Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.5.2006
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

TROISIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 21229/02
présentée par Gabriele BRANCATELLI et la société I.C.B.
contre l’Italie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 11 mai 2006 en une chambre composée de :

MM. B.M. Zupančič, président,
L. Caflisch,
C. Bîrsan,
V. Zagrebelsky,
E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
Mme I. Ziemele, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 31 juillet 2001,

Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Gabriele Brancatelli, est un ressortissant italien, né en 1944 et résidant à San Benedetto Del Tronto (Ascoli Piceno). Il est représenté devant la Cour par Me Marco Sermarini, avocat à San Benedetto del Tronto. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Ivo Maria Braguglia, et par son coagent adjoint, M. Nicola Lettieri.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Par un jugement du 9 juillet 1985, le tribunal de Ascoli Piceno déclara la faillite de la société I.C.B. S.a.s. (société en commandite simple) ainsi que la faillite personnelle du requérant, administrateur et associé commanditaire de celle-ci.

Une audience fut fixée au 11 octobre 1985 pour la vérification de l’état du passif de la faillite.

Le 22 janvier 1988, le juge délégué (« le juge ») déclara l’état du passif de la faillite exécutoire.

Le 5 juillet 1988, le syndic déposa un rapport devant le tribunal.

Le 6 octobre 1988, le comité des créanciers fut constitué.

Le 12 juillet 1997, le juge demanda au syndic de fournir des informations quant à l’état de la procédure et aux raisons pour lesquelles celle-ci n’avait pas encore était close.

Le 30 septembre 1997, le syndic répondit que la procédure était encore pendante parce qu’il était difficile de vendre certaines actions faisant partie de l’actif de la faillite.

Le 26 janvier 2000, le juge demanda au syndic de fournir des informations quant à l’état de la procédure.

Le 13 mars 2000, le syndic déposa un rapport devant le tribunal.

Par une décision du 5 février 2004, le juge termina la procédure pour répartition finale de l’actif de la faillite.

B. Le droit interne pertinent

Le droit interne pertinent est décrit dans les arrêts Campagnano c. Italie (no 77955/01, §§ 19-22, 23 mars 2006), Albanese c. Italie (no 77924/01, §§ 23-26, 23 mars 2006) et Vitiello c. Italie (no 77962/01, §§ 17-20, 23 mars 2006).

Les articles 26 et 36 de la loi sur la faillite (décret royal no 267 du 16 mars 1942) sont ainsi libellés :

Article 26

« Les décisions du juge délégué peuvent faire l’objet d’un recours (...) devant le tribunal, dans un délai de trois jours de la date de leur adoption, de la part du syndic, du failli, du comité des créanciers et de toute autre personne intéressée.

Le tribunal décide en chambre de conseil par acte motivé.

Ce recours n’a pas d’effet suspensif. »

Article 36

« Les actes d’administration du syndic peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge délégué de la part du failli et de toute autre personne intéressée ; le juge statue par décision motivée.

Contre cette décision, il est possible d’introduire un recours, dans les trois jours, devant le tribunal. Ce dernier statue par acte motivé après avoir entendu le syndic et le demandeur. »

Les articles pertinents du code civil sont ainsi libellés :

Article 2308

« La société se dissout (...) suite à la déclaration de faillite. »

Article 2274

« Une fois la société dissoute, les associés administrateurs gardent leur pouvoir d’administrer la société (...) jusqu’au moment où les mesures nécessaires pour la liquidation de la société sont prises (...). »

Article 2275

« (...) Un ou plusieurs liquidateurs, nommés par les associés ou, en cas de désaccord, par le président du tribunal, liquident la société (...). »

Article 2278

« (...) Les liquidateurs représentent la société, même devant les autorités judiciaires. »

GRIEFS

1. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint de la violation de son droit au respect de sa correspondance et de sa vie familiale en raison de ce que la correspondance du failli est soumise au contrôle du syndic. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, il se plaint que la déclaration de faillite l’a privé de ses biens, notamment en raison de la durée de la procédure. Invoquant l’article 2 du Protocole no 4, il dénonce la limitation de sa liberté de circulation, notamment en raison de la durée de la procédure.

2. Invoquant l’article 3 du Protocole no 1, le requérant se plaint de la limitation de son droit de vote.

3. Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas disposer d’un recours effectif pour se plaindre des incapacités patrimoniales et personnelles le touchant suite à sa mise en faillite.

EN DROIT

1. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint de la violation de son droit au respect de sa correspondance et de sa vie familiale en raison de ce que la correspondance du failli est soumise au contrôle du syndic. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, il se plaint que la déclaration de faillite l’a privé de ses biens, notamment en raison de la durée de la procédure. Invoquant l’article 2 du Protocole no 4, il dénonce la limitation de sa liberté de circulation, notamment en raison de la durée de la procédure. Ces articles sont ainsi libellés :

Article 8 de la Convention

« 1. Toute personne a droit au respect de sa (...) correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Article 1 du Protocole no 1

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

Article 2 du Protocole no 4

« 1. Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.

2. Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.

3. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Le Gouvernement observe d’emblée que la requête a été présentée par le requérant en son nom et pour le compte de la société dont il était associé commanditaire. La société ayant été mise en liquidation et le requérant n’ayant pas été nommé liquidateur, le Gouvernement soutient que la partie de la requête présentée par le requérant pour le compte de la société devrait être rejetée en tant que manifestement mal fondée.

