz Ortiz et autres c. Espagne (déc.), no 50146/99, 15 mars 2001, et Yıldırım et Durman, précité). De plus la Cour observe qu’en tenant compte des indices figurant sur la liste publiée par l’institut des statistiques de l’Etat, le montant total versé au requérant est conséquent par rapport à l’inflation.
Partant, la Cour estime que le requérant ne peut plus se prétendre victime d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1. Dès lors, la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président