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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
23.5.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 22059/03
présentée par Sevinç ŞAHİNGÖZ
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 23 mai 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
A.B. Baka,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
D. Jočienė, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 24 juin 2003,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, Mme Sevinç Şahingöz, est une ressortissante turque, née en 1973 et résidant à Ankara. Elle est représentée devant la Cour par Me S. Sarıhan, avocat à Ankara.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

Le 18 septembre 1995, la requérante fut placée en garde à vue pour appartenance à l’organisation armée illégale du DHKP-C (Parti / Front révolutionnaire de la libération du peuple, « Devrimci Halk Kurtuluş Partisi-Cephesi »).

Le 27 septembre 1995, elle fut entendue par la police.

Le 2 octobre 1995, elle fut entendue par le parquet d’Ankara.

Le même jour, elle fut entendue par le juge près la cour de sûreté de l’État d’Ankara qui ordonna sa mise en détention provisoire.

Par un acte d’accusation du 23 octobre 1995, sur le fondement des articles 168 § 2 du code pénal et 5 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme, le parquet inculpa la requérante ainsi qu’onze autre coaccusés du chef d’appartenance à une organisation armée illégale.

Par un arrêt du 21 janvier 1997, sur le fondement des mêmes articles, la cour de sûreté de l’État condamna la requérante à une peine d’emprisonnement de douze ans et six mois.

A une date non précisée, la requérante forma un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Le 5 février 1998, le procureur général près la Cour de cassation présenta son avis sur le fond du recours. Cet avis ne fut pas notifié à la requérante.

Par un arrêt du 28 octobre 1998, la Cour de cassation cassa l’arrêt attaqué.

Par un arrêt du 9 mars 2000, sur le fondement des mêmes articles, la cour de sûreté de l’État condamna la requérante à une peine d’emprisonnement de douze ans et six mois.

A une date non précisée, la requérante forma un pourvoi contre cet arrêt.

Le 26 mai 2000, le procureur général près la Cour de cassation présenta son avis sur le fond du recours. Cet avis ne fut pas notifié à la requérante.

Par un arrêt du 3 août 2000, la Cour de cassation cassa l’arrêt attaqué.

Par un arrêt du 22 mai 2001, sur le fondement des mêmes articles, la cour de sûreté de l’État condamna la requérante à une peine d’emprisonnement de dix-neuf ans et dix mois.

Le 21 septembre 2001, le procureur général près la Cour de cassation présenta son avis sur le fond du recours. Cet avis ne fut pas notifié à la requérante.

Le 14 novembre 2001, la requérante forma un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la Cour de cassation. Elle invoqua notamment les articles 3 et 6 de la Convention.

Par un arrêt du 6 décembre 2001, versé au dossier du greffe de la cour de sûreté de l’État le 21 décembre 2001, la Cour de cassation confirma l’arrêt attaqué.

Le 24 décembre 2001, copie de la sentence de la condamnation fut notifiée à la requérante à la maison d’arrêt d’Ankara.

B. Le droit interne pertinent

La Cour se réfère à l’aperçu du droit interne établi dans d’autres arrêts, notamment Göç c. Turquie ([GC], no 36590/97, § 34, CEDH 2002V) et Tosun c. Turquie (no 4124/02, §§ 16-17, 28 février 2006).

GRIEFS

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée de la procédure engagée à son encontre devant les juridictions nationales. Selon ses dires, du 26 septembre 1999 au 19 décembre 2000, elle aurait été battue par les surveillants de la prison où elle était détenue ; elle aurait subi des mauvais traitements et n’aurait pas été soignée pour une maladie.

Invoquant l’article 6 § 3 a et b) de la Convention, la requérante se plaint de l’absence d’équité de la procédure devant les juridictions nationales dans la mesure où l’avis du procurer général près la Cour de cassation ne lui a pas été notifié.

Invoquant l’article 6 de la Convention, la requérante se plaint que sa cause n’a pas été entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial, du fait qu’un magistrat militaire avait partiellement participé à la procédure devant la cour de sûreté de l’État qui l’a condamnée. En effet, selon elle, la cour de sûreté de l’État qui constitue un tribunal spécialisé ne peut en aucun cas être considéré comme étant indépendant et impartial.

EN DROIT

1. Invoquant l’article 6 § 3 a et b) de la Convention, la requérante se plaint de l’absence d’équité de la procédure devant les juridictions nationales dans la mesure où l’avis du procureur général près la Cour de cassation ne lui a pas été notifié. La Cour décide d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention.

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante allègue que sa cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable par les juridictions nationales.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante soutient que du 26 septembre 1999 au 19 décembre 2000 elle aurait subi des mauvais traitements. La Cour décide d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 3 de la Convention.

La Cour constate, d’une part, que la requérante ne semble pas avoir invoqué ses griefs devant les autorités nationales et, d’autre part, qu’elle n’étaye par aucun élément ou commencement de preuve ses allégations.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. La requérante se plaint que sa cause n’a pas été entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial du fait qu’un magistrat militaire avait participé à la procédure devant la cour de sûreté de l’État qui l’a condamnée avant juin 1999. Selon elle, cette cour est un tribunal spécialisé qui ne peut en aucun cas être considéré comme étant indépendant et impartial. Elle invoque à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention.

La Cour constate que la procédure diligentée contre la requérante avait débuté le 18 septembre 1995, date de son placement en garde à vue, et que l’intéressée avait été condamnée par la cour de sûreté de l’État d’Ankara le 21 janvier 1997. Par un arrêt du 28 octobre 1998, la Cour de cassation cassa cet arrêt. Puis, le 22 juin 1999, le juge militaire y siégeant fut remplacé par un juge civil à la suite de l’amendement constitutionnel. Après le remplacement du juge militaire par un juge civil, la cour de sûreté de l’État entendit par deux fois la cause de la requérante. Le verdict fut prononcé par ce même tribunal composé uniquement de magistrats civils, lesquels avaient procédé à l’examen de l’ensemble des éléments de faits et de droit (voir, mutatis mutandis, Yaşar c. Turquie (déc.), no 46412/99, 31 mars 2005).

Dans ces conditions, au vu de l’ensemble de la procédure et compte tenu de la circonstance que la requérante ne fournit aucune argumentation pertinente à l’appui de son grief, sa cause a été examinée par un tribunal, composé uniquement de magistrats civils, lesquels avaient procédé à l’examen de l’ensemble des éléments de faits et de droit (voir, mutatis mutandis, Yaşar, décision précitée, et Saltuk c. Turquie (déc.), no 31135/96, 24 août 1999). La Cour admet qu’en l’espèce le remplacement du juge militaire a dissipé les doutes de celle-ci quant à l’indépendance et l’impartialité du tribunal qui l’a condamnée (voir Sevgi Yılmaz c. Turquie (déc.), no 62230/00, 20 septembre 2005).

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs de la requérante tirés de la non-communication de l’avis écrit du procureur général près la Cour de cassation et de la durée de la procédure ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président