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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.5.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 9718/03
présentée par Georgel et Georgeta STOICESCU
contre la Roumanie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 11 mai 2006 en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
L. Caflisch,
C. Bîrsan,
Mme A. Gyulumyan,
MM. E. Myjer,
David Thór Björgvinsson, juges,

et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 10 janvier 2001,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants sont des ressortissant roumains mariés, nés respectivement en 1926 et 1929 et résidant à Bucarest.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Les requérants sont retraités. Mensuellement, leurs pensions de retraite s’élèvent à près de 80 euros.

Le 24 octobre 2000, alors âgée de 69 ans, la requérante fut attaquée, mordue et mise à terre par une meute d’environ sept chiens errants dans le quartier Pajura de Bucarest. La chute entraîna un choc crânien et une fracture au col huméral gauche qui nécessita son hospitalisation à l’hôpital CFR de Bucarest. A la suite de cet incident, la requérante resta avec des séquelles, à savoir, des amnésies aléatoires et des douleurs à l’épaule. Elle suit depuis cette date des traitements médicaux coûteux. Compte tenu du faible montant de leurs pensions de retraite, le traitement médical suivi greva la majeure partie des revenus des requérants, de sorte qu’ils se trouvèrent à la limite de la subsistance. En 2003, la requérante pesait 37 kg pour une taille de 1,60 m, tandis que le requérant pesait 41 kg pour une taille de 1,70 m.

En 2003, la requérante fut déclarée handicapée par une commission médicale et se vit accorder une aide financière pour alléger le coût des traitements médicaux qu’elle suit depuis l’incident du 24 octobre 2000.

1. Action en dommages et intérêts à l’encontre de la mairie de Bucarest

Le 10 janvier 2001, la requérante introduisit une action devant le tribunal de première instance du 1er arrondissement de Bucarest afin d’obtenir la condamnation de la mairie de Bucarest à lui payer des dommages et intérêts d’un montant de 100 millions lei roumains (4 000 euros). Se fondant sur l’inscription figurant sur le tampon utilisé par la mairie de Bucarest en janvier 2002, selon laquelle l’Administration pour la surveillance des animaux (ASA) était un service de cette mairie, la requérante mit en cause la mairie dans l’attaque qu’elle avait subie et fit valoir qu’à la suite de cet incident, elle était devenue handicapée.

Avant l’audience, le tribunal demanda à la requérante de s’acquitter de la taxe judiciaire exigée par la loi, qui s’élevait, compte tenu du montant des dommages demandés, à 6 145 000 lei (250 EUR). Se trouvant dans l’impossibilité de payer une telle somme représentant le revenu de son foyer pendant quatre mois, la requérante paya seulement 500 000 lei (20 EUR), qu’elle emprunta auprès de connaissances.

Par un jugement du 6 mars 2001, le tribunal constata que la requérante n’avait acquitté que 500 000 lei, alors que la taxe judiciaire était de 6 145 000 lei (245 EUR) et par conséquent, annula son action pour défaut de paiement total de la taxe judiciaire.

Par une décision du 19 juin 2001, le tribunal départemental de Bucarest accueillit l’appel de la requérante. Il jugea que le tribunal de première instance aurait dû procéder au jugement de l’affaire dans les limites de la taxe judiciaire payée. Il constata en outre qu’en tout état de cause, l’action en question était exemptée du paiement de la taxe judiciaire, la requérante ayant seulement “l’obligation de payer une caution de 5 % du montant des dommages et intérêts” demandés. Sur le fond, le tribunal jugea que l’ASA, institution publique placée sous l’autorité de la mairie de Bucarest, n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour éviter la mise en péril de la vie, de la santé et de l’intégrité corporelle de la population, en violation des dispositions de la décision no 38/1996 du conseil municipal de Bucarest. En effet, l’ASA était obligée de capturer, surveiller et stériliser les chiens errants afin d’éviter de mettre en péril la vie, la santé et l’intégrité corporelle de la population. Il constata une atteinte à l’intégrité morale et physique de la requérante, compte tenu des souffrances physiques et psychiques qu’elle avait connues du fait des morsures des chiens et de la fracture. De plus, il jugea que l’agression avait privé la requérante des agréments d’une vie normale, puisqu’il lui avait causé un traumatisme tel qu’elle n’osait plus sortir de chez elle, par crainte d’une nouvelle attaque.

Dès lors, le tribunal fit droit à la demande de la requérante, mais uniquement dans les limites de la caution acquittée de 500 000 lei et obligea la mairie de Bucarest à lui payer des dommages et intérêts d’un montant de 10 millions de lei (400 EUR), à savoir 10% du montant des dommages et intérêts demandés par la requérante.

La mairie de Bucarest interjeta un recours contre cette décision, faisant valoir qu’elle n’avait pas la qualité d’ester en justice en tant que défendeur en l’espèce, puisque l’ASA était placée sous l’autorité du conseil municipal, et non de la mairie de Bucarest.

Par un arrêt définitif du 17 décembre 2001, la cour d’appel de Bucarest accueillit ce recours et rejeta l’action de la requérante pour défaut de qualité d’ester en justice de la mairie. La cour constata que l’ASA avait était créée par la décision no 38/1996 du conseil municipal de Bucarest, lequel seul pouvait ester en justice en tant que défendeur dans l’action introduite par la requérante.

2. Action en dommages et intérêts à l’encontre de l’ASA et du conseil municipal de Bucarest

Le 28 juin 2002, la requérante introduisit une action devant le tribunal de première instance du 1er arrondissement de Bucarest afin d’obtenir la condamnation de la mairie de Bucarest à lui payer des dommages et intérêts de 50 millions lei roumains.

