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Rozhodnutí
TROISIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 11760/05
présentée par Carmela SALAMONE
contre l’Italie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 11 mai 2006 en une chambre composée de :
MM. B.M. Zupančič, président,
J. Hedigan,
L. Caflisch,
V. Zagrebelsky,
Mme A. Gyulumyan,
M. E. Myjer,
Mme I. Ziemele
et de M. V. Berger, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 25 mars 2005,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante, Mme Carmela Salamone, est une ressortissante italienne, née en 1924 et résidant à Palerme. Elle est représentée devant la Cour par Me T. Raimondo, avocat à Palerme.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
La requérante était propriétaire d’un terrain de 40 500 mètres carrés sis à Agrigente et enregistré au cadastre, feuilles 113, 119 et 120, parcelles 1, 4, 20 et 63.
Par un arrêté du 5 février 1982, le ministère des Travaux publics approuva le projet de construction d’une route sur ce terrain.
Par un arrêté du 29 mars 1982, le préfet d’Agrigente autorisa la société B., chargée par l’Entreprise nationale des ponts et chaussées (« ANAS ») d’effectuer les travaux de construction de la route, à occuper d’urgence le terrain de la requérante en vue de son expropriation.²
Le 26 avril 1982, la société B. procéda à l’occupation matérielle du terrain et entama les travaux de construction.
Par un acte d’assignation notifié le 9 mai 1987, la requérante introduisit devant le tribunal de Palerme une action en dommages-intérêts à l’encontre de la société B. et de l’ANAS. Elle fit valoir que l’occupation du terrain était illégale, étant donné que celle-ci s’était poursuivie au-delà de la période autorisée, sans qu’il fût procédé à l’expropriation formelle et au paiement d’une indemnité. A la lumière de ces considérations, elle demanda notamment un dédommagement égal à la valeur marchande du terrain, assorti d’intérêts et réévaluation.
Au cours du procès, une expertise fut déposée au greffe. L’expert déclara que le terrain était constructible et que la partie de celui-ci occupée par la société B. avait une surface globale de 23 780 mètres carrés. En outre, il évalua à 702 800 000 ITL la valeur marchande en 1989 de cette dernière partie du terrain.
Par un jugement déposé au greffe le 6 juillet 1994, le tribunal de Palerme déclara que l’occupation du terrain était devenue illégale à compter du 25 avril 1990 et qu’à compter de cette date la propriété du terrain avait été transférée à l’administration en vertu du principe de l’expropriation indirecte. A la lumière de ces considérations, le tribunal condamna la société B. à verser à la requérante la somme de 726 580 000 ITL, égale à la valeur marchande du terrain en 1990, plus intérêts et réévaluation. Quant à l’ANAS, le tribunal rejeta la demande de la requérante à l’encontre de celle-ci pour défaut de légitimation passive.
Par un acte notifié le 19 septembre 1994, la requérante interjeta appel de ce jugement devant la cour d’appel de Palerme, contestant notamment le rejet de sa demande à l’encontre de l’ANAS.
La société B. et l’ANAS se constituèrent dans la procédure, contestant notamment le montant du dédommagement reconnu à la requérante par le tribunal.
Au cours du procès devant la cour d’appel, une expertise fut déposée au greffe. L’expert déclara que le terrain avait nature agricole et évalua à 42 804 000 ITL sa valeur vénale en 1989.
Par un arrêt déposé au greffe le 18 janvier 2001, la cour d’appel de Palerme reconnut la légitimation passive de l’ANAS et confirma la nature agricole du terrain. En outre, la cour d’appel déclara que l’occupation du terrain était devenue illégale à compter du 5 février 1989 et qu’à compter de cette date la propriété du terrain avait été transférée à l’administration en vertu du principe de l’expropriation indirecte. A la lumière de ces considérations, la cour d’appel condamna l’ANAS et la société B. à verser à la requérante un dédommagement égal à la valeur marchande du terrain en 1989 réévaluée au jour du prononcé, à savoir 66 962 577 ITL, plus intérêts. En outre, la cour d’appel condamna l’ANAS et la société B. à verser à la requérante la somme de 14 068 125 ITL, plus intérêts, à titre d’indemnité d’occupation.
