Přehled

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 1854/02
présentée par Hatip ALAY
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 23 mai 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 23 novembre 2001,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Hatip Alay, est un ressortissant turc, né en 1960 et résidant à Diyarbakır. Il est représenté devant la Cour par Me T. Elçi, avocat à Diyarbakır.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 11 novembre 2001, le requérant fut arrêté par des gendarmes. Le 14 novembre 2001, il fut entendu par le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakır (« la cour de sûreté de l’Etat ») sur ses activités au sein du PKK[1]. Le même jour, il fut traduit devant le juge assesseur près la cour de sûreté de l’Etat qui ordonna sa mise en détention. Devant le juge, le requérant contesta partiellement sa déposition faite devant les gendarmes dans la mesure où elle aurait été faite sous la menace et affirma avoir signé celle-ci sans avoir pris connaissance de son contenu.

Toujours le même jour, statuant sur les demandes du gouverneur de la région soumise à l’état d’urgence et du procureur de la République, et se basant sur l’article 3 c) du décret-loi no 430 sur les mesures complémentaires à prendre dans le cadre de l’état d’urgence (« le décret-loi no 430 »), le juge assesseur accorda l’autorisation du renvoi du requérant à la gendarmerie pour interrogatoire et pour une durée ne dépassant pas dix jours. De la prison, il fut conduit à nouveau dans les locaux de la gendarmerie. L’examen médical du requérant à l’entrée et à la sortie de la prison fut ordonné.

Le 19 novembre 2001, l’opposition faite par le représentant du requérant fut rejetée par la cour de sûreté de l’Etat.

Le même jour, le procureur de la République inculpa le requérant du chef d’appartenance au PKK.

Le 26 novembre 2001, le requérant adressa une requête au parquet de Diyarbakır dans laquelle il dénonça les mauvais traitements subis lors de sa détention dans les locaux de la gendarmerie.

Le 28 novembre 2001, le procureur de la République de Diyarbakır entendit le requérant sur ses allégations de mauvais traitements. Il le transféra le même jour à l’institut médico-légal de Diyarbakır. Le rapport établi au terme de l’examen médical ne mentionna aucune trace de coups et blessures sur le corps du requérant, lequel se plaignait d’engourdissement à l’épaule droit et au bras droit et de manque de désir sexuel. Le médecin demanda le transfert du requérant dans les services de neurologie et d’urologie.

Toujours le 28 novembre 2001, le parquet informa la gendarmerie et le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat de la plainte et demanda la production des rapports médicaux, des procès-verbaux et du registre relatifs à la garde à vue.

Le 30 novembre 2001, le parquet informa les services de neurologie et d’urologie du centre hospitalier universitaire (C.H.U.) de Dicle des allégations du requérant et demanda son examen afin de détecter toute trace de mauvais traitements.

Les 3 et 7 décembre 2001, le requérant fut soumis à un examen neurologique et urologique au C.H.U. de Dicle. Les rapports provisoires ne mentionnèrent aucune anomalie.

Le 12 mars 2002, l’institut médico-légal établit le rapport médical définitif. Le médecin légiste releva que l’examen neurologique du 3 décembre 2001 et l’examen urologique du 7 décembre 2001 n’avaient révélé aucune anomalie, que le rapport établi le 11 novembre 2001 par l’hôpital public de Diyarbakır ne mentionnait aucune trace de coups et blessure sur le corps du requérant à l’exception d’une blessure ancienne avec croûte sur l’épaule gauche et que le rapport établi le 14 novembre 2001 par le centre médical de Yenikapı ne mentionnait aucune blessure. Le rapport établi le 24 novembre 2001 ne mentionnait pas non plus de blessure. Faisant état enfin de l’examen (IRM, Imagerie par Résonance Magnétique) réalisé le 4 février 2002, le médecin conclut qu’aucune trace de coups et blessures n’avait été relevée sur le corps du requérant.

Le 8 avril 2002, le représentant du requérant contesta les conclusions de l’institut médico-légal.

