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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
22.5.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 3321/04
présentée par Jorge Hector DE LA FUENTE ARIZA
contre l’Espagne

La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 22 mai 2006 en une chambre composée de :

M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
M. V. Butkevych,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM R. Maruste,
J. Borrego Borrego,
Mme R. Jaeger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 15 janvier 2004,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Jorge Hector de La Fuente Ariza, est un ressortissant espagnol, né en 1961 et résidant à Madrid. Il est représenté devant la Cour par Me J.E. Moreno y Villena, avocat à Madrid.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant était le représentant de la société Metales Preciosos Madrileños S.A, spécialisée dans le commerce de gros de l’or.

Le 17 juillet 1995, à la suite d’une inspection fiscale, le ministère public porta plainte à l’encontre du requérant pour de présumés délits contre le Trésor public et faux en écriture, au motif que la déclaration de l’impôt sur le revenu de la société contenait plusieurs irrégularités. Plus particulièrement, l’agence fiscale avait relevé que les fournisseurs indiqués dans la partie « dépens » de la déclaration n’existaient pas réellement, aucune facture n’ayant pu être trouvée parmi les documents fournis par la société.

Une procédure pénale fut initiée à l’encontre du requérant, qui présenta des observations à plusieurs reprises et sollicita l’administration de divers moyens de preuve dont la déposition de témoins.

1. Procédure concernant la recevabilité des preuves

Par une décision du 7 avril 2000, le juge pénal no 27 de Madrid accepta une partie des preuves sollicitées, rejetant les autres en raison de leur manque de pertinence. En outre, le juge rejeta les demandes de témoignage concernant les individus ne disposant d’aucune adresse en Espagne, au motif que :

« (...) l’identité réelle de ces personnes n’a pas été vérifiée (...). En effet, l’assignation à comparaître de quelqu’un qui n’a pu être identifié est fort difficile (...). Cette demande de preuve vise uniquement à retarder le procès ».

Par ailleurs, le juge précisa que cette décision ne pouvait faire l’objet d’aucun recours.

Invoquant l’article 24 (droit à un procès équitable) de la Constitution, le requérant forma un recours d’amparo auprès du Tribunal constitutionnel et se plaignit notamment du refus du juge de faire droit à son offre de preuve par témoins. Par une décision du 24 juillet 2000, la haute juridiction rejeta le recours. Elle affirma :

« (...) il n’est pas possible de former directement un recours d’amparo contre des décisions interlocutoires dans le cadre d’une procédure pénale encore pendante. (...) En effet, il est nécessaire d’attendre la fin de la procédure, afin de respecter le caractère subsidiaire du recours d’amparo. (...) C’est uniquement à la lumière de l’ensemble de la procédure et de la décision finale qu’il sera possible d’évaluer si le refus [d’administrer certaines des preuves sollicitées] a empêché le requérant de pouvoir bénéficier d’un procès équitable ».

2. Procédure sur le fond

Le 13 décembre 2000, le juge pénal no 27 de Madrid rendit un jugement sur le fond et condamna le requérant à une peine de six mois et un jour de prison et au paiement d’une amende pour un délit contre le Trésor public. Le juge constata que les moyens de preuve obtenus étaient suffisants pour établir la culpabilité du requérant, qui n’avait pas démontré l’existence des fournisseurs figurant sur la déclaration de l’impôt sur le revenu de la société. S’agissant des témoins qui n’avaient pas été appelés à témoigner, le juge signala qu’il s’agissait de ressortissants hollandais identifiés de manière incomplète qui étaient partis sans laisser d’adresse. Dès lors, la recevabilité de ce moyen de preuve aurait provoqué des retards dans le déroulement de la procédure.

Le requérant fit appel. Il contesta, entre autres, l’irrecevabilité des demandes de témoignage des ressortissants étrangers. Par un arrêt du 20 juillet 2002, l’Audiencia Provincial de Madrid rejeta le recours et confirma le jugement attaqué. Elle précisa notamment que le juge a quo ne disposait pas d’indications suffisantes pour localiser les témoins sollicités et signala que le requérant n’avait point collaboré à leur identification.

Invoquant l’article 24 (droit à un procès équitable) de la Constitution, le requérant forma un recours d’amparo auprès du Tribunal constitutionnel en se plaignant particulièrement de l’irrecevabilité de sa demande d’offre de preuve par témoins. Par une décision du 30 juin 2003, notifiée le 15 juillet 2003, la haute juridiction rejeta le recours pour non-épuisement.