Son action fut rejetée par un jugement du 3 décembre 2002 pour défaut de qualité d’ester en justice de la partie défenderesse. Le tribunal constata que le 31 octobre 2001, le conseil municipal de Bucarest avait adopté une décision no 287 supprimant l’ASA et transférant la gestion des chiens errants aux conseils locaux des six arrondissements de Bucarest.

Par un arrêt définitif du 13 mars 2003 rendu sur un recours introduit par la requérante, le tribunal départemental de Bucarest confirma le jugement rendu en première instance.

B. Le droit interne pertinent

L’article 5 de la loi no 215 du /2001 prévoit :

« Les autorités de l’administration publique locale par l’intermédiaire desquelles est accomplie l’autonomie locale dans les communes et les villes sont : les conseils locaux - communaux ou de la ville -, en tant qu’autorités de délibération, et les mairies, en tant qu’autorités exécutives. »

L’article 1er de la décision no 38 du 2 janvier 1996 du conseil municipal de Bucarest sur l’élevage, l’entretien et la circulation des animaux dans la ville de Bucarest se lit ainsi :

« A partir de la date de la présente décision, le service municipal d’équarrissage change sa dénomination en Administration pour la surveillance des animaux, institution publique sous l’autorité du conseil municipal de Bucarest, dont le nombre d’employés est porté de 33 à 50 personnes. »

L’annexe no 1, chapitre 1, de la décision no 75 du 16 mai 1996 du conseil municipal de Bucarest sur l’élevage, l’entretien et la circulation des animaux dans la ville de Bucarest est ainsi rédigée, dans sa partie pertinente :

« a) Le prestataire de services appelé l’Administration pour la surveillance des animaux (ASA) a l’obligation de capturer les chiens errants sur la base des réclamations écrites envoyés par des personnes physiques ou morales.

(...)

c) Les animaux capturés seront stérilisés, vaccinés, déparasités, identifiés sur la base d’un enregistrement dans un registre unique, à l’exception de ceux qui seront soumis à euthanasie.

d) Le retour de ces chiens dans le territoire se fera à la demande des communautés sociales (personnes physiques et morales) ; ils auront le statut, protégé par la loi, de chiens communautaires (câine comunitar).

e) La responsabilité pour les chiens communautaires sera assumée par les communautés sociales qui ont demandé leur retour dans le territoire.

(...) »

L’article 2 de la décision no 82 du 19 avril 2001 du conseil général de Bucarest concernant le programme de stérilisation des chiens errants dans la ville de Bucarest dispose :

« Compte tenu de ce que l’Administration pour la surveillance des animaux (ASA) est placée sous l’autorité du conseil général de Bucarest, à partir de la présente décision l’analyse, la surveillance et le contrôle du respect du Programme de stérilisation des chiens errants dans la ville de Bucarest est confié à la commission mise en place dans ce but par la décision no 149/2000 (...) »

L’article 1er de la décision no 287 du 31 octobre 2001 du conseil municipal de Bucarest sur l’amélioration de l’activité de l’ASA est ainsi rédigé :

« A partir du 15 novembre 2001, l’Administration pour la surveillance des animaux cessera son activité.

A compter de cette date, les attributions d’organisation, de contrôle et de surveillance des animaux seront exercées par les conseils des arrondissements 1 à 6 de Bucarest, chacun dans son territoire d’autorité. »

L’article 1er de la décision no 105 du 10 avril 2003 du conseil municipal de Bucarest sur le fonctionnement de l’ASA, placée sous l’autorité du conseil municipal de Bucarest, se lit ainsi :

« A partir du 15 avril 2003, l’Administration pour la surveillance des animaux, en tant que personne morale ayant le même objet d’activité, sera placée sous l’autorité du conseil municipal de Bucarest. »

GRIEFS

1. Invoquant en substance les articles 3 et 8 de la Convention, les requérants se plaignent que l’agression subie par la requérante constitue une atteinte à leurs droits à l’intégrité physique et morale et à leur droit au respect de leur vie privée, et est due à l’absence des mesures de la part des autorités pour maîtriser les meutes de chiens errants qui circulent librement dans les rues de Bucarest et assurer la sécurité des citoyens.

2. Invoquant en substance l’article 6 de la Convention, les requérants se plaignent de ne pas avoir bénéficié d’un accès concret et effectif aux tribunaux internes en vue de voir trancher leur action en dommages et intérêts contre les autorités locales. Ils estiment que la taxe judiciaire réclamée en vue de l’examen de leur litige par les tribunaux représente, de par son montant, un obstacle à leur droit d’accès à un tribunal.

EN DROIT

Les requérants se plaignent d’avoir été privés du droit à un tribunal, d’une atteinte à leurs droits prévus par l’article 8 de la Convention. Ils estiment en outre que l’agression subie par la requérante constitue un traitement inhumain et dégradant et allèguent en substance une violation des articles 3, 8 et 6 de la Convention.

Pour autant que la requête porte sur les griefs formulés par le requérant, à supposer qu’il puisse être considéré comme victime des violations alléguées de la Convention, la Cour constate que la requérante a seule saisi les juridictions internes, de sorte que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes disponibles en droit roumain.

Il s’ensuit que les griefs soulevés par le requérant doivent rejetés en application de l’article 35 § 4.

En ce qui concerne les griefs soulevés par la requérante, en l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs et juge nécessaire de les communiquer au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 3 b) de son règlement.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs de la requérante ;

Déclare la requête irrecevable pour autant qu’elle a été introduite par le requérant.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président