Par un recours du 13 juin 2001, la requérante se pourvut en cassation, faisant notamment valoir que la partie du terrain occupée avait une surface supérieure à celle retenue par les juridictions internes et contestant en tout état de cause le montant du dédommagement reconnu par la cour d’appel.
Par un arrêt déposé au greffe le 30 septembre 2004, la Cour de cassation débouta la requérante de son pourvoi.
GRIEFS
1. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, la requérante se plaint d’avoir été privée de son terrain de manière incompatible avec son droit au respect de ses biens.
2. Invoquant les articles 1 du Protocole no 1 et 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la réduction du montant du dédommagement en raison de l’application à sa cause de l’article 5 bis de la loi no 359 de 1992, entrée en vigueur au cours de la procédure devant les juridictions nationales.
3. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de la durée de la procédure devant l’ensemble des juridictions nationales.
EN DROIT
1. La requérante se plaint de la perte de son terrain en application du principe de l’expropriation indirecte. Elle invoque l’article 1 du Protocole no 1, qui se lit ainsi :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur pour observations écrites conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
2. La requérante se plaint de la réduction du montant du dédommagement en raison de l’application à sa cause de l’article 5 bis de la loi no 359 de 1992. Elle invoque d’abord l’article 1 du Protocole no 1.
En outre, elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, qui, dans ses parties pertinentes, se lit ainsi :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ( ...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
La Cour constate que la cour d’appel de Palerme, dans son jugement déposé au greffe le 18 janvier 2001, déclara que le terrain avait une nature agricole et reconnut à la requérante un dédommagement égal à la valeur marchande de celui-ci au moment du transfert de la propriété. La Cour de cassation confirma cet arrêt. Il s’ensuit que les critères de calcul du dédommagement prévus par l’article 5 bis de la loi no 359 de 1992, en ce qui concerne les terrains constructibles, n’ont pas été appliqués en l’espèce.
Au vu de ce qui précède, la Cour estime que rien dans le dossier ne permet de déceler une apparence de violation des dispositions invoquées de la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, conformément à l’article 35 § 3 de la Convention.
3. La requérante se plaint de la durée de la procédure devant les juridictions nationales. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention qui, en ses parties pertinentes, dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)»
La Cour doit d’abord déterminer si la requérante a épuisé, conformément à l’article 35 § 1 de la Convention, les voies de recours qui lui étaient ouvertes en droit italien.
La Cour note que, selon la loi no 89 du 24 mars 2001 (« la loi Pinto »), les personnes ayant subi un dommage patrimonial ou non patrimonial peuvent saisir la cour d’appel compétente afin de faire constater la violation de la Convention quant au respect du délai raisonnable de l’article 6 § 1, et demander l’octroi d’une somme à titre de satisfaction équitable.
La Cour rappelle avoir déjà constaté dans plusieurs décisions sur la recevabilité (voir, parmi d’autres, Brusco c. Italie, no 69789/01, 6 septembre 2001, CEDH 2001-IX, et Giacometti c. Italie, no 34969/97, 8 novembre 2001, CEDH 2001-XII) que le remède introduit par la loi Pinto est un recours que les requérants doivent tenter avant que la Cour ne se prononce sur la recevabilité de la requête, et ceci quelle que soit la date d’introduction de la requête devant la Cour. En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que la requérante ait fait usage de cette voie de recours.
Ne décelant aucune circonstance de nature à décider différemment dans le cas d’espèce, la Cour considère que cette partie de la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief de la requérante tiré de l’article 1 du Protocole no 1 ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Vincent Berger Boštjan M. Zupančič
Greffier Président