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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.5.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 37445/02
présentée par Mario VIGANÒ et la société R.V. S.r.l.
contre l’Italie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 11 mai 2006 en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. David Thór Björgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 9 octobre 2002,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Mario Viganó, est un ressortissant italien, né en 1942 et résidant à Milan. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Ivo Maria Braguglia, et par son coagent adjoint, M. Nicola Lettieri.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Par un jugement déposé le 13 janvier 1994, le tribunal de Milan déclara la faillite de la société R. V. S.r.l., dont le requérant était administrateur unique.

Entre le 1er février 1994 et le 7 avril 1995, cent cinquante-sept demandes d’admission à l’état du passif de la faillite furent déposées devant le tribunal.

Le 9 juin 1995, l’état du passif de la faillite fut déclaré exécutoire.

Par une décision du 12 novembre 1996, le commissaire de police (questore) de Milan retira le passeport du requérant et invalida sa carte d’identité valable pour l’étranger.

A une date non précisée, le requérant demanda la suspension de cette décision devant le tribunal administratif régional de la Lombardie et, à une date non précisée, le tribunal rejeta cette demande.

Le requérant ayant omis d’introduire une demande de fixation de l’audience de plaidoiries dans les deux ans après le rejet de sa demande, ce recours échut.

Le 5 décembre 1997, le ministère public près le tribunal de Milan demanda au juge pour les investigations préliminaires de renvoyer le requérant en jugement pour banqueroute frauduleuse.

Le 14 janvier 2003, le requérant demanda au juge délégué la restitution de son passeport et, le 20 février 2003, le juge fit droit à cette demande.

Par un jugement déposé le 30 mai 2002, le tribunal condamna le requérant au payement d’une somme d’argent en faveur de la faillite en raison de ce que celui-ci avait illégalement prélevé environ deux milliards et trois cent millions de lires italiennes (ITL) du compte courant de la société ayant fait faillite.

Le 1er juillet 2004, un autre juge fut nommé.

Selon les informations fournies par le Gouvernement, la procédure était pendante au 14 mars 2005.

B. Le droit interne pertinent

Le droit interne pertinent est décrit dans les arrêts Campagnano c. Italie (no 77955/01, §§ 19-22, 23 mars 2006), Albanese c. Italie (no 77924/01, §§ 23-26, 23 mars 2006) et Vitiello c. Italie (no 77962/01, §§ 17-20, 23 mars 2006).

Les articles pertinents du code civil sont ainsi libellés :

Article 2448

« La société par action se dissout (...) suite à la déclaration de faillite. »

Article 2449

« Une fois la société par action dissoute, les administrateur ne peuvent plus entreprendre des nouvelles opérations (...)

Dans un délai de trente jours, ils doivent convoquer l’assemblée pour les décisions relatives à la liquidation. Les administrateurs sont responsables de la conservation des biens de la société jusqu’au moment où lesdits biens sont remis aux liquidateurs. (...) »

Article 2472

« Dans une société à responsabilité limitée, seule la société avec son patrimoine répond des obligations sociales. »

Article 2497

« Quant à la dissolution et à la liquidation de la société à responsabilité limitée, les articles 2448 à 2457 du code civil trouvent application (...) »

GRIEFS

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure dont la société R.V. S.r.l. a fait l’objet.

Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, il se plaint de la violation de son droit au respect de ses biens et de ceux de la société R.V. S.r.l., notamment en raison de la durée de la procédure.

Invoquant l’article 2 du Protocole no 4, le requérant se plaint enfin de la violation de sa liberté de circulation en raison de ce que, par une décision du 12 novembre 1996, le commissaire de police de Milan lui a retiré son passeport et a invalidé sa carte d’identité.

EN DROIT

Le requérant se plaint de la durée de la procédure dont la société R.V. S.r.l. a fait l’objet. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Il se plaint de la violation du droit au respect de ses biens et de ceux de la société R.V. S.r.l., notamment en raison de la durée de la procédure. Il invoque l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

Le requérant se plaint enfin de la violation de sa liberté de circulation. Il invoque l’article 2 du Protocole no 4, ainsi libellé :

« 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.

3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

4. Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire l’objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par l’intérêt public dans une société démocratique. »

Le Gouvernement soutient d’emblée que le requérant a introduit cette requête en son nom et pour le compte de la société R.V. S.r.l. N’ayant pas été nommé liquidateur de cette société après sa mise en faillite, le requérant n’a pas le pouvoir de la représenter devant la Cour.

Le requérant s’oppose à cette thèse.

La Cour relève que, dans les trente jours suivant la déclaration de faillite, les administrateurs doivent convoquer l’assemblée pour les décisions relatives à la liquidation de la société (articles 2448 et 2449 du code civil). De plus, suite à la nomination du liquidateur de la société, l’administrateur, qui ne représente plus la société faillie, cesse d’exister sur le plan juridique et le liquidateur dévient le représentant légal de cette dernière (voir arrêt de la Cour de cassation no 85/2878).

Le requérant n’ayant pas été nommé liquidateur de la société R.V. S.r.l., il n’a pas le pouvoir de représenter celle-ci devant la Cour. Dès lors, la partie de la requête introduite pour le compte de la société R.V. S.r.l., à savoir le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention et la partie pertinente du grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1, doit être déclarée irrecevable en tant qu’incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Quant au grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1, dans la partie concernant les biens du requérant, le Gouvernement observe que, le requérant étant administrateur d’une société de capitaux, il n’a pas répondu avec son patrimoine des dettes de la société R.V. S.r.l.

Le requérant affirme que, en tant qu’administrateur de la société en question, il a été privé de ses biens.

La Cour constate que l’entité dont le requérant était administrateur était une société à responsabilité limitée et que, en tant que telle, celle-ci a répondu des obligations sociales uniquement avec son propre patrimoine (article 2472 du code civil). Cette partie de la requête doit donc être rejetée pour défaut manifeste de fondement selon l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Enfin, quant au grief tiré de l’article 2 du Protocole no 4, le Gouvernement relève qu’à une date non précisée, le requérant a demandé la suspension de la décision du commissaire de police de Milan de retirer son passeport et d’invalider sa carte d’identité et que le tribunal a rejeté cette demande. Le requérant ayant omis d’introduire une demande de fixation de l’audience de plaidoiries dans les deux ans après le rejet de sa demande, ce recours a déchu.

Le requérant souligne le fait qu’il a été privé de son passeport et que sa carte d’identité a été invalidée.

La Cour considère que, le requérant ayant omis d’épuiser les voies de recours qui lui étaient ouvertes en droit interne, cette partie de la requête doit être rejetée selon l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention. Par ailleurs, la Cour note que, par une décision du 20 février 2003, le juge délégué a restitué au requérant son passeport.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président