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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
23.5.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 2209/03
présentée par Erol ÖZCAN
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 23 mai 2006 en une chambre composée de :

MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 9 décembre 2002,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Erol Özcan, est un ressortissant turc, né en 1960 et résidant à Amsterdam. Il est représenté devant la Cour par Me F. Babaoğlu, avocat à Ankara.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Du 27 septembre au 18 novembre 1980, le requérant fut placé en garde à vue pour appartenance à l’organisation illégale Dev-Yol (Voie révolutionnaire).

Par un acte d’accusation des 10 et 30 juin 1983, une action pénale fut engagée contre le requérant.

Par un jugement du 17 juin 1986, sur le fondement de l’article 146 du code pénal, le tribunal de l’état de siège d’Adana, composé de deux juges civils, de deux juges militaires et d’un officier de l’armée, condamna le requérant à la peine de mort puis commua cette peine à la réclusion criminelle à perpétuité.

Par la suite, il quitta clandestinement la Turquie.

Le 29 février 1989, le requérant déclara à un médecin rattaché auprès du ministre de la Justice qu’il avait été placé en détention de 1980 jusqu’au 16 septembre 1988 ; avait été battu avec la crosse d’un fusil ; avait été suspendu par les pieds avec une corde et avait été brûlé avec des mégots de cigarettes.

Par arrêt du 20 mars 1991, la Cour de cassation militaire cassa le jugement attaqué.

A la suite de la promulgation de la loi du 27 décembre 1993 abolissant les compétences des tribunaux de l’état de siège, la Cour de cassation devint compétente pour connaître de l’affaire et le dossier lui fut transmis. La cause du requérant fut examinée par la cour d’assises d’Ankara.

Par un arrêt du 8 juin 2001, sur le fondement de l’article 146 du code pénal, la cour d’assises d’Ankara condamna le requérant à la peine de mort puis commua cette peine à la réclusion criminelle à perpétuité.

Par un arrêt du 30 octobre 2003, la Cour de cassation cassa l’arrêt rendu par la cour d’assises d’Ankara.

La procédure est toujours pendante devant la cour d’assises d’Ankara qui tint une audience le 15 février 2006.

GRIEFS

Invoquant les articles 5 § 1 de la Convention et 2 du Protocole no 4, le requérant allègue que longtemps un avis de recherche avait été émis à son encontre de sorte que son droit à la liberté de circulation a été méconnu.

Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de sa garde à vue ainsi que de la durée de sa détention provisoire.

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale intentée à son encontre.

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint du manque d’indépendance et d’impartialité du tribunal de l’état de siège d’Adana.

Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant soutient qu’il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés sous la torture.

Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant soutient l’absence de voie de recours interne pour faire valoir ses griefs ci-dessus.

EN DROIT

1. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant allègue que sa cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable par les juridictions nationales.

Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant soutient l’absence de voie de recours interne pour faire valoir son grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. Invoquant les articles 5 § 1 de la Convention et 2 du Protocole no 4, le requérant soutient que son droit à la liberté de circulation a été méconnu. Ce grief doit être examiné sous l’angle de l’article 2 du Protocole no 4.

Cela étant, la Cour rejette le grief pour incompatibilité ratione personae, la Turquie n’ayant pas ratifié le Protocole no 4, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de sa garde à vue ainsi que de la durée de sa détention provisoire.

La Cour constate que la garde à vue du requérant s’est terminée le 18 novembre 1980 et que sa détention provisoire s’est terminée le 17 juin 1986, date du jugement rendu par le tribunal de l’état de siège d’Adana.

La Cour rappelle que la Turquie n’a accepté sa juridiction que pour les faits ou évènements postérieurs au 22 janvier 1990, date du dépôt de la déclaration (voir Cankoçak c. Turquie, nos 25182/94 et 26956/95, § 26, 20 février 2001, et Mitap et Müftüoğlu c. Turquie, arrêt du 25 mars 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996II, pp. 410-411, §§ 26-28).

Il s’ensuit que ce grief est incompatible ratione temporis avec les dispositions de la Convention au sens de l’article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4.

4. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint du manque d’indépendance et d’impartialité du tribunal de l’état de siège d’Adana.

La Cour constate que, suite à la promulgation de la loi du 27 décembre 1993 abolissant les compétences des tribunaux de l’état de siège, la Cour de cassation devint compétente pour connaître de l’affaire et le dossier lui fut transmis. Après cette date la cause du requérant a été examinée par la cour d’assises d’Ankara, composée uniquement de magistrats civils, lesquels avaient procédé à l’examen de l’ensemble des éléments de faits et de droit (voir, mutatis mutandis, Yaşar c. Turquie (déc.), no 46412/99, 31 mars 2005, Saltuk c. Turquie (déc.), no 31135/96, 24 août 1999, et Sevgi Yılmaz c. Turquie (déc.), no 62230/00, 20 septembre 2005).

Partant, ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

5. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant soutient qu’il a subi des mauvais traitements lors de la garde à vue.

A supposer même que le requérant ait épuisé les voies de recours internes, la Cour constate que le requérant ne présente aucun élément de preuve de nature à étayer ses allégations de mauvais traitements.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

6. Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant soutient l’absence de voie de recours interne pour faire valoir ses griefs tirés des articles 3, 5 de la Convention et 2 du Protocole no 4.

La Cour rappelle qu’elle a rejeté ces griefs qui ne sont dès lors pas « défendables » aux fins de l’article 13 (Boyle et Rice c. Royaume-Uni, arrêt du 27 avril 1988, série A no 131, p. 23, §§ 52 et 65).

Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondé et doive être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs du requérant tirés de la durée de la procédure (article 6 § 1) ainsi que de l’absence de voie de recours interne (article 13) ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président