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Rozhodnutí
DEUXIEME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 47354/99
présentée par Kahraman KORKMAZ et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 23 mai 2006 en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,
A.B. Baka,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes E. Fura-Sandström,
D. Jočienė,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 17 mai 1997,
Vu l’article 5 § 2 du Protocole no 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,
Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, Mmes Zeynep Özdemir, Penbe Oğuz (Özdemir), Elif Ateş, Hatice Özkılıç, Fatma Korkmaz, Hanım Korkmaz, Döne Korkmaz, Kudret Korkmaz, Emine Kaya, İslim Arslan, Güler Korkmaz, Elif Arıkan, Ayşe Korucu, İslim Sağlam et Redife Arar et MM. Kahraman Korkmaz, Müslüm Kütük, Mustafa Özdemir, Mehmet Özdemir, Seyit Ahmet Özdemir, Ali Korkmaz, Mustafa Korkmaz, Namık Kemal Korkmaz, Müslüm Arar et Mehmet Arar, sont des ressortissants turcs, résidant à Şanlıurfa. Ils sont représentés devant la Cour par Me Yusuf Karataş, avocat à Şanlıurfa.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
En 1990, l’administration procéda à des expropriations visant des terrains appartenant aux requérants et sis à Şanlıurfa.
En désaccord avec les montants payés par l’administration, les requérants introduisirent auprès du tribunal de grande instance de Birecik (« le tribunal ») des actions séparées en augmentation des indemnités d’expropriation pour chacun des lots.
Le tribunal donna gain de cause aux requérants et condamna l’administration à leur verser des indemnités d’expropriation complémentaires, assorties d’intérêts moratoires simples au taux de 30 % l’an à compter de la date du transfert de chaque bien. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation et devinrent définitifs.
Les 10 juin et 21 octobre 1997, l’administration versa aux requérants les compléments d’indemnité en question.
Les détails figurent dans le tableau suivant :
NOMS DES REQUERANTS | MONTANT DE L’INDEMNITÉ COMPLÉMENTAIRE (en livres turques « TRL ») | DATE DE DÉPART DU CALCUL DES INTÉRÊTS MORATOIRES | DATE DE L’ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION | DATE DU PAIEMENT | MONTANT DU PAIEMENT (TRL) |
Lot de terrain no31 / village de Meteler Kahraman Korkmaz Müslüm Kütük | 2 220 380 000 | 13.03.1996 | 23.12.1996 | 10.06.1997 | 2 902 309 794 |
Lot de terrain no118 / village de Geçittepe Mustafa Özdemir Mehmet Özdemir Seyit Ahmet Özdemir Zeynep Özdemir Penbe Oğuz Elif Ateş [Hatice Özkılıç] | 229 801 685 | 28.03.1996 | 03.03.1997 | 21.10.1997 | 284 106 430 |
Lot de terrain no195 / village de Geçittepe Ali Korkmaz Mustafa Korkmaz Namık Kemal Korkmaz Güler Korkmaz Fatma Korkmaz Hanım Korkmaz Döne Korkmaz Kudret Korkmaz Emine Kaya İslim Arslan | 8 580 871 909 | 12.03.1996 | 03.03.1997 | 21.10.1997 | 11 933 629 060 |
Lot de terrain no155 / village de Geçittepe Müslüm Arar Redife Arar Mehmet Arar Elif Arıkan Ayşe Korucu İslim Sağlam | 3 399 876 640 | 13.03.1996 | 23.12.1996 | 10.06.1997 | 4 472 264 335 |
Lot de terrain no156 / village de Geçittepe Müslüm Arar Redife Arar Mehmet Arar Elif Arıkan | 887 330 206 | 14.03.1996 | 11.11.1996 | 10.06.1997 | 1 129 637 600 |
Le 24 septembre 2001, les décisions d’expropriation quant aux lots de terrain numéros 31, 195 et 156 furent partiellement levées. Ainsi, les requérants Kahraman Korkmaz, Ali Korkmaz, Mustafa Korkmaz, Namık Kemal Korkmaz, Güler Korkmaz, Fatma Korkmaz, Hanım Korkmaz, Döne Korkmaz, Kudret Korkmaz, Emine Kaya, İslim Arslan, Müslüm Arar, Redife Arar, Mehmet Arar et Elif Arıkan semblent avoir récupéré une partie de leurs anciens biens, moyennant un paiement à l’administration.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
Pour le droit et la pratique internes pertinents en matière d’expropriation, voir les arrêts Akkuş c. Turquie (arrêt du 9 juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, pp. 1305-1306, §§ 13-16) et Aka c. Turquie (arrêt du 23 septembre 1998, Recueil 1998‑VI, pp. 2674‑2676, §§ 17-25).
