Přehled
Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 78154/01
présentée par Adem BAYRAK et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 23 mai 2006 en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
E. Fura-Sandström,
M. D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 21 novembre 2001,
Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par les requérants,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, M. Adem Bayrak, Mme Meyet Tekin, M. Mehmet Kıtay, M. Musa Tatlısoy et Mme Yasemin Değer, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1960, 1962, 1945, 1969 et 1975, résidant à Diyarbakır. Ils sont représentés devant la Cour par Me S. Kurbanoğlu, avocat à Diyarbakır.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Les requérants sont membres d’une association de jeunesse dénommée « Yenişehir Belediyesi Gençlik Kulubü Derneği » (Association du club des jeunes de la mairie de Yenişehir) (« Association » ci-dessous) créée le 25 janvier 2000 et subventionnée par la mairie de Diyarbakır, ayant pour but d’organiser diverses activités sportives et culturelles, parmi lesquelles des cours de musique, de peinture, d’informatique et de réparation d’appareils électroménagers, pour les jeunes résidents de la ville.
Le 25 septembre 2000, l’Association communiqua à la Direction régionale des associations de la préfecture, la liste de ses membres et le nom de son président en fonction temporairement.
Les 28 novembre 2000, lors d’un contrôle, la Direction de sécurité de Diyarbakır constata que près de trois cents personnes non membres participaient aux activités de l’Association, que des mineurs avaient été inscrits à divers cours sans autorisation parentale, et que des discours en faveur du PKK[1], organisation interdite en droit turc, avaient été tenus lors des cours. La police dressa un rapport concluant que l’Association poursuivait le but d’enrôler des partisans pour la cause de ladite organisation.
Les activités de l’Association furent interrompues successivement les 30 novembre 2000, 28 février, 31 mai, 29 août, 27 novembre 2001, et 1er mars 2002, par des arrêtés préfectoraux, pour des périodes ne dépassant pas trois mois, en application de l’article 11 o) de la loi no 2935 relative à l’état d’urgence.
Par un acte d’accusation du 6 novembre 2001, une action publique fut ouverte » devant la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakır contre huit membres du conseil administratif dont les requérants, pour « avoir fait de la propagande séparatiste en faveur de l’organisation terroriste illégale PKK ».
Le 7 février 2002, à la première audience, la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakır acquitta les requérants pour insuffisance des preuves à charge.
Le 1er juin 2002, le siège de l’Association fut ouvert et ses activités reprirent.
Le 25 février 2003, l’Association tint son assemblée générale.
Le 29 janvier 2005, lors de l’assemblée générale un nouveau conseil administratif fut élu et le nom de l’Association fut modifié : « Yenişehir gençlik klubü derneği » (Association du club des jeunes de Yenişehir).
B. Le droit et la pratique internes pertinents
En vertu de l’article 11 o) de la loi no 2935 relative à l’état d’urgence, amendée le 14 novembre 1984, les activités des associations peuvent être suspendues pour des délais ne dépassant pas trois mois, pour des raisons de sécurité et d’ordre public.
Le décret-loi no 285 du 10 juillet 1987 institue un gouverneur de la région soumise à l’état d’urgence dans certains départements du Sud-Est. Aux termes de son article 4 b) et d), l’ensemble des forces de l’ordre ainsi que le commandement de la force de paix de la gendarmerie sont à la disposition du gouverneur de la région.
L’article 7 du décret-loi no 285 dispose qu’aucun acte administratif émis par la préfecture de l’état d’urgence en application de ce décret-loi ne peut faire l’objet d’un recours en opposition.
GRIEFS
Invoquant les articles 10 et 11 de la Convention, les requérants se plaignent que les activités de leur Association ont été suspendues par des décisions préfectorales de la région soumise à l’état d’urgence sans aucune justification.
Invoquant l’article 6 de la Convention, combiné avec les articles 11 et 13, les requérants se plaignent de l’absence de voies de recours contre les arrêtés préfectoraux rendus en application de la loi no 2935 relative à l’état d’urgence.
EN DROIT
1. Les requérants se plaignent d’une atteinte à leur droit à la liberté d’association. Ils soutiennent que l’interruption de leurs activités entre le 30 novembre 2000 et le 1er juin 2002 a violé leur droit à la liberté d’association.
L’article 11 de la Convention est libellé comme suit dans ses parties pertinentes :
Article 11
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, (...)
2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, (...) ».
Le Gouvernement avance, d’emblée qu’aucune décision de dissolution administrative ou judiciaire n’a été prise à l’encontre de l’Association, et que les requérants ont été préalablement acquittés. Il fait observer que le 1er juin 2002, l’Association a repris ses activités et qu’un nouveau conseil administratif a été élu. Les requérants auraient été libres alors de réaliser leurs activités au nom de ladite Association. Le Gouvernement soutient donc qu’il est impossible de parler d’ingérence ou de limitation de la liberté d’association des requérants.
Les requérants rétorquent que l’interruption des activités de l’Association les avait empêchés de communiquer leurs idées et de trouver de nouveaux adhérents. Ils soutiennent par conséquent que l’ouverture du siège de l’Association n’a pas supprimé leur qualité de victime.
La Cour relève qu’en l’espèce, le siège de l’Association en question était resté fermé du 30 novembre 2000 au 1er juin 2002, soit un an et six mois. Il fut ouvert le 1er juin 2002 et, depuis cette date, elle poursuit ses activités sans interruption. La Cour constate par ailleurs, que les requérants ont été acquittés des accusations lors de la première audience devant la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakır. Partant, elle considère qu’il a été remédié à la situation dont se plaignent les requérants par l’acquittement que le tribunal correctionnel avait prononcé à leur propos, le 7 février 2002 et par l’ouverture du siège de l’Association. En outre, les requérants ne démontrent pas, en particulier, l’existence de faits ou de manques d’occasions intervenus pendant la période de fermeture ayant des effets irrémédiables sur les futures activités de l’Association (Erol et autres c. Turquie, no 37350/97, (déc.) 27 janvier 2004). Dans ces circonstances, les requérants ne peuvent plus se prétendre, au sens de l’article 34 de la Convention, victimes d’une violation des droits garantis par la Convention en ce qui concerne l’interruption des activités de ladite Association.
Partant, la Cour considère qu’il y a lieu de déclarer ce grief irrecevable pour défaut manifeste de fondement en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention, après avoir mis fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention.
2. Les requérants soutiennent l’absence d’un recours effectif contre l’arrêté préfectoral en cause. Ils invoquent l’article 6 de la Convention, combiné avec les articles 11 et 13.
Eu égard aux conclusions concernant l’absence de violation de l’article 11 de la Convention, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief des requérants fondé sur l’article 6.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
S. Dollé J.-P. Costa
Greffière Président
[1] Parti des travailleurs du Kurdistan.