Le 19 août 2002, le conseil administratif de la préfecture de Diyarbakır estima qu’il n’y avait pas lieu d’engager des poursuites contre les gendarmes. Il releva que les allégations du requérant étaient infondées, vu le rapport de l’institut médico-légal.

Le 31 mars 2003, le tribunal administratif régional rejeta l’opposition formée par le représentant du requérant.

Le 24 octobre 2002, la cour de sûreté de l’Etat condamna le requérant à trois ans et neuf mois d’emprisonnement pour aide et soutien à une organisation illégale en application de l’article 169 de l’ancien code pénal.

Devant la cour de sûreté de l’Etat, le requérant contesta ses dépositions faites lors de l’instruction préliminaire au motif qu’elles auraient été obtenues sous la contrainte et la menace. Il soutint avoir subi des mauvais traitements et contesta les rapports médicaux.

B. Le droit et la pratique internes pertinents

Le droit et la pratique internes pertinents en vigueur à l’époque des faits sont décrits dans l’arrêt Karagöz c. Turquie (no 78027/01, CEDH 2005... (extraits)).

GRIEFS

Le requérant allègue avoir été soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention pendant sa détention dans les locaux de la gendarmerie.

Le requérant soutient qu’il y a eu atteinte à l’article 5 §§ 1 c) et 3 de la Convention en ce que, suite à sa détention provisoire, il a à nouveau été détenu pour interrogatoire en application de l’article 3 c) du décret-loi no 430, et qu’il a fait l’objet d’une détention non pas pour être conduit devant le juge mais bien pour que lui soit infligée une peine arbitraire.

Invoquant les articles 6 et 13 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas disposer de recours effectif pour contester la décision de placement dans les locaux de la gendarmerie et dénoncer les mauvais traitements subis pendant cette période.

EN DROIT

1. Le requérant allègue avoir subi des traitements contraires à l’article 3 de la Convention pendant son placement en gendarmerie.

La Cour note que le requérant n’a pas produit de preuves concluantes à l’appui de ses allégations ni fourni d’explications détaillées et convaincantes sur les sévices que les policiers lui auraient infligés lors de sa détention. Les rapports médicaux établis au début et à la fin de la garde à vue ne font état d’aucune trace de coups et blessures sur son corps, à l’exception d’une blessure avec croûte sur l’épaule gauche mentionnée dans le rapport établi au début de la garde à vue. A la suite de la plainte déposée devant le parquet, le requérant a été examiné par l’institut médico-légal puis soumis à des examens neurologique et urologique au C.H.U. de Dicle. Enfin, il a été examiné au C.H.U. de Fırat. Le 12 mars 2002, l’institut médico-légal de Diyarbakır a établi le rapport définitif dans lequel il a conclu à l’absence de mauvais traitements. Aucun élément de preuve soumis à l’examen de la Cour ne permet d’établir l’existence d’un tel traitement.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2. Le requérant soutient qu’il y a eu atteinte à l’article 5 §§ 1 c) et 3 de la Convention en ce que, suite à sa détention provisoire, il a à nouveau été détenu pour interrogatoire en application de l’article 3 c) du décret-loi no 430, et qu’il a fait l’objet d’une détention non pas pour être conduit devant le juge mais bien pour que lui soit infligée une peine arbitraire.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

3. Invoquant les articles 6 et 13 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas disposer de recours effectif pour contester la décision de le conduire dans les locaux de la gendarmerie pour interrogatoire et dénoncer les mauvais traitements subis pendant cette période.

a) S’agissant de l’absence d’une voie de recours efficace pour contester la conduite dans les locaux de la gendarmerie, la Cour estime opportun d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

b) Quant à l’absence de recours efficace pour dénoncer les mauvais traitements, la Cour estime que les allégations des requérants sur ces points ne sauraient être considérées comme des griefs défendables, vu les conclusions ci-dessus concernant le grief tiré de l’article 3 de la Convention.

Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être rejetée conformément à l’article 35 § 4.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs du requérant tirés du défaut de légalité de son placement dans les locaux de la gendarmerie pour interrogatoire et de l’absence de recours pour le contester ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président


1. Parti des travailleurs du Kurdistan