Přehled
Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 14802/03
présentée par Necdet YENİAY
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 23 mai 2006 en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,
A.B. Baka,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
D. Jočienė, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 21 avril 2003,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Necdet Yeniay, est un ressortissant turc, né en 1950 et résidant à Bursa. Il est représenté devant la Cour par Me N. Bener, avocat à Bursa.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
Le procès-verbal d’identification du 23 mai 1997 indiqua que G.Y. avait reconnu les policiers Necdet Yeniay et M.A. comme étant les auteurs de son viol.
Le 25 mai 1997, le requérant fut entendu par le juge près le tribunal correctionnel d’Izmir qui ordonna sa mise en détention provisoire. Le juge prit acte du dossier de l’enquête préliminaire du parquet du même jour.
Par un acte d’accusation du 2 juin 1997, le parquet d’Izmir inculpa le requérant, policier de son état, ainsi que l’autre policier M.A., pour avoir commis un viol dans la nuit du 19 au 20 mai 1997, lors de l’exercice de ses fonctions.
A l’audience du 16 avril 1999, assisté par un avocat et réitérant sa déposition du 7 juillet 1997, le requérant contesta les faits qui lui étaient reprochés et protesta de son innocence.
Par un arrêt du 24 avril 2000, la cour d’assises d’Izmir condamna le requérant à une peine d’emprisonnement de onze ans et huit mois. Dans ses motifs, la cour d’assises déclara entre autres que le jour des faits litigieux, la victime attendait à un arrêt de bus après avoir bu quelques bières ; une équipe de trois gardiens de nuit s’approcha d’elle en lui demandant de rentrer chez elle le plus tôt possible ; le requérant et son co-accusé vinrent et déclarèrent qu’ils allaient déposer la victime chez elle ; le requérant prit une direction opposée à celle indiquée par la victime et lui dit que si elle n’acceptait pas d’avoir des relations sexuelles avec lui et son collègue, il l’emmènerait au poste de police pour prostitution ; la victime contestât puis, ayant pris peur et étant sous l’effet de l’alcool, le requérant et son coaccusé violèrent la victime à bord du véhicule. Ensuite, la victime fut abandonnée dans une mosquée d’un autre quartier. Des habitants du quartier appelèrent la police et une autre équipe arriva et emmena la victime au commissariat de Şirinyer. Par la suite, le requérant vint s’excuser auprès de la victime, en lui demandant de ne pas porter plainte et lui fit une offre chiffrée par l’intermédiaire de son avocat. Le 21 mai 1997, le policier C.P., ayant été saisi de l’affaire, mena une enquête au sujet de ce viol. Les trois gardiens de nuit entendus avaient déclaré que le jour de l’évènement litigieux, le requérant et l’autre policer leur avaient déclaré qu’ils emmèneraient la victime au poste de police ; la victime n’avait jamais été emmenée au poste de police. Même si le requérant avait contesté les faits au début, le 23 mai 1997, la victime avait identifié le requérant et son co-accusé ; la cour d’assises avait la ferme conviction que la victime avait été violée notamment par le requérant.
Le 10 juin 2000, le requérant forma un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant la Cour de cassation.
A une date non précisée, le procureur général près la Cour de cassation présenta son avis sur le fond du recours.
Cet avis ne fut pas communiqué au requérant.
Par un arrêt du 6 décembre 2000, après avoir tenu une audience sur le fond de l’affaire le 22 novembre 2000, la Cour de cassation cassa l’arrêt de la cour d’assises au motif qu’il ne ressortait pas du dossier si le requérant avait été entendu le 16 avril 1999 en lui rappelant ses droits de défense.
Par un arrêt du 28 février 2001, la cour d’assises d’Izmir se conforma à l’arrêt de cassation. Elle condamna le requérant du chef de viol sur la personne de G.Y. à une peine d’emprisonnement de huit ans et neuf mois. Tenant compte de la période passée en détention provisoire, elle ordonna la mise en liberté du requérant.
Le 18 septembre 2002, le requérant forma un pourvoi devant la Cour de cassation.
A une date non précisé le procureur général près la Cour de cassation présenta son avis sur le fond du recours.
Cet avis ne fut pas communiqué au requérant.
Par un arrêt du 16 octobre 2002, versé au greffe de la cour d’assises d’Izmir le 29 mai 2003, la Cour de cassation confirma l’arrêt.
B. Le droit interne pertinent
La Cour se réfère à l’aperçu du droit interne établi dans d’autres arrêts, notamment Göç c. Turquie ([GC], no 36590/97, § 34, CEDH 2002‑V) et Tosun c. Turquie (no 4124/02, §§ 16-17, 28 février 2006).
GRIEFS
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’absence d’équité de la procédure devant les juridictions nationales dans la mesure où l’avis du procurer général près la Cour de cassation ne lui a pas été notifié.
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure suivie devant les juridictions nationales.
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la manière dont la cour d’assises a examiné sa cause après l’arrêt de cassation. Il allègue l’absence d’équité de la procédure dans la mesure où, lors de l’établissement du procès-verbal d’identification, il n’avait pas été assisté par un avocat ; le policier C.P., qui était à l’origine de l’action publique intentée à son encontre, avait été par ailleurs entendu comme témoin.
Invoquant l’article 6 § 2 de la Convention, le requérant soutient que les journaux ont publié des articles relatifs aux faits de la cause. La juridiction nationale aurait dû interdire de telles publications.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint du manque d’équité de la procédure devant la Cour de cassation, dans la mesure où il n’a pas eu la possibilité de répondre à l’avis écrit que le procureur général avait soumis à la Cour de cassation sur le fond de son pourvoi. Le requérant allègue en outre que sa cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable par les juridictions nationales. Il y voit une violation de l’article 6 § 1 de la Convention qui, en sa partie pertinente, se lit ainsi :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. Le requérant se plaint du manque d’équité de la procédure devant les juridictions nationales. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, précité.
La Cour constate que les griefs du requérant sont tirés de l’appréciation des éléments de preuves ou de la manière dont les juridictions nationales ont mené la procédure en jugement. A cet égard, la Cour ne relève aucun manquement ni d’arbitraire d’autant qu’elle n’est pas une juridiction de « quatrième instance » ni de cassation. Pour le reste des griefs, eu égard à leur formulation, l’intéressé n’apporte aucune précision et son argumentation apparaît en ce sens nullement étayée.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
3. Le requérant se plaint d’une atteinte à son droit à la présomption d’innocence. Il invoque l’article 6 § 2 de la Convention ainsi libellé :
« Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
La Cour relève que le requérant met en cause le comportement des journaux qui ont publié des articles sur les faits de la cause. A cet égard, il n’apporte aucune précision. La Cour rappelle, d’une part, que les autorités étatiques ne peuvent en principe être tenues responsables des actes de personnes privées (Papon c. France (no 2) (déc.), no 54210/00, CEDH 2001‑XII), et d’autre part, tel qu’il a été exposé par le requérant, que l’examen de ce grief ne révèle aucune apparence de violation de cette disposition.
Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen des griefs du requérant tirés de la non-communication de l’avis écrit du procureur général près la Cour de cassation et de la durée de la procédure pénale ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président