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CINQUIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 75022/01
présentée par Petio Atanasov POPOV
contre la Bulgarie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 22 mai 2006 en une chambre composée de :
M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
M. K. Jungwiert,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM. R. Maruste,
J. Borrego Borrego,
Mme R. Jaeger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 12 juillet 2000,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Petio Atanasov Popov, est un ressortissant bulgare, né en 1963 et résidant à Vratsa.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
1. La procédure pénale contre le requérant
Le matin du 9 avril 1996, le requérant fut arrêté sur des soupçons de viol sur la personne d’une mineure et vol à main armée commis quelques heures plus tôt. Une enquête pénale fut ouverte et le lendemain le requérant fut placé en détention par un enquêteur du service de l’instruction de Vratsa.
Le requérant produit une copie d’un article paru dans la presse locale le 16 avril 1996, indiquant sans citer aucune source officielle, que l’intéressé avait été arrêté pour viol.
A une date non précisée, l’affaire fut renvoyée devant le tribunal régional de Vratsa. Entre-temps, le requérant avait été mis en liberté provisoire le 15 octobre 1996.
Par un jugement du 7 décembre 1998, le tribunal reconnut le requérant coupable de tentative de viol et vol à main armée, appliqua les dispositions régissant le concours d’infractions et prononça une peine d’onze ans d’emprisonnement. Par ailleurs, l’intéressé fut condamné à verser une somme d’argent à la victime.
A une date non communiquée, le requérant interjeta appel ; il fut rejeté par la cour d’appel de Sofia le 1er juillet 1999.
Dans la procédure devant la cour d’appel le requérant fut représenté par un avocat commis d’office.
A une date non précisée, l’intéressé se pourvut en cassation en alléguant que le jugement attaqué était mal fondé et que la peine imposée était manifestement injuste.
Le requérant indique qu’une audience se tint le 22 novembre 1999. Le requérant, dûment convoqué, y était présent. L’affaire fut toutefois ajournée en raison de la non-comparution de son conseil.
Une deuxième audience se tint le 21 janvier 2000. Il ressort du procès-verbal produit que la Cour suprême de cassation mit l’affaire en délibéré en l’absence de l’intéressé après avoir pris connaissance de l’attestation établie par l’huissier, selon laquelle le requérant n’avait pas été trouvé à l’adresse indiquée et avait changé d’adresse. Apparemment l’avocat de l’intéressé n’était pas présent à l’audience non plus.
Par un arrêt du 3 février 2000, la Haute juridiction confirma le jugement attaqué. La cour rejeta le premier moyen soulevé, ayant constaté que le requérant se bornait à contester de manière abstraite l’appréciation souveraine des juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que de certains éléments de preuve. Par ailleurs, elle observa que l’instance d’appel avait procédé à l’individualisation de la peine conformément aux dispositions pertinentes et avait jugé d’après la loi pénale la plus favorable à l’intéressé.
A une date non précisée, le requérant saisit le parquet d’une demande de réouverture du procès. Par une lettre en date du 10 août 2000, le parquet régional de Vratsa l’informa qu’aucun motif sérieux de nature à justifier la réouverture du procès n’avait été relevé.
2. Les mauvais traitements prétendument infligés au requérant lors de la garde à vue
Le requérant fut arrêté et placé en garde à vue le 9 avril 1996, entre 6 heures et 10 heures du matin. Il indique avoir été battu dans la cour de la direction régionale de la police par les trois policiers qui avaient procédé à son arrestation.
Il appert que l’enquêteur chargé de l’enquête ordonna une expertise médicale de l’intéressé. Vers 10 heures du matin, le requérant fut examiné par le médecin légiste du service régional de médecine légale. Selon le certificat établi, l’intéressé présentait une enflure d’environ 1 centimètre de diamètre sur le front, une ecchymose sur la nuque, une ecchymose d’environ 9 centimètres de long et 4 centimètres de large sur l’épaule gauche, deux ecchymoses dans la zone abdominale d’environ 18 centimètres de large et 5 centimètres de long, des ecchymoses sur l’arrière des cuisses d’environ 9 centimètres de large et 4 centimètres de long chacune, deux ecchymoses linéaires d’environ 7 centimètres de long sur l’arrière du mollet droit. Le médecin conclut que les blessures dataient de moins de 24 heures et qu’elles avaient été causées par un objet contondant ou suite à la collision avec un tel objet.
Le 3 août 2000, le requérant saisit le parquet militaire régional d’une plainte au sujet des mauvais traitements. Il indiquait qu’une copie du certificat médical était versée dans le dossier de l’affaire pénale. Par ailleurs, il indiqua le nom d’une personne, ayant assisté à son arrestation et capable de témoigner du fait qu’il était en bonne santé au moment de son placement en garde à vue.