« En effet, le requérant n’a pas interjeté un recours de súplica contre la décision [du 7 avril 2000] qui avait rejeté certains des moyens de preuve qu’il avait sollicités. Ce recours étant disponible conformément au code de procédure pénale et raisonnablement exigible du requérant, le caractère subsidiaire du Tribunal constitutionnel n’a pas été respecté. »

B. Le droit interne pertinent

Code de procédure pénale

Article 236

« Les décisions des tribunaux pénaux peuvent être contestées par un recours de súplica auprès du même juge ayant rendu la décision. »

GRIEFS

Invoquant l’article 6 §§ 1, 2 et 3 de la Convention, le requérant se plaint du rejet de certains moyens de preuve qu’il avait proposés lors de la procédure auprès du juge pénal no 27 de Madrid. En particulier, il allègue que les dépositions des témoins étrangers étaient essentielles pour le déroulement de la procédure et estime que leur absence l’empêcha de prouver que les fournisseurs qui figuraient dans la partie « dépens » de la déclaration d’impôts de la société étaient de réelles entreprises. En conséquence, il n’avait pas bénéficié de tous les moyens de preuve nécessaires tendant à démontrer son innocence.

Le requérant estime aussi que le rejet de son recours d’amparo pour non-épuisement, au motif qu’il n’avait pas interjeté le recours de súplica prévu par la loi, constitue une exigence excessive vis-à-vis de son droit à un procès équitable, dans la mesure où la décision du 7 avril 2000 précisait qu’elle n’était susceptible d’aucun recours.

EN DROIT

Le requérant soulève plusieurs griefs tirés de l’article 6 de la Convention, dont les parties pertinentes disposent :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...)

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

(...) ».

a) Le requérant se plaint en premier lieu du rejet de sa demande d’entendre les témoins étrangers à décharge qu’il proposait.

A supposer même que le requérant ait épuisé les voies de recours internes sur ce point précis, la Cour rappelle que les exigences du paragraphe 3 de l’article 6 s’analysent en des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 (Van Geyseghem c. Belgique, arrêt du 21 janvier 1999, Recueil des arrêts et décisions 1999-I, p. 129, § 27). Il convient donc d’examiner les griefs du requérant sous l’angle du paragraphe 3 d) combiné avec les principes inhérents au paragraphe 1.

La Cour tient à souligner à cet égard que, si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière qui relève dès lors au premier chef du droit interne et des juridictions nationales (voir Schenk c. Suisse, arrêt du 12 juillet 1988, série A no 140, p. 29, §§ 45-46 et Vidal c. Belgique, arrêt du 22 avril 1992, série A no 235-B, § 33). Plus particulièrement, la tâche assignée à la Cour par la Convention ne consiste pas à se prononcer sur le point de savoir si des dépositions de témoins ont été à bon droit admises comme preuves, mais à rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (voir, parmi beaucoup d’autres, Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil 1997-III, § 50). En effet, « il revient en principe aux juridictions nationales d’apprécier les éléments rassemblés par elles et la pertinence de ceux dont les accusés souhaitent la production (...). L’article 6 § 3 d) leur laisse, toujours en principe, le soin de juger de l’utilité d’une offre de preuve par témoins » (voir arrêt Vidal c. Belgique, précité).

En l’espèce, le refus des juridictions d’admettre la preuve par témoins sollicitée est fondé sur l’impossibilité d’établir l’identité réelle des témoins et, en conséquence, de les assigner à comparaître. En effet, dans sa décision du 7 avril 2000, le juge pénal de Madrid constata que l’identité réelle des personnes n’avait pas été vérifiée et qu’une telle demande visait en fait uniquement à retarder le procès. Dans le cadre de la procédure au fond, le juge pénal no 27 de Madrid releva qu’il s’agissait de ressortissants hollandais , identifiés de manière incomplète, et que dès lors la recevabilité de ce moyen de preuve aurait provoqué des retards dans le déroulement de la procédure. Enfin, l’Audiencia Provincial de Madrid, dans son arrêt du 20 juillet 2002, précisa que la juge a quo ne disposait pas d’indications suffisantes pour localiser les témoins sollicités et le requérant n’avait pas collaboré à l’identification des témoins en question.

La motivation retenue par les juridictions internes pour écarter l’offre de preuve sollicitée n’apparaît pas arbitraire et s’avère suffisante. Par ailleurs, la Cour relève que, dans sa décision du 13 décembre 2000, le juge no 27 a estimé que les moyens de preuve obtenus étaient suffisants pour établir la culpabilité du requérant.

Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, conformément à l’article 35 § 3 de la Convention.

b) Le requérant estime également que le rejet de son recours d’amparo pour non-épuisement serait contraire à son droit à bénéficier d’un procès équitable.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen du grief du requérant portant sur le rejet de son recours d’amparo pour non-épuisement ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président