Quant au restant de ces griefs, le Gouvernement soutient que le requérant aurait pu se plaindre des incapacités prolongées dérivant de sa mise en faillite devant la cour d’appel compétente conformément à la loi Pinto. Il se réfère, entre autres, à l’arrêt de la Cour de cassation no 362 de 2003.

Le requérant observe que la loi Pinto ne constitue pas un moyen de recours efficace pour se plaindre de la durée des incapacités personnelles dérivant de la mise en faillite.

Le requérant soutient aussi que les observations du Gouvernement ont été présentées tardivement contrairement à l’article 38 du règlement de la Cour.

La Cour relève avoir initialement fixé au 17 février 2005 le délai pour la présentation des observations du Gouvernement et que, à la demande de celui-ci de proroger ce délai d’un mois, les observations ont été présentées le 14 mars 2005.

Quant à la partie de la requête présentée pour le compte de la société I.C.B., à l’instar du Gouvernement, la Cour note que, en cas de dissolution de la société, les administrateurs représentent celle-ci jusqu’au moment où un ou plusieurs liquidateurs sont nommés (articles 2274, 2275 et 2278 du code civil). Le requérant n’ayant pas été nommé liquidateur de la société I.C.B., il n’a pas le pouvoir de représenter cette dernière devant la Cour. Cette partie de la requête doit donc être rejetée en tant qu’incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention selon l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Quant au restant de ces griefs, pour ce qui du droit au respect de la vie familiale, la Cour observe que, ce grief n’ayant pas été étayé, il doit être rejeté en tant que manifestement mal fondé selon l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Pour ce qui est des griefs tirés des article 8 de la Convention (quant au droit du requérant au respect de sa correspondance), 1 du Protocole no 1 et 2 du Protocole no 4, la Cour relève que, dans son arrêt no 362 de 2003, déposé le 14 janvier 2003, la Cour de cassation a pour la première fois reconnu que le dédommagement moral relatif à la durée des procédures de faillite doit tenir compte, entre autres, de la prolongation des incapacités dérivant du statut de failli.

La Cour rappelle avoir retenu que, à partir du 14 juillet 2003, l’arrêt no 362 de 2003 ne peut plus être ignoré du public et que c’est à compter de cette date qu’il doit être exigé des requérants qu’ils usent de ce recours aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention (Sgattoni c. Italie, no 77132/01, § 48, 6 octobre 2005).

Le requérant n’ayant pas introduit un recours conformément à la loi Pinto, la Cour estime que cette partie de la requête est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes et doit être rejetée conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

2. Invoquant l’article 3 du Protocole no 1, le requérant se plaint en outre de la limitation de son droit de vote. Cet article est ainsi libellé :

« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »

La Cour note que la perte du droit de vote suite à la mise en faillite ne peut pas excéder cinq ans à partir de la date du jugement déclarant la faillite. Or, ce jugement datant du 9 juillet 1985, le requérant aurait dû introduire son grief au plus tard le 9 janvier 1991. La requête ayant été introduite le 31 juillet 2001, la Cour considère que ce grief est tardif et qu’il doit être rejeté conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

3. Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, le requérant se plaint de ne pas disposer d’un recours effectif pour se plaindre des incapacités patrimoniales et personnelles le touchant suite à sa mise en faillite. Ces articles sont ainsi libellés :

Article 6

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

Le requérant fait valoir qu’il n’y a pas, en droit interne, un remède pour se plaindre du prolongement des incapacités dérivant de la mise en faillite.

Le Gouvernement soutient que le requérant aurait pu se prévaloir des remèdes prévus aux articles 26 et 36 de la loi sur la faillite.

La Cour rappelle d’emblée avoir déjà déclaré la violation de l’article 13 de la Convention en raison du manque d’un recours effectif pour se plaindre de la limitation prolongée du droit au respect de la correspondance du failli (Bottaro c. Italie, no 56298/00, §§ 41-46, 17 juillet 2003). La Cour estime donc que le grief soulevé par le requérant doit être examiné uniquement sous l’angle de l’article 13 de la Convention.

Elle observe ensuite que l’article 26 de la loi sur la faillite prévoit certes la possibilité pour le requérant d’introduire un recours devant le tribunal. Toutefois, ce recours n’a pour objet que les décisions du juge délégué et ne peut pas, de ce fait, constituer un remède efficace contre la restriction prolongée du droit au respect de la correspondance, des biens et de la liberté de circulation du requérant, conséquence directe du jugement déclarant la faillite et non pas d’une décision du juge délégué.

En outre, la Cour relève que l’article 36 de la loi sur la faillite prévoit la possibilité de saisir le juge délégué pour se plaindre des actes d’administration du syndic. Toutefois, la Cour observe que ce recours concerne les activités d’administration du patrimoine du failli accomplies par le syndic jusqu’à la vente des biens et la satisfaction des créanciers. Il ne peut donc en aucun cas être de nature à porter remède au prolongement des incapacités dont le requérant a fait l’objet (Bottaro, précité, § 45).

De toute manière, la Cour rappelle avoir conclu à l’irrecevabilité de griefs tirés des articles 8 de la Convention, 1 du Protocole no 1 et 2 du Protocole no 4. Partant, elle estime que, ne s’agissant pas de griefs « défendables » au regard de la Convention, cette partie de la requête doit être rejetée en tant que manifestement mal fondée selon l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président