Le requérant précise que son avocat avait gardé le certificat ; il ne le joignit toutefois pas à sa plainte.
Le 11 septembre 2000, un procureur du parquet militaire de Pleven rendit un non-lieu. Il indiqua qu’il était établi que le requérant avait résisté aux policiers chargés de son arrestation qui avaient été contraints de faire usage de la force. Le procureur constata que le certificat médical du requérant n’avait pas été retrouvé et en conclut que les éléments disponibles n’étaient pas suffisants pour engager une procédure pénale. En tout état de cause, même si le requérant avait été blessé au moment de l’arrestation, l’usage de la force par la police avait été conforme à la loi eu égard au fait qu’il avait résisté aux policiers.
Suite au recours formé par l’intéressé l’ordonnance fut annulée par le parquet militaire d’appel qui indiqua au parquet militaire d’examiner les documents médicaux visés dans la plainte.
Le 1er février 2001, le parquet militaire régional rendit un nouveau non-lieu. Le procureur indiqua que l’intéressé n’avait pas étayé sa plainte, n’ayant pas produit de copie du certificat médical établi suite à son arrestation. Le parquet avait sollicité une copie des documents relatifs à l’état de santé de l’intéressé auprès du service des archives du tribunal régional de Vratsa qui conservait le dossier pénal, mais avait été informé par le président du tribunal que le dossier n’en contenait pas. En l’absence de tout élément de preuve la plainte devait rester sans suite, d’autant plus que même si les policiers avaient recouru à la force et utilisé des menottes pour maîtriser le requérant, leurs actes avaient été conformes à la loi qui permettait de faire usage de la force pour arrêter une personne refusant d’obtempérer aux ordres de la police.
Suite au recours introduit par le requérant, le 12 février 2001, le parquet militaire d’appel annula le non-lieu et donna des instructions exactes quant aux actes d’instruction à accomplir par le parquet militaire régional. Conformément à ces instructions, un procureur du parquet régional et un enquêteur militaire interrogèrent les personnes ayant assisté ou participé à l’arrestation de l’intéressé et une expertise médicale fut ordonnée afin d’établir les causes possibles des blessures reçues.
L’expert établit son rapport le 15 février 2002. Il indiqua que les blessures étaient causées par des coups avec des objets contondants ou suite à la collision avec un objet de ce type. Il était possible que les blessures soient causées de la manière décrite par le requérant, à savoir par des coups de poing et de pied ou par des objets contondants longilignes, telles des matraques par exemple.
Par une ordonnance du 26 février 2002, le parquet militaire régional rendit un non-lieu. Le procureur chargé de l’enquête constata que le requérant avait porté plainte pour violences légères et que les événements avaient eu lieu plus de cinq ans auparavant. Or, aux termes de l’article 80 du Code pénal l’action publique était proscrite si les responsables n’avaient pas été mis en examen dans les cinq ans suivant l’infraction.
3. Autres faits pertinents
Le 31 octobre 2000, le requérant sollicita auprès du tribunal régional de Vratsa la délivrance de copies de tous les procès verbaux établis dans le cadre de l’affaire pénale, sans préciser les motifs de sa demande. En réponse, il fut informé que le tribunal lui avait envoyé des copies des jugements mais ne pouvait pas lui délivrer des copies des procès-verbaux tant qu’il ne versait pas le montant de la taxe prévue à cet effet.
Par ailleurs, le requérant indique qu’en 2000, il a pris contact avec une avocate qui devait l’aider à remplir le formulaire de requête.
Il produit une lettre de sa part en date du 7 décembre 2000 dont il ressort qu’elle ne disposait pas de documents relatifs à la requête. Le requérant affirme toutefois qu’il lui a envoyé plusieurs documents qui auraient été détruits par l’administration pénitentiaire.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1. L’usage de la force par la police
L’article 40 de la loi sur la police nationale de 1993, en vigueur au moment des faits, se lit comme suit en ses parties pertinentes :
« (1) Les forces de police peuvent faire usage de la force et des moyens auxiliaires, en dernier ressort :
(...)
2. lors de l’arrestation d’une personne ayant commis une infraction pénale, lorsqu’elle refuse d’obtempérer ou résiste aux forces de police;
(...)
(2) Les moyens auxiliaires sont : les menottes (...), les matraques (...). »
Aux termes de l’article 41 alinéa 1 de la même loi, les agents de police recourent à l’usage de la force après sommation, exception faite des cas où ils réagissent à une attaque inattendue.
