Přehled
Rozhodnutí
PREMIÈRE SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 44838/04
présentée par Georgios DELAKOVIAS
contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 1er juin 2006 en une chambre composée de :
MM. L. Loucaides, président,
C.L. Rozakis,
Mmes F. Tulkens,
E. Steiner,
MM. K. Hajiyev
D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 3 juillet 2004,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Georgios Delakovias, est un ressortissant grec, né en 1960 et résidant à la région de Lakonia. Il est représenté devant la Cour par Me V. Foundoukos, avocat au barreau d’Athènes.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
En 1986, un incendie, provoqué par des pylônes d’électricité ravagea vingt-cinq ruches appartenant au requérant.
Le 10 octobre 1991, le requérant saisit le tribunal de grande instance d’Athènes d’une action tendant à la condamnation de l’Entreprise Publique d’Electricité (« DEI ») à lui verser diverses sommes à titre d’indemnisation pour la destruction de ses biens suite à l’incendie.
L’audience de l’affaire, initialement fixée au 16 janvier 1992, fut par la suite reportée au 24 septembre 1993 à la demande des parties. Le 2 novembre 1993, le tribunal de grande instance rejeta l’action du requérant comme infondée, ce dernier n’ayant pas comparu à l’audience (décision no 6718/1993).
Le 26 janvier 1995, le requérant interjeta opposition (ανακοπή ερημοδικίας) de cette décision au motif qu’il n’avait pas été dûment convoqué à comparaître par la partie adverse. Le 30 janvier 1998, le requérant demanda la fixation d’une date d’audience. Celle-ci fut fixée au 7 janvier 1999. Le 28 mai 1999, par une décision avant dire droit, le tribunal de grande instance d’Athènes accueillit l’opposition du requérant et ordonna l’audition des témoins dans un délai de six mois à compter de la notification de cette décision, qui devait être effectuée à l’initiative des parties (décision no 4015/1999).
L’administration des preuves commença le 20 juin 2000, à l’initiative de la DEI, et s’acheva le 30 janvier 2001.
Le 16 septembre 2002, le tribunal de grande instance d’Athènes rejeta les demandes du requérant comme prescrites (décision no 5306/2002).
Le 22 janvier 2003, le requérant interjeta appel de cette décision.
Le 20 novembre 2003, la cour d’appel d’Athènes confirma la décision attaquée (arrêt no 8274/2003). Cet arrêt fut notifié au requérant le 3 février 2004, à l’initiative de son adversaire.
Le requérant ne se pourvut pas en cassation contre cet arrêt. Selon lui, un tel pourvoi eut été voué à l’échec.
B. Le droit interne pertinent
Les dispositions pertinentes du code de procédure civile se lisent ainsi :
Article 106
« Le tribunal agit uniquement à la demande d’une partie et décide sur la base des allégations soulevées par les parties (...) »
Article 108
« Les actes de procédure ont lieu à l’initiative et à la diligence des parties (...) »
Les articles susmentionnés consacrent respectivement les principes de la disposition de l’instance (αρχή διαθέσεως) et de l’initiative des parties (αρχή πρωτοβουλίας των διαδίκων). Selon le principe de la disposition de l’instance, la protection judiciaire dans le cadre des litiges civils est accordée seulement si elle est demandée par les parties, dans la mesure où elle l’est et si elle continue à l’être. Par ailleurs, selon le principe de l’initiative des parties, le progrès d’une procédure civile dépend entièrement de la diligence des parties (P. Yessiou-Faltsi, Civil Procedure in Hellas, éd. Sakkoulas-Kluwer, p. 45 et suiv.).
GRIEFS
1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’équité et de la durée de la procédure d’indemnisation.
2. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, le requérant se plaint que l’arrêt no 8274/2003 de la cour d’appel d’Athènes porta atteinte au droit au respect de ses biens.
EN DROIT
Le requérant se plaint du caractère inéquitable et de la durée de la procédure d’indemnisation. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
En outre, le requérant se plaint que l’arrêt no 8274/2003 de la cour d’appel d’Athènes l’a privé de l’indemnité qui aurait dû normalement lui être versée suite à la destruction de sa propriété. Il invoque l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
1. Sur les griefs tirés de l’iniquité de la procédure et de la prétendue atteinte au droit au respect des biens
La Cour note que le requérant ne s’est pas pourvu en cassation. Toutefois, elle n’estime pas nécessaire de se prononcer sur la question s’il y a eu en l’espèce non-épuisement des voies de recours internes, cette partie de la requête pouvant être rejetée pour les motifs suivants.
S’agissant de l’équité de la procédure, le requérant reproche, notamment, aux juridictions internes d’avoir fait preuve de partialité et d’arbitraire à son égard et d’avoir commis des erreurs de fait et de droit qui ont privilégié son adversaire.
La Cour rappelle que l’application et l’interprétation du droit interne sont en principe réservées à la compétence des juridictions nationales. Aux termes de l’article 19 de la Convention, la Cour a pour seule tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Εtats contractants. En particulier, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I). Or, dans le cas d’espèce, la Cour ne décèle aucun indice d’arbitraire dans le déroulement de la procédure, qui a respecté le principe du contradictoire et au cours de laquelle le requérant a pu présenter tous les arguments pour la défense de sa cause. En conclusion, la Cour estime que, considérée dans son ensemble, la procédure litigieuse a revêtu un caractère équitable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
S’agissant du droit au respect des biens, la Cour estime que la prétendue créance du requérant ne peut passer pour un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1, puisque elle n’a pas été constatée et liquidée par une décision judiciaire ayant force de chose jugée. Telle est pourtant la condition pour qu’une créance soit certaine et exigible et, partant, protégée par l’article 1 du Protocole no 1 (voir Raffineries Grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, arrêt du 9 décembre 1994, série A, no 301-B, p. 84, § 59).
En particulier, la Cour note que, tant que son affaire était pendante devant les juridictions internes, son action ne faisait naître, dans le chef du requérant, aucun droit de créance, mais uniquement l’éventualité d’obtenir pareille créance. Dès lors, l’arrêt de la cour d’appel d’Athènes ayant débouté le requérant de ses demandes n’a pu avoir pour effet de le priver d’un bien dont il était propriétaire.
Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, et doit être rejetée conformément à l’article 35 § 4.
2. Sur le grief tiré de la durée de la procédure
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief tiré de la durée de la procédure ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Søren Nielsen Loukis Loucaides Greffier Président