GRIEF
Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, les requérants dénoncent l’insuffisance du taux des intérêts moratoires appliqué aux indemnités complémentaires d’expropriation ainsi que le retard mis par la direction à s’acquitter de ces sommes.
EN DROIT
Dénonçant l’insuffisance du taux des intérêts moratoires appliqué aux indemnités complémentaires d’expropriation ainsi que le retard mis par l’administration expropriante à s’acquitter de ces sommes, les requérants se disent victime d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
A. Arguments des parties
Le Gouvernement reproche aux requérants d’avoir omis d’épuiser la voie de recours offerte par l’article 105 du code des obligations en vertu duquel la compensation des prétendues pertes aurait été possible.
Par ailleurs, il rappelle que, le 24 septembre 2001, les décisions d’expropriation concernant les lots de terrain numéros 31, 195 et 156 ont été levées en partie et que les terrains concernés, restitués à leurs anciens propriétaires, moyennant le remboursement des sommes payées auparavant par l’administration. Ainsi, il considère que la requête est manifestement mal fondée s’agissant de ces requérants, à savoir, Kahraman Korkmaz, Ali Korkmaz, Mustafa Korkmaz, Namık Kemal Korkmaz, Güler Korkmaz, Fatma Korkmaz, Hanım Korkmaz, Döne Korkmaz, Kudret Korkmaz, Emine Kaya, İslim Arslan, Müslüm Arar, Redife Arar, Mehmet Arar et Elif Arıkan.
Les requérants contestent cette thèse. A cet égard, ils soutiennent d’abord que la levée partielle des mesures d’expropriation est intervenue en janvier 2002. Par ailleurs, ils soulignent que la restitution des terrains en question n’a eu lieu que partiellement, à l’exception du lot no 31, restitué en entier. Enfin, ils rappellent qu’un délai de cinq ans a écoulé dans l’intervalle, période pendant laquelle l’administration est demeurée en possession de ces terrains, qui n’ont jamais été entretenus. Ainsi, les restitutions en cause ne pouvaient pallier la perte subie par les requérants.
B. Appréciation de la Cour
S’agissant du moyen tiré du non-épuisement des voies de recours internes, la Cour rappelle qu’elle a rejeté une exception semblable dans l’affaire Aka (précité, pp. 2678‑2679, §§ 34-37). Elle n’aperçoit aucun motif de se départir de sa précédente conclusion et rejette donc l’exception préliminaire du Gouvernement.
Quant aux arguments tirés de la restitution partielle de certains terrains à leurs anciens propriétaires, la Cour constate que les documents versés au dossier ne précisent pas à un degré suffisant dans quelles conditions cette restitution a eu lieu. Ainsi, la Cour estime que malgré les renseignements fournis, le grief sous examen continue à soulever de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade.
Ceci dit, la Cour constate que le tribunal de grande instance de Birecik saisi de la demande en augmentation de l’indemnité complémentaire quant au lot de terrain no 118 (village de Geçittepe), a débouté la requérante Penbe Oğuz au motif qu’elle n’avait pas respecté le délai prévu pour introduire une telle demande. Par conséquent, Mme Oğuz ne peut passer pour avoir épuisé les voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention.
En conséquence, la Cour estime qu’il convient de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention, de déclarer la requête irrecevable dans le chef de la requérante Penbe Oğuz et de l’accueillir en tant qu’elle concerne le reste des requérants.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable quant à la requérante Penbe Oğuz ;
Déclare la requête recevable quant aux autres requérants, tous moyens de fond réservés.
S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président