2. Conditions à l’engagement de l’action publique
Au terme des articles 186 à 190 du Code de procédure pénale (CPP), une procédure pénale est engagée lorsque les autorités sont en présence d’un motif légal (законен повод) et d’éléments suffisants indiquant qu’une infraction pénale a été commise (достатъчно данни).
Le motif légal peut être un renseignement (съобщение) adressé au procureur ou à l’enquêteur qu’une infraction a été commise, une publication dans la presse, les déclarations faites par l’auteur d’une infraction ou la connaissance directe par le procureur ou l’enquêteur d’indices d’une infraction.
Le renseignement peut être écrit ou verbal. Les renseignements écrits doivent porter la signature de leur auteur. Les renseignements effectués verbalement sont consignés dans un procès-verbal qui est signé par son auteur et l’autorité qui le reçoit.
Pour la plupart des infractions graves et pour toutes celles supposées avoir été commises par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, les poursuites pénales ne peuvent être intentées par un particulier, seule la décision d’un procureur pouvant les déclencher (articles 56 et 192 CPP, article 161 CP).
Lorsqu’il refuse d’engager des poursuites pénales, le procureur en informe immédiatement la personne ayant signalé l’infraction (article 194 alinéa 2 CPP).
La personne concernée peut introduire un recours contre le refus de poursuivre devant le procureur supérieur qui est compétent pour ordonner l’ouverture d’une enquête (article 194 alinéa 3).
3. La répression des actes de mauvais traitements
Les articles 128 à 131 du Code pénal (CP) érigent en infractions pénales le fait de causer intentionnellement à autrui des blessures légères. La commission de ces faits par un policier ou un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions constitue une qualification aggravée de l’infraction, passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans.
4. La prescription
Aux termes de l’article 80 alinéa 1 (4) du Code pénal, l’action publique est proscrite si les responsables de l’infraction n’ont pas été mis en examen pendant cinq ans lorsque l’infraction est passible d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans.
L’article 81 alinéa 3 par renvoi à l’article 80 alinéa 1 prévoit qu’en dépit de toute suspension du délai de prescription l’action publique est proscrite par sept ans et demi révolus à compter du jour où l’infraction a été commise.
- Audience devant la Cour suprême de cassation
L’article 356 du Code de procédure pénale prévoit que la cour examine le pourvoi en cassation en audience publique après citation des parties. La non-comparution d’un prévenu qui n’a pas été cité à comparaître car il n’a pas été trouvé à l’adresse indiquée ou a changé d’adresse sans en informer la cour n’entraîne pas l’ajournement de l’audience (alinéa 3).
GRIEFS
1. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint des mauvais traitements infligés au moment de son arrestation. Par ailleurs, invoquant en substance l’article 13 de la Convention, le requérant dénonce le caractère inefficace de l’enquête menée par les autorités internes.
2. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant allègue que l’administration pénitentiaire contrôle sa correspondance.
3. Par ailleurs, invoquant l’article 6 § 2, il se plaint de la publication parue dans la presse au sujet de la procédure pénale à son encontre.
4. Le requérant soutient que le refus du tribunal régional de Vratsa de lui délivrer des copies des procès–verbaux d’audience constitue une entrave à son droit de saisir la Cour, énoncé à l’article 34 de la Convention.
5. Invoquant l’article 5 §§ 1 c), 3 et 4, le requérant se plaint de l’irrégularité de la détention provisoire et du fait qu’il n’a pas été aussitôt traduit devant un juge. Par ailleurs, il allègue qu’il n’avait pas la possibilité de recourir contre la détention.
6. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, il se plaint de ce que ni lui ni son avocat n’aient été informés de la date de l’audience de la Cour suprême de cassation.
7. Enfin, le requérant se plaint de l’appréciation des preuves par les tribunaux, dénonce l’incompétence de l’avocat commis d’office aux fins de la procédure devant la cour d’appel et allègue qu’un témoin qui devait établir son innocence était rayé de la liste des témoins.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint des mauvais traitements qu’il aurait subis le 9 avril 1996 et dénonce le caractère inefficace de l’enquête menée par les autorités internes. Il invoque les articles 3 et 13 de la Convention, ainsi libellés :
Article 3
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Article 13
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
Par ailleurs, il se plaint du fait que ni lui, ni son avocat n’ont été informés de la date de l’audience de la Cour suprême de cassation. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. Concernant les autres griefs du requérant, compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.
Il s’ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen des griefs du requérant tirés des articles 3 et 13, ainsi que du grief tiré de l’article 6 § 1 relatif à l’absence de convocation à l’audience de la Cour suprême de